C'était tout simplement une belle journée que celle qui nous était offerte. L'astre solaire dispensait sa lumière sur tout les alentours. Pas un seul nuage n'obscurcissait l'avenir radieux de cette journée. Moi-même, je me suis surpris à afficher un large sourire sans raisons apparentes. Seules de bonnes choses pouvaient se produire par un temps pareil. Et le temps me donna raison. Un peu après le début de la matinée, dans l'auberge où je logeais, un homme était venu me trouver, moi, pour me confier une affaire. Selon cet homme, je devais faire un long trajet, à pied, de nuit, pour livrer un message oral très important. Comme la logique le veux, ce message était codé pour que je ne puisse pas le comprendre. Le message était "Le fleuve doré ne coule qu'en été." La signification de ce message m'échappait totalement et je ne m'en portait pas plus mal. J'étais payé, bien payé, pour livrer ce message, et non pour le comprendre. D'ailleurs, les anciens de la guilde m'ont toujours conseillé de ne pas me mêler aux affaires des clients, histoire d'éviter les ennuis. Joyeux conseil que voilà !

Enfin, dans l'heure d'après, j'avais déjà préparé mes affaires et je partais de l'auberge histoire de commencer un peu de chemin de jour. J'en profita pour faire le tour des magasins et acheter de quoi me subsister durant le long périple qui m'attendait. Nourriture, eau et d'autres fournitures rentrèrent rapidement dans mon sac. Je portais ce jour là une tenue de voyage qui différait quelque peu de mes habitudes. J'étais habillé plus humblement, avec des vêtements volontairement usés pour que les gardes me fichent la paix en pensant que je suis inoffensif.
Pour rester dans la prudence, mes nombreuses lames était désormais attachées autour de mes jambes, camouflées par un large pantalon beaucoup trop grand pour moi. Ma cape habituelle était quand à elle ranger dans mon sac et me servirait de couverture. Voilà ! Le camouflage parfait ! Au besoin je me ferais passer pour un émigré qui déménage pour trouver du travail au Nord... oui ! Il ne pourrait rien dire à un type comme moi ! Si ?

A semi-dévorer par l'inquiétude, je décida, au bout de une ou deux heures de marches, de m'arrêter dans une forêt à la sortie de la ville. En ce lieu, je pourrais me reposer et réellement démarrer mon voyage à la tomber du jour. Je me bricola un lit avec quelques feuilles en haut d'un arbre aux branches solides. Sur mon perchoir, j'avais une vue imprenable sur la forêt, et sur le chemin qui la traversait, ce qui était pratique pour voir ceux qui seraient capables de me trouver. Je voulais faire dans l'absolue discrétion pour cette mission. C'était la demande de mon employeur. Mais c'était sans compter sur l'étrange créature qui s'approchait de mon logis.

Le trajet:

CLAC !

Un bruit sourd ce fît entendre soudain, et il provenait du pied de l'arbre. Le choc m'a tellement surpris que je manqua de tomber de l'arbre. Heureusement, j'ai réussi à me rattraper de justesse à la branche sur laquelle je me tenais par les jambes. C'est ainsi que, la tête en bas dans une position rappelant celle des chauves-souris, les bras qui ballottent en plus, je pus voir la créature responsable de cette farce. Un étrange homme, enfin, sa tête était celle d'un cerf mais passons, un étrange.... homme-cerf me fixait, un sourire amusé sur le visage, il portait un long vêtement qui cachait le reste de son corps et un bâton de marche. Enfin il.... il m'adressa la parole !

- Ahoy, l'humain ! Tu joues à l'oiseau, ainsi perché ?

Je ne savais comment réagire face à pareille curiosité. Ce n'était pas la première que je rencontrais et celle-ci semblait aimable, je décida donc de prendre sa déclaration avec humour. Sympathiser était la meilleur des solutions.

- Et bien, désormais je joue plus à la chauve-souris qu'à l'oiseau pendu comme ça !

D'un geste agile, je me redressa sur ma branche et m'installa à califourchon dessus. Bien que la créature me semblait sympathique, je préférais rester méfiant et ne pas redescendre tout de suite de mon perchoir.

- Qui-es-tu donc toi ? C'est à toi que je dois ce renversement de situation ? Je n'ai jamais vu de créature te ressemblant de toute ma jeune vie. Hahaha !

Humour, humour.... C'est la clé des bonnes ententes !

La créature encapuchonnée pris quelques instants pour m'analyser en détaille. je faisais de même avec lui, c'était de bonne guerre. Puis il me répondit avec une voix douce que j'eu du mal à imaginer dans la bouche d'un cerf.

