« Comme convenu, 15 Ailes de Bronzes pour le travail accomplit et 5 supplémentaires pour vos frais personnels. »

L'assassin attrapa la bourse que lui tendait le monnayeur et, après lui avoir tourné dos, partit aussi vite qu'il était arrivé. Jetant un bref regard aux alentours, il s'engouffra dans la première ruelle qu'il croisa avant de s'arrêter à l'ombre, persuadé d'être seul. Déposant sans grand soin le contenu de sa nouvelle acquisition à terre, il s'amusa à contempler le fruit d'un travail ennuyeux qui aurait à tout moment pu lui coûter la vie. Mais alors qu'il réunissait le tout en un petit tas, il sentit une brève douleur dans la nuque puis un engourdissement tenace, avant que ses paupières ne se ferment et qu'il ne tombe sur le sol poussiéreux de Dahalia.

Faye se tenait droite derrière la carcasse du meurtrier, une pierre de la taille de sa main au creux de celle-ci, et les yeux remplit de cette malice qui la caractérisait tant. Elle ne l'avait pas tué ; seulement assommé pour quelques bonnes minutes durant lesquelles elle comptait bien soustraire à sa pauvre victime son maigre butin. Elle fit brièvement les comptes puis s'empara de la sacoche, avant de revenir sur ses pas...

« Ah. J'allais oublier ! »

Glissant sa fine main à l'intérieur du conteneur, elle en ressortit une piécette salie par le temps qu'elle jeta à coté du corps de l'homme.

« Pour service rendu. »

La voleuse sortit enfin de l'ombre et se glissa parmi la populace, sans qu'aucun ne puisse remettre en question son innocence. Elle se rendit alors au quartier général, le lieu même ou la plupart de ses contrats voyaient le jour ; un endroit ou les plus terribles voleurs, assassins ou combattants se réunissaient pour échanger, partager leurs histoires et leur expérience : l'auberge ! Comme à son habitude, elle poussa la grande porte du domaine à l'aide de ses deux mains, provoquant l'ouverture totale de celle-ci et son heurt contre le mur adjacent.

« Je t'ai déjà dis d'y aller mollo avec cette porte ! Abrutie. » hurla le gérant à travers le brouhaha, furieux.

« Désolée, chef ! »

Elle ignora les deux brutes se battant à quelques centimètres d'elle et esquiva de peu un pochard endormit dans son urine, avant de s'installer sur le siège qu'elle savait le plus confortable...

« Ce s'ra comme d'habitude, Jean-Roger ! » cria-t-elle, euphorique.

« Arrête de m'inventer des noms, ou je double la valeur de ton ardoise... »

Faye répondit par un sourire, et tourna sur sa chaise pour mieux observer l'ambiance générale de l'endroit. Un vraie carnage ! Un lieu de débauche, de perversion et d'insécurité... L'endroit rêvé pour débuter une vraie carrière et se faire un nom ! Cependant, malgré les années passées ici, elle avait perdu l'espoir qu'un jour une vraie opportunité s'offre à elle. La jeune femme soupira.

« Je crois que je ferais mieux de trouver quelqu'un à mon goût, me marier avec et vivre une vie normale, dans une maison normale, et fonder une famille normale... T'en penses quoi, Louis-Emile ? »

« Je pense que tu as tout intérêt d'arrêter de m'appeler comme ca. » répondit l'homme, tout en servant sa boisson.

Alors qu'elle agitait le contenu du verre dans sa main, un inconnu vint prendre place à ses cotés et passa commande. Encapuchonné sous un vêtement noir, le visage caché, il semblait être le stéréotype même de l'individu louche souhaitant proposer un contrat difficile à une personne...

« Vous avez le profil. » adressa-t-il à la voleuse.

Faye, intriguée, tourna la tête pour visualiser les environs. Venait-il de lui parler, à elle ? Elle constata qu'hormis le soiffard au sol à quelques mètres et le couple d'orcs à sa gauche, personne n'était susceptible d'être visé par la réplique.

« C'est bien à vous que je m'adresse, mademoiselle.» continua l'homme. « Je vous tire mon chapeau. Même sans que vous sachiez que je vous observais , j'ai difficilement réussis à vous tracer. Vous êtes plutôt douée ! »

« Uh... Et bien... Merci ? Je n'ai rien fais pour cela, je crois... » lui avoua-t-elle.

Il rigola, et prit une gorgée de la boisson que venait de déposer l'aubergiste.

« En réalité, je parle surtout de votre don naturel pour passer inaperçue. Un ours peut difficilement se camoufler parmi les loups, vous voyez ? »

La Cydorïs acquiesça sans réellement comprendre ses intentions. Souhaitait-il continuer à vanter les mérites de la jeune fille, ou comptait-il réellement lui faire part de ses plans ?

« J'ai besoin de quelqu'un comme vous. Vous parliez à l'instant de "normalité", et c'est tout ce que je recherche ! Le travail ? Rien de plus simple... Faites vous passer pour une magicienne débutante, inscrivez-vous à l'Académie, dissimulez-vous parmi les élèves et assassinez la cible. »

« De qui s'agit-il ? » questionna l'intéressée.

« D'un professeur. Je vous fournirais les détails plus tard, en admettant bien sur que vous acceptiez mon offre. La récompense ne pourra être qu'à la hauteur de vos attentes, j'imagine. Sachez néanmoins que la prise de risque sera élevée, et qu'il vous faudra être vigilante. Un magicien peut toujours vous surprendre, et vous seriez bien mal avisée de vaincre en duel un maître de la magie ! Si ma proposition vous intéresse, venez me retrouver... »

Sans terminer son verre, l'homme-en-noir se leva de sa chaise et se dirigea vers la sortie. Faye, songeuse, s'empara de celui-ci et liquida son contenu en une gorgée... Un tel contrat sonnait à son oreille comme un miracle. Un miracle qui lui permettrait de faire son entrée dans "la cours des grands", et peut être de...

« ... Cet abruti m'a pas dit ou le retrouver !! »

Faye se retrouva debout avant même que son esprit n'ait le temps d'assimiler l'information. Elle courut à travers la pièce, trébucha sur le vieillard au sol, puis claqua la porte à en faire tomber les murs... Se lançant à la poursuite du commanditaire, elle semblait désormais plus que convaincue par son offre !