Le Rempart d'Abyssaï.

Quel autre titre aurait pu mieux ravir l'Amiral de la flotte d'Aile Ténébreuse ? Désormais, le déclin des vaisseaux navals d'Aile Ténébreuse était très lointain. Trois ans s'étaient écoulés depuis l'arrivée d'Asmodan à la tête de cette partie de l'armée. Seulement quatre depuis son retour à la vie. Il était parvenu à remettre, un peu par le fruit du hasard, son précieux Dédain d'antan sur pied. Eau connaissait des temps de paix. En effet, depuis l'arrivée d'Asmodan au poste d'Amiral, la répression d'Aile Ténébreuse sur ce territoire diminua encore un peu. Pour cela, il créa l'Amirauté et choisit lui-même son propre pion pour être celui qui aurait la charge de traquer la Rébellion là-bas. Il s'était en réalité assurer de placer à ce poste un individu dont les intérêts ne feraient pas trop de mal au peuple. En fait, deux batailles majeurs eurent seulement lieux entre la flotte des Glaces et celle de l'Empire. L'une, en l'an 113, se solda par un exæquo et l'autre, très récemment, signant le déclin de la Rébellion désigna la flotte bleue comme vainqueur. Même si les pertes furent plus grandes que la dernière fois. On ne gagne jamais une guerre sans faire couler de sang et perdre quelques matériaux. Quoi qu'il en fusse, l'Amiral était très fier de son parcours et de l'évolution de la flotte.

Quelque part, des quatre piliers de l'Empire, des quatre principaux responsables de la mort de Galaad, Asmodan était peut-être le moins sanguinaire d'entre eux. Cela s'expliquait pas sa réelle affection naturelle pour son navire, le Dédain. Il ne lancerait jamais ce dernier dans une quête, dans une bataille qui serait sanglante et perdu d'avance à moins que cela concerne la survie d'un des siens. Sa rencontre avec Cendre était aussi un autre facteur majeur. Alors qu'il aurait pu devenir tout aussi violent que ses comparses, les sentiments amoureux qu'il avait développé pour la Yogaï ont eu pu effet de l’adoucir.

Aujourd'hui, au port de Sen'tsura, le Dédain jouit d'une notoriété sans précédent. Sylvia Morenbal est devenue la Seconde du navire. Rencontrée par Asmodan lors d'une descente en taverne, les deux individus avaient longuement discuté et après un duel à mains nues, il parvint à la recruter. Cendre, Timonière et Quartier-Maître est l'une des plus anciennes de la nouvelle génération du Dédain. En plus d'être la compagne du Capitaine, c'est à elle de diriger la barre et de proposer les prochains itinéraires à son compagnon. Vient ensuite Terah, la Maître d'Equipage. Le Capitaine possède une très grande estime envers elle pour la façon dont elle s'applique à sublimer les effectifs ! La rencontre avec Phalène est on ne peut plus original. Alors que cette dernière était tombée dans les eaux du port de Sen'tsura, là où Asmodan était revenu à la vie autrefois, ce dernier lui avait sauvé la vie et après avoir entendu sa voix mélodieuse, lui demanda de rejoindre son navire pour en devenir la Barde, chose qu'elle accepta de faire à condition qu'elle puisse préserver sa neutralité. Jihad, pour sa part, est l'un des moucheurs les plus talentueux de sa génération. Il a la particularité et l'honneur d'être celui qui veille depuis les ombres et surtout les hauteurs sur son Capitaine. En effet, il le suit quasi systématiquement dans la plupart de ses déplacements. Quant à Tyssania, dernière recrue en date, cette dernière a rejoint Asmodan pour recommencer une nouvelle vie loin du Baron Sombresang et de la Milice des Ombres dirigée par Esenheim. Concernant les postes de Maître-Charpentier et de Maître-Cannonnier, ceux-ci sont à l'heure actuelle vacants.

Mais... Depuis plusieurs lunes déjà une rumeur faisait son chemin sur le pont du Dédain. Jihad, Sylvia et Cendre étaient déjà au courant. Asmodan n'est pas Asmodan. Grossièrement, très grossièrement, cela n'était pas faux. Aujourd'hui, le Maître du Dédain allait expliquer à l'ensemble de son équipage ce qu'il en était réellement et donnerait une fin à cette rumeur. Ainsi, à l'aube de ce début de l'an 114, le Capitaine du Dédain fit convoquer l'ensemble de son équipage sur le pont.

Bonjour à toutes et à tous, mes frères et mes sœurs du Dédain. Cette convocation sonne un nouveau commencement. L'histoire d'un navire prêt à prendre le large afin d'accomplir sa véritable vocation. Je me dois tout d'abord de vous donner un éclaircissement quant à ma personne. Il s'agit d'un secret que je traine depuis plusieurs mois.