- On m'appelle Quatre-Cornes, je ne suis qu'une bien jeune âme en voyage ! J'espère ne pas t'avoir fais trop peur ! Je passais par là et la plaisanterie, ma fois, me semblait bonne à faire !

Une plaisanterie ?! Si j'étais tombé et m'étais blessé, il aurai vu que, moi aussi, je peux faire ce genre de plaisanteries ! La créature bipède enleva ensuite sa capuche et je pus enfin voir le "visage" du plus gros plaisantin de la forêt. C'était effectivement la tête d'un cerf, avec quatre bois au lieu de deux. Son sobriquet devait venir de cette particularité. Bref, un sourire enfantin se dessinait sur ce visage animal et, à part son physique bestial, j'avais vraiment l'impression d'être en face d'un humain. Il marchait, parlait et même plaisantait comme ceux de mon espèce. Mais d'où venait une si étrange créature ? Finalement, il continua son discours.

- Cela ne me dit pas, l'ami, ce que tu fais ainsi perché. Tu comptais dormir là-haut ? Tu y sera bien mal installé. Je sais le moyen de ne pas être dérangé, s'il t'en sied. Et puis cela me fera de la compagnie pour la soirée ! Qu'en dis-tu ?

Si jamais, au détour d'une taverne, je raconte qu'un cerf qui parle m'a, un jour, inviter à dîner, je pense que mon emprisonnement serait immédiat. Franchement, vous en connaissez beaucoup vous, des bêtes qui vous invites à manger un morceau ? Bref, son invitation me tentait malgré ma méfiance. J'allais passer les prochains jours seul et un peu de compagnie avant de partir me ferait du bien.

- Tu as raison, drôle de bipède, je comptais dormir sur ce perchoir. Mais pas très longtemps en fait. Il me faut partir la nuit venue. J'accepte ton invitation mais on devra se quitter quand le crépuscule sera tombé.

D'un geste habile, je me laissa doucement tomber à terre, debout sur mes jambes. Je me trouvais désormais devant l'hominidé qui m'avait si aimablement inviter. Je continuais de le scruter malgré mon envie d'avoir l'air en confiance? C'était plus fort que moi, mais j'espérais qu'il ne m'en tienne pas rigueur.

- Je te remercie de ton invitation honorable Quatre-Cornes. Je te suis jusqu'à ton gîte !

J’esquissais un sourire pour paraître amical à ses yeux. Même si, en vérité, mes mains glissés dans le dos faisait se croiser mes doigts, juste au cas où...

viande. Quand ils retournèrent enfin chez eux, ils ne voulaient plus de viandes mais seulement les baies de la forêt. C'est ainsi que Samuel eut l'opportunité de les convaincre d'arrêter la chasse et même de protéger les habitants de la forêt contre quelques recettes et baies.

Cette histoire m'affecta grandement. Bien que ce soit un conte pour enfant, j'avais le sentiment qu'il m'était destiné personnellement. Avant de rentrer dans la Confrérie, j'étais moi aussi l'un de ces chasseurs qui persécutaient les animaux pour subsister. Est-ceque, à l'époque, je pouvais moi aussi choisir de préférer les plantes à la viande ? Une simple histoire était en train de me faire reconsidérer la majeure partie de ma vie ! J'obtiendrai des réponses du conteur plus tard. Pour le moment, nous arrivâmes à une clairière au milieu des fourrés, là brûlait un petit foyer avec une marmite fleurant bon le dîner fruité. Etant un « demi-cerf », le conteur devait sûrement exécré la viande. Mais... malgré l'histoire spéciale que je venais d'écouter, ce n'était pas mon cas. Même si je venais de prendre conscience que la chasse n'était pas une fatalité pour survivre dans une forêt, j'avais toujours l'amour de la bonne chaire et un bon gigot, là, maintenant, ne me dégoûterait en rien. Enfin, je suppose que je devrai m'en abstenir cette fois-ci...

Une remarque m'échappa devant ce décor familier.

- Et bien ! Merci Samuel le blaireau de nous avoir préparé le repas ! Hahaha !

Nous nous installâmes donc autour du dîner et mon hôte me servi dans une vaisselle rudimentaire, comme celle que j'utilisais au pays. Comme je l'avais présumé, le dîner était composé d'un ragoût de divers fruits, légumes, plantes et racines. Je commençai donc à manger et je fus surpris par le délice que je venais de goûter. C'était tout simplement excellent et je ne tardai pas à couvrir d'éloges l'auteur de ce divin repas.

