Calme, posé et réfléchi. Très naïf. Sûr de lui. Généreux, bon, empathique. Aime les animaux. Affamé en permanence. Franc, amical, joyeux, bon camarade. Buveur social. Inconscient de sa force. Tête de mule et tête en l’air. Vantard, orgueilleux. Inconscient.
Histoire Hé bien hum, je ne sais pas vraiment par quoi commencer en fait, je n’ai pas l’habitude de raconter ma vie comme ça.
Bon, très bien.
Si je devais dire ce qui m’a rendu tel que je suis aujourd’hui, sans doute que je dirai que c’est l’idée préconçue de mon grand père selon laquelle un véritable Homme (avec un grand H, monsieur !) est un homme fort, un homme qui n’a pas peur du travail, un homme qui a de la corne sur les mains, un homme qui peut protéger sa femme, tout comme il peut la corriger !
Vous voyez le personnage.
Mais il ne faut pas en lui en vouloir pour son point de vue étriqué, il avait passé toute sa vie dans un village reculé, a travailler la terre comme il baisait sa femme et comme il éduquât son unique fille : avec force et ardeur, mais sans subtilité.
Selon lui, l’éducation passait par le respect de l’autorité, comment dresser un cheval, comment élever un taureau ; il n’accordait aucun crédit a des notions abstraites telles que les mathématiques, la philosophie, l’exploration de la personnalité, l’écriture… A vrai dire, de telles choses le terrifiaient, pour lui elles étaient fondues dans une logique qu’il ne parvenait tout simplement pas a assimiler.
Et c’est a cause (ou grace) a lui que ma mère ne se confrontât au lettres qu’a l’âge de 19 ans, moment ou elle rencontrât mon père.
C’était un petit homme faible, maigrichon au teint maladif et au doux sourire, il était venu ouvrir une école dans le petit village paumé de mon grand père.
Imaginez donc les sentiments de ce dernier vis-à-vis du nouveau venu ! C’était une larve, un bon a rien, et ces méthodes de lâches allaient corrompre la jeunesse ! Un enfant doit aider ses parents, pas lire des livres ! Qu’est ce que c’est que c’est que cette hérésie !? C’est un fou, UN FOU !
Fidèle à lui-même…
Mais pendant ce temps, Dolianne (ma mère) tombait peu a peu amoureuse de ce lâche au doux sourire qui pouvait faire naitre des pensées en traçant des symboles sur un morceau d’ardoise. Il parlait bien et était gentil avec elle, il ne se moquait jamais ni ne lui proposait de faire des choses, en fait c’était le seul homme qu’elle connaisse qui ait un cerveau plus gros que ses bras.
Elle en avait parlé à sa mère (ma grand-mère), qui approuvait totalement le choix de ce jeune cœur, elle aussi aurait aimé tomber sur un homme qui pouvait mettre la beauté en verbe et caresser les oreilles avec une franche mélopée de dialecte.
Mais mon grand père n’était pas d’accord, les deux femmes savaient très bien que cela ne servait a rien de ne serait-ce qu’évoquer l’idée de sentiments naissant envers un homme qui ne pouvait pas soulever son poids d’un bras ! Impensable !
Mais voilà, par une belle soirée d’été, en haut d’une colline couronnée par un gros caillou blanc, mon père écrivît « je t’aime » dans une bonne terre brune au pied de ma mère, lorsqu’elle lui demandât ce que ça voulait dire il lui répondît que ça voulait dire la plus belle chose du monde. C’est sans doute ce soir là que je fus conçu, sous le regard bienveillant de l’astre argent.
Le lendemain, prenant son courage a deux mains, mon père s’en allât demander la main de ma mère a mon si joyeux et amical grand-père.
Et ce fût presque un oui, car alors qu’il était en train d’écraser le professeur malingre avec le talon de sa botte, le cœur du sanguin paternel succombât a la combinaison de la fureur et des efforts faits pour mettre un terme a l’existence de celui qui se voulait son gendre.
Ensuite, se passât ce qui devait se passer, ma mère et mon père se marièrent, et neuf mois plus tard vînt au monde un bébé braillard et malingre : moi.
Alors, vous qui me contemplez dans toute ma gloire et ma force, vous serez sans doute très surpris d’apprendre que l’on ne donnait pas plus de quelques semaines à vivre.
J’étais né avec le cordon ombilical m’étranglant, la vieille qui avait aidé ma mère dans son travail de vie me sauvât la vie, mais ce n’était que le premier des maux qui m’affligèrent ; je ne pesais guère plus de deux kilos et demi, j’étais diarrhéique, et hémophile, mon sang portait une telle faiblesse qu’il fallût que ma mère, -oui, ma mère- joue des poings pour me sortir des griffes de ceux qui voulaient abréger mes souffrances.
