Malgré un premier abord froid et distant dans sa façon de marcher et de se présenter, Siegfried reste quelqu'un de relativement sociable tant que la conversation présente un intérêt, il ne s'attarde guerre à discuter de futilités telle que les miches de la serveuse qui lui apporte son verre dans une taverne. Malgré tout, il a l'habitude de laisser traîner ses oreilles là où parfois il ne le devrait pas, avide de satisfaire sa grande curiosité. Il a d'ailleurs vite compris que les tavernes étaient les meilleurs endroits pour glaner des informations. Il n'est pas un séducteur, mais il sait jouer sur les mots et moduler ses phrases en fonction de ses interlocuteurs et de ses besoins. Pour s'occuper, il a l'habitude de jouer aux cartes avec des passants ou les piliers de bar des villes qu'il traverse, les plumant la plupart du temps.
Erudit, Sieg a choisi de vivre en tant que vagabond. Il a cependant bien compris qu’il n’irait pas bien loin s’il ne remplissait pas parfois quelques contrats en tout genre afin d’avoir son gagne-pain. Ainsi il n’hésite pas à ne montrer aucune pitié lorsque le contrat comporte des meurtres. Il n’est pas cependant, comme la plupart des mercenaires, un associable compulsif psychopathe, mais il n’as pas non plus de vrai amis, plutôt des connaissances. Il n’a jamais été amoureux, ou du moins il a toujours réfréné ces sentiments avant qu’il ne prenne le pas sur sa lucidité.
Adorateur de Nayris, il ne met cependant pas sa cause de côté, et parcours le monde en quête de connaissances en tout genre qui lui permettrait d’accomplir la volonté de Nayris en la faisant pénétrer dans le monde des vivants.

Il pleuvait lorsque Milena Blackwalker donna naissance au seul et unique fils qu’elle aura. L’accouchement se déroula sans accroc et l’enfant naquit en pleine santé. Elle le nomma Siegfried. Après avoir été assuré que le bébé vivrait, Jiro Blackwalker, le mari et nouveau père prit enfin l’enfant dans ses bras. Il ne souriait pas, mais son regard trahissait une certaine émotion qu’il s’efforçait de masquer. Il emmena le bébé dans une salle qu’il avait préparé pour l’avènement de l’enfant. La pièce avait été aménagée de façon à ce que le regard se porte uniquement sur l’autel au milieu de la salle, le reste était baigné dans une obscurité totale. L’homme s’avança doucement jusqu’à l’autel, un grand bloc en marbre noir creusé en son sommet, dans lequel on avait entreposé des coussins en soie bleutée. Il posa délicatement le bébé qui pleurait dans le creux. Il commença à réciter une incantation, tout en récupérant un bol qui contenait un liquide pâteux blanchâtre qui ressemblait à du plâtre. Il humecta son index et son majeur et les trempa dans la préparation, puis il dirigea sa main vers l’enfant. Jiro traça alors une longe ligne blanche qui partait du front de l’enfant et qui descendait jusqu’à la base de son cou. Siegfried pleurait mais pas de douleur, car Jiro faisait montre d’une certaine douceur. Il traça une deuxième ligne plus petite qui longeait la première.

Il s’écarta alors de l’enfant, et joignit ses mains. L’incantation qu’il prononça provoqua un bruit sourd, et une vague onde de choc émana de l’autel. Le bol contenant le liquide blanc fut projeté sur le côté, provoquant un fracas métallique sur le sol. Tout était calme maintenant, le bébé ne pleurait plus. Jiro s’approcha du berceau de marbre, et vit son enfant. Il était vivant, impassible, mais il ne faisait plus un bruit. Ses yeux avaient changés, ils luisaient d’un bleu azur uni. La ligne blanche que Jiro avait tracée était imprégnée dans la peau du bébé, comme si elle avait toujours fait partie intégrante de son épiderme.

L’homme récupéra le nouveau-né, et le ramena à sa mère.