- C'est vraiment délicieux, conteur ! Je me demande où tu as appris à cuisiner aussi bien ! Cela a dû te prendre un temps considérable ! D'ailleurs, sans vouloir paraître trop curieux, quel âge as-tu ?

Je n'avais aucune idée de l'espérance de vie de cette espèce que je n'avais jamais croisée auparavant. J'estimais qu'elle ne devait pas dépasser les 30 ans mais... sait-on jamais...

Le repas fût des plus succulent, je le termina rapidement même si la faim ne me crevait pas vraiment le ventre. De son coté, le conteur mangea avec raffinement. Et dire qu'un être mi-homme, mi-animal dégustait avec plus de délicatesse que moi ! Cette situation risible avait réussi à m'arracher un petit gloussement. Par la suite, le conteur répondit à mes compliments.

- Oh, tu sais l'ami, je ne suis pour rien dans ce repas. Tu n'as donc pas entendu l'histoire ? A qui crois-tu donc devoir ta pitance ? Je ne suis qu'un conteur, pas un cuisinier, tout juste un cueilleur. Je pensais que tu avais compris, quand tu as remercié Samuel tout à l'heure !

Personnellement, la remarque de tout à l'heure se voulait une plaisanterie. Mais si, réellement, Samuel le blaireau était l'auteur de ce festin, je le remercie vraiment. Quand j'étais encore enfant, je croyais comme tous aux fables que l'on me contait. Aujourd'hui, j'ai l'impression de retomber en enfance grâce à ce conteur. Je m'amusais à croire de nouveaux aux fables que l'on me racontait. Cette rencontre fortuite était intéressante et méritait qu'on s'y attarde. Malheureusement, le soleil éclatant disparaissait de plus en plus derrière l'horizon teinté de rose. Il était maintenant temps pour moi de commencer mon périple. La distance entre les deux villes était grande et le chemin semé d'embûches telle qu'une rivière à traverser ou des frontières à passer. Mais si je me dépêchait, en gros si je courait pendant la grande partie du voyage, je pourrais atteindre mon objectif en une quinzaine de jours. Bienheureusement, mon passé de chasseur m'avait donné une excellente endurance et une vitesse de course honorable. Je pourrais donc parcourir de grandes distances sans trop douiller à la fin. Je pourrais également compter sur quelques convois où je pourrais entrer discrètement, et ainsi, avancer même le jour. Je me leva de la paillasse sur laquelle j'étais installé

- Trêve de discussions, il est temps pour moi de partir. Je te remercie de ton agréable compagnie, conteur. Ton histoire était très plaisante et j'aimerais beaucoup en entendre d'autres mais si je veux arriver là-bas avant la fin de l'hiver prochain, je dois commencer à bouger dès maintenant ! Hahaha !

Je m'inclina légèrement pour le saluer et je me dirigea vers le chemin le plus proche, la carte de mon voyage à la main. Je stoppa mon avancée quand une idée émergea dans mon esprit. Je me retourna pour croiser le regard de mon compagnon.

- Mais dis-moi conteur, sa te dirais pas de me suivre ? Je te promet que des histoires à conter, tu vas en avoir ! Hahaha !

Même si je faisais tout mon possible pour éviter les embrouilles, elles finissaient toujours par me trouver, elles. C'est une véritable mine d'or pour un conteur qu'un homme qui attire à ce point les aventures dangereuses !

Le conteur mit un peu de temps a répondre à mon invitation. Tirant quelques fois sur sa pipe, il semblait goûter à la tranquillité du moment. De mon coté, j'observais les quelques créatures nocturnes qui commençaient à sortir de leurs terriers pour chasser leur pitance. Les chauves-souris se contenteraient de papillons mais d'autres animaux, plus carnivores, préféreraient des rongeurs ou même des grosse proies. Il semblait y avoir de tout dans cette forêt. Finalement, après quelques bouffés, mon hôte me répondit enfin.

- Et bien, pour autant que je le vois, rien ne me retient ici. Alors pourquoi pas ? Après tout un voyage c'est toujours divertissant.

Un large sourire s'étira alors sur mon visage. J'étais ravi d'avoir un compagnon de voyage. La perspective de risquer ma vie seul ne me plaisait guère.

- Et bien, ravi d'apprendre que tu m'accompagne ! Viens-donc, c'est par là !

