Cela faisait déjà quatorze années que le Maître avait recueillit l'enfant. Il lui avait donné un prénom, Licht, mais pas de nom de famille, afin de ne pas créer de liens trop fort avec Celestia et ses habitants dans la tête de l’hermaphrodite
D'ailleurs, celui-ci se réveillait à peine : il avait passé une mauvaise nuit, pleine de songes étranges, incohérents et n'ayant aucun rapport les uns avec les autres. Il avait déjà ouvert les yeux mais ne parvenait pas à trouver la force de quitter son lit. La texture de la soie contre son corps dénudé et les rayons du soleil matinal qui filtraient à travers la fenêtre le baignait d'une chaleur si agréable. D'habitude il se levait chaque matin sans hésitations, se préparant selon ses gouts et se hâtant ensuite vers la salle à manger pour le petit déjeuner. Mais il n'avait pas envie, pas tout de suite, il se sentait étrange ; comme si son corps était engourdi et las. Il détourna finalement les yeux et enfouit sa tête sous son oreiller pour échapper à la lumière du jour, il n'avait pas envie de sortir de son lit ; il voulait y rester toute la journée, puis toute la semaine. Il parvint à se rendormir quelques peux, à moitié, songeant à des idées extravagantes, des questions gênantes et à quel point il était impuissant à y répondre.
Au bout d'une ou deux heures, les serviteurs en cuisine commencèrent à s'inquiéter un peu de l'absence de Licht ; prévenant immédiatement le Maître et envoyant un des tuteurs dans la chambre de l'adolescent.
Celui qui se désigna pour y aller fut son professeur de philosophie, un grand homme bedonnant, imberbe et chauve.
Une fois arrivé devant la porte de son élève, il frappa trois coup et demanda à voix haute :
-"Licht, cela fait déjà deux heures que l'on vous attend en cuisine ! Êtes-vous malade ?"
De son côté, l'hermaphrodite se redressa dans son lit, clignant des yeux pour désembuer sa vision et tentant de remettre un peu d'ordre dans ses long cheveux blond. Il prit une grande inspiration et ramena son drap pour cacher sa poitrine. Ce qui était étrange, car en temps normal il n'avait aucune pudeur ; n'éprouvant pas le besoin de cacher quoi que ce soit à des gens qui l'avaient élevé depuis sa naissance.
Il dit alors à voix haute, laissant résonner sa voix si musicale et neutre entre les murs de pierre de sa chambre.
-"Entrez monsieur Bodisat !"
Le gros bonhomme poussa alors le battant de la porte et entra, refermant celle-ci derrière lui. Aucun détail de politesse n'était jamais négligé en présence de Licht, c'était une consigne stricte. Il resta debout alors et examina son élève de la ou il était : il n'avait pas l'air malade, mais pas tout à fait en forme non plus. Serait-ce le fameux moment tant redouté par le Maître lui-même ? Bodisat prit alors la parole juste après s'être éclaircie la gorge.
-"Alors mon garçon, pourquoi ne t'es-tu donc pas levé ? Nous allons être en retards pour la leçon."
L'air débonnaire du tuteur avait toujours fait sourire Licht ; il avait toujours considéré ce détachement comme une marque de respect et de politesse. Son professeur de philosophie était une personne respectable de-par sa science des choses de la vie. Mais allez donc savoir pourquoi, l'hermaphrodite le trouva soudainement insupportable ; comme si il n'avait strictement rien à faire de ce qu'il ressentait, comme si son air distant était une manière de se moquer de l'hermaphrodite. Ce dernier eu alors un grognement de colère et envoya son oreiller de soie et de plume à la figure du bonhomme, tout en s'écriant :
-"Cessez de parler sans arrêt de moi au masculin ! je suis aussi une femme !"
Le précieux coussin alla s'échouer mollement sur le visage rondouillard de Bodisat, celui-ci n'ayant même pas bouger d'un pouce, il avait l'air choqué. Aucune consigne particulière n'avait été donnée au cas ou Licht se montrerais insolent ou agressif, aucune sanction n'était prévue. Et jusque la, le besoin ne s'était jamais fait ressentir.
Puis soudain, l'hermaphrodite plaqua une main contre sa bouche et ses yeux devinrent brillants de petites larmes. Il bafouilla :
-"Oh je ... Je suis désolé je ne sais ce qui m'a prit je suis ... Désolé ..."
Le professeur, tout grand philosophe qu'il était, ne savait plus vraiment sur quel pied danser. Il était désarçonné par l'attitude totalement inédite de son élève ; mais il tentait tout de même de se montrer le plus compréhensif possible. Après tout, si le moment était venu pour Licht de faire sa crise d'adolescence, alors il devrait y faire face quoi qu'il advienne. Il leva une main apaisante et eu un sourire poli.
-"Allons, ce n'est rien ma petite, un coup de sang ça peut arriver à-"
Avant qu'il ne puisse finir sa phrase, un traversin entier lui atterrit en plein visage, une expression outragée se dessina alors sur le visage de l'adolescent. Il avait gardé la pose de l'élan qu'il avait donné à son projectile, il respirait fort, sentant son cœur s'accélérer inexplicablement.
