Délicieuse, mortelle, adorable, fière, intelligente.
Elle adore la danse, et aime bien voler ceux qui l’embauchent. Elle déteste l'injustice, sauf si elle émane d'elle, presque autant qu'être à la merci de qui que ce soit.
Essaie de m’attraper. On n’attrape pas la brume. On ne retient pas la fumée. On se contente de l’observer glisser. J’ai grandi ainsi. Un caractère sulfureux et une passion débordante… Mais fuyante. Je ne m’attache pas, je vis. Pourquoi ? Peut être ai-je appris ainsi. Peut être ai-je été élevée ainsi. Je suis une enfant de la rue. Je dois me défendre. Je dois me battre. Toutes griffes dehors pour un bout de pain. C’est comme ça que tout fonctionne ici, à feu.
Où sont mes parents ? Je n’en sais rien. Peut-être m’ont-ils abandonnée, peut être sont-ils morts. Je ne les ai jamais connus, ou alors, lorsque ma mémoire ne marquait pas encore… Ça, ça n’a pas duré très longtemps. Mais c’est un autre problème. Faestelia m’a construite. Je suis sauvage, oui, je l’avoue. Je suis orpheline ? Non, je suis fille de la rue. Et je suis heureuse de ne pas avoir quelqu’un de relié à moi par le sang. Ma passion l’emporterait, et j’aurais une faiblesse. La rue m’a apprit une chose. C’est qu’il ne faut jamais être soi-même.
Peut être si je m’étais posée deux minutes pour réfléchir à ma vie j’aurais eut envie de gouter à la richesse. Naître avec une cuillère en or dans la bouche, et faire des caprices pour avoir le dernier jouet à la mode à Sen’Tsura. Des robes de soie, des gloussements stupides… Peut être. En attendant, j’aime ce que je suis. Une sauvage qui ne doit sa vie et son avancée qu’à elle-même.
On ne peut pas dire que j’ai eut de chance, pas plus que j’ai énormément souffert. A mes huits ans déjà, je dansais pour avoir de la nourriture. Par danse… Ce n’était pas vraiment de la danse. Plutôt des gesticulations d’enfant sale qui prend un air sérieux et émoustille les prêtres. Ma chance c’est de n’avoir jamais fait confiance en ces hommes-là. Peut m’importait qu’ils vénèrent Yehadiel, Nayris ou je ne sais qui. Restez loin de moi. Personne ne me touche. Aujourd’hui encore, c’est ma règle d’or… A défaut d’avoir une cuillère...
Mais là n’est pas l’important. Un maître danseur de la région m’a repéré. J’avais quelque chose dans le regard disait-il. Dans ma façon de bouger. ‘’Tu respire la liberté et le combat pour la vie’’. C’était sa phrase. Moi, la première fois, je n’ai pas compris. Mais il m’a appris à comprendre les hommes. Il m’a appris à bouger pour eux. A me sentir moi, et non pas animale… Tout en gardant ma sauvagerie. Lui appelait ça de la liberté. Peu importe. J’ai appris à me faire belle, à prendre soin de moi… Sans jamais être vaniteuse. Ma peau n’est pas blanche, pas noire non plus. Ma peau est dorée… Il paraît que ça plaît à la capitale. Au début, je dansais seule… Incapable de travailler en groupe. J’ai toujours été seule… Mais les autres filles m’ont appris à plaire sans avoir à danser. Juste un regard, une phrase, un mouvement de la lèvre, de mes cheveux… Je les ai ajoutés dans mon univers… Alors j’ai pu être avec elles.
Que ce soit bien clair. La règle si importante à mes yeux l’était tout autant à ceux du maître à danser. Personne ne touchait ses filles ! Il faut savoir quelque chose le concernant. La danse était sa passion. Une passion qu’il nous a transmise à nous toutes. Nous dansions pour nous avant le reste… Mais quel plaisir de voir les yeux des spectateurs briller de plaisir, de désir… Rien n’est meilleur pour de la brume que de se voir convoitée alors qu’elle ne peut être touchée. Plaisir personnel ? Ego ? Peut être bien… Au final… Est-ce important ?
J’ai commencé à chanter peu après. Un spectacle complet. Surtout que ma voix avait quelque chose de particulier. Le peu que je contrôlais l’air m’aidait à l’embellir. J’ai tout appris de la musique et de la danse là-bas.
J’ai fini par partir… Vers mes vingt ans. Comme environ la majorité de ses filles. Ma magie a toujours été présente en moi. Parfois latente, parfois plus puissante… La première fois pour moi qu’elle a réellement existé a été lorsque je me suis rendue dans le ciel… Pour la première fois. Ma magie s’est exprimée d’elle-même. Oh, je savais déjà que j’étais une élémentale… Allez savoir pourquoi, je le savais au plus profond de moi, aussi, voilà un moment déjà que j’allais chercher mes pierres pour survivre. Mais cela importe peu. Il me suffisait de le prévoir… Et de ce côté-là, je le prévoyais plutôt bien.