Mon nouveau compagnon s'étira longuement avant de me suivre, son bâton de marche à la main. Malgré le fait que ce soit moi qui sache où il fallait aller, ce fût rapidement mon ami qui prit les devant et me guida. J'étais ébahi par son sens de l'orientation. Il savait où passer pour aller au plus court tout en évitant habitations et bêtes sauvages. J'étais admiratif devant tant de connaissance. Je vénérai la Nature pour ce qu'elle m'apportait. Mais les voyageurs ont aussi leur dieu il me semble. Peut-être que ce serait plus approprié de le vénérer lui... Bref ! Nous marchâmes ainsi toute la nuit et nous parcourûmes bien plus de distance que je ne l'aurai fait seul. En regardant la carte, nous étions approximativement entre un immense lac nommé le Lac Patriarcal et la frontière avec les Montagnes Dorées. Tout cela en une nuit. Au première lueurs du jour, nous nous arrêtâmes et mon guide se tourna vers moi.

- Nous voici au seuil du jour. Souhaite-tu que je nous mène au plus profond de la forêt, pour y dormir en paix et loin des regards indiscrets ?

C'est vrai qu'il était temps pour nous de nous cacher pour laisser le jour passer.

- Je te suis avec plaisir, conteur ! Tu sembles avoir une grande expérience des voyages. C'est un plaisir de voyager en ta compagnie ! Hahaha !

Je lui emboîta donc le pas vers un endroit connu de lui seul et nous finîmes par déboucher sur une petite cabane rudimentaire faite de branches, bien cachée au fond de ces bois impénétrables. Le conteur s'installa de son coté, prêt à dormir. Personnellement, la faim m'animait plus que la fatigue.

- J'ai repérer un petit village non loin d'ici, je vais y aller histoire de trouver de quoi manger. Ne t'en fais pas pour la discrétion, le camouflage est l'art de ne pas se faire repérer même en plein milieu d'une foule.

Je le salua brièvement avant de prendre la route vers le petit hameau. Après avoir passé quelques buissons épineux, j'arrivais enfin sur le chemin de terre que je suivis. Quelques minutes plus tard, le village apparut devant moi. Là se trouvait quelques maisons, une ou deux boutiques... Bref, pas bien grand tout ça. Il y avait néanmoins beaucoup de monde qui y vivait. Les gens semblaient heureux et leur style de vie simple éveilla en moi un sentiment de nostalgie. Mon village d'enfance ressemblait beaucoup à celui-ci. Tout en flânant, la tête dans les nuages, je me dirigea vers le marché qui se trouvait sur la place centrale. Les étales présentaient des marchandises diverses mais ce qui m'intéressait, c'était la nourriture. J'achetais donc beaucoup de fruits et de légumes ainsi qu'un peu de viande pour moi. Une légère anxiété m'habitait quoi que je fasse. Même si J'étais sûr de ne courir aucun risque, je me méfiais. Quelques minutes plus tard, ce sentiment se justifia quand quelques gardes entreprirent de fouiller les gens qui sortaient de la ville. Chargé de provisions, je pouvais difficilement passé incognito parmi les différents marchands voyageurs. J'essayais en vain d'esquiver les gardes en passant sur les cotés mais l'un d'eux me repéra et m'ordonna de venir me faire fouiller comme tous le monde. Forcé, je m'exécuta. Le garde redoubla de vigilance en me fouillant de la tête au pied.

- Pourquoi tu as essayé de passer à coté tout à l'heure ? Tu n'as pourtant qu'un sac de nourriture...

La sueur perlait sur mon front.

- Hehehe... Je... j'étais pressé en fait.

- Bien sûr...

Le garde continua son travaille et je pria intérieurement pour qu'il ne trouve pas mes couteaux sur mes jambes. Il m'arrêterait directement...

- Qu'est-ce que c'est que ça ?...

Trop tard, je devais m'enfuir et vite !

- AAAH ! Espèce de pervers ! Pourquoi vous me toucher l'entrejambe ?!

- Mais je...

- Y'a pas de "mais", vous devriez avoir honte !

Tout en faisant mine d'être outragé, je marcha rapidement vers la sortie, plus vite, toujours plus vite, jusqu'à courir. Malheureusement, le garde compris vite la supercherie.

- Il s'échappe ! Attrapez-le !

L'instant d'après, quatre gardes armés jusqu'aux dents me poursuivaient à travers la forêt. Je devais les semer mais les provisions ne m'aidaient pas... Je traversa donc héroïquement des buissons épineux, des flaques mouillés et des chemins même pas pavés pour enfin atteindre la petite cabane où reposait sagement mon compagnon de voyage. J'étais essoufflé mais les gardes semblaient loin désormais.

Je déposa le sac à coté de moi et m'assoupis à mon tour.

