Le travail c'est bien beau mais il y a bien un moment où il faut bien se vider un peu l'esprit... ou plutôt le remplir de quelque chose de plus intéressant que de la paperasse inutile. Les occasions d'aller a la capitale étaient devenues assez rares depuis quelques temps, et ca pouvait se comprendre assez facilement quand on savait que Aile Ténébreuse et sa horde avaient investit les lieux. La ville n'avait rien perdu de sa magnificence même si le démon n'avait pas pu résisté a l'envie de rajouter sa petite touche personnelle en rajoutant de ci de là des choses qui n'auraient normalement pas lieux d'être. A commencer par l'arène pour ne citer qu'elle. Repère malfamé où se rassemblait des volontaires et des esclaves pour s'affronter dans des duels a mort où la morale et l'honneur n'étaient rien d'autres que des utopies de temps anciens. En clair: un abattoirs géant où les gens venaient en regarder d'autres se faire sauvagement déchiqueter dans l'euphorie la plus totale. Un endroit où Datar ne mettra jamais les pieds a moins d'y être emmené de force! Et encore... il s'arrangerait surement pour se trancher les veines en cours de route.

Non ce que l'elfe visait dans la cité c'était la grande bibliothèque qui s'y trouvait. Un endroit de culture, un lieux sacré pour Datar qui retrouvait là bas le calme et la solitude qu'il affectionnait tant, avec en plus la possibilité de nourrir sa curiosité. Des livres anciens traitants de tout les sujets possible et imaginable. Elle ne valait pas l'élégance et la richesse de la bibliothèque du continent du Ciel mais elle était tout de même suffisamment riche de trésors culturels pour l'elfe qui pouvait y passer des heures entières sans voir le temps passer.

Et encore une fois il se retrouvait là, assis sur un siège confortable a une table un peu a l'écart des autres. Eclairé par une lampe a huile qui lui donnait un éclairage suffisant pour décrypter les livres, Datar feuilletait paisiblement un ouvrage. Une mèche de cheveux sombres tombant devant son regard d'acier sans qu'il y prête attention, les lèvres closes et le regard sévère, concentré sur sa lecture. L'elfe n'avait assurément rien de bien... elfique. A part ses oreilles en pointe, on avait bien du mal a voir dans son allure quelque chose qui pourrait s'apparenter a son peuple. Vêtu de riches vêtements en tissus nobles, tout de noir vêtu de la tête au pieds, l'elfe n'avait rien de lumineux, au contraire.. il se dégageait de lui une étrange aura de glace et de ténèbres, comme s'il était emprisonné dans une sphère a l'écart du monde et qu'il ne semblait pas décidé a y laisser qui que se soit y pénétrer.

Sur la table devant lui étaient éparpillés des livres en tout genre: Astronomie, culture général, géographie... mais ce qui dominait très largement était sans aucuns doutes les ouvrages de nécromancie et d'alchimie qui parcheminaient la table. Certains étaient ouverts sur une page bien précise, d'autres étaient retournés... Il y avait également des parchemins étalés et déroulés, montrant des séries de runes étranges, des cartes, des illustrations de monstres étranges. Et derrière tout ça, Datar lisait.. du moins essayait de lire a demi voix, laissant un léger murmure passé ses lèvres. Un murmure étrange puisqu'il ne semblait pas être dans une langue connue de Terra, plutôt un étrange dialecte. Et si on regardait ce que l'elfe lisait (le titre de "Nécronomicon" sur la couverture en disait déjà assez long) on pouvait s’apercevoir que Datar était tout simplement en train d'essayer de déchiffrer et de traduire des runes. La chose n'était pas aisée puisqu'il n'était pas nécromancien et que cette ouvrage regorge d'anciennes écritures et de pictogrammes rituels...

Néanmoins l'elfe semblait ne pas se décourager et s'en sortait plutôt bien dans ses traductions même s'il mettait un peu de temps a déchiffrer les choses. Il était tellement perdu dans ses affaires qu'il ne se rendait pas compte de ce qu'il pouvait bien se passer autour de lui... ni même de la silhouette non loin de lui qui l'observait...

Cela avait été encore un sommeil sans rêves. Bratt s'était réfugié dans le seul endroit calme de la capitale, la grande bibliothèque. Si pour la plupart des individus cet endroit est un sanctuaire de connaissance, pour Bratt elle représentait avant tout un havre de silence. Comme souvent il y était venu pour dormir et attendre la fin des marchés, le soir venu, pour reprendre la route. Il avait abandonné l'idée de traversée cette masse humaine hurlante. Les cris des vendeurs alpaguant les passants l'auraient poussé au massacre... au sens propre du mot. Dans ces moments il haïssait sa faiblesse, et cela même si aujourd'hui les bouchons de cire et la force de l'habitude la rendaient moins handicapante. Dire que le cri d'une enfant le ferait reculer d'un pas mais qu'il ne sentirait rien du mordant d'une lame, maudit soit ce sens trop développé.