-"Ne passez pas subitement au féminin pour me faire plaisir ! Vous vous moquez de moi c'est ça ? !"
Jamais au grand jamais il n'avait eu de tel élan de colère inexpliquée, irrationnelle même. Le pire dans tout cela, c'est qu'il semblait condamné à se rendre compte de la folie de ses actes après les avoirs exécutés.
Des larmes se mirent alors à couler sur son visage qu'il cacha de ses deux mains, penchant la tête en avant, ses cheveux dorés retombant en cascades autour de lui, comme pour l'isoler de l’extérieur. Il sanglotait à présent.
-"Je ... Je suis désolé ... Je sais pas ce qui me prend mais c'est comme quelque chose qui ... Qui trouble mon cœur et puis ... Toute ces choses la ..."
Bodisat avait légèrement été déséquilibré par le choc du traversin, mais son visage exprimait à présent une inquiétude bien plus grande à présent, qu'un simple choc de projectile. Licht était entrain de devenir un adulte, et cela le faisait souffrir horriblement semblait-il. Il brisait à peine les rebords de son cocon, et ses tuteurs devrait l'accompagner et le supporter dans cette phase difficile et douloureuse.
Le professeur passa une main sur son visage et se risqua à dire quelques mots, prenant bien soin de n'employer aucun sujet sexué.
-"Licht, je vais te laisser te reposer pour le moment. Je vais aller voir le Maître pour le prévenir que tu louperas mon cour, d'accord ?"
L'adolescent eu un hoquet de chagrin et essuya ses larmes, son esprit était trop embrouillé pour réfléchir ou penser à quoi que ce soit. Il hocha la tête en gémissant.
Son tuteur prit alors congé, refermant délicatement la porte derrière lui.
Licht disparut alors sous la couverture, les genoux repliés contre son ventre, il avait chassé ses cheveux en arrière et se laissait aller à ses larmes. Il n'avait subitement plus confiance en personne, plus envie de rien ; tout en même temps qu'il avait l'impression de gâcher ce qu'on lui donnait. Entre ses jambes serrées, il sentait ce qui faisait vraiment de lui un hermaphrodite, la sensation était étrange. Au-delà de ça, il se tourmentait avec des questions : qui suis-je vraiment ? D’où est ce que je viens ? Dois-je choisir ?
Il restait comme cela deux bonnes heures avant de se décider finalement à sortir de son lit. Il se sentait sale, il avait envie de se laver, de démêler ses cheveux. Ce qu'il fit, prenant tout son temps, comme si brusquer les choses risquait de briser le monde autour de lui. Puis lorsque vint le moment de choisir une tenue, il hésita pour la première fois de sa vie, ce qui lui fit ressentir un picotement dans le nez, comme si il était sur le point de verser une larme. Mais il n'en fit rien et attrapa un grand draps de soie afin de se l'enrouler autour du corps, comme un toge. Sans sous-vêtement, sans habits trop près du corps ni trop compliqués à mettre, il se sentait bien ainsi. Il se trouvait beau ; d'ailleurs c'était la première fois qu'il se trouvait beau, il n'avait jamais eu d'opinion d'habitude.
Il enfila une paire de sandales et se dirigea alors vers les cuisines, décidé à manger quelque chose.
Mais une fois arrivé la-bas, quelle ne fut pas sa surprise d'y découvrir tout ses tuteurs. Le professeur de philosophie, de lettres, de mathématiques, d'histoire et tous les autres.
Il étaient tous assis autour de la table en compagnie d'enfants : certains avaient le même âge que Licht, d'autres un peu moins ou un peu plus. C'était la première fois qu'il avait à faire à autre chose qu'à des adultes.
Bodisat se leva alors et rejoignit son élève afin de le convier à s'assoir à table. Un grand sourire illuminait son visage, il semblait très fier de ce qui avait été organisé.
-"Te voila enfin Licht, nous t'attendions ! Le Maître comprend la periode que tu traverse et organise un grand banquet qui durera toute la journée. Nous avons tous emmené nos enfants pour que tu puisse discuter et jouer avec eux ; ils ont hâte de te connaitre tu sais. Aller, viens, profitons de ton jour de vacances."
Il l'invita d'un geste de la main à avancer vers la grande table de la salle à mangé, l'hermaphrodite était ému. Tout ses tuteurs l'avait accueillit avec des sourire chaleureux et des applaudissement ; toute les personnes réunis ici semblaient vouloir qu'il se joigne à eux, l'acceptant sans condition aucune.
Il ne s'était jamais sentit aussi excité de toute sa vie.
Plus haut dans les tours du château, dans une pièce inaccessible, le Maître est confortablement installé dans un immense fauteuil de cuir et de bois massif. Imposant personnage aux pouvoirs mystérieux et puissant, il sourit avec tranquillité tandis qu'il lève un verre de vin ; contenu dans une coupe d'or pure. Il formule alors quelques mots à voix haute : comme si ceux-ci pouvait être entendu et compris par les murs du château eux-même.
-"Licht a besoin de se découvrir. Besoin de se sentir accepté. Besoin que les autres lui renvoient son propre reflet afin de s'accepter sois-même. Nous surveillerons tout cela ..."