Quand mes paupières s'ouvrirent enfin, la nuit amorçait déjà son arrivée et le ciel, désormais, orangé, s'assombrissait à mesure que les minutes s'écoulaient. Un délicat fumet vint caresser mes narines. Cela laissait présager un bon repas. Je leva lourdement la tête de ma paillasse de branches et de feuilles pour découvrir mon compagnon en train de cuisiner dans une petite marmite glougloutante au-dessus d'un feu crépitant. C'était ses mots qui m'avaient sorti du monde des rêves. Ses yeux de faons me regardèrent un instant. Je ne devais pas être très présentable au réveille. Enfin, il prit la parole.

- Dis moi, l'ami, avec ce qu'on a de provisions, je propose couper un peu à travers les zones dénuées de population pour aller plus vite. On aura pas besoin de s'arrêter pour refaire le plein avant deux ou trois jours. Et puis j'aimerais savoir où tu dois te rendre exactement, en fait, pour que je puisse nous prévoir un itinéraire vraiment viable. Pas juste un parcours à étapes de villes en villes comme tu semble l'avoir prévu..

Le conteur avait tout à fait raison. Comme souvent d'ailleurs. Il fallait aller vite et son expérience des voyages nous aiderait à trouver un chemin plus court. J’acquiesçai, encore un peu dans le brouillard et je sortis de ma besace la carte que j'avais prise pour le voyage. Je l'étala sur le sol, non trop près du feu qui risquerait de la brûler.


- Tu vois, mon ami, il est vrai que j'avais prévu de passer par quelques villages histoire de me ravitailler. Mais tu noteras aussi que nous pouvons difficilement faire plus court par la terre. La seule solution pour aller un peu plus vite, ce serait de traverser le lac...

J'attendais avec patience qu'il réfléchisse à une route plus rapide. Pendant ce temps, je me servais un bol du petit ragoût qui finissait de mijoter. A la première bouchée, je sentais une chaleur réconfortante m'envahir. Le goût était aussi exceptionnel que lors du précédent repas. Même si, selon les dires du conteur, il n'était pas son œuvre. Sans m'en rendre compte, j'avalais goulûment et en quelques minutes tout le contenu du bol, qui était pourtant bien rempli. Je jetais un regard faussement suppliant à mon compagnon, qui réfléchissait toujours à l'itinéraire. Semblant m'avoir compris, il fît un signe de tête d'approbation pour m'inviter à me resservir. Ce que je fis sans me faire prier et je recommençais à manger...

Le repas fût sans histoire et nous reprîmes rapidement notre long périple. Nous cheminèrent toute la nuit, une seule pause fût prise pour manger rapidement et se reposer légèrement. Mon guide avait le talent pour nous faire traverser chaque obstacle qui se présentaient à nous. Que ce soit une famille entière d'ours au pelage brun dans un bosquet ou un campement de forbans en quête de sécurité. Aucune pause ne fût permise. Nous traversâmes sans nous arrêter les paysages fantasmagoriques qu'offrait les Plaines à la lumière de l'astre lunaire. Nous passâmes la plupart de la nuit à traverser des collines couvertes de forêts. L'escalade fût pénible mais arrivés en haut, je fus ébahi devant l'immensité qui s'offrait à mes yeux. Un sentiment de vulnérabilité face à une ligne d'horizon vide de présence humaine mêlé à une impression de sécurité. Comme si ces cimes verdoyantes nous protégeaient des dangers que pouvait offrir l'humanité et sa vénalité. J'avais grandi au milieu de telles tableaux et la nostalgie m'envahissait sans que je puisse rien y faire. Je pris quelques instants pour reprendre mes esprits avant d'être invité à continuer par mon compagnon.

Nous continuâmes donc le périple à travers monts et vallées. Rencontrant ça et là quelques habitants du coin. Nous pouvons citer un immense loup au pelage obscur comme la nuit dans laquelle nous étions. A ma grande surprise, le conteur sembla conversé avec lui quelques minutes et le prédateur repartit sans aucune marque d'agressivité. J'aurai peut-être dû m'en douter, vous me direz, mais sur le moment j'étais plutôt occupé à imaginer un plan pour survivre plutôt qu'à penser qu'un homme-bête savait parler aux animaux. Après cette rapide rencontre, nous repartîmes rapidement à travers les sombres sous-bois.

Une autre crise cardiaque failli me frapper lorsque mon ami le conteur sembla s'être perdu quelques instants. Je pense utile de préciser que nous étions en plein milieux d'une forêt faite de sapin tous semblables. Autant dire qu'il avait bien choisi son moment ! La situation revînt à la normal lorsque mon ami dérangea une souris de son logis pour lui demander la route dans son langage si particulier. C'est pas que je les comprennes mais c'était l'explication la plus plausible de ce qu'ils se disaient.

