Une légère brise, un léger sifflement entre les branches... Pas vraiment le temps idéal pour sortir, pourtant, Yrelith marchait bel et bien entre les arbres, piétinant des feuilles mortes trempées, des pans de terre mouillées et presque vaseux, heureusement que ce ne sont que deux trois gouttes qui tombent du ciel ! Qu'est-ce que ça aurait été, si le temps aurait été un petit peu plus pluvieux ? La cianopsitta serait sûrement en train de marcher dans un marécage, mais là n'est pas la question. Elle voyageait, cherchant encore et toujours une trace de son peuple. Un but qu'elle s'était fixé depuis longtemps, mais qu'elle n'était toujours pas parvenue à accomplir. Si cela ne dépendait pas de son avenir, elle serait rester chaudement dans son nid. Une fois de plus, elle dû s'arrêter et changer de direction puisqu'elle faisait à nouveau face à un précipice. L'orage ne grondait pas, et ses sens lui informait qu'elle n'avait rien à craindre. Mais entre ses sens et ses intuitions... Cette fois-ci, elle décida de longer simplement la petite falaise, observant en même temps le paysage sous ses pattes. Une grande forêt étouffant de grandes collines, parsemés en même temps d'affaissement de terrain par-ci par-là. Était-ce naturelle et due à un terrain assez escarpé, ou bien des mineurs y étaient pour quelque chose ? Yrelith ne le savait pas, et pour couronner le tout, elle ne voulait simplement pas le savoir. C'est le genre de chose dont tout le monde s'en fiche, surtout un oiseau comme elle.

Cela faisait un bon bout de temps qu'elle n'avait pas revisité ce territoire montagnard, et c'est ce long laps de temps qui lui avait donné l'espoir de pouvoir peut-être rencontrer quelqu'un de son espèce. C'est un espoir assez aveugle, mais, comme on dit, qui ne tente rien n'a rien. La cianopsitta humait l'air, cherchant à déceler une odeur qui l'attirerait, elle grattait le sol, pensant y trouver des empreintes reconnaissables. Mais rien... Sans doute la pluie y était pour quelque chose. En parlant de ça, elle commençait à être trempée, à son tour. Se secouant brièvement pour retirer toute l'eau en trop qu'elle portait, elle sentit un désagréable coup de vent qui lui glaça le dos, hérissant son plumage... Qui resta couché, les plumes alourdies par la pluie. Le pire, c'est qu'elle... elle... Atchoum ! Le pire, c'est qu'elle avait pris froid. Tant pis pour aujourd'hui, elle reportera ses recherches au lendemain... En attendant, retourner dans cette douche caverne bien chaude où elle avait élu domicile était devenu son nouvel objectif principal. Elle n'était pas bien loin, à peu près... Peut-être une lieue ou deux dans cette direction... Ou peut-être dans celle-ci... Bon, tant pis. Déployant ses ailes, la cianopsitta s'envola bien haut, cherchant un abris où se reposer. Au bout d'une petite minute, elle sentit une présence. Encore son intuition qui s'emballe, mais cette fois, elle le sentait vraiment... Comme la dernière fois, où elle se faisait traquée... La peur au ventre, elle fila se cacher entre les feuilles des arbres, cherchant la source de cette désagréable sensation. À présent, elle n'espérait plus qu'une chose : qu'elle n'ait pas été repéré.

Qu'était-ce... Une autre de ces humaines ? Pas loin, pensait la cianopsitta, car celle-ci avait quelque chose de différent par rapport aux autres qu'elle avait pu rencontrer. La seule chose qui l'effrayait, c'est le fait qu'elle ne ressentait plus cette même peur qui lui nouait l'estomac à chaque fois qu'on la traquait. Non... Cette être qui se tenait en dessous était vraiment différente, non seulement via l'odeur, mais aussi par une intuition... Mais est-ce que cela impliquait qu'Yrelith pouvait lui faire confiance ? Peut-être pas... Dans son passé, on avait tenté de la capturer de diverses manières, donc envoyer une autre de ces créatures pour l'attraper était certainement une autre de leurs techniques de chasse. L'oiseau dévisageait cet étrange personnage, plus par méfiance et crainte d'une quelconque attaque que par curiosité. Comment savoir s'il n'y avait vraiment rien à craindre de sa part ?... Malheureusement incapable de communiquer par télépathie, la cianopsitta devra se contenter de ses souvenirs pour réfléchir à une solution... Quoique... Peut-être était-elle en train de perdre son temps, ici, alors qu'un groupe d'archers étaient sans doute en chemin rien que pour elle. Optant plus pour cette éventualité, elle déploya ses longues ailes flamboyantes, s'envolant vers l'abri qu'elle recherchait auparavant, espérant que cette personne qu'elle venait de rencontrer ne la suivra pas... Alors pourquoi, au fond d'elle, elle souhaite en même temps pouvoir la revoir ? Certainement à cause d'un truc magique ou autre. Elle n'était pas très cultivée, dans le domaine de la magie, donc elle ne saura dire...