À la capitale il n'était pas encore très connu, ou du moins pas reconnu. Pour la plupart des gens un nécromant était vieux, barbu, habillé de noir, portant des cranes un peu partout, entouré de zombis et étant à moitié fou. De cette définition Bratt n'avait que les habits, la folie peut être et aujourd'hui un zombi qui l'attendait dehors. Ce dernier était frais de deux jours donc n'attirait pas l'attention, certains mendiants de cette ville semblaient plus morts que cet ancien soldat. Le nécromant aurait pu avoir plus d'hommes, mais il préféra ce faire discret et économiser sa magie lorsqu'il était appelé en ville comme ces derniers jours.

Il se redressa sur la banquette, au fond de la bibliothèque, où il c'était installé trois heures plus tôt. Il avait retiré sa cape qui reposait à ses côtés, il la remit après s'être étiré sans rabattre la capuche. Il parcourut la salle des yeux, il y avait peu de monde, mais ce qui retient son regard fut une table à l'écart. De là où il se trouvait il ne pouvait voir qui y était installé, mais même à cette distance il reconnut certains ouvrages, des livres traitant de nécromancie pour la plupart. Bratt les avait tous parcourus durant ses premières visites en ces lieux, étonné de découvrir que cette magie qui faisait partie de lui comme son propre sang pouvait être appris parfois. Bien sur, qu'une toute partie de ces documents était véridique, la plupart n'étant que des recherches inachevées de fou. Une fois sa curiosité satisfaite, le nécromant n'avait plus touché à tous ces vieux papiers, les livres d'anatomies et de médecine l'aidant beaucoup plus à améliorer son art.

Et voilà cette curiosité susnommée qui se réveillait. À quoi pouvait bien ressemblait le lecteur? Le jeune homme se redressa et se dirigea vers cette table à l'écart seulement éclairée d'une lampe à huile. Bratt eut un moment de doute car cet être ressemblé peu à ceux de sa race. Là était assis, en pleine lecture, un elfe. Tout de noir vêtu, il respirait l'aisance des personnes de nobles naissances. De là où il se trouvait le nécromant l'entendait clairement écorcher formule et texte de nécromancie. Il essayait de déchiffrer le « Necronomicon », livre passionnant mais qui comportait de nombreuses lacunes selon Bratt. La magie du jeune homme était d'une autre nature que celle que l'ouvrage décrivait, lui n'avait pas besoin de faire si souvent appel à un sacrifice... Et puis cette version n'était pas complète.
«_Seigneur nécromant.»
Un archiviste aborda le jeune homme, l'interrompant dans son observation de l'inconnu. Il lui tendit un livre épais relié de cuir.
«_Voilà l'ouvrage d'anatomie que vous recherchiez à votre dernière visite, je n'ai pas voulu vous déranger plus tôt.» chuchotât-il.
Il avait bien fait d'attendre Bratt détestait être réveillé. Après un signe de tête, le jeune homme pris le recueil et s'installa à une table vide, elle aussi à l'écart et se plongea dans l'étude des différents dessins et textes, oubliant pour l'instant l'elfe.

Même si l'elfe avait réussit a obtenir au fil des siècles une patience a toutes épreuves... il fallait bien avouer qu'en ce moment Datar avait surtout envie de se cogner la tête contre les murs tellement il touchait le fond. Et dire qu'il était venu ici pour se détendre... vu l'état de ses nerfs c'était plutot mal partit... Il poussa un soupire de découragement en refermant le livre devant lui d'un seul geste, jetant un oeil a ses traductions qui, bien que correctes, étaient tout de même peu nombreuses. Il perdait trop de temps a traduire ces runes et les informations qu'il en récoltait n'avaient que peu d'intéret, du moins pas l'intérêt que Datar aimerait y trouver. De quoi décourager l'elfe patient qu'il était. Il était d'ailleurs venu a la conclusion qu'il n'avait plus rien a faire ici. Son temps était précieux et de toutes évidences s'il voulait venir a bout de cette traduction, il n'y parviendrait pas en une seule journée. Il avait encore de la route a faire pour revenir dans la cité elfique, sans parler du travail qui l'attendait une fois là bas.

Il s'apprêtait a remettre de l'ordre dans sa table quand il fut interpeller par une conversation non loin. Plus que la conversation elle même c'est surtout l'appellation que l'un des deux protagonistes avaient utilisés pour nommer son interlocuteur qui avait attiré l'attention de l'elfe. "Seigneur nécromant"? Datar releva lentement les yeux de son bouquin pour observer la scène. Un homme qui travaillait ici, puisque l'elfe l'avait vu plusieurs fois, et le deuxième c'était bien la première fois qu'il le voyait. Une longue chevelure blanche, le visage fermé... La curiosité de Datar était piquée au vif. Il regarda l'individu s'éloigner pour s'installer a l'écart a une table. L'elfe a la longue chevelure d'ébène quitta sa table et rejoignit l'employé qui avait servit l'inconnu.

"Pouvez vous me dire ce que vous savez sur l'homme a qui vous avez donné le livre, tout a l'heure?"

