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 La Cornemuse de Quatre-Cornes

 
La Cornemuse de Quatre-Cornes Sand-g10Dim 5 Jan - 12:17
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Cernunnos passa distraitement sa main dans les quelques poils formant son ébauche de bouc. La pilosité faciale, comme la pilosité tout court de toute façon, avait toujours été très développée chez son peuple, chez les satyres. En même temps quand on est une force de la nature on assume. Ses cheveux épais et tirant sur le roux étaient attachés en catogan. Il portait une sorte de pagne et avait un bout de bois sur l'épaule, au bout duquel était suspendu un balluchon. Ce dernier aurait pu regorger de fruits et d'autres denrées, seulement les choses n'avaient pas très bien finies au dernier village. Au bien entendu il avait sorti au commerçant son éternel rengaine ! "Les dieux on créé le monde pour nous tous, personne ne peut s'approprier les fruits de la terre, et je ne dis pas ça parce que vous m'avez vu voler cette pomme vous savez..." Sauf qu'il disait cela exactement pour cela, que le maraîcher manquait cruellement de sens de l'humour, tout comme la garde de toute façon. Pourtant, le reste de la foule avait trouvé hilarant de voir la tomate bien mûre s'écraser sur le visage du milicien. Cernunnos lui aussi avait trouvé cela drôle. Hélas, personne n'aimait vraiment les satyres dans les villes. Et comment leur en vouloir ? Lui non plus n'aimait pas les gens dans les villes, mais ils avaient de la nourriture... Bon d'accord, les citadins ne venaient pas choper leurs femelles dans les bois pour les leur ramener les jambes ballantes. Ils se considéraient eux-mêmes civilisés, qu'ils assument !

Au loin retentit le son des vagues, alors que la route tournait pour finalement longer la rive. C'étaient des falaises abruptes qui se dessinaient, et autour de lui il n'y avait plus que de l'herbe rase, poussant avec difficulté à cause des vents et du sel des embruns. Des moutons devaient pâturer habituellement dans le coin, mais il n'y en avait pas. Et heureusement, Cernunnos n'avait pas vraiment envie de se faire courser par des béliers aujourd'hui. Surtout si c'était pour recevoir les commentaires moqueurs d'un berger. Mais peut-être aurait-il pu croiser une bergère ? A cette idée, les oreilles du satyre semblèrent se redresser, et il observa attentivement les alentours. Il était jeune, à peine treize printemps, mais cela ne l'empêchait pas d'être déjà sensible à la chose, sans pour autant l'avoir pratiquée. Les femelles humaines n'avaient que trop appris à se méfier de ceux de sa race. Peut-être n'avait-il pas encore voyagé assez loin, ou bien son peuple possédait une réputation à faire pâlir les dragons.

Un léger sourire aux lèvres, il continua son avancée. De temps à autre, il lançait de brefs regards vers la mer qui se dressait sous ses pieds, plusieurs dizaines de mètres en contrebats. Etait-ce l'océan noir ou bien Abyssaï ? Il n'en avait littéralement aucune idée. Même s'il savait que le soleil se couchait à l'ouest, il ne savait pas forcément où il avait mis les pieds. L'un des intérêts de voyager, et un inconvénient aussi. Peut-être allait-il tomber sur un village qu'il avait déjà visité, peut-être était-il lui-même responsable de la réputation des satyres dans la région ! Non, il se serait souvenu de ces plaines herbagères, des falaises, de la mer et des notes puissantes que lui apportait le vent. Suspendant son pas, il tendit l'oreille. Oui, c'était bien de la musique. Le son venait rouler jusqu'à ses oreilles avec la puissance du tonnerre et lui évoquait presque une sorte de lamentation. Mais c'était une lamentation presque martiale. Il accéléra le pas en direction de la source de la musique. Sans même s'en rendre compte, il avait accéléré ses pas, gambadant presque au milieu des herbes et des moutons qui paissaient tout autour de lui.