Un peu plus loin, elle aperçut finalement l'entrée de sa caverne où elle avait élu domicile. Qu'est-ce que ça peut être soulageant, de retourner dans un lieu où l'on se sent en sécurité. Après s'être secouer pour retirer une nouvelle fois toute l'eau qu'elle portait et d'avoir pénétrer à l'intérieur de la grotte, la cianopsitta chercha son nid qu'elle avait confectionné par ses propres soins à l'aide de branches et de feuilles pour adoucir le lit. Ce dernier était un peu plus loin, dans la pénombre, au fond de la grotte en réalité. Le véritable problème, c'est que... C'était genre cinq mètres plus loin. Ressentant une lourde fatigue l'envahir, Yrelith s'approcha de son petit coin douillet pour pouvoir se reposer, fermant les yeux tout en cachant son bec sous son aile. Quelle agréable sensation, de ne plus rien faire, ne plus penser à rien, ni à... Cette personne-là, qu'elle avait rencontré juste avant. Quel horreur, et si elle l'avait suivi jusqu'ici ? Ce serait... Sans doute la fin pour elle. Terrifiée à cette idée, elle se releva, commença les cent pas autours de son nid, cherchant une idée pour y remédier. Mais était-ce trop tard pour réfléchir, ou bien l'autre bipède était déjà arrivée près de la grotte ?

On entendait du bruit à l'extérieur... Comme si quelque chose s'approchait de la grotte. La peur s'empara de la cianopsitta. Ne serai-ce pas cette drôle d'humaine qu'elle avait croisé, auparavant, et qui l'avait suivi jusqu'ici ? Accélérant le pas, Yrelith hésitait désormais entre s'enfuir ou l'affronter. De toute manière, dans les deux cas, elle est en danger... De plus, c'est bien trop tard pour réfléchir. Relevant subitement la tête, elle l'aperçut à l'entrée de la caverne, toute trempée à cause de la pluie. Apparemment, elle aussi voulait s'abriter ici. Incapable de penser à la chasser d'ici, l'oiseau se dépêcha de reculer plus loin, le nid ne servant plus que de dernière barrière entre elle et cette personne-la.

Ça parle ! Bon, ça semble vouloir dire les même choses que les autres chasseurs, un truc du genre "Je ne te ferai aucun mal, juste te foutre dans une cage et on en parle plus". Comment savoir que elle, elle était sincère, et qu'aucun piège n'était tendu ou qu'il n'y avait pas d'arnaque, sur ce coup ? Terrifiée, Yrelith n'avait plus vraiment le choix... Elle devra la croire, sinon, il y aura de forts risques que la capture soit douloureuse. Méfiante, la cianopsitta la regarda retirer les bouts de tissus qui la recouvraient, les compressant pour en faire sortir toute l'eau que ça avait bu. Elle la vit légèrement frissonner, aurait-elle froid ? C'est vrai que elle, elle n'avait pas de plumes pour se tenir au chaud, ni même de poil, ce qui justifie donc l'utilité de ces choses qu'ils appellent vêtements et qu'ils portent jours et nuits.