Epargnons-nous l’époque durant laquelle Siegfried apprit la vie, aucun rebondissement à noter. Lorsqu’il fut en âge d’apprendre, Jiro s’occupa de la formation du jeune homme, lui inculquant les principes de la nécromancie et l’idéologie de Nayris. Le jeune garçon était assidu, il nourrissait une soif naturelle de connaissance, héritage paternel. La famille des Blackwalker n’était pas très connue, mais ils tenaient leur surnom du fait qu’ils étaient des arpenteurs depuis plusieurs générations, héritant de cette soif de connaissance intarissable, les menant dans de grands voyages. Siegfried voyageait avec ses parents, il découvrait le monde depuis qu’il était en âge de marcher, il n’avait jamais connu le confort d’un foyer. N’ayant pas d’attache particulière, il ne vivait pas vraiment avec des enfants de son âge, mais ça ne l’empêchait pas de s’intéresser aux conversations qu’il entendait ça-et-là sur les routes, même s’il arrivait qu’il ne comprenne pas tout ce qu’il s’y disait.

Il passa donc son enfance en compagnie de ses parents, jusqu’au milieu de son adolescence, lorsqu’il eut atteint ses dix-huit ans. Le jeune homme avait suivi méticuleusement l’enseignement de son père, qui lui avait appris les arts de la nécromancie, mais aussi de la manipulation. Il était maintenant capable de tricher, que ce soit dans son comportement ou dans les jeux qu’il affectionnait tant. Il réalisait qu’il avait entre ses mains le meilleur moyen d’obtenir ce qu’il voulait. Fort de cet enseignement, il décida de prendre la route en solitaire, encouragé par ses parents qui souhaitaient qu’il s’épanouisse et construise ses propres expériences. Ce fut alors qu’il commença son long périple en quête de connaissances.
Ce ne fut cependant pas tous les jours une réjouissance…

Devenant indépendant, il s’adonna à des choses de la vie par lesquelles tout jeune homme doit passer à un moment ou à un autre. Il gouta notamment aux plaisirs de l’alcool et des drogues. Cette découverte manqua de causer sa perte. Le jeune homme se retrouva piégé dans une spirale infernale de dépendance et de décadence. Rare étaient devenus les moments où il n’était pas ivre, passant son temps dans les tavernes à boire et plumer d’autre ivrognes aux cartes en jouant de ses tours. Il lui arrivait même de perdre le contrôle le lui-même au point de perdre à son propre jeu. Il n’était plus lui-même. Une certaine frustration montait en lui, il n’arrivait plus à étancher sa soif de connaissance. Véritable cercle vicieux, cette frustration l’amenait à boire et se droguer encore plus, le laissant parfois agonisant sur des sols crasseux. Sieg voulait s’en sortir, mais il ne le pouvait pas, l’emprise de l’ivresse était trop forte.

Il resta pratiquement une année complète dans cet état d’ivresse permanente, jusqu’à ce que la délivrance arrive.
La nuit était déjà bien avancée, Siegfried venait de se faire jeter dehors par le tavernier du coin, il déambulait tel un mort vivant dans les rues, titubant et tombant même de temps à autre. Le jeune homme mélangeait maladroitement ses cartes de manière compulsive. Il était tremblant et en manque, il lui fallait encore de quoi se calmer. C’est à ce moment qu’il ressentit un léger picotement au niveau de sa nuque. En passant sa main, il retira une fléchette qui semblait enduite d’un liquide. Il s’était fait avoir comme un bleu, l’esprit trop embrumé par l’alcool et les drogues, aujourd’hui il le payait.

Un froid mordant vint frapper son visage, véritable brûlure glacée. On lui plongeait la tête dans l’eau, ce qui le sortit immédiatement de sa torpeur. Il essaya de se dégager, mais on le tenait par l’arrière de la tête, ainsi il n’en sortirait que quand l’agresseur l’aurai décidé. Cela ne dura cependant pas longtemps, le jeune homme fut tiré en arrière. Il prit une grande inspiration et ne perdit pas de temps pour se tourner vers son interlocuteur. Son esprit n’était pas encore totalement clair, si bien qu’il ne distingua d’abord que la silhouette de l’homme qui l’avait amené ici. S’efforçant de remettre ses idées en place, il regarda autour de lui. Il était dans une clairière, seulement éclairée par la pleine lune. Une petite rivière traversait celle-ci du nord au sud. Il se redressa rapidement pour faire face à son agresseur. Ce fut une fois debout qu’il réalisa que l’homme qui se tenait en face de lui était bien plus grand et plus massif que lui. Il était emmitouflé dans une grande robe de mage qui ne laissait même pas entrevoir une parcelle de son visage. Avant même qu’il n’ait pu dire quoi que ce soit, le géant prit la parole.