Elle disait qu’il y avait une solution ! Oui ! Elle était persuadée que Cervin Mir, le Dieu de la Force, pourrait sauver son enfant ! Mon père tentât bien de la raisonner, la prenant dans ses bras faiblards, lui expliquant que le destin avait choisi pour moi de mourir si tôt… Mais rien n’y fît, ma mère n’en démordait pas, elle allait partit pour le vieil autel abandonné dans les collines, et elle obtiendrait la bénédiction du Dieu.
Mon père acceptât finalement de l’accompagner, je m’affaiblissais de jour en jour et il lui était devenu évident que je ne reviendrais pas de ce voyage de quelques jours…. Il se trompait, évidemment.
Cette histoire est celle que j’ai le plus entendue dans mon enfance :
Lorsque mes parents arrivèrent a l’autel abandonné, il faisait nuit noire, mon père aurait voulût s’arrêter dans une auberge et rendre visite aux pierres immobiles de la construction le lendemain matin, mais ma mère s’y était refusé, arguant que je ne survivrai pas a cette nuit si je ne profitais pas immédiatement du Don du Dieu.
C’est au moment où ils passèrent les premiers pilonnes mangés par la mousse et gravés de symboles incompréhensibles que mon père commençât a penser que, peut-être, je pourrais vivre.
Une douce lumière verte sourdait des pierres froides, caressant les joues du bébé silencieux que j’étais, allant en s’accentuant plus ont s’approchait du centre de la structure de gravats.
Ma mère m’a souvent décrit le Dieu qu’ils avaient vu ce soir, il trônait devant une énorme dalle fendue par le temps, et recouverte de lierre ; lui-même ressemblait a un golem de pierres, fait d’un grand nombre de rochers liés entre eux par une puissante mais apaisante lumière couleur de chlorophylle. Il se dégageait de lui un gigantesque sentiment de force contrôlée et protectrice, son visage n’était qu’une pierre inexpressive et grignotée par les végétaux, et pourtant on aurait dit qu’il souriait en me regardant.
Alors, me disait ma mère, tout se passât comme dans un rêve : poussée par un instinct qu’elle ne connaissait pas, elle déposât la créature rose et frêle issue de son sein sur la dalle et s’agenouillât.
Mon père me racontait qu’il n’avait jamais vu créature si forte, si belle et si visiblement graciés par les divins que ma mère, baignant dans la lueur du Dieu en cette fraiche nuit de début de printemps.
Le Mir baissât sa face lunaire vers moi, puis, après un temps, il me prît dans ses énormes mains de pierres dénuées de doigts et me berçât. La différence de taille était gigantesque, je n’étais que petit bout de chaire malade, et lui, il devait attendre les quatre mètres de haut, uniquement fait de pierre et de lichen rampant… Ma mère me disait que c’est a ce moment là qu’il m’a béni, il a fait des bruits étranges, comme des pierres roulants a flanc de montagne, puis c’est tout. Flash de lumière verte et plus rien.
Mes parents ont été réveillés par mes cris le lendemain, je pleurais si peu avant qu’ils ne surent pas immédiatement de quoi il s’agissait avant de poser les yeux sur la dalle de pierre ou vagissait leur gamin.
Après cet événement marquant, je ne pense pas avoir vécu quoique ce soit d’exceptionnel, j’étais constamment affamé, et surtout beaucoup plus fort que les autres enfants : a six ans je soulevais mon père et renversais souvent les meubles pour jouer.
J’étais plus fort que les autres, et surtout bien mieux éduqué grâce a mon père qui me transmît tout ce qu’il pût durant les années que je passais a ses cotés.
Mes oncles m’enrôlèrent dans l’entreprise familiale, et c’est avec joie que j’appris l’élevage et le dressage de chevaux et de taureaux, animaux qui me fascinaient pour la puissance et la grâce qu’ils dégageaient.
Les années passèrent, et avec l’adolescence mon corps changeât dans des proportions que je n’aurai pas imaginé, quatorze a dix huit ans, mon poids doublât, et je commençais à faire parler de moi parmi les villages des plaines comme étant l’homme le plus fort du monde ; j’aidais comme je pouvais au village, travaillant beaucoup pour payer les quantités gigantesques de nourritures que j’ingurgitais.
Je vivais simplement, je ne pouvais me définir comme étant malheureux, et pourtant, chaque nuit, avant de m’endormir je m’imaginais couvert de gloire, traversant des champs de batailles épiques donc je changeais le cours a la force de mon glaive ; au plus profond j’aspirais a autre chose qu’a une vie d’éleveur, je voulais devenir célèbre.
On n’était pas très au courant de la vie en dehors du village, et celle-ci ne nous importait peu ; c’est pourquoi quand les rumeurs d’invasion et de guerres nous parvinrent, nous ne les regardâmes jamais avec plus d’intérêts que les bannières des légions qui passaient a plusieurs milles de notre havre de paix.
Cent-treize, le sept de Nadrillà, ce jour restera gravé dans ma mémoire.