L'aube salvatrice pointa enfin après tout une nuit de voyage. Je n'avais absolument aucune idée de l'endroit où nous étions et je m'en fichais un peu. Tout ce qui comptait désormais c'était de tomber dans les bras réconfortants du sommeil. Mon guide nous trouva un abri dans une quelconque grotte que j'espérais inoccupée. Il m'invita à dormir et je n'hésita pas longtemps. Il me fît un petit topo avant de me laisser dormir.

- Reste tranquille aujourd'hui. Pas de sortie. Rien. Repose-toi. Ce soir nous nous réveillerons un peu plus tôt, ainsi j'aurai le loisir de te conter une histoire. Tu n'en sera pas déçu. Parole.

Je me réjouissais à l'avance d'entendre une autre de ces histoires dont il avait le secret. Cette pensée à suffit à me faire sombrer dans le royaume des rêves.

Des rêves je n'en fis point pourtant lors de cette journée passée à dormir. Comme d'habitude, ce furent quelques paroles de mon ami accompagnée d'un doux fumet qui me réveillèrent. J'émergeais tranquillement de mon sommeil de plomb et me servit comme d'habitude avant de commencer à discuter avec mon compagnon.

- Bien ! C'est maintenant que la partie intéressante commence cher ami. Vois-tu, la zone où nous nous trouvons n'est pas déserte de vie. Au contraire. Mais celle qui s'y trouve est loin d'être amicale. Pour faire court, nous pénétrons désormais le territoire... des orcs. Et ceux-ci s'adaptent très bien à leur environnement. Nous risquons donc d'en croisé un peu partout. Nous devrons donc redoubler de discrétion et... courir souvent.

Je redoutais vraiment ce passage. Le bon côté des choses, c'est que mon client me devra une prime de risque plus que conséquente. Je me demandais aussi pourquoi mon employeur avait prier son dieu pour moi avant le voyage...

Le conteur rigola face à ma mise en garde. Je leva un sourcil, un peu dans le brouillard. Pourquoi il rigolait quand je lui disais que des orcs sévissaient dans la région ? Après avoir calmé son fou-rire quelque peu vexant et essuyé une larme sur sa joue, il me répondit finalement.

- Allons, allons, mon ami, tu m'a vu traverser ces terres sans ralentir, tu te doute bien que je sais où nous sommes et que j'ai déjà pensé au problème des orcs. Tiens, écoute l'histoire de ce soir.

Son calme face à une telle situation me laissait pantois. Il ne devait pas être une si jeune âme pour ne pas frémir une seule seconde en sachant que nous rencontrerions des orcs. Enfin, si il veut me raconter son histoire, qu'il ne se gêne pas. Je l'imita en m'appuyant contre la parois de la cavité, prêt à l'écouter.

Son histoire était celle d'un mage au sombre passée qui jura par la suit d'aidé les autres sans usé de quelconque magie. C'est ainsi que durant son voyage, il aida bon nombre des héros des contes qu'avait déjà raconté mon ami. Samuel le blaireau... Arriva ensuite un jour ou il arriva devant un épineux problème, un de ses ami voulait traverser l'océan pour rejoindre sa femme atteinte d'un grand mal. Il fallait faire vite mais à pied, cela s'annonçait bien trop long. C'est ainsi qu'il pria son ami de dormir dans un abri de pierre et toute la nuit durant, il usa de sa magie pour façonner la grotte. Au matin, il s'assit aux cotés de son ami et tous deux conversèrent longtemps, très longtemps jusqu'à ce que..

Le conteur s'arrêta à cette instant et regarda dehors. Cette pause me sortit aussi de ma fascination silencieuse. L'histoire était tellement extraordinaire que je l'avais écoutée de bout en bout sans dire un mot. J'avais l'impression d'y avoir passé la nuit. En regardant dehors, comme mon compagnon, je constata que, effectivement, l'aube pointait. J'étais plus que surpris et aussi un peu amusé de savoir que nous avions passé la nuit à parler. Tiens, ça ressemble à l'histoire. Mon ami m'invita à sortir de l'abri, un large sourire sur le visage.

- Bonne sève, je me suis laissé emporter par mon histoire... Mais.. oh, viens vite voir ! N'est-ce pas là l'endroit que tu cherchais à atteindre ?

Je regarda dans la direction qu'il pointait et je découvrit un village. Un village qui n'était pas là la veille ! En fait, tous ce qui nous entourait, la vallée, les montagnes... Tout cela était apparu pendant la nuit. La veille, nous nous trouvions dans un bois et en une nuit, le paysage avait complètement changé ! J'osais à peine y croire. Nous avions atteint le village en une nuit ! Mais comment ?! Par quel magie sublime nous sommes aller si vite sans même bouger ?!

