Elle doit l'avouer, Yrelith était souvent passée par ici. Ce lieu est rempli d'une magie qui vous repose l'esprit tant la splendeur du décor est merveilleux, nul n'oserait avouer que les chutes de Néhélia n'étaient pas splendides. Beaucoup de souvenirs remontèrent à la surface lorsqu'elle posa son regard sur l'eau, le vacarme provoqué par les chutes la plongeait dans un passé réconfortant... Comme une petite enfant, elle se précipita jusqu'au bord de l'eau, regardant avec extase les remous, les reflets distordus, les feuilles flottant sur la surface. C'était vraiment un spectacle magnifique... Relevant la tête, la Cianopsitta put contempler un plafond tout autant merveilleux. Les branches, le vert des feuilles qui laissaient traverser la lumière du jour, on peut vraiment dire que cet endroit est le lieu idéal pour se changer les idées.

Elle avait beaucoup de mal à se retenir de se faire ouvertement plaisir, mais une présence intime l'empêchait d'être si... Osée. Vy, qu'elle accompagnait durant ses voyages, et ce de manière réciproque, n'était pas bien loin, la regardant s'amuser en souriant. Peut-être s'inquiétait-il que des traqueurs passent par-là, cependant, le risque de rencontrer des elfes étant assez élevés, il y a peu de chances de faire de mauvaises rencontres. Les elfes de la régions ne sont normalement pas avides d'or, la capture de deux cousins des phénix ne leur servirait pas à grand chose. Par contre... Rien ne les empêche, par exemple, de les inviter, si jamais... On peut rêver, non ? Gloussant joyeusement, Yrelith riva à nouveau son regard sur le petit lac, comme si elle cherchait quelque chose, ou bien qu'elle attendait un évènement...

Tirée de sa rêverie, Yrelith entendit une sorte de... Grognement, mais pas aussi féroce, on aurait juste dit un petit animal qui exprimait son mécontentement. Relevant la tête, elle regarda autours d'elle, avant de se rendre compte que le bruit venait de Vy... Ou, en tout cas, de sa direction. Intriguée, elle se releva et partit se cacher discrètement dans des fourrées non loin, histoire de voir un peu ce qui se passe. Après s'être suffisamment rapprocher pour avoir une bonne vue sur cette scène, la Cianopsitta put remarquer une jeune demoiselle par terre. À première vue, on aurait dit une elfe avec sa chevelure, ses traits du visage et ses longues oreilles, cependant, les elfes n'ont pas de queue. Rivant ses yeux sur le petit animal qui grondait, elle voyait bien qu'il ne s'agissait pas d'un animal domestique commun. Un pelage blanc, c'est plutôt inhabituel...

Restant pour l'instant spectatrice, Yrelith voulait savoir qui était ce petit être, et, surtout, ce qu'elle voulait. Faisait-elle partie d'un groupe particulier de chasseurs ? Ou bien était-elle solitaire ? Hostile, pacifiste ? Difficile de le savoir au premier regard. La seule chose qu'elle savait, c'est que cette inconnue était jeune, on aurait dit une enfant... Et puis, les apparences sont trompeuses, il suffit de la voir elle, penser qu'elle est née de la dernière pluie, puis apprendre qu'elle a tout de même vécu des siècles. Toujours cachée dans le buisson, elle regardait Vy tenter d'entamer une discussion avec cette jeune fille. Elle ne savait pas trop si c'était une bonne idée, ni même si cela donnera des résultats plutôt convaincants, pourtant... Au fond d'elle, la Cianopsitta ne parvenait pas à croire qu'une si innocente personne puisse leur vouloir du mal.

C'est étrange, Yrelith avait réellement l'impression de savoir exactement ce que cet être qui leur faisait face était. Quelque part au fond d'elle, s'était écrit, inscrit dans son sang et ses gênes. Cette petite fille n'avait rien à voir avec les Cianopsittas, mais cela ne l'empêchait pas de faire partie d'une des chansons qu'elle connaissait. Elle se présenta simplement, introduisant d'abord son animal de compagnie, puis elle-même, se disant s'appeler "Angélie". Quel adorable prénom, associé à son apparence enfantine et mignonne, on voulait juste la prendre dans ses bras et lui faire un gros câlin. Puis, soudainement... Des roses apparurent à ses pieds. Une sorte de magie ? Pourtant, Yrelith n'avait pas ressentit cette "sensation", mais il ne s'agissait que d'un sixième sens, facilement trompé par la brise. La regardant avec étonnement, elle se fit proposée de la prendre. Puis, sur le coup, la mémoire la frappa...

Souriant gaiement, elle prit délicatement la fleur sans dire un mot, la remerciant d'un simple regard heureux. Cette apparence, cet animal qui lui était si proche, cette capacité à faire pousser des plantes comme ça... Plus aucun doute n'habitait la Cianopsitta, puisqu'après tout, les paroles lui revinrent. Portant la fleur jusqu'à son visage pour humer son parfum, elle poussa un léger soupir de satisfaction. Quel fraîche odeur... quel délicieux arôme pour ses sens olfactifs... Gloussant à nouveau, elle regarda la petite demoiselle avec un sourire ravissant... Avant de lui bondir littéralement dessus, presque instinctivement. Aux premiers abords, on aurait pu la prendre pour une folle, mais en réalité, elle gloussait joyeusement. Elle était heureuse en la tenant dans ses bras, puisqu'elle savait qu'il ne s'agissait pas de quelqu'un de méchant. Les paroles avaient beau revenir, Yrelith serait bien incapable de les chanter, mais cela ne l'empêchait pas de crier avec joie trois mots.