Mais il ne faisait pas attention à cela, il n'y avait plus que cette musique qui d'une certaine manière l'enivrait. Oh, il avait déjà gouté à ce genre de réjouissances, il avait entendu des bardes dans des tavernes, observé de loin des bergers sortir leurs flûtes, quelque fois des troupes entières de chanteurs s'étaient produites non loin de lui. Mais là c'était différent, c'était brutal, c'était farouche. Un peu comme la beauté d'une fleur sauvage pensa-t-il. On aurait beau faire pousser la plus belle plante du monde dans un jardin, elle n'aurait jamais la saveur farouche et rêche de ce qui poussait sous le pas des bêtes. Il se stoppa à quelques mètres du musicien, secouant sa tête pour en chasser ses pensées. S'était-il fait pousser une âme de poète pour comparer ainsi le chant de cet instrument à des fleurs ? Doucement, il s'approcha, posant son bâton par terre pour ne pas attirer paraître menaçant. Alors il resta debout, comme un idiot, parfaitement immobile au milieu des quelques moutons.

Le vieillard qui jouait se tenait assis sur le bord de la falaise. Il soufflait dans une sorte de sac, sûrement une panse de vache ou de mouton. L'air s'échappait ensuite de plusieurs longs tubes sur lesquels courraient ses doigts, venant arracher les notes lancinantes qui venaient épouser le son des vagues. Une énième plainte mélodieuse s'éleva, comme une ode et une menace pour la mer immense et insatiable qui se dressait sous les pieds du berger.

- Et bien, tu vas rester planté là tout la journée ? Apporte-moi la bouteille.

Ne sachant pas vraiment comment réagir face à l'ordre bourru de l'homme, Cernunnos s'exécuta. A quelques mètres du vieillard se trouvait une bouteille au contenu incertain ainsi qu'un fromage de brebis. Il se saisit du récipient, cherchant à déterminer s'il s'agissait de vin ou de bière, mais le verre était trop opaque pour qu'il puisse le déterminer. Il rejoignit alors le berger, s'asseyant à côté de lui. L'homme arracha le bouchon d'un coup de dent, avant de s'enfiler une rasade du liquide aux senteurs alcoolisées. Ce n'était pas du vin, de toute façon il faisait trop froid dans le coin pour qu'il y ait de la vigne. Non, c'était une bière épaisse et noire dont l'odeur vint titiller les narines du jeune satyre. Une fois qu'il eut reposé la bouteille, le vieillard observa enfin son interlocuteur. Impossible de passer à côté des jambes de chèvres, et surtout des quartes cornes qui saillaient de son cuir chevelu. Pour Cernunnos elles lui donnaient l'impression de former une sorte de couronne, pour les humains ce n'était qu'une paire de corne en plus.

- Et beh, t'es pas banal toi. C'est quoi ton nom ?

- Cernunnos Quatre-Cornes, et toi ?

- Tu peux m'appeler Fergus.


L'homme porta de nouveau la bouteille à sa bouche. Avant de la tendre à Cernunnos qui ne se fit pas prier, avalant quelques larges gorgées de bière. Cette dernière était plus amère que la pisse qu'il avait pu ingurgiter dans certaines tavernes, on pouvait sentir le goût du grain qui avait fermenté et cela réchauffa le corps velu du l'homme-bête.

- C'était beau, votre musique.

Fergus hocha un sourcil, avant de caresser sa cornemuse du bout des doigts. Derrière eux, les moutons continuaient de paître paisiblement, comme d'habitude sûrement.

- Qu'est-ce que tu sais du beau toi ?

Cernunnos grogna, laissant le berger s'enivrer un peu plus.

- Je sais que c'était beau. C'était puissant. C'était fort. Je peux voir l'instrument ?

Fergus lui prêta sa cornemuse, tout attaché à sa bouteille qu'il l'était. Le satyre passa ses mains sur la poche, puis sur le long des flûtes qui en sortaient, et qui devaient donner toute leur puissance aux notes qu'il avait entendu plus tôt. Il n'avait pas vu d'instruments pareils dans la région jusqu'à présent.

- Cela c'est beau mon petit. Cet instrument, c'est une belle pièce. Crois-moi, y a rien de mieux pour accompagner une bonne petite sauterie de campagne. Je joue parce que ça me détends et ça passe le temps.