Mon véritable nom est Joshua Armadrédo. J'ignore encore pourquoi mais j'ai été frappé il y a quelques années par une amnésie. Je suis natif des Archipels de la Muerta et je suis un fils de pirates. Pirate... C'est ce que j'ai toujours été au fond de moi. Je ne sais pas exactement pourquoi mais les faits font de moi à l'heure actuelle un Démon alors que je suis né Humain.

Je sais seulement qu'un jour, j'ai fais la promesse de devenir le plus grand Pirate de notre ère et j'ai bien l'intention de réaliser cette promesse. Galaad est mort, la Rébellion est tombée, les forces navales des Glaces et de l'Empire sont affaiblies. Il a toujours été difficile pour moi d'être votre Capitaine et l'Amiral d'une flotte à la fois, surtout en l'absence de Second avant l'arrivée récente de Sylvia.

Je suis sincèrement désolé que pendant tout ce temps certains d'entre vous aient été mêlés aux affaires de l'Empire. Certains de nos compagnons sont morts pour un être qu'ils n'ont jamais servi. Aile Ténébreuse est terrifiant, croyez-moi mais ensemble, nous ne devons pas le craindre.

Mais ce temps est désormais révolu ! J'ai pris la décision de rendre ma coiffe d'Amiral et il est l'heure pour nous de quitter définitivement le port de Sen'tsura. Aile Ténébreuse ne cessera jamais d'essayer d'étendre son influence et je refuse d'y participer davantage. Le début de cette nouvelle époque est le moment idéal pour nous de partir.

Comptez-vous rester ici, au port de Sen'tsura et attendre de voir une flotte démoniaque reprendre du poil de la bête ou préférez-vous partir pour voguer à travers les mers ? Pour cela, il n'y a qu'une seule alternative possible. Il est l'heure pour nous de rejoindre le camp des Pirates. Lorsqu'il le pourra, Aile Ténébreuse s'en prendra inévitablement à lui et ce jour-là, nous serons prêts à l'affronter !

Je comprendrais si certains d'entre vous, notamment ceux qui ont fait le choix de rejoindre le Dédain alors qu'ils appartenaient d'abord à l'Armée d'Aile Ténébreuse de quitter le navire. Je ne suis pas rancunier, je ne vous en tiendrais pas rigueur. Mon objectif n'est pas de me mettre tout l'Empire à dos alors qu'il est puissant, bien plus puissant que nous. Je n'ai qu'une seule exigence et tout ceux qui me suivront devront l'assumer !

Nous prenons avec nous le vaisseau de l'Amiral de l'Empire du Roi Démon ! Le Dédain est à nous ! Il est ma... Il est nôtre maison ! Sa réputation, soyons en tous fiers est ce que nous en avons fait ! C'est mon seul et unique choix qui ira à l'encontre de l'Empire, soyez en certains !

Il tira son cimeterre à la lame noire de son fourreau et le pointa vers l'équipage en contrebas de la tête de pont.

Suivez-moi et vous connaitrez des aventures riches et pleines de gloire ! Nous nous protégerons les uns les autres mais pour cela, vous devez avoir foi en l'âme du Dédain ! Il nous unira contre l'adversité !

Gloire au Dédain ! Gloire au Dédain ! Gloire au Dédain !

Terah Orifera avait prit du Galon et du prestiges dans l'océan voir dans tout l'archipel, si bien que pour être certaine qu'il n'arriverait rien à sa famille et ses amis sur le continent elle avait eu l'idée d'user d'un sobriquet. Après plusieurs jours à se creuser la cervelle elle avait enfin trouvée son nom, cela serait pour aujourd'hui et pour demain Bloody Mermaid. La sirène ensanglantée.... ça lui convenait bien, c'était jolie et gracieux tout en étant impressionnant. Elle avait fait pars au capitaine de n'indiquer que son gentillet sur les documents administratif et il avait accepté en faite il n'avait pas forcément le choix.

Le capitaine avait réunie tout l'équipage sur le pont afin d'annoncer une grande nouvelle, une nouvelle qu'elle attendait depuis maintenant plusieurs semaine. Le dédain deviendrait un navire pirate, un navire libre de ses mouvements, libre d'accoster sur les îles de l'archipel de la muerta et de boire enfin du bon Rhum en compagnie des muses et des bon hommes. Le rêve absolument pour Bloody qui pourrait enfin s’épanouir à sa guise.