Rien a voir avec l’anniversaire de la prise de Sent’sura, événement dont je n’avais même pas eu vent, non, ce jours marque pour moi la fin définitive de mon enfance et la mort de mon père.
Ce tragique événement me marquât profondément, et durant une semaine je fus particulièrement a vif, la moindre contrariété entrainant soit une crise de nerfs, soit une profonde dépression, et arrivât ce qui devait arriver.
Après une autre nuit passée a ruminer mes sentiments, je me rendis a la ganaderia de mes oncles. La veille, un taureau particulièrement violent et massif avait été acheté, et ce malgré les mises en gardes de l’ancien propriétaire vis-à-vis du caractère de la bête.
La première chose a faire lorsqu’une nouvelle bête arrive, c’est de la marquer au nom du nouveau possesseur, quatre gars costauds attachèrent le gros cornu dans la structure de rondins de chênes qui servait a maintenir les animaux en places durant la délicate opération.
Cependant, a peine le fer rouge entrât en contact avec la chair du bestiau, que l’assemblage de bois explosât littéralement sous la puissance de ses ruades ; en l’espace d’un instant les quatre hommes furent mis a terre, puis piétinés par un monstre tout en muscle et en cornes d’environ une tonnes et demi.
J’assistais a cette scène depuis l’enclos des chevaux, mais je fus sur les lieux du drame en quelques secondes, le monstre était encore écumant de rage, et lorsque j’entrais dans la petite arène, il me fonçât droit dessus.
C’est a ce moment que tout les spectateurs, ainsi que moi-même, se rendirent compte a quel point j’étais différent.
La bête incroyablement forte, mais certainement pas agile, si bien que je n’ai eu aucun mal a attraper ses cornes, et a l’empêcher de me les planter dans l’estomac. Malgré mon poids, il n’eût aucun mal a me pousser jusqu’au mur de planche qui craquât sous le choc.
Puis se fût l’hésitation, je ne savais pas quoi faire, le dos bloqué par le bois j’avais les appuis nécessaires pour maintenir l’animal les bras tendus, mais je ne pouvais pas me déplacer, car le monstre était bien plus lourd que moi.
Alors nous sommes restés comme cela pendant plusieurs secondes, lui qui poussait de toute sa masse, raclant le sol de ses sabots, l’écume aux lèvres ne parvenait même pas a me faire plier les bras ; et moi, paniqué, ne comprenant pas ce qu’il m’arrivait, coincé contre un mur par une créature de cauchemar.
Puis j’ai fait la chose la plus stupide que j’aurai pu imaginer : j’ai frappé le crane du taureau avec mon front, en y mettant vraiment, vraiment toutes mes forces et en tirant sur les cornes pour accentuer encore le choc.
J’ai vu du sang jaillir de ses yeux et ses oreilles, je l’ai vu s’effondrer au sol alors que je tenais encore ses cornes cassées dans me mains incrédules.
J’en ai vomi.
Ensuite, vous imaginez bien les regards, les murmures, les gens qui ne veulent plus vous adresser la parole, les amis qui vous jettent des regards noirs, ce puits empoisonné qu’était devenu pour moi le village. Seule ma mère me comprenait encore, elle disait que c’était le Mir qui m’avait béni, et elle était tellement fière.
Puis elle pleurait, souvent. Elle pleurait quand elle me voyait, et elle me disait :
« Si seulement ton père te voyait… Il serait si fier. »
Je ne comprenais absolument pas pourquoi elle me disait cela, alors que tous les autres me regardaient comme un démon.
Mais finalement j’ai compris.
Elle n’avait même pas quarante ans, mais elle en paraissait soixante.
Elle avait pris l’habitude de monter sur une colline, ou trônait un gros caillou blanc, et de là haut elle regardait les champs, il lui arrivait de pleurer là-haut.
Je montais souvent la voir, petite silhouette fouettée par le vent, fragile et dominant l’horizon ; Elle était assise sur la grosse pierre, et traçait des symboles dans la bonne terre brune a ses pieds, et lorsque je lui demandais ce que cela voulais dire elle me répondit :
-« La plus belle chose du monde. »
Elle n’avait jamais sût écrire.
Le lendemain je la portais sur son lit, puis je passais la journée avec elle, elle me racontât encore les même histoires que j’écoutais cette fois avec les larmes aux yeux.
Dans la nuit elle s’éteignît.
Je creusais seul la tombe, mes oncles étant encore sous le choc de leur rencontre avec le taureau, mais je n’étais pas le seul à l’enterrement, et nombre de personnes surmontèrent leur méfiance pour aller présenter leurs condoléances au jeune orphelin.
Après la mort de ma mère, plus rien ne me retenait au village. J’ai donc vendu toutes les affaires ainsi que la maison, et avec l’argent je me suis acheté de la nourriture pour quelques jours que j’ai emballé dans un énorme balluchon.
- Citation :
- Raconte la mort de ton père et ton ressenti des choses aux côtés de ta mère.