Bref. Le ciel. L’air. Je suis passée à ma forme d’élémentaire pour la première fois. Je suis pratiquement invisible. Je ne suis que fumée, vapeur, brume. Je me modèle. Je suis pure. C’est tellement puissant ! La magie, l’élément bat en moi ! Plus que tout, je sentais le vent pulser… J’étais une forme volante… Un aigle de feu, une sylphide rougeoyante. Plénitude. Voilà comment décrire ce moment.
J’ai alors eut deux choix… M’entraîner seule… Ou trouver un maître. Disons que j’ai fais un peu des deux. Une sorte d’apprentissage. Il m’a fallut du temps pour me maîtriser comme je le fais désormais. Je ne vieillis plus depuis que j’ai pris ma forme totale pour la première fois. Était-ce réellement la première fois ? Ça non plus ce n’est pas important. Non.
Le temps que j’ai passé à étudier n’était nécessaire que pour l’immense quantité de chose que je devais retenir. Après… Retenir n’a jamais été un problème pour moi. Cependant, c’est aussi à ce moment là que j’ai pu apprendre à maîtriser ma mémoire pour qu’elle n’en fasse pas qu’à sa tête. C’était agréable ça… A des moments avoir l’esprit vide.
Mes connaissances s’appliquaient surtout à tout ce qui concerne le corps humain. J’apprenais quantité de chose aussi dans l’environnement. Oui, ma magie ne pouvant être aussi puissante qu’un élémental pur d’un seul élément, je devais tronquer. Et par ce biais, j’ai rencontré un mage qui m’a aidé dans ce sens. Percevoir le courant de magie, d’oxygène qui passe dans un organisme, dans un corps. Interférer avec, même légèrement. Savoir les forces, la puissance que déploie un corps pour un mouvement afin d’au choix l’accentuer ou le ralentir. Ma façon d’agir est réfléchie. Je ne pouvais faire autrement. Il me fallait être forte autrement que par la force.
Pour le feu, je me suis contentée d’apprendre à le contrôler, à le déplacer. Je n’ai pas ressenti la même plénitude quand j’étais à feu, plus de colère, de rage… Plus de passion. J’étais un mélange des deux. J’approchais alors de mes 38 ans lorsque mon apprentissage m’a paru complet.
On peut dire que ce n’est que là que ma vie a réellement commencé. Avant, ce n’était qu’un entraînement, des améliorations. Je ne me considère pas comme parfaite. Mais j’aime celle que je suis.
De mes vingt ans à mes trente-huit j’avais continué de tourner dans les différentes régions de Terra pour me produire. Je peux parler de ce qu’il s’est passé. Lorsque les démons sont arrivés. J’étais dans une taverne à la capitale. Tout s’est déroulé si vite. Je n’ai rien vu venir. J’ai juste eut le temps de m’enfuir. Vite. Et loin. Je me suis réfugiée à feu le temps que les puissances autres décident de qui devait l’emporter. L’archi-démon s’est positionné sur le trône, faisant fuir le roi en place, et j’ai pu reprendre mes activités de danseuses. Je n’embêtais personne, on ne m’embêtait pas. Pourquoi prendre part à un combat tel que celui-ci ? Les démons ne m’intéressent pas… Pas plus les Mysticiens. C’est… Laissez-moi danser. Le reste m’importe peu.
Peut être gagnais-je ma vie pour la perdre. Je ne sais pas. Je sais qu’un jour, quelque chose a changé. Lors de ma rencontre avec Jericho Barrons. Un incube prétentieux. Il possède une taverne. Cependant, je n’y avais jamais dansé. Dans le monde de la danse, dîtes-vous qu’on finit par se connaître entre nous. Une des filles qui avait été avec moi chez le maître danseur était en larme un soir. Elle m’a raconté. Barrons. L’incube. Il usait des femmes comme de jouets. Cette attitude me débectait. Et elle… Elle pleurait de ne plus être dans ses bras. Il l’avait brisée. Certaines femmes faibles ne supportent pas d’avoir connu et aimé un incube. Elle a fini par mourir.
On calme ses ardeurs… Je n’étais pas folle de rage à réclamer vengeance. J’ai une haute opinion de moi-même… Mais je connais ma valeur. Et lutter contre un incube, très peu pour moi. Je vivais confortablement sans avoir besoin de passer par sa taverne qui certes payait bien mais recelait de bon nombre de défauts. En fait, j’étais attristée pour mon amie. Mais c’était sa faute. Elle savait à quoi elle s’exposait en jouant avec un incube. Surtout un incube ayant prêté serment à Aile Ténébreuse.