Elle avait aussi un autre rêve qu'elle ferait aboutir d'ici quelques semaines celui de devenir la capitaine du Queen Headless et de régner au côté de Joshua sur les océans. Oui car Bloody porte toujours un coup de coeur sur son capitaine c'est pour cela que quand il demande qui va le suivre dans la piraterie Bloody est la première à avancer.

Mon sabre est votre mon capitaine ! Jusque la mort ! Gloire au dédain ! Gloire au dédain ! Gloire au dédain ! Entonnait-elle en coeur avec le capitaine et dès lors elle serait impatiente de lancer la première attaque de bordée contre un navire impérial, juste pour marquer le coup avec leurs nouvelles indépendance.

Un pied dans le vide, Jihad serrait ses doigts sur une des cordes de la ralingue, debout sur le bastingage aux côtés de Tyssania. Asmodan l’avait pris à part simultanément à Cendre et Sylvia pour lui apprendre la nouvelle dans un comité un peu plus privé, aussi resta-t-il habituellement placide durant le discours du capitaine. Ses yeux acérés cependant ne manquèrent pas de survoler la foule, décryptant les émotions et assimilant les remarques murmurées qui parcouraient de temps à autre les rangs, réaction aux propos de l’ancien Amiral d’Aile Ténébreuse. Ce qu’il en pensait, lui ? Sûrement pas davantage. Si son allégeance se réduisait à un patronyme et au passé qui allait avec, quel médiocre homme de main ferait-il ; à ses yeux, cela ne changeait rien au caractère entier de son capitaine, le même qui l’avait décidé à ravaler sa versatilité pour rester un peu plus longtemps, toujours un peu plus longtemps à ses côtés. Quant au reste de ses plans, Jihad ne tomba pas davantage des nues : de toute façon, il avait confié à Joshua ne plus rien vouloir avoir à faire avec Aile Ténébreuse, de près ou de loin. Il avait rajouté, à ce moment-là : ‘quand bien même cela signifierait devoir quitter le Dédain’ mais le nomade ne se doutait pas à ce moment précis des intentions de son amiral qui le pria de ne pas trop se précipiter, qu’il pourrait être surpris. L’équipage scanda en cœur et Jihad sortit de sa rêverie, hésitant une seconde avant de sauter sur le pont, s’époussetant du dos de la main avant de la tendre vers Tyssania.

« - Gloire au Dédain. murmura-t-il en dessinant un discret sourire, l’invitant à le suivre. »

Lui qui était si apte à rester dans son coin, en silence et la mine impassible, Jihad se sentit curieusement l’envie de se joindre au reste des siens. Tyssania, néanmoins, sa belle et tendre Tyssania, égarée au milieu de tous ces pirates qu’elle n’avait pas appris à connaître, ne le ferait probablement pas d’elle-même, quand bien l’envie lui triturerait les entrailles. Et le nomade, bien plus encore que Joshua qui désirerait ardemment voir son équipage former une grande famille, refusait de la laisser à part. Celle-ci sembla marquer un temps d’hésitation, ou de surprise peut-être, pour se décider à glisser les doigts dans les siens et ils se dirigèrent ensembles vers l’attroupement au milieu du pont. Si Jihad garda la bouche hermétiquement close, les oreilles emplies des applaudissements et des glorifications scandées, il n’en pensa pas moins : lui aussi se rangerait derrière Joshua qu’importe les événements, davantage encore s’ils prenaient leur indépendance sur les océans et vis-à-vis du démon qui avait fait de sa vie un enfer assez longtemps pour qu’il se décide à trahir – ou du moins le pensait-il – la volonté de son capitaine. Un navire pirate, hein.. ? L’idée lui plaisait, songea-t-elle en levant brièvement les yeux vers le ciel dégagé. Le Dédain posséderait enfin ce qui lui revenait de droit, à commencer par la liberté qu’il prônait inlassablement.

Une petite souris bleue perdue sur un grand navire, voilà la manière dont Phalène voyait sa situation. Elle qui avait toujours vécu en retrait du monde l'était plus encore depuis ces quelques mois passés à bord du Dédain, en marge, dans les interstices, partout où elle pouvait se terrer pour observer. Regarder, apprendre et enfin raconter. Les choses étaient toujours plus étranges sur la mer et il avait d'abord fallu apprivoiser le roulis des vagues, le bruit incessant de la mer et ses chants étranges qui lui parvenaient dans ses rêves. Il lui avait fallu apprivoiser cet univers mouvant, changeant, immense et si petit à la fois, et si imprévisible. Phalène ne regrettait rien, pas même les nuits dans sommeil dans l'entrepont exigu, hanté par la présence de l'équipage endormi, ni les malaises incessant des premiers jours. Il y avait ici tant à faire, tant de contes qu'elle voyait se tisser sous ses yeux, tant d'étranges personnages qu'elle apprenait peu à peu à connaître sans même, parfois, leur avoir jamais adressé la parole que son esprit ne demeurait jamais en paix. La présence permanente de toutes ces personnes autour d'elle était éprouvante, et elle passait de longues heure à l'aube ou au mitan de la nuit, perché dans les voiles ou sur le pont, à grappiller ça et là des moments de solitude et de silence, loin du bourdonnement de leurs pensées.

