Je vous en prie, ne partez pas! Je vous ai vue à l'oeuvre, je sais que vous savez vous battre!
Voilà un bon quart d'heure maintenant que cet imbécile me suit. J'avais bien essayé de le semer au travers de la forêt mais sans succès. Il faut avouer qu'il est drôlement rapide pour un villageois, et il ne s’essouffle pas aussi vite que moi, c'est vexant. Mais bon, je n'allais pas le violenter, après tout, il est juste tenace et un peu stupide.
Vas-t'en. Je ne suis pas mercenaire, je ne vends pas mes services au premier paysan venu, alors passe ton chemin, sinon tu auras plus à craindre de moi que de quiconque.
Étrangement, il s'arrête tout net. Il baisse les yeux au sol et commence à se ramollir. déjà qu'il n'est pas de forte consistance, il fait peine à voir dans ses habits débraillés. Je lui tourne le dos en soufflant de soulagement, puis je reprend ma marche. Un écureuil passe devant moi avec un apport à ses réserves pour la saison froide entre les pattes. Cela me rappelle que je n'ai pas mangé de la journée. Depuis que j'ai quitté cette ville, j'ai passé trop de temps à m’occuper de l'entretient de mon armure et du renouvellement de mes flèches pour y penser, j'ai mon sens des priorités. Alors que j'enjambe une ronce pour regagner un chemin plus dégagé, j’entends l'autre braillard me crier:
Si vous ne m'aidez pas, je serai mort demain!
Son assurance s'envole aussi vite qu'elle est arrivée et il baisse à nouveau le regard comme s'il avait peur de ma réponse.
Votre sort ne m'intéresse pas.
Ma réponse stoppe son souffle immédiatement et tout a l'air de s'effondrer autour de lui. Comme pour souligner l'ironie, un vent léger se lève et comble le silence qui s'est installé. Sans me retourner, je disparais de la vue du paysan. Il décide au bout de quelques minutes de rebrousser chemin vers son village. Ses pas sont lourds, et labourent le sol de tout le désespoir qui déborde de celui qui se sent condamné. Il s'assied quelques minutes contre un arbre, à quelques pas de sa ferme. Il a peur de rentrer, il ne sais pas quoi faire. Après une réflexion qui dessine sur son visage une forme de détermination qui est celle de la dernière chance, il se lève et avec rapidité se déplace jusque chez lui.
C'est une grande ferme collée au village. Une grange s'élève à coté de la bâtisse, et quelques animaux mal nourris se perdent dans des champs trop grands pour leur nombre. Une cascade de plantes grimpantes a pris possession du bâtiment. Le bruit d'une rivière, le vent, le soleil qui se couche, tout offre un magnifique cadre pour fonder un foyer, élever des enfants, et piétiner le purin des animaux malades dans l’allégresse.
Il attrape la main de sa femme qui tient dans ses bras un nouveau né, et ordonne aux deux autres enfants, plus grands, de le suivre. Ce sont deux garçons et une petite fille qui semble être la principale cible de l'amour maternel. Le paysan compte fuir aussi loin que possible, si loin que personne ne les retrouverai. On lit avec évidence que dans ses yeux qu'il protègera sa famille avant sa propre vie, et qu'il y'a comme une forme de responsabilité dans son attitude.
Alors qu'il franchit le palier, un groupe de personnes commence à encercler le bâtiment. Je les observe se rapprocher de leur proie depuis le toit de la grange.
Son histoire ne me passionne pas, mais il est probable que les gens qui lui en veulent soient les mêmes que ceux qui ont tentés de me voler à quatre contre une. Visiblement un groupe de gens louche se terre près d'ici et j'ai mal pris le fait que leur compagnon m'échappe. Il avaient tenté de me voler une proie, alors que je chassais dans la région. L'un d'eux, dont je me suis assuré qu'il ne me nuirai plus jamais, s'était avancé avec un dague rouillée ridicule, et avait lancé quelques propos prétentieux. C'est fou ce que ces épaves humaines peuvent se comporter mal en face d'une poitrine féminine. J'ai dû refaire une partie de leur éducation en leur apprenant le respect, et l'humilité.
En un rien de temps, le paysan ordonne à sa femme de fuir avec les enfants. Les bandit se divisent en deux groupes dont un poursuit la femme et les enfants. Vu comment ils s'y prennent, il la rattraperont mais pas tout de suite... Pour leur permettre de survivre, à l'aide d'une vielle arbalète, le père de famille a tiré et bien amoché deux gredins, et fait barrage de son corps. Blessé au bras il a posé un genoux par terre. Deux des bandits ont réussi à lui échapper et à partir à la poursuite des fuyards. Le groupe restant se resserre autour de lui, et une voix se fait entendre.
Arrêtez, les gars! Laissez le moi...