Ne montez toujours pas sur vos grands chevaux. Je ne lutte ni pour, ni contre personne ! Je suis une danseuse, je reste à ma place, ne m’en bougez pas.
Mais cela n’explique pas la rencontre. J’ai un nom en tant que danseuse. Depuis le temps que je tourne, la sylphide a fait parler d’elle ! Le contrat est venu pour une occasion visiblement spéciale. Ce qu’on me donnait était largement au dessus de ce que je demandais ordinairement. Sûre de ma magie, j’ai accepté. Je me suis installée une semaine avant ma soirée, comme précisé. J’étais nourrie et logée… Et je serais payée pour mes danses et mes chants. Cela était parfait.
J’ai passé la semaine à répéter, m’entraîner. Je n’ai pas croisé Barrons de la semaine, et cela m’allait très bien. Qu’est-ce qu’il s’est passé pour que je déroge à mes plans ? Je ne sais pas.
Je volais déjà depuis longtemps. Je ne pouvais faire autrement par moment. Si j’estimais qu’on ne me payait pas assez, si je vivais une période difficile… Cependant, le contrat de ma soirée était plus qu’honorable. Mais, dans les costumes qu’on a mis à ma disposition j’ai retrouvé les tenues de mon amie décédée il y avait encore peu. Ce n’était pas pour la venger. Je ne pense pas. Je l’aimais bien, cependant, pas au point de risquer ma vie et ma peau pour un souvenir. Non. C’est plus en qualité de femme libre que je me suis déclarée son ennemie. Enfin… Déclarée. Je suis une danseuse à tendance voleuse. Je ne risquais pas le moins du monde de proclamer haut et fort que je le défiais. Certes j’avais quelques lames, des stylets et on m’avait appris à m’en servir… Cependant… Je ne savais que me défendre contre des ivrognes ou des soldats en manque d’aventure. Cela me constituait une bien piètre défense en cas de sérieuse attaque. J’ai donc du réfléchir autrement.
J’ai surtout eut affaire à l’homme de main de Barrons… Et un jour, il était paniqué au possible. La raison ? Il avait perdu un carnet auquel l’incube tenait plus que tout. Avec presque inintérêt, je l’ai interrogé sur ce carnet. Il le conservait toujours sur lui. Sauf quand il le passait à son second. Au final, ce fut plus de peur que de mal… Il était simplement dans la doublure de sa veste, la poche le contenant étant trouée.
Il me suffisait de cela. Ma cible était verrouillée. Je n’avais plus qu’à attendre le soir de ma représentation. Et j’étais alors impatiente. Sauf que cela s’est retourné contre moi. Il n’a pas eut besoin d’entrer dans la pièce ! Je l’ai senti avant. Oui, auriez-vous oublié ? Je suis une élémentale… Mes sens auditifs et olfactifs sont très développés. Et cette odeur… J’avais beau ne l’avoir jamais senti auparavant, je savais ce que c’était cet homme. Il sentait la luxure. Une odeur caractéristique. Un démon, à moins qu’il ne fut un dieu ?
J’activais ma magie. J’avais déjà lu différentes choses sur les incubes, et si elle se révélait exact, l’air allait être mon allié le plus précieux. Ne pas respirer sa fragrance. Jamais. Je concentrais entièrement ma magie sur ce point pour la soirée. Je portais mon costume habituel… Aussi, personne ne put voir mon bras et donc… comprendre ma nature. Je me fis plus provocante que jamais. Je savais, à son regard, qu’il pensait que je n’étais guère plus qu’une petite danseuse écervelée. Une fille comme il en avait déjà vu cent. Heureusement pour moi, l’air que je respirais n’était pas le même que le sien. Sinon, effectivement, je n’aurais rien pu faire. Ce que je détestais la tricherie ! Certes, ce n’en était pas vraiment une… Surtout que je possédais mes propres armes… Mais tout de même. Ce Jericho allait… Payer pour ça.
Ce n’était qu’une excuse. Il portait constamment sur lui un petit carnet et je pus le remarquer durant la soirée. Visiblement, cette soirée servait ses intérêts politiques… Si ça lui tenait à cœur, alors ce serait ma façon de le vaincre !
Tout se déroula selon mes espérances. On ne peut pas dire que je sois repoussante, même si certaines des filles présentes ce soir pouvait me surpasser. J’étais plus attractive. Mes affaires étaient prêtes. Elles tenaient en un seul sac à vrai dire. Quand à ma paie, je l’avais obtenu avant le spectacle. Jericho Barrons souhaitait personnellement me remercier. Apparemment, mon talent lui avait plu. J’étais autant prise par l’adrénaline qu’un peu terrifiée… Et si ma protection n’était pas aussi efficace ? J’inspirais profondément. On verra bien.