- J'en ai jamais vu en ville.

- Tu viens de la ville avec ta tête de pouilleux et tes cornes ? Bizarre. Je sais pas, je vais pas dans les villages. Je laisse les gosses se débrouiller pour vendre les bêtes et la laine. Ils doivent préférer des trucs comme le luth là-bas, non ?


- Sûrement, mais je préfère le son de ton machin là.

- C'est une cornemuse gamin.

- Tu me la prêtes ?

- Vas-y.


Un sourire s'était dessiné sur les lèvres de l'homme tandis que Cernunnos se préparait à jouer. Seulement, le son qui s'échappa de l'instrument n'avait rien à voir avec la mélodie avait retentit quelques instants plus tôt. Cela ne ressemblait à rien, sinon à une cacophonie désagréable qui vint résonner à ses oreilles. Il fut tenté d'arrêter, et pourtant il alla jusqu'au bout de son souffle, alors que le son s'évanouissait dans des sortes de pets disgracieux. Fergus lui était en train de rire à s'en tenir les côtes, observant la tête déconfite du satyre. A vraie dire, il ne semblait ne plus en pouvoir du tout. Peut-être était-ce l'alcool, le fait de s'être ainsi moqué de Cernunnos ou un mélange des deux. Quoiqu'il en soit, à cause des spasmes qui l'agitèrent face à cette crise de rire insoupçonnée, le vieux berger perdit l'équilibre. Seulement, quand on se tient assis au-dessus d'une falaise, perdre l'équilibre, cela ne pardonne pas. Cernunnos observa avec de grands yeux le vieil homme chuter jusque dans les eaux agitées en contrebas. Qu'est-ce qu'il devait faire ? Aller le chercher ? Le secourir ? Se faire la malle ? Quelles étaient les chances que le vieillard ait survécu à une telle chute ? Autant aller voir pour en avoir le cœur net.

Posant l'instrument, et profitant de son agilité d'homme-bouc, il bondit le long de marches érodées qui avaient été taillées des générations plus tôt à même le flanc de la paroi calcaire. Rapidement, il fut prêt des eaux pour ne voir qu'une dépouille flottante. L'homme était vieux de toute façon, et il avait déjà eu une vie bien remplie se disait le satyre. Personne n'avait le droit de choisir sa mort, et si cet homme avait eu un but dans sa vie, il devait sûrement l'avoir déjà atteint. Poussant tout de même un soupir, Cernunnos aurait bien aimé le convaincre de lui apprendre à jouer de la cornemuse. Les sons qu'elle produisait le fascinaient toujours autant. Il remonta jusqu'aux plaines herbeuses. Il glissa la bouteille de bière et le fromage dans son balluchon qu'il fixa dans son dos. Puis il se saisit de l'instrument de musique. Point de maître pour lui enseigner comme l'utiliser ? Et bien il se débrouillerait tout seul. Cernunnos posa ses lèvres sur l'instrument, et le son pétant et strident s'en échappa après coup. Il avait comprit la base au moins, ne restait plus qu'à voir si son peuple possédait vraiment un talent pour la musique. Le vacarme qu'il produisait effraya les moutons qui se dispersèrent dans toute la plaine. Mais le bruit ignoble n'empêcha pas le satyre de reprendre sa route en gambadant.




Le son strident retentissait à travers toute la campagne. Des chiens attachés dans des fermes se mettaient à aboyer et de nombreux fermiers venaient voir ce qui pouvait bien se passer. Sans parler des bêtes qui avaient pour plupart tendance à s'éloigner le plus possible de la route sur laquelle passait Cernunnos. Depuis que ce dernier avait récupéré l'instrument, il ne s'était presque arrêté de souffler dedans que pour dormir. Et encore, la majorité de ses rêves étaient à propos de la mélodie de Fergus, de ce chant magnifique qu'il était incapable de reproduire. La mort du berger quant à elle ne le tracassait pas trop. Sans parler du fait qu'il avait emporté un objet qui ne lui appartenait pas. Dans l'esprit un peu enfantin du satyre, il se disait que comme Fergus la lui avait prêtée, si jamais il venait la récupérer, alors il la lui rendrait de plein gré ! Mais bien entendu, cela ne risquait pas d'arriver. Au détour d'un virage, se trouvaient deux fermiers, plutôt jeunes, du chaume sur leurs joues, qui lancèrent un regard noir à Cernunnos.