Yrelith entendait, écoutait attentivement ce que disait l'Être de Floraison puisque ça avait l'air d'être important, mais ne comprenait strictement rien. Peu habituée à participer à un dialogue, les prononciations ainsi que le sens des mots lui échappaient, elle même avait parfois la drôle d'impression de parler sans pour autant que ce qu'elle dit ait de la logique, ce qui était déroutant et l'empêchait presque instinctivement d'utiliser la parole. Cependant, cela ne l'empêchait pas de garder cette jeune étrangère entre ses bras, comme s'il s'agissait d'une vieille amie. Cela n'était pas vraiment incompréhensible, puisque dans les souvenirs de la Cianopsitta, la chanson contait que ces deux peuples ne se querellaient point autrefois, lorsque le ciel et la terre était encore sous la surveillance de ces oiseaux aujourd'hui perdus.

Bref, peu importe, l'Histoire ancienne n'avait que peu d'importance au yeux d'Yrelith. Ce qui comptait vraiment pour elle, c'était le Présent, les jours qui se suivent en espérant une liberté qui ne soit plus constamment mise en danger à cause de chasseurs intrépides à la recherche de gibiers qui leur rapporteraient une grosse somme d'argent. Mais, également, il n'y avait pas que les instants actuels qui l'intéressait, c'était surtout l'Avenir. Elle ne voulait plus être seule, voilà déjà des siècles qu'elle arpente ce monde à la recherche des siens sans aucun succès... Jusqu'à hier, où elle fit la rencontre de Vy, lui aussi un Cianopsitta à la recherche de son peuple oublié. Elle ignorait encore combien de temps cela lui prendra, mais, au fond, elle savait que cela ne tarderait pas, elle finira bien par retrouver des traces de son peuple...

Reprenant ses esprits, elle serra un peu plus contre elle l'Être de Floraison. Elle ne se rappelle pas si elles s'étaient présentées... Bah, tant pis, elles feront cela plus tard, pour l'instant, un petit être aussi jeune et mignon que cela ne devrait pas exister sans avoir connu le contact avec un cousin des phénix ! Prolongeant le câlin comme s'il s'agissait d'une peluche, Yrelith avait comme perdu tout autre contact avec le monde extérieur. En cet instant, elle se sentait tellement joyeuse qu'elle se fichait un peu de ce qui l'entourait.

La Cianopsitta commençait à se sentir mal à l'aise. Sa nouvelle amie ainsi que Vy parlèrent en même temps, utilisant des mots qui lui échappaient. Pendant un moment, elle eut la peur que son handicap l'empêchait de créer des liens, peut-être n'est-ce pas faux. Se sentant un peu mise de côté avec toutes ces phrases et ses mots articulés, Yrelith recula un peu, à la fois triste de ne pas pouvoir communiquer, et encore plus de ne même pas comprendre. Elle avait sa façon de s'exprimer, elle ignorait même le langage de son peuple, elle ne savait même pas comment ils parlaient, autrefois... Cette soudaine mélancolie due à son incapacité l'obligea un peu à battre en retraite. Au fond d'elle, Yrelith se dit que s'était peut-être encore trop tôt pour tenter une approche...

Déprimée, la Cianopsitta regarda ailleurs, n'osant plus trop croiser de regards. Peut-être devrait-elle abandonner toutes ces idées de pouvoir socialiser avec des bipèdes... Elle aurait tant aimé les apprendre, les comprendre, elle aurait tant aimé mieux les connaître. Mais maintenant, elle se rendit compte qu'il y avait un grand vide qui l'en empêchait. Elle ne versait pas de larmes, mais son visage laissait bien croire qu'elle était aussi désolée que triste.

Perdue, complètement perdue, Yrelith ne savait pas du tout comment réagir. Elle restait plongée dans ses tristes idées jusqu'à ce qu'elle ressente une main se poser doucement sur son épaule, la ramenant sur terre. Il lui sourit, elle répondit du mieux qu'elle pouvait malgré le fait qu'elle soit triste, mais elle ne réagit pas au clin d'oeil, pensant que Vy voulait juste la réconforter. Cependant, elle n'osait pas se blottir contre lui, ses yeux se baissèrent à nouveau et reflétèrent la tristesse de ne pas pouvoir échanger des mots.

Si seulement elle pouvait comprendre ce que son amie lui disait, ça serait déjà pas mal... Mais elle avait vécu tellement longtemps sans jamais s'être exprimer autrement que par des roucoulements ou des cris. En même temps, elle n'en n'avait jamais eu l'occasion, la Cianopsitta était incapable d'user de la parole, puisqu'elle n'a jamais pu être sous forme humaine. Tout ce qu'elle sait faire, c'est imiter et répéter, mais elle ne sait pas appréhender et comprendre un mot...