Le rencontrer de près était réellement quelque chose. Il n’était pas beau, il était un dieu. Je purifiais plus encore mon air, et parvint à lui trouver des défauts auxquels je me raccrochais. La discussion fut plus un jeu pour se tester qu’autre chose. Il semblait blasé, si bien que j’étais sûre de jouer mon rôle d’ensorcelée à merveille. Quand il se pencha pour m’embrasser, j’exultais. Mes mains glissèrent contre son torse, et contre le dos d’une d’elles, je pus sentir dans sa poche intérieure ma cible, le carnet. Il m’embrassa alors.
Jamais, et j’insiste sur le jamais, je n’avais été embrassée ainsi. Il me fallut bien 5 secondes pour purifier à nouveau mon air et reprendre mes esprits. Je le laissais faire, répondant avec ferveur… Jusqu’à ce que ma main glisse jusqu’au carnet. Alors je lançais un mouvement d’air vers lui. Il semblait trop surpris pour réagir. L’air le bloquait loin de moi. Je ne suis pas de celles qui se vantent pendant des heures. Je lui fis juste un signe de la main un peu aguicheur en rangeant le carnet dans mon sac et détalais à toutes jambes. Rapide, ça il l’était… Mais je pris ma forme élémentaire quand il tenta de poser sa main sur moi et disparu par sa fenêtre, me laissant porter par les courants d’air chaud. Je me souviens pourtant avec clarté d’une phrase prononcée dans mon esprit avant, juste avant que je ne m’enfuis. ‘’Je vous retrouverais’’.
Je dois l’avouer. Cet homme hante mes pensées depuis. Ce carnet contient des codes, des tas de codes, visiblement un échange entre lui et quelqu’un qui préfèrerait ne pas être trouvé… J’avais d’abord pensé à la rébellion, et je me suis confortée dans cette idée. Plusieurs choix s’offraient à moi. Le livrer aux forces du démon ailé et tenter de ce fait d’avoir une place au palais… Après tout, peut être ont-ils besoin de danseuse…
Mais sans être pour les rebelles, je n’étais pas non plus pour le démon. Non, en fait, tant que je pouvais danser et chanter, je m’en fichais plutôt pas mal. Mais avoir une place au chaud dans un palais n’était pas à omettre… Seulement, je n’étais même pas sûre qu’on me fasse cette offre… Je me basais sur du vent et une drôle d’envie de confort.
La possibilité suivante était de me débarrasser simplement du carnet… Mais cela n’était purement pas amusant. Alors j’ai abandonné.
La meilleure a été choisie par mes fantasmes. Ciel arrêtez avec cette tête choquée, je suis une femme sensible à la beauté d’une âme certes, mais aussi d’un corps ! Jericho Barrons est un incube ! Je défie n’importe quelle femme qui se respecte de ne ressentir aucun désir pour cet homme ! Il est le fantasme incarné ! On ne peut pas résister ! L’air pur que j’avais obligé à rentrer dans mes poumons m’avaient permis de garder la tête froide, mais bon sang ! Je pensais bien trop souvent à lui. J’avais envie de le défier à nouveau. Il m’amusait, il me poussait dans mes retranchements. Ce fut bref ce moment où je lui avais volé le carnet… Mais tellement intense. Peut être m’a-t-il déjà oublié… Peut être que ce carnet n’était pas aussi important que ce que je le pensais… Mais j’ai envie de le narguer.
Ce doit être plus fort que moi. Il se croit au dessus de tout, et de tous. J’ai été meilleure que lui. La fois prochaine, ce ne sera pas pareil. Il ne savait pas que la Sylphide était une élémentale. Maintenant… Il m’a vu. Alors je n’aurais pas l’effet de surprise.
Cela peut paraître étrange, mais un jeu suffisamment intéressant me sort de ma torpeur. J’aime vivre dangereusement, risquer ma vie à chaque instant pour me sentir vivante. Ma devise est simple. Si personne n’a essayé de me tuer ou de m’attraper aujourd’hui… Alors c’est un jour ennuyeux. Que voulez-vous, je suis ainsi…
Au final, on ne peut pas dire que mon histoire soit bien intéressante. Pas d’épique combat, pas de résistance sournoise, pas de chevaleresque sauvetage. Non, juste une femme qui cherche absolument à vivre sa vie jusqu’à sa dernière limite. Après tout, il paraîtrait que je suis… Difficile à tuer…
- Citation :
- Difficile à tuer.. certes, mais non moins achevable. Raconte-nous une tentative de meurtre sur Rosaid qui a bien failli lui coûter la vie.