Ce qui ressemble au chef de la bande s'avance, croise les bras, fronce les sourcils et prend un air amusé. Une vilaine moustache posée gauchement en travers de sa lèvre supérieure s'affiche comme un postiche et lui donne un air bêtement vaniteux. Pourtant il n'y a pas de quoi se la raconter quand on porte un équipement dont la totalité pèse moins lourd que le contenu de ma bourse. Surtout quand on sait le peu de pièces qui y transitent...
Alors, on veut plus dire bonjours à son vieux copain?
Le paysan change d'attitude. Il tremble de tous ses membres et ne semble pas vraiment percevoir le ridicule qu'affiche son interlocuteur.
Hey Henri, calme toi. Je comptais passer chez toi et...
Un coup de pied lui casse le nez et l'étale sur le sol. Les rires gras des brigands s'élèvent autour du pauvre homme. Rien qu'à les regarder on peut percevoir toute la vulgarité qui les compose. Le ciel n'aurait jamais pu avoir autant d'humour qu'en donnant la vie à ces gars là...
Fous toi de ma gueule! Tu comptais filer et ne plus avoir de compte à nous rendre, et ça, je ne peux pas l'accepter tu vois? Je ne suis pas le genre de gars qu'on peut voler tu sais? Tu me dois des sous, beaucoup de sous, et je compte bien les récupérer, je dois m'acheter une nouvelle masse pour écraser les minables dans ton genre!
Laisse moi du temps, Henri, je t'en prie! Je te jure que... !
immédiatement, le concerné "Henri" pose son pied sur la main posée au sol du paysan et commence avec une expression sadique à exercer des pressions sur le membre. La grimace de la victime n'est pas belle à voir mais son râle est unique. Toute une gamme de rouge commence à emplir sa main dont les os abandonnent peu à peu leur combat.
Je veux mon fric maintenant! Tout de suite salopard, ou je t'arrache tes petits bijoux de famille avec les dents de ta femme!
La vulgarité et la bassesse de l'individu m'agace, mais il me manque une seule information, c'est pourquoi plutôt que de tirer tout de suite, je décide de descendre de mon perchoir, et d'aller à leur rencontre. Immédiatement le paysan m’aperçois et se met à crier:
Pitié, je vous en supplie, je paierai ce qu'il faudra! Aidez moi!
Tout le groupe de bandit se retourne comme un seul homme et me regarde avancer, armes rangées, mains posées et prêtes à agir.
Alors, on a besoin d'une femme pour se défendre? T'es vraiment minable... Qui t'es toi, arrêtes d'avancer!
Patron! c'est le démon de ce matin! Elle a crevé Jénah, Ghor et Baptiste! C'est une folle, une créature des enfers, elle est pas normale patron, j'vous jure!
En effet je reconnais le poltron qui avait fuit lors du massacre de la matinée. Je sens que le chef me sous estime. Il a l'air assez énervé, suffisamment pour faire des erreurs et pour se battre mal. A force d'avancer vers lui, son assurance semble s'évader. Il se remplit d'incertitude et de surprise. "Pourquoi est-ce qu'elle continue d'avancer?". "Est-elle folle au point de nous défier tous?". Il se demanderai presque s'il ne faut pas se méfier de moi. Toutes ces expressions s'enchainent sur son visage trop expressif, lui rendant l'air encore plus bête que précédemment.
Écoute, tout cela ne te regarde pas ma fille! Rentre chez ton homme, fais lui la cuisine, et fiche nous la paix! Ce gars me doit de l’argent, il a joué, il a perdu, c'est normal qu'il paie maintenant.
Donc c'est une histoire de jeux d'argent. J'ai horreur de l'idée qu'un homme détruise sa propre famille en jouant son argent. Il m’apparaît nettement plus minable tout à coup, mais il ne mérite pas d'être tué par des brigands de bas étage. Personne ne mérite ça. Alors j’attrape mon arc dans mon dos. Le bois glisse sur la peau de mon cou et j'aime cette sensation presque passionnément. Les bandits sortent immédiatement leurs armes et se tiennent prêts, une sorte de panique s’empare du groupe, mais ma cible, elle, a compris que son sort était scellé. Il semble déjà avoir abandonné sa vie et s'être livré aux cieux.
Je vous confie ma famille. Sauvez les, je vous en prie.
Sa boite crânienne cède, et la flèche entre presque entièrement, ressortant au niveau du cervelet et de la nuque. Le sang gicle en arrière sur quelques sous-fifres du grand chef des joueurs de mort. La fleur cache la plaie, mais le sang la colore bien vite de liquide vital évadé de sa cavité-prisons. Le corps met quelques secondes à lâcher prise et à se détendre. Le silence vient de s'imposer. Personne ne semble avoir compris. Une goutte de sueur coule le long du visage d'un porc, et trouve refuge dans sa moustache.