Le satyre avait beau avoir une ébauche de bouc, il n'en faisait pas moins une tête de moins que chacun de ses interlocuteurs. Le bruit atroce se tut enfin, s'achevant en un sifflement pathétique alors que les deux hommes lui lançaient des regards noirs. Ils avaient dû l'entendre arriver depuis plusieurs centaines de mètres, ils avaient même dû faire exprès de l'attendre à la sortie du virage, cachés par les murets de pierre qui encadraient la route. Quand aux bouts de bois qu'ils portaient tous deux, cela n'augurait rien de bon. Sûrement toutefois, que la nature du musicien qui leur torturait les tympans se révéla pour le moins surprenante. Ils devaient s'être attendus à un ivrogne, ou bien un gamin. Cernunnos était en fait sûrement un savant mélange des deux. Pourtant, il s'était convaincu, au bout de quelques mois, que le son de son instrument s'était fait un peu plus mélodieux... Sûrement toujours pas assez pour ces deux gaillards.

- Alors c'est toi qui nous casse les oreilles ?

- Je crois qu'on te la carrer où je pense ta cornemuse.


Sa cornemuse ? C'était donc la sienne maintenant ? Ainsi soit-il ! Après tout, c'était le premier objet qu'on lui avait prêté de toute sa vie. Les gens n'étaient généralement pas assez fous ou ivre pour cela. Il était après tout un voleur. C'était ainsi qu'il survivait. Mais s'il pouvait changer de carrière grâce au don inconditionnel de Fergus, c'était une occasion à saisir. L'un des gourdins siffla non loin de son oreille, mais déjà il avait bondit pour se retrouver en haut du muret. Le son s'échappait de nouveau de son instrument alors qu'il gambadait sur les pierres du muret. Un autre homme tenta de lui porter un coup, mais il bondit et la masse ne frappa que du vent. Pas question d'arrêter sa mélodie pour autant ! Sa cornemuse lui donnait des ailes, et le rythme de ses sabots contre la pierre lui donnait un tout nouveau sens du rythme. Il bondit d'un muret sur l'autre, prenant brièvement appui sur le crâne de l'un des deux fermiers. Toujours ses doigts continuaient leur ballade arachnéenne le long des tubes, arrachant des bruits presque harmonieux à l'instrument. Alors il dansait au rythme de sa musique, se battait au rythme de sa musique. Nouvelle note, et le sabot s'écrasa sur une main, joignant un cœur de cris de souffrance à la mélodie. Nouveau bond, quelques claquements de sabots contre les dalles de pierre. Une révérence pour éviter un coup. Un saut. Un orteil brisé. Pourquoi pas un salto ? Craquement de mâchoire. Saut. Esquive. Souffle de cornemuse. Saut. Esquive. Hurlement. Cornemuse.

Assis sur le rebord du mur de pierre, il observa claudiquant les deux hommes qui s'en allaient. Oh, Cernunnos ne s'arrêta pas de jouer pour autant, il savourait par trop bien le moment. Le son avait été quelque peu distordu bien entendu, et il manquait de virtuosité dans les doigts, mais il s'améliorait. Surtout, pour une fois, il avait entraperçu quelque chose, la même chose qu'il avait capté lors de sa rencontre avec le berger plusieurs semaines plus tôt. Oui, il avait capté finalement quelque chose de plus grand que lui. Il était Cernunnos le satyre. Il savait qu'il n'avait pas vraiment de but dans la vie si ce n'était de vivre au jour le jour, de survivre. Il savait qu'il pouvait mourir demain et que le monde n'en aurait rien affaire, finalement, il ne faisait que vivre dans l'instant présent, et c'était bien, c'était agréable. Mais avec la cornemuse, avec l'instrument de musique, il y avait eu quelque chose en plus, quelque chose de plus poignant, de plus important. Il avait réalisé quelques chose de plus que lui. Il avait envie de se donner un objectif, autre que de simplement vivre. Le jeune satyre voulait devenir meilleur avec son instrument, il voulait faire de la musique, faire quelque chose de beau. Son sourire aux lèvres, il bondit du muret, plein de bonnes idées.