Comment ça ? Elle aussi tentait de fuir de vilaines personnes ? La curiosité prenant de plus en plus le dessus sur la peur, la cianopsitta s'approcha d'un pas, puis de deux... Et s'arrêta une fois qu'elle était dans son nid, s'y installant confortablement tout en gardant un oeil sur cette étrange dame. Assez intéressée, l'oiseau observait ces fameux bouts de tissus qui séchaient, la façon dont l'autre avait attaché ses cheveux avec un truc. Le détail qui l'intrigua le plus particulièrement, c'était qu'elle ne voyait aucune arme, pas de dagues, pas d'arc, pas de trucs qui la blesseraient. L'aurait-elle trop vite jugé ? Restant allongée dans son lit douillet, Yrelith pencha la tête sur un côté, puis sur l'autre, réfléchissant à nouveau sur le fait que cette personne puisse lui faire du mal. Finalement, c'est sans doute une bonne personne, du moins, à l'apparence, mais peut-être aussi dans le fond.
L'oiseau ne voulait pas passer pour un être naïf, pourtant c'est avec moins de méfiance que, curieuse, elle s'approcha lentement de cette drôle d'humaine. Le fait qu'Yrelith ait vécu si longtemps lui a permis de pouvoir comprendre certains sens aux mots qu'emploient les gens dans leur quotidien, du coup, elle pensait qu'elle pouvait réellement lui faire confiance. En tout cas, si ça dégénère, elle saura se défendre à coup de serres ou de bec... Rapprochant lentement son bec du visage de l'étrangère, elle voulu humer son odeur pour vraiment savoir si elle ne faisait pas partie de ces méchants bonhommes. Non... Rien... La cianopsitta avait donc finalement rencontré une personne dont elle pourra apprécier la compagnie.

Au fond d'elle, Yrelith était vraiment heureuse. Car pour la première fois depuis si longtemps, elle fit enfin la connaissance d'une personne qu'elle appréciera sans le moindre doute. Du moins... Encore faudrait-il approfondir cette relation, histoire de s'assurer qu'elle n'est véritablement pas une méchante qui lui veut du mal.

À vrai dire, on sait vraiment peu de choses, sur les oiseaux. Ils ont des narines, ça sert pas qu'à respirer. La cianopsitta elle même ne savait pas encore très bien où s'arrêtaient ses limites, le nombre de souvenirs s'étendant d'une manière assez impressionnante au fil de ses renaissances, ce qui lui permettait d'apprendre de plus en plus de choses, comme comprendre le langage de certains peuples. Et heureusement pour elle, elle parvenait plus ou moins à comprendre cette inconnue qui s'était incrustée dans sa grotte. Bon, rien de méchant jusque là, mais... Lorsqu'elle approcha sa main de son bec, Yrelith se brusqua soudainement, reculant et déployant à peine les ailes, se mettant immédiatement sur ses gardes. Avait-elle eu l'ambition de l'attaquer ? Qui sait, ce qui importe, c'était que l'oiseau devait rester plus sur ses gardes, à présent. Conservant une bonne distance de sécurité, elle l'observait. La jeune dame paraissait triste, voire déçue, mais en même temps compréhensive. Qu'est-ce que cela signifiait ? À nouveau emportée par la curiosité, la cianopsitta jeta un coup d'oeil aux affaires de son "invitée", voulant savoir ce qu'elle cachait dans cette grosse poche qu'elle avait emporté avec elle. Encore une invention des bipèdes ? Sans doute, ils ne cesseront de la surprendre avec leur créativité. Cependant... Ce qu'elle en sorti la terrifia. Elle recula d'un pas, le coeur battant à cause de la peur en détaillant le tranchant de ses armes.

Ah bon ? Elle aussi avait des... Problèmes ? Cela faisait au moins un point commun entre l'oiseau et la drôle d'humaine. Yrelith aurait bien voulu lui faire comprendre qu'elle comprenait ce que cela faisait, dommage qu'elle en soit naturellement incapable, dénuée des même cordes vocales que son... "Amie". Subitement, elle remarqua que l'autre venait d'entrer dans une sorte de transe, à force de gratter cette pierre contre ses armes. Elle faisait quoi, là, exactement ? C'était un autre passe-temps pour les gens, d'égratigner leurs armes à coup de cailloux ? Se pensant en sécurité, l'oiseau tenta une nouvelle approche, plus délicate et d'une manière plus prudente qu'avant. Il n'y avait plus qu'un mètre, voire moins, qui les séparait. Baissant sa tête pour mieux observer son geste répétitif et qui, par ailleurs, commençait à être assez agaçant pour la cianopsitta, cette dernière émit un petit roucoulement, du genre "Tu fais quoi ?". Mais, malgré cette apparente confiance, Yrelith resta tout de même sur ses gardes, si jamais elle tenterait de l'attaquer avec ces faucilles.