Alors t'es de notre coté ma douce? Hahaha... On aurait bien besoin de quelqu'un comme toi dans notre... groupe...
Ma lame sortie arrache sa carotide, j'en tue deux autres avant qu'ils ne comprennent. Certains prennent la fuite, d'autres ivres de rage tentent de m'affronter, mais n'ont aucune chance. Les lames volent en éclat, certains glissent sur leur propre sang et agonisent sous le poids de leurs semblables. Des rats. La vie doit reprendre son don. J’arrête un bras droit gauche, qui visait ma hanche, puis en récupérant la hache qui devait me fendre, j'achève le dernier des courageux. Leur désorganisation et leur incertitude les a perdu. Celui qui hésite meurs. Ma survie depuis tout ce temps repose sur ce constat, ne jamais sous-estimer ceux qui n'hésitent pas. Eux avaient peur, ils n'étaient rien, que quelques insectes qui se déplacent en groupe pour leur survie, mais qui ne sacrifierai pas un cheveux pour leur compagnon. Que des lâches qui défendent uniquement leur propre vie, et qui pensent plus à fuir qu'à affronter la difficulté. J'arrache du crâne des fuyards les flèches qui ont mis fin à leurs existences, puis Je récupère tout l'or de chacun. Ils ne sont pas venus les poches pleines, mais cela suffira. Ce sera la juste récompense pour avoir perdu mon temps à m'occuper de cette histoire.
Il faut finir le travail. Je me met à courir pour rattraper la famille du défunt. Rapidement je tombe sur un des deux fils égorgé. Reste donc trois personnes en comptant le nouveau né. Je ne tarde pas à trouver la femme nue, chevauchée par un brigand à coté d'un autre cadavre de vaut-rien. J'imagine, vu que je ne les trouve pas que le dernier fils a pris sa sœur et s'est échappe sous les ordres de sa mère en tuant l'un des bandits. Je ne pensais pas qu'un gamin de cet âge pouvait en être capable, il a dû avoir de la chance, sans doute. Les bruits de bête du bandit faisant son affaire cessent bien vite, les porcs, on les vide par la gorge. La femme est dans un état minable et son corps est percé par milles couteaux. Elle serait morte de ses blessures s'il avait continué à la prendre. Peut-être que la nécrophilie de repousse pas se genre d'individu après tout... Je la rassure, car elle en a besoin. Elle est condamnée et perds du sang de tout le corps. Son visage n'a pas été épargné mais il semblerai que son état ne lui permettent pas le luxe de ressentir encore la douleur.
J'ai passé un marché avec votre mari. Je vais protéger votre enfant contre l'argent des bandits. Ce contrat n'a pas été annoncé, mais c'était son souhait, et le votre. J'ai été payé, votre bébé vivra.
Elle n'a pas assez de souffle pour me répondre, mais ses yeux semblent pleins de gratitude jusqu'à ce que je les ferme d'un flèche dans la tête. C'est encore ce qui tue le plus vite... Les pleurs d'un gamin en bas-âge sont faciles à suivre, et j'arrive bientôt jusqu'à eux. Le plus grand pleure. Il a déposé le petit sur une pierre. Le vent me souffle ma pensée, j'ai peur que cet enfant ne puisse pas survivre si son grand frère s'en occupe. De plus je n'ai rien promis à la mère concernant le grand frère... Le petit vivra mieux en ignorant ce passé, mais l’aîné lui, survivra mal à cette épreuve. Son vécu risque de polluer l'existence du plus petit, qui a une chance, lui. Il ne se souviendra pas du viol de sa mère, de la mort de son père et de ses frères.
La nuit vient depuis un petit moment, et la lumière se fait de plus en plus rare. La décision est dure à prendre. Je bande mon arc vers l'enfant. Le vent soulève mes cheveux et fait trembler la plume d'étoile au bout de la flèche. La lune se lève. C'est une lune nouvelle. je reste une bonne minute avec cet arc bandé, puis l'abaisse. je m'approche du petit. Par derrière je pose main main en bâillon sur sa bouche. Il se débat gauchement, d'une manière à la fois paniquée et méthodique. C'est probablement cette once de méthode qui lui aura permis de survivre jusqu'ici.
Chut, chut, n'ai pas peur petit. Je ne te veux aucun mal, mais il pourrait rester des bandits alors ton silence pèse lourd. Écoute moi bien. Je vais te laisser la vie, conserve la, et chérit ta petite sœur si fragile. Cache lui la vérité, qu'elle puisse vivre une enfance joyeuse, et ne reproduit pas les erreurs de ton père.
Sache que je garde toujours un œil sur les vies que j'ai prolongé. Si tu songe à abandonner, à ne plus t'occuper de ta sœur, et à cesser d’honorer la mémoire de ta mère... Je me réserve le droit de te la reprendre, cette vie.