Aurait-il besoin de quelqu'un pour lui enseigner ? Non, il avait encore beaucoup de kilomètres à effectuer, et il savait que les siens avaient l'oreille pour la musique. Il lui faudrait juste plus d'entraînement, beaucoup plus d'entraînement. Heureusement pour lui, il avait du souffle, et beaucoup d'endroits à visiter encore. Beaucoup de route à faire, de gens dont il se devait de casser les oreilles. Ses sabots résonneraient encore pendant un bon moment contre les pavés, il en était certain. Et ils seraient tous les accompagnements dont il aurait besoin pour aller avec son magnifique instrument. Et puis alors, qu'est-ce qui lui empêcherait de jouer dans des tavernes ? Pourquoi ne pas aussi accompagner d'autres musiciens, leur montrer de quoi il était capable ? Pourquoi ne pas simplement être plus que ce qu'il était ? Finalement il s'arrêta quelques instants, et il porta l'instrument devant ses yeux. Il ne pensait plus du tout à la mort de Fergus. Il ne pensait plus qu'à une chose : c'était grâce à cet instrument, grâce à cette Cornemuse, qu'il ferait quelque chose de sa passion.

Il ne serait pas juste un petit satyre orphelin. Il serait capable de bien plus. Le son retentit à nouveau dans la campagne, effrayant quelques oiseaux qui s'envolèrent à tire d'ailes vers des cieux plus cléments, et surtout plus calmes.






Cernunnos se tenait à l'affut à la lisière de la forêt. Son bâton dans une main, l'autre reposait tranquillement sur l'encolure de Zhur Taa, le sanglier de guerre. C'était une belle bête, qu'il avait croisé lors d'un voyage toujours en compagnie de la Harde. Une créature massive et puissante, avec un caractère tout aussi laid que son groin d'où dépassaient deux défenses pour le moins dissuasive. Mais Zhur Taa et Cernunnos s'entendaient bien. Le sanglier avait bien compris qu'en suivant le satyre, et en l'autorisant à monter sur son dos, il aurait de quoi manger, à volonté, il aurait alors une chance de devenir encore plus gros, de devenir plus impressionnant... Une chance de devenir le mâle dominant de tous les sangliers du monde. Bien entendu, Zhur ne possédait pas une telle ambition, il ne fonctionnait que par instinct. Finalement, le cochon n'était pas très différent de tous ceux qui se trouvaient là, de tous ceux qui l'entouraient.

Il y avait des centaures, d'autres satyres, des minotaures. Tous se tenaient aux aguets à l'ombre des bois. Quelques animaux avaient décidé de suivre la troupe d'hommes-bêtes, quelques sangliers, plus petits que la monture de Quatre-Cornes, mais aussi des loups qui se tiendraient dans leur sillage jusqu'à ce que la Harde se décide à quitter leurs bois. Les hommes-bêtes pouvaient bien compétiter avec les prédateurs locaux pour la chasse pendant un temps, ils finissaient toujours par se tourner vers une cible qui leur convenait mieux, les humains. Le village en contrebats se trouvait séparé de la forêt par quelques pâtures. Il y avait des murs, mais ils n'étaient pas bien hauts, les satyres étaient largement capables de bondir par-dessus pour ouvrir les portes à leurs semblables plus costauds. Mais si on pouvait éviter d'exposer les hommes-boucs sur les remparts, ce serait d'autant mieux. Les humains n'avaient aucune idée de ce qui les attendait, aucune idée qu'ils n'avaient aucune chance.