Effectivement, ce sont devenues de belles armes bien tranchantes, pour le plus grand malheur de la cianopsitta. Pourtant, elle ne ressentait pas de peur, pas suffisamment pour craindre quoique ce soit, au contraire, elle semblait assez... Confiante, en cette étrangère. Les faucilles auront beau être les plus affûtées au monde, si elles sont entre ses mains, Yrelith n'avait pas spécialement peur. C'était étrange, de ressentir pour la première fois depuis longtemps aussi peu de terreur alors qu'elle fait face à un être qui, d'après son apparence, paraît faire parti de ce groupe de traqueur qui la chassait depuis fort longtemps. Des années à fuir... Jusqu'à la rencontrer, elle, et enfin avoir quelqu'un sur qui elle pourra peut-être compter. Une désagréable envahit sa grotte. Qu'est-ce c'était, une bombe crachant un gaz puant de ses braconniers ? En tout cas, ça venait du truc que son invitée avait sorti de son sac. La cianopsitta remerciera ses ancêtres de ne pas avoir un odorat aussi développé que celui d'un chien. Mais le pire, c'est qu'elle lui tendit cette immondice, pensant sûrement bien faire en voulant la nourrir avec cette... Chose qui pue.

Après avoir secouer sa tête comme pour chasser cet horrible arôme, Yrelith recula de quelques pas, levant bien haut la tête pour observer ce petit truc blanc que cette étrangère tenait sur la paume de sa main, tout de même curieuse de savoir ce que ça peut bien être. Finalement, l'ignorer sera sans doute plus profitable, pour sa petite conscience. L'oiseau jeta un coup d'oeil à l'extérieur. La pluie s'était calmée, il y avait même des rayons lumineux qui transperçaient la couche de nuage. Encore un petit coup de vent et le ciel s'éclaircira à nouveau, laissant réapparaître sa belle couleur bleue. Sortant de la caverne, la cianopsitta observa les alentours. Personne à droite, rien à gauche ni en bas, de rares oiseaux volaient dans les airs, sans doute des rapaces. Se retournant, elle attendit que la bipède la rejoigne pour... Peut-être lui dire au revoir... Ou bien pour continuer à discuter, cela dépendra de ses envies.

C'était assez gênant, de tout le temps sentir un regard posé sur soit. Qu'on soit une belle et magnifique phénix devait sans doute sortir de leur quotidien, ou bien c'était justement parce qu'elle était une cousine de ces splendides oiseaux que cela les intéressait. Cette idée la rendit joyeuse, cas dans un sens, ça voulait signifier qu'on la chassait pas parce qu'on la haïssait, mais plutôt parce qu'on lui accordait une grande valeur, peut-être même inestimable sans beaucoup d'estimations. C'est assez idiot, tout de même, de se sentir heureuse pour ça, mais ça la soulageait quelque part de savoir qu'on ne la détestait pas, juste qu'on... L'aimait, d'une certaine manière.

Ces questions attisèrent la curiosité de la cianopsitta. Une famille ? Une montagne avec les siens ? Qu'est-ce que cela voulait dire ? Qu'est-ce qu'une famille et une montagne ? Si seulement elle pouvait lui demander, peut-être sait-elle où trouve son peuple... Ou peut-être ne le sait-elle pas, puisqu'elle pose ces questions, justement. Dommage... Mais l'espoir fait vivre, Yrelith finira sans doute un jour par retrouver les traces des siens.

Si seulement elle en était capable... Mais elle ne sait pas parler, seulement pousser des petits roucoulements ou de majestueux cris, digne de ce qu'elle est. C'est déjà pas mal, mais peu d'êtres dans ce monde comprendrait sûrement ce que ça signifierait.

Quelle gentillesse... La cianopsitta en fut émue, elle n'aurait jamais cru rencontrer un personnage comme elle, si amicale, si sincère... Et tellement prête à aider sa nouvelle amie. Comme pour la remercier, le grand oiseau rapprocha son bec du visage de son invitée et, doucement, lui caressa la joue. Elle recule lentement la tête ensuite, plongeant son regard dans le sien, voulant lui faire comprendre à quel point elle était heureuse. Elle la fixa quelques secondes... Avant de se tourner face à la falaise et, déployant ses ailes, prit son envol, s'envolant en direction d'un nouveau territoire. Une plume s'échappa lors d'un battement d'ailes, laissant une preuve de son passage au pied de la falaise.

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