Un bruit sourd dans notre dos me répondit. Une immense tortue de pierre souleva ses lourdes pattes et fit demi-tour pour repartir. Sur son dos, une silhouette sombre nous saluait de la main. C'est ainsi que le puzzle s'assembla dans mon esprit. C'était comme dans le conte ! L'abri de pierre, la tortue, le mage encapuchonné ! Le conte avait prit vie pour nous aider ! Je regarda le conteur qui à coté de moi. Un masque de surprise sans nom devait décorer mon visage. Puis un sourire immense s'y installa.

- Tu sais Conteur, dans ma vie, j'ai vue beaucoup de fantasmagories. Tellement que, maintenant, je suis moins souvent surpris par les merveilles de ce monde. Mais ce que je viens de vivre, ce que tu viens de faire, ça a le don de me surprendre à un point que tu ne peux imaginer ! Je ne sait pas par quelle magie millénaire tu as fait ce miracle, mais je tiens à te remercier.

Je le pris dans mes bras en rigolant. Jamais je n'avais eu compagnon de voyage aussi intéressant.

- Trêve de palabre ! J'ai une mission à accomplir ! Mais d'abord, j'ai besoin de me changer maintenant que la discrétion extrême n'est plus vraiment de mise.

Je me changea rapidement derrière un épais buisson. Je troqua ma chemise simple et sale contre une autre de meilleure facture et propre. Mon pantalon large fit place à un autre plus serré et mes couteaux reprirent le chemin de mon dos, masqués par ma cape pourpre. Je remis mes gants de cuir noir et j'étais désormais prêt à m'afficher devant les villageois. Une bonne image était essentielle. J'invitais mon compagnon à descendre la petite hauteur sur laquelle nous nous trouvions. Arrivés au village, je chercha du coin de l'œil l'auberge dans laquelle nous avions rendez-vous, mon client et moi. Ce n'était pas très compliqué, c'était le bâtiment le plus large et il y avait d'inscrit sur la porte "Auberge du petit bûcheron". Ne nous attardons pas sur le nom. Je passa la porte et mon ami fit de même, masqué par son long manteau à capuche.

Désormais à l'intérieur, il fallait que je trouve mon client. J'espérais qu'il était là malgré le fait que je venais bien plus tôt que prévu. Je me remémora les paroles de mon employeur.

" Mon ami ? Tu le reconnaîtras facilement, il a sur le visage un grand nombre de cicatrices. Ne me demande pas pourquoi, tu ne veux pas le savoir..."

Alors... Un homme au visage couvert de cicatrices... Trouvé ! Il était attablé au fond de la pièce, en train de manger, l'air dépité. Quel homme triste ! Je marcha vers sa table et m'y installa, mon ami resta un peu en retrait.

- Vous êtes ?

Je décrocha de ma ceinture la petite pièce de métal où était gravé l'emblème de la Confrérie.

- Ce n'est pas possible ! Vous êtes déjà arrivé ! Mais comment ?!

- Héhé ! C'est ça l'efficacité de la Confrérie ! Voila le renseignement que vous vouliez.

je fis un rapide clin d’œil à mon ami avant de me rapprocher de l'homme pour chuchoter l'objet de ce voyage si mouvementé.

- " Le fleuve doré ne coule qu'en été "

Cela ne devait pas être une nouvelle réjouissante car son visage c'est considérablement assombri.

- Bien, je vous remercie d'être aller aussi rapidement. Tenez, voila votre paye plus une prime de rapidité.

- Ravi de vous avoir été utile messire ! Je vous souhaite bon courage et a une prochaine fois !

Sans plus de discours, je sortis de la morne taverne, suivis de près par le conteur.

- Et bien voila, la mission que on m'avait confié est remplie. Ce fut un voyage très plaisant mais je dois malheureusement repartir. J'espère que nous nous reverrons mon cher !

Je l'enlaça une dernière fois avant d'amorcer mon départ loin de ces terres.

J'étais sur le départ, prêt à repartir au Quartier Général de la Confrérie. Retrouvé la chambre que j'occupais là-bas et me reposer un peu de ces éreintants voyages à travers tout le continent. Mais le conteur sembla ne pas être de mon avis. Il me rattrapa rapidement pour m'exhorter de rester à ses cotés encore un peu.

- Attends, attends donc mon ami, tu me quitte déjà ? Si vite après notre joyeuse escapade ? Moi qui espérait pouvoir te conter une dernière histoire... La mienne, pourquoi pas ? Ensuite, je pourrais bien avoir un service à te demander, en échange de celui que je t'ai rendu en t'amenant ici en sécurité. Qu'en dis-tu ?