Le son de la corne retentit, et la Harde se déversa sur le village humain. Zhur était rapide, mais moins que les centaures. Ces derniers eurent tôt fait d'investir les rues du village avant même qu'il ne passe les portes de bois, grandes ouvertes. Les locaux n'avaient pas eu la moindre chance de les fermer pour freiner leur progression. Tout autour du satyre, il n'y avait que le chaos. Les gens hurlaient, fuyaient. Certains essayaient de se défendre, mais c'étaient des fermiers et des bergers, des artisans, pas des soldats. Que pouvaient-ils faire contre des minotaures de plus de deux mètres ? Des centaures dotés de toute la furie d'un étalon ? Ils n'avaient aucune chance. Cernunnos ne savait que très bien ce qui allait se passer ensuite. La majorité des hommes seraient tués, ou bien on les laisserait s'égayer dans la nature. Les femmes elles, allaient joindre la Harde pour un temps. Il en était de même pour toutes les denrées et les quelques richesses qu'ils pourraient trouver ici. Le satyre se hâta, ne désirant pas se retrouver dénué de butin à rapporter à son tour.

Le sac avait été facile, et tous se retrouvaient à plusieurs kilomètres du village, au cœur des bois, hors de portée des conséquences. Même si les bourgs voisins entendaient parler du pillage, ce qui était sûrement déjà le cas d'ailleurs, ils auraient trop peur pour envoyer des troupes chasser la Harde. Pour les gens, la troupe d'hommes-bêtes n'était pas pire qu'une meute de loup. C'étaient des animaux sauvages, qui ne s'en prenaient qu'aux villages isolés, disparaissant aussitôt. La véritable guerre était plus loin, et envoyer des soldats à leur poursuite, c'était affaiblir ses propres défenses, et risquer d'être attaqués. Autour du grand feu de camp se trouvaient plusieurs figures notables de la Harde. Les chamans, dont Cernunnos étaient là, mais aussi les guerriers les plus farouches. Il y avait Groth, un minotaure à la toison noire qui mesurait plus de deux mètres et demi de haut, un combattant hors norme aux yeux de beaucoup. Il y avait aussi quelques centaures, et même un des rares humains qui ait préféré la vie sauvage aux communautés de son peuple. Seulement, quelque chose manquait dans les réjouissances. Ils avaient du vin et de la bière, ainsi que des filles. Les bergères n'étaient pas forcément des beautés, mais elles faisaient parfaitement l'affaire. Sinon il y aurait toujours une femme dans les rangs des hommes-bêtes qui se montrerait conciliante de toute façon.

Mais il manquait quelque chose. Cela faisait des mois qu'il avait rejoins la Harde, qu'il pillait au jour le jour, mangeait, baiser, buvait à s'en faire vomir. Il dansait de temps en temps, il avait connu le goût du sang et de la mort. A la fois il se sentait tellement vivant, mais il lui manquait quelque chose.

- Tiens Quatre-Cornes, et si tu nous jouais quelque chose ?

Un satyre au torse couturé de cicatrices lui lança quelque chose. Sur les genoux de Cernunnos atterrit sa vieille cornemuse. En arrivant dans la Horde, il n'avait plus vraiment eu le temps d'en jouer. Pourquoi ? Il caressa d'un geste mécanique l'instrument, sans se douter que tous le regardaient. Cet objet avait été son but, il avait appris tout ce qu'il avait besoin de savoir dessus, il s'était révélé être un virtuose. Et pourtant il l'avait délaissé, pourquoi ? Il connaissait la réponse. Il était plus facile de s'adonner aux pulsions de l'instinct, tellement plus facile de vivre comme une bête que de devoir porter son regard au loin, jusqu'à l'horizon et vers l'avenir. Son regard balaya tous ceux assis autour du feu de camp, des bergères en larmes sur les genoux, une chope à la main. Ils ne connaissaient pas le désir ardent de devenir le meilleur avec un instrument, ils ne connaissaient pas cette volonté qui s'était affirmée sur plusieurs années. Non, ils ne voyaient pas plus loin qu'au prochain raid, qu'au prochain festin.

Il se leva, portant l'instrument à sa bouche. Il allait leur montrer.

Cernunnos Quatre-Cornes

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