L'employé hésita un instant avant de voir le livre que Datar avait toujours entre les mains. Le Nécronomicon. Il regarda de nouveau l'elfe et sourit légèrement.

"Il s'agit du Seigneur Zelphos, un nécromancien de talent et très respecté. Cependant, prenez garde... il n'aime pas qu'on le dérange pour rien."

L'employé s'inclina et repartit. Datar tourna son regard vers le nécromant, installé plus loin. Allons bon au point où il en était, autant essayer tout ce qu'il pouvait. C'est donc d'un démarche altière qu'il se dirigea vers l'individu, s'arrêtant devant sa table avant de s'incliner légèrement devant lui en guise de salutations.

"Seigneur Zelphos? ... Je me présente, Sir K'Tarsis. Pardonnez ma curiosité mais il semblerait que vous puissiez m'aider, si toute fois vous le souhaitez bien sur..."

Ces schémas étaient passionnants, des cheminements complexes des veines et artères jusqu'à l'architecture magnifique des os et organes. Ses yeux se perdirent dans les reliefs du cœur et les formes des muscles, étudiant les annotations sur les variations celons les individus et le sexe. Si avait voulu parcourir cet ouvrage c'est principalement pour sa richesse en illustrations, rares car résultant de longues heures de dessins et calligraphie. Il prenait son temps sur chaques pages, s'imprégnant de se savoir précieux à sa profession. Il avait bonne mémoire et se souviendrait de chaques détails le moment venue.
L'elfe approchait.
Il l'avait entendu arriver bien avant de le voir. Le nécromant pouvait déceler une forte détermination dans chaque pas frappant le sol. Ainsi son étrange apparence ne le faisait pas hésiter, cet elfe était bien intrigant, et ceux bien plus que pouvait encore le concevoir Bratt. Des personnes intriguaient par sa magie, le jeune homme en avait vu des dizaines. Mais la plupart du temps il les évitait consciencieusement. Bon soignons honnête il éviterait toutes personnes vivantes s'il le pouvait.
Par précautions il ordonna mentalement au zombi à l'extérieur de rentrer mais en restant à l'écart, certaines personnes se sentaient étrangement mal à l'aise, voire violentes, vis-à-vis de ces « créations ».
"Seigneur Zelphos? ... Je me présente, Sir K'Tarsis. Pardonnez ma curiosité mais il semblerait que vous puissiez m'aider, si toutefois vous le souhaitez bien sur..."
Une voix sans vraiment de musique, mais magnifique comme celle de presque tous les elfes. Vu qu'elle lui était amplement supportable le nécromant se décida à porter un peu d'intérêt à ce K'Tarsis. Un nom qui lui était inconnu mais qui pourrait être synonyme de destin tragique qui sait?( catharsis?). L'elfe était grand et avait de magnifiques cheveux noires. Sa peau semblait presque aussi blanche que celle de Bratt.
« Tout dépend de l'aide que vous recherchez. Vous pouvez essayer mais garder-vous de parler plus fort ou de trop vous approcher... »
Il avait dit tout ça avec son timbre habituellement, froid et dur, fixant l'autre droit dans les yeux. Après une seconde de réflexion il ajouta.
« Vous pouvez vous asseoir. »

Datar eu tout le loisir de voir un peu mieux son interlocuteur a cette distance. Une peau pâle comme la mort, un regard de glace, des cheveux de neige. Le moins qu'on puisse dire c'est que le nécromancien pourrait être le parfait opposé de Datar en matière de physique. Le blanc et le noir, seul la couleur de leur épiderme semblait les rassembler. Datar garda pour lui un rictus satisfait. Il aimait être accompagné de personnes séduisantes, il n'était pas déçu de la compagnie plus que satisfaisante que le jeune homme allait lui offrir. Le sombre inclina la tête légèrement en obtenant l'autorisation de s'assoir, ce qu'il fit dans le plus grand silence, se mettant en face du nécromancien. Pas la peine de se mettre trop près, cela ne plairait ni a l'un ni a l'autre. Et pour ce qui est de parler fort, Datar n'étant pas du genre a se montrer trop enthousiaste, ca ne devrait pas poser de problème. Il observa un moment le livre que son opposant était en train de lire avant de faire glisser son propre ouvrage sur la table, a une page ouverte sur tout un tas de symboles étranges. Il le tourna pour que son interlocuteur puisse être dans le bon sens de lecture.

"Juste une affaire de traduction... il semblerait que mes connaissances en la matière soient quelque peu faible par rapport au niveau de ce livre. Peut être allez vous pouvoir m'éclairer sur ce texte."

Fit-il sans lacher le livre des yeux.

"Il semblerait qu'on y trouve une description particulièrement précise d'un artefact oublié et perdu: Le Sceptre de Karos... capable, dit-on, de ramener une armée entière a la vie..."

Finit-il par dire en relevant légèrement les yeux vers le nécromancien, un fin sourire en coin des lèvres alors qu'il se reculait légèrement sur sa chaise pour le laisser a sa traduction.