Le matin s'était levé dans un pétillement limpide sur le port de Sen'tsura, qu'elle voyait pour la première fois depuis la mer. Elle avait senti quelque chose dans l'air, comme un bourdonnement infime, une note ténue et persistante qui flottait, comme une tension qui s'ammasse avant de se libérer. En voyant son capitaine réunir tout le monde sur le pont, Phalène avait compris alors et avait prit place à son tour, accroupie sur un tonneau pour mieux voir ce qui allait se passer. Elle observa la scène avec un sourire, la tête légèrement penchée sur le côté. Oh, ce ferait de beaux vers, tout cela... Souvenez-vous de ce jour, camarades, souvenez-vous!
Un fourmillement lui agitait le ventre, un frisson d'excitation lui courait le long de l'échine. Ces instants, ô combien précieux, ces minutes ou tout basculait, d'un mot, d'un cri... Elle avait pleinement conscience de vivre un moment d'une importance capitale et elle aurait sautillé de joie si elle ne s'était retenue.

Souvenez-vous, camarades, souvenez-vous de ce jour!

Elle plissa les yeux, cherchant à bien détailler chaque chose; l'expression du visage de Joshuah, tandis qu'il parlait, et sa voix belle et grave comme le son d'un violoncelle qui courait comme une lame de fond sur le pont. Les marins, en rangs plus ou moins désordonnés, et les autres, leurs attitudes, leurs regards. Les couleurs, vives dans ce beau matin d'hiver, étaient éclatantes. En fermant un peu les yeux, elle ne les distinguait plus que par taches, par touches, comme sur le tableau d'un peintre. Oh, se souvenir, c'était ce qu'elle savait faire de mieux... Chacun à sa place, ils étaient tous là. Autour du capitaine, gravitaient trois femmes, celles qui semblaient lui être le plus proches. D'abord la blanche timonière, grave et digne comme toujours, puis la seconde aux cheveux flamboyants, celle qui portait la peur dans son ombre, et enfin le maître d'équipage, la sirène sanglante. L'Homme Sombre, celui que l'on nommait Jihad, faisait comme une flaque d'ombre dans le paysage, à l'extrémité de son champ de vision; c'était étrange de le voir de jour, dans l'aube éclatante, et Phalène sourit en le voyant les rejoindre en compagnie de l'étrange demoiselle qu'ils nommaient Tyssania. Elle sourit, reportant son regard sur Joshuah. Elle devait reconnaître à son capitaine un don certain pour savoir s'entourer...

Phalène ferma les yeux quand elle le sentit approcher de la fin de son intervention. Oh, il savait manier les mots de belle manière et elle reconnaissait un certain talent pour présenter les choses... Dans la lumière du matin, son sabre étincela comme une flamme vive quand il fut élevé vers le ciel, comme un défi lancé à l'univers tout entier. Le sourire de la jeune femme s'agrandit encore et alors que les hommes d'équipage reprenaient ses derniers mots au milieu des vivats, elle se leva d'un bond sur ses pieds nus, joignant sa voix au grand choeur discordant qui s'élevait. Munin s'envola, dérangé par le bruit, et survola le pont, comme soulevé par l'ardeur de ces mots qui promettaient l'espoir, la gloire, et de brillants exploits.

Souvenez-vous de ce jour, camarades, souvenez-vous! Car ceci est votre aube, et le début de tout! A la mer, à la mer! Aux trésors et aux conquêtes, aux îles et aux gouffres perdus! A la mer, à la mer! Aux flots profonds et aux monstres cachés! La liberté est vôtre, la liberté par le Dédain!

Phalène se laissa tomber sur ses talons, satisfaite, et répéta plusieurs fois à voix basse ces vers qui lui étaient venus. Elle aurait fort à faire ce soir, pour tisser le récit de cette journée...