Je remercia le ciel dans ma tête. Cette feinte était réussie. C'est un coup connu. Tu fais semblant de partir pour que ton interlocuteur te pousse à demeurer auprès de lui. J'étais soulagé et ça se voyait sûrement sur mon visage. Je pris quelques instants avant de me retourner pour le regarder.

- D'accord mon ami. Écouter une dernière histoire me ferais très plaisir. Ensuite, je te promet d'exaucer ton souhait si cela m'est possible.

Un large sourire ornait désormais mon visage. Je lui emboîta le pas en direction d'un arbre commun aux fruits vermeilles et nous nous installâmes en dessous. Ce périple fût merveilleux et je m'étais fait un formidable ami. Je n'oublierais pas ce voyage, qui débuta pourtant ordinairement, de si tôt ! Pour l'instant, j'étais prêt à écouter une autre histoire que je raconterai certainement à d'autres plus tard.

Tranquillement, bien installés dans une paisible clairière, nous pûmes savourer ce doux moment avant que le Conteur ne démarre son histoire. Histoire qui, je vous l'avoue, était la plus longue qu'il puisse raconter, puisque c'était l'histoire de sa vie. C'était également l'histoire du monde. Du monde et de toutes les épreuves qu'il avait enduré. L'histoire dura et dura longtemps. Quand elle fût finie, c'était la quatrième fois que je voyais le soleil se lever. Nous faisions des pauses pour dormir et pour nous restaurer. Le reste du temps, le patient homme-bête racontait, racontait sans cesse. L'histoire en elle même m'apprit beaucoup de chose mais je devais malheureusement trier ce qu'il m'était utile de savoir car je ne pourrais pas tout retenir. J'ai appris durant ces quatre jours que l'étrange créature que j'avais devant moi se nommait Démon. Mais ce n'était pas la même sorte de démons que ceux qui gouvernaient une grande partie du monde, non, ces démons là furent les premiers. Créés par Nayris, la déesse des morts, pour se battre contre les créations de Yehadiel, dieu de la vie. Ce que j'avais devant moi était donc un des rares héritages de cette époque oubliée. Le reste de l'histoire, je choisis de ne pas m'en souvenir en détail. Ce qui m'intéresse, c'est le monde tel qu'il est maintenant, pas comment il est arrivé jusque là.

Quand le récit arriva finalement à son terme, nous nous levâmes tout deux, le corps tordu de courbatures. Quatre jours en dehors du monde ça fait rouiller les articulations ! Je remercia le conteur de m'avoir donné tant de choses. L'histoire du monde... peux peuvent se venter de l'avoir entendue. Puis vînt l'heure de la requête. Je devais rembourser la dette que j'avais envers cette homme, même si cette compensation allait sûrement être bien maigre comparée à tout ce que j'avais reçu durant ces quelques jours.

- Voilà. Voilà qui je suis. Je ne l'ai jamais qu'à une seule personne auparavant. Maintenant, si tu as des questions je me ferai un plaisir d'y répondre. Mais avant ça j'aimerai te demander ma faveur. Il y a peu j'ai été contacté au débotté par un homme du nom de Mifuné Abrasil. Au sujet d'une certaine Confrérie des Brumes. Il portait le même symbole que tu as montré à cet homme dans l'auberge.

Voici ma requête. Mène moi à la Confrérie. Il est temps que mon expérience serve quelque chose de plus grand que moi.

Alors c'était donc ça. Cette créature de plusieurs millénaires, aussi ancienne que le monde lui même, cet homme voulait simplement que je le conduise jusqu'à la Confrérie où il y trouvera place. Ce fût avec une joie non-dissimulée que je lui accorda.

- Si c'est tous ce que tu souhaite, ce sera avec plaisir que je t'emmènerais chez moi, mon ami. Je pense moi aussi qu'il est temps que tu sorte de l'ombre dans laquelle tu as été toute ta vie et que d'autres gens sachent enfin que, dans le monde, il reste des héritages de la naissance de la vie.

J'avais désormais un sourire jusqu'aux oreilles.

- Aller viens ! Avant on va passer à la taverne, j'ai un peu faim ! Hahaha ! Et pour y aller, nous prendrons des chevaux pour aller plus vite si ça ne te dérange pas ?

Mon compagnon acquiesça et nous partîmes en direction de l'auberge et d'un bon repas chaud ! J'étais heureux en ce jour. J'allais pouvoir continuer de côtoyer mon nouvel ami. Luz ! Je te ramène une autre bouche à nourrir !