« Ecoute-moi bien Siegfried, tu t’es égaré, le chemin que tu as pris n’est pas le bon, à ce jour je me présente à toi pour que tu te rappelles de tes principes, tes objectifs…N’oublie jamais que Nayris compte sur nous, nous tous. Chaque élément compte pour accomplir cette mission, tu te dois de revenir dans cette voie. »

L’homme avait une voix dure, qui semblait venir des profondeurs des limbes. Était-ce un démon ? Il n’en savait guerre. Revenir dans le droit chemin…Siegfried ne demandait que ça, mais il vouait une profonde addiction à l’alcool et aux drogues en tout genre, il se sentait déjà en manque. Il rétorqua d’une voix fébrile, encore à moitié ivre.

« Malheureusement, oh illustre inconnu, je ne peux plus faire marche arrière, même si je le voulais… »

Il ne mentait pas en disant cela, il avait déjà essayé de revenir à sa vie d’avant, mais il avait lamentablement échoué à chaque fois. Au fond, c’était son désir le plus profond, mais maintenant qu’il avait clairement dit à l’inconnu qu’il ne pourrait plus faire marche arrière, qu’allait-il lui arriver ? Il n’était pas vraiment en état de se défendre si celui-ci décidait de le tuer. L’homme prit la parole de nouveau.

« Alors laisse-moi te ramener… »

Une nouvelle fois Siegfried n’eut pas le temps de répondre, qu’il vit l’homme prendre une tout autre apparence. Devant ses yeux écarquillés, il se trouva nez à nez avec une créature mi-homme mi- loup, de grandes pattes munies de griffes impressionnantes, un visage de prédateur. Ses yeux brillaient cependant d’une lueur toujours humaine. Le jeune homme avait déjà entendu parler de ce genre de personne, les « lycans », il avait déjà lus quelque chose sur cette race dans les livres, mais sans s’y intéresser plus que ça.

Siegfried se rendit compte qu’il n’aurait eu aucune chance même s’il avait eu l’esprit clair lorsque le Lycans l’eut saisit au niveau des épaules. Une force incroyable le ramena vers l’animal, qui planta ses crocs dans le cou du jeune homme. Une douleur frappa le jeune homme qui tomba à genoux sous la pression phénoménale du Lycan. Ses muscles se relâchèrent instinctivement, il abandonna le combat. C’est à ce moment précis qu’il réalisa que la douleur n’était plus, elle avait laissé place à une vague de chaleur qui venait se déverser dans le corps de Sieg. Le Lycan retira ses crocs et, sans dire un seul mot, fit volte-face et partit rapidement dans l’obscurité. Siegfried se releva, il se sentait comme anesthésié. Il sentait que son organisme était en train de se transformer. Ses mains devinrent épaisses et ses ongles s’allongèrent. Sa vue s’aiguisait, il distinguait mieux dans le noir, son odorat était plus puissante, son ouïe fine. Il était en train de devenir un homme-loup, il le comprit rapidement.

Un long silence plana sur la clairière, Siegfried ne bougeait plus. Il avait repris sa forme humaine. Pour la première fois depuis longtemps le jeune homme avait l’impression d’être « vivant », il ne ressentait aucun besoin de boire ou de se droguer. La quiétude qui régnait dans son esprit lui manquait, il avait longtemps oublié ce que c’était d’avoir l’esprit complètement clair. Son regard sur le monde avait changé, il avait l’impression d’avoir toujours été capable de changer de forme comme il pouvait le faire maintenant. Ne sachant où le mystérieux homme l’avait emmené, il devra chercher le chemin du retour.

Il déclencha son nouveau pouvoir, et prit l’apparence animale propre à sa nouvelle race. Il devint un loup ébène avec des yeux azur. Son tatouage resta intact après sa transformation, il gardait son identité. Le Lycan s’élança dans la nature, se fiant à son instinct animal pour retrouver son chemin…

A ce jour, Siegfried continue à vivre comme un arpenteur, avide de satisfaire sa curiosité et d’accomplir la volonté de Nayris. Il considérait que c’était grâce à elle qu’il était aujourd’hui de nouveau libre d’explorer le monde, elle lui avait envoyé un sauveteur, ainsi, il payera sa dette et entreprendra tout ce qui est nécessaire pour ouvrir les portes à la grande déesse.