La larme à l’œil ne tomberait pas. Un sentiment de fierté immense envahit le Capitaine du Dédain. Peu à peu, son discours fit l’unanimité. Bloody, Sylvia et Cendre se tenaient à ses côtés. Ensemble, ils formaient la tête de pont, là où les décisions principales étaient prises. Il aperçut aussi Jihad, Tyssania et Phalène dans la foule. Ceux-ci n'avaient pas de responsabilités particulières mais étaient liés plus intimement que les autres à leur Capitaine. Son entière confiance leur était acquise et il était peu probable qu'il remette un jour en cause leurs propos. Il rabaissa alors son cimeterre. Aucune voix de contestation n'avait osé s'élever. Cela était compréhensible, la majorité de l'équipage répétait à l'unisson les mots du Capitaine. "Gloire au Dédain, Gloire au Dédain, Gloire au Dédain !" Joshua supposait que deux poignées d'hommes au maximum déserteraient. Principalement ceux qui avaient été enrôlé à Sen'tsura, des gens qui avaient de la famille ici ou des intérêts auprès d'Aile Ténébreuse. Devait-il les tuer ? Il ne le ferait pas. Le Maître du Dédain n'avait qu'une seule parole. Dans quelques jours, l'Empire d'Aile Ténébreuse se rendrait compte du départ de son Amiral. Peut-être enverrait-il un courrier, il ne savait pas très bien encore. Esenheim et Victo étaient au courant, même si le premier avait disparu, le second gardait son titre.

Néanmoins... La procédure était quelque peu plus compliquée que cela. Chaque sortie du port était contrôlée et ce depuis son existence. Déplacer un navire avait un coût, très conséquent dans le cas du Dédain et il était nécessaire de donner une bonne raison à cela. Que pouvait-il bien dire ? Un mensonge ? Il n'en avait pas vraiment préparé. Le contrôle arriverait bien assez tôt de toute façon. Ou peut-être pas. Il se souvint qu'un vieil ami déclara une semaine avant dans une taverne qu'il lui donnerait un dernier coup de pouce. Finalement... Joshua reprit une seule et unique fois les mots de Phalène.

Souvenez-vous de ce jour, camarades, souvenez-vous ! Car ceci est votre aube, et le début de tout ! A la mer, à la mer ! Aux trésors et aux conquêtes, aux îles et aux gouffres perdus ! A la mer, à la mer! Aux flots profonds et aux monstres cachés ! La liberté est vôtre, la liberté par le Dédain !

Le sentiment de fierté à l'égard de son équipage et de son navire n'était pas prêt de s'estomper. La Barde et plus intimement, sa confidente, trouva pour lui les derniers mots. De nouvelles promesses. Des promesses que le Capitaine du Dédain s'engageait à tenir. C'était la vie qu'il promettait à chacun et chacune d'entre eux !

LARGUEZ LES AMARRES ! LE TEMPS SE COUVRE, FAITES VITE ! NOUS PARTONS A LA RENCONTRE DE NOTRE DESTIN ! PRENONS NOTRE LIBERTÉ, EMBRASSONS LA ET CRÉONS NOTRE MONDE DANS CETTE ÈRE NOUVELLE QUI SERA NOTRE ! GLOIRE A NOUS !

En effet, il était aisé de constater que l'air était en train de se gorger d'humidité. C'était presque inquiétant. Le Dédain pointait déjà la sortie du port. Il suffisait seulement de voguer vers elle. Mais comment passeraient-ils la grande porte ? L'ex Amiral de la flotte d'Aile Ténébreuse se surprit de constater que cette dernière était en train de s'ouvrir. Était-ce son œuvre ?

Merci, mon ami... J'espère te retrouver bientôt. pensa-t-il, à l'égard du Chef de l'ancienne Milice des Ombres.

Joshua passa sa main autour de la taille de Cendre et la pressa contre lui. Elle était là et lui avait pardonné sa récente absence de plusieurs mois mais mettrait du temps à admettre le fait qu'il était revenu avec des cicatrices sur le visage et le reste du corps. La vie qu'ils s'apprêtaient tout deux à épouser était bien plus risquée que son récent combat contre Galaad. Enfin, n'appelait-on pas cela les risques du métiers ?

Archipels de la Muerta, nous voilà !

Il relâcha Cendre dans la foulée qui retournerait à la barre pour accomplir son devoir de Timonière. Ce serait à elle de gérer la traversée. La brume aux tons glacés, aux origines magiques avait investi tout le port de Sen'tsura. Elle réussirait cette dangereuse manœuvre, il en était certain.

C'était ainsi qu'avec le soutien de l'ex Chef de la Milice des Ombres, le Dédain parvint à disparaître presque comme par magie du port de Sen'tsura. Il ne faudrait pas très longtemps avant que l'alerte soit lancée mais ce dernier aurait déjà pris bien suffisamment de distance pour être rattrapé dans la foulée.