Un murmure. Ivor ouvrit un oeil, sans bouger, allongé sur le côté entre les draps en désordre. Un vent froid s'insinuait dans la chambre mais bien qu'il n'eut que le simple renfort des lourdes fourrures du lit pour se protéger de la bise, cela ne le dérangeait pas. Lentement, il ferma ses paupières encore lourdes de sommeil et sourit, vaguement. Alyna semblait s'être réveillée depuis un moment et il surprit son regard avec une pointe d'amusement. Ses cheveux en désordre retombaient sur son visage, et au travers de leurs mèches tourmentées ses yeux gris l'observaient d'un regard rieur qu'on ne voyait que bien rarement chez lui... Il se savait observé, et depuis fort longtemps, à n'en pas douter. Cela ne le dérangeait pas. Après tout, on ne pouvait guère reprocher à sa compagne de se repaître des rares fois où elle arrivait à lui ôter ses vêtements... Et puis cela faisait partie du jeu, le chasseur et la proie. Bien souvent Ivor se sentait plus le second que le premier mais cela n'était un problème pour personne. Il aimait toujours le regard qu'elle posait sur lui, dans ces moments-là; le trouble qu'il y débusquait, quand elle n'arrivait pas à se cacher, et c'était presque devenu un jeu, une taquinerie, de savoir des deux qui ferait à l'autre perdre les pédales le plus vite. Il n'avait pourtant jamais été du genre à céder à ce genre de choses, la chaste Isabelle non, plus, par ailleurs. Mais Alyna était bien différente de tout ce qu'il avait pu connaitre et faisait surgir en lui des choses dont il avait jusque là ignoré l'existence. Cela l'avait étonné au début, et puis il s'y était fait, car de toute façon il n'avait même pas le choix.

Alors, il n'avait pas bougé, la laissant admirer ton son saoul. Il ne savait pas très bien ce qu'il pouvait avoir de si admirable, mais il renonçait à comprendre, et s'en amusait simplement.
La réponse à son interrogation était multiple. Peut-être l'abandon, d'abord; son corps étendu comme un fauve au repos dans les remous agités des draps et des fourrures, la puissance endormie, et tout ce qui s'offrait alors aux regards. En dormant, il avait rejeté près de lui les couvertures qui avaient glissé, révélant dans leurs replis indiscrets la courbe longue de son dos, pour retomber juste dans le creux des reins où l'étoffe s'amassait pour mieux se dérober ensuite et suggérer ce qu'elle couvrait encore. Ainsi allongé, le contour long de sa taille se creusait un peu, et suivait la ligne saillante de de ses muscles qui se dessinaient sous sa peau claire. Il s'étira longuement, avec la paresse tranquille d'un lion assoupi et se retourna un peu plus sur le côté pour l'observer encore, ne cherchant pas à se cacher, ne cherchant même pas à échapper à son regard.

Il y avait un sourire au fond de ses yeux gris, et il ne bougea pas plus, ainsi qu'un chat paresseux. Il savait très bien qu'elle entendait clairement les battements de son coeur et qu'elle pouvait presque tout savoir de lui sans le moindre mot. Pour quelqu'un d'aussi peu causant que lui, c'était plutôt une bonne chose, et c'était en vérité un soulagement, car il se complaisait tout à fait dans leurs dialogues silencieux.

Il dormait tranquillement, là devant elle, paisible, elle le détaillait avec soin, profitant d’une de ces rares fois où elle voyait sa peau. Après tout lorsqu’ils voyageaient ils n’avaient pas forcément le temps de profiter l’un de l’autre, bienvenue avait été cette auberge sur leur route alors qu’ils descendaient vers le sud, allant vers les ports. Proche de la nature il avait quelque chose qui le rapprochait beaucoup d’elle, quelque chose qui l’attirait, l’amour cela s’appelait dans le langage des hommes, mais qu’était un mot pour exprimer réellement ce qu’elle ressentait pour lui, c’était beaucoup plus que de l’amour. Il remua vaguement et elle vit ses muscles rouler sous sa peau, se penchant un peu en avant sur la chaise où elle était à demi accroupie, elle sourit tendrement, résistant à la tentation d’aller le réveiller d’un doux baiser. Elle ne cèderait pas. C’était un jeu entre eux et elle le gagnerait cette fois ou bien peut-être pas. Depuis Sahawi… elle se sentait différente, comme si sa vision avait changé sur le monde. Elle était moins méfiante en la présence d’Ivor et à la fois plus, intuitivement ses sens se concentraient sur quelque chose, mais son esprit n’y prenait pas garde. Un craquement derrière la porte, analysé, puis écarté, car rien de dangereux. Avant elle aurait tendu l’oreille plus longuement, juste au cas où, même en sachant que ce n’était rien. Plus maintenant, elle se sentait plus en sécurité avec lui.

-Cher Ivor… murmura-t-elle.

Il était réveillé, elle le savait à son rythme cardiaque un peu plus rapide, il bougeait doucement et ouvrit les yeux et un pétillement d’amusement s’éveilla dans le regard d’ambre de la jeune femme. Elle croisa ses prunelles et, immédiatement fut happée par les profondeurs grises de cet homme magnifique qu’elle aimait profondément. Il était tellement beau malgré son air fatigué et usé, quoiqu'il semblait avoir un peu rajeuni au contact de la lycan, semblant un peu plus joyeux et ouvert en tout cas à elle. La brise fraîche entra par la fenêtre, mais étant habillée cela ne la dérangeait pas, au début vivre au Drayame et dans les plaines était difficile, car il y faisait plus frais que chez elle, mais elle s’y était vite habituée, même l’hiver était devenu supportable et Ivor lui ne semblait pas dérangé non plus par la température très douce. Il s’étira d’ailleurs comme un félin endormit et la louve sentit ronronner son instinct au plus profond de son esprit, ses lèvres s’étirèrent un peu plus dans leur fin sourire. Elle finit par céder et se leva de sa chaise pour s’approcher de lui de sa démarche souple et légère, puis se pencha au-dessus de lui pour déposer un baiser sur ses lèvres douces.

-Debout bel endormit, ou bien essayerais-tu de me donner envie de te sauter dessus dès le matin ? suggéra-t-elle amusée.

Quoi qu’au fond c'était une bonne idée, proposa sournoisement Lyän dans sa tête, mais elle chassa gentiment la louve pour caresser la joue du chasseur et finir par se blottir contre lui, alors même qu’elle venait de lui dire de se lever. Ceux qui disaient que la contradiction faisait avancer les choses feraient mieux de se taire présentement. Elle laissa échapper un grondement doux sans pouvoir s’en retenir et se roula en boule comme un chat ou bien un petit louveteau.

Ivor se redressa un peu, constatant qu'il s'était découvert -presque- par mégarde. Il rit légèrement et tendit les bras vers elle pour l'y laisser se blottir comme un chat. Il caressa ses cheveux, fermant ses yeux encore ensommeillés.

-J'avoue que ça m'a traversé l'esprit, dit-il à voix basse en laissant son autre main glisser le long de son dos.

Pour tout dire, il n'avait pas envie de reprendre la route, pas encore. La côte était encore loin, et ils avaient tout leur temps devant eux avant d'arriver à la fin du voyage, alors à quoi bon gâcher une belle matinée comme celle-là à se hâter sans raison? Avec elle, Ivor redécouvrait qu'il était doux de vivre, parfois; quand au matin il se réveillait près d'elle, dans ces moments flottants entre le sommeil et l'éveil, quand les yeux clos il ne respirait que l'odeur douce de sa peau et qu'il ne sentait rien d'autre que son corps tiède pressé contre lui, comme si plus rien d'autre qu'elle n'existait au monde. Cela lui suffisait à présent que son univers ne tournait plus qu'autour d'elle. Il en avait oublié tout ce qui avait pu exister auparavant, comme si tout cela avait été plongé dans un brouillard incertain et qu'il n'avait pu ouvrir les yeux que lorsqu'il les avait posés sur elle. Peu à peu, lentement, comme un arbre qui s'éveille au printemps, il se souvenait de ce que c'était que de vivre, avec elle, grâce à elle.
Le souvenir d'Isabelle, pour toujours présent au fond de lui comme une marque au fer rouge, s'érodait peu à peu, et sa présence s'en allait comme un spectre dilué dans la brise.

Il éleva au-dessus de ses yeux le bracelet d'argent qu'il portait toujours au poignet, et qu'il avait enveloppé d'un bandage épais pour éviter tout contact. Plusieurs fois il s'était demandé s'il ne valait mieux pas l'enlever, de peur de blesser Alyna; mais une promesse était une promesse et il s'était juré de ne l'enlever que pour le rendre à Isabelle. Chaque chose viendrait en son heure, et le moment n'était pas encore à cela.
Laissant retomber son bras et sa main dans les cheveux de la louve, il lui sourit, une étincelle rieuse au fond de ses yeux gris.

-Il est encore tôt pour reprendre la route, tu sais.

Le soleil matinal qui perçait par la fenêtre apporta une nette contradiction à ses paroles, mais il était dans sa nature d'être de mauvaise foi, surtout de bon matin. D'un geste, il souleva la couverture pour les couvrir tous les deux, se laissant entrevoir l'espace d'un instant. Lui qui était d'ordinaire si réservé s'étonnait de voir sa pudeur naturelle s'être accoutumée à la présence de la jeune femme, comme si entre eux deux il ne pouvait plus subsister de barrères de ce genre. Chaque jour apportait son lot de surprises et il se sentait changer, de plus en plus, même si cela ne se faisait jamais qu'avec elle. Le reste du monde ne l'aurait pas vu évoluer d'un pouce, alors même qu'il sentait s'opérer en lui une profonde métamorphose dont elle ne serait jamais que l'unique témoin. Mais cela lui convenait, à lui; ce secret partagé, qui ne se laissait entrevoir que dans l'intimité de leur petit monde, qui laissait tous les autres à la porte.

D'un geste, il la fit se retourner sur le dos et s'appuya sur un coude pour l'observer, allongé près d'elle sous les couvertures.

-Es-tu si pressée? Lança-il de nouveau d'un ton amusé, un fin sourire se promenant avec innocence au coin de ses lèvres.

Elle sourit tendrement en sentant la chaleur contre elle, Lyän faillit faire un commentaire ironique, mais n’en eut pas le temps, calmée par la main qu’il posa dans ses cheveux et l’autre lui caresser le dos. Elle ne bougea pas, mais l’instinct fut obligé de se taire, trop influencé par le sentiment de bien-être de la jeune femme pour lâcher ses piques. Alyna finit par refermer les yeux à moitié pour se concentrer sur ses autres sens, son cœur qui battait en s’éveillant doucement, son odeur qui lui chatouillait les narines et cette main dans ses cheveux qui la tranquillisait. Elle sentit vaguement la « chaleur » de l’argent contre son cuir chevelu, protégé par le bandage d’Ivor, mais ne réagit pas, elle ne se sentait pas en danger. Il lui parlait de sa voix mélodieusement grave et douce dont elle percevait tous les accents, mais elle n’écoutait qu’à demi. En fait elle n’avait pas vraiment envie de se lever tout de suite pour partir. Il la tourna doucement et elle se laissa faire, emprisonnée par son regard gris teinté d’amusement, elle sourit, répondant au sien pour murmurer doucement :

-Pas vraiment.

Elle cligna un peu des yeux pour rompre le don qu’il avait de l’hypnotiser complètement et se concentra sur son visage plutôt que son regard… ce qui n’eut pas beaucoup plus de succès. Elle l’embrassa tendrement, puis lui caressa la joue, un peu rugueuse de sa barbe naissante, elle s’en fichait d’ailleurs, ça ne la dérangeait pas. Lyän suggéra une question à poser à Ivor, qui fit rougir la jeune femme, la louve en profita pour prendre le contrôle, elle repoussa doucement le chasseur sur le dos pour se pencher à son tour au-dessus de lui, ses mèches rougeoyantes venant caresser doucement le torse de cet homme magnifique qui avait sus toucher le cœur d’Alyna et sourit avec une mine joueuse.

-Pourquoi cette question ? Aurais-tu une meilleure idée ? glissa-t-elle sournoisement.

Sans quitter son expression elle approcha son visage à quelques centimètres de celui de l’humain, restant une seconde en place, le temps de faire naître quelques idées dans son esprit, puis se déroba rapidement, quittant le lit et prenant sa forme hybride pour prendre sa queue de louve contre elle comme une peluche et un air faussement triste.

-Le monsieur là il a des idées bizarres je suis sûre, il fait peur… dans ses yeux se lisait le même pétillement qu’un enfant en train de tirer la langue après une plaisanterie.

Ivor haussa un sourcil d'un air amusé quand il entendit sa réponse.

-Ah tiens? C'est intéressant, ça...

Il se laissa retomber sur le dos, l'observant d'un regard rieur quand elle passa au-dessus de lui et ne pouvant empêcher ses mains indécentes courir sur elle dans un frisson léger. Voyant les yeux de la jeune femme changer de couleur, son sourire s'élargit un peu. Quand c'était Lyan qui prenait le contrôle, les choses avaient toujours une fort de chance de déraper, ce qui n'était certainement pas pour lui déplaire, ce matin. Il sentait la caresse soyeuse de ses cheveux qui tombaient sur lui, et leur parfum entêtant, comme la chaude fourrure d'un chat, et le même contact tiède et mouvant.

Il lui répondit par un sourire outrageusement innocent.

-Peut-être bien. On dirait que toi aussi, tu as une idée en tête, lança-il à voix basse. J'irais même jusqu'à dire qu'on pense à la même chose.

Ce disant, l'une de ses mains se retrouva par le plus grand des hasards sous sa chemise et il laissa le bout de ses doigts glisser doucement le long de son dos, jusqu'au creux de sa taille, avant de s'égarer sournoisement un peu plus loin. Sa soudaine proximité et son visage contre le sien ne fit pas que lui donner des idées, à vrai dire, et il eut très envie de les concrétiser très vite. Alors qu'il allait de nouveau s'emparer d'elle, la louve se déroba soudain pour s'éloigner. Il crut même qu'elle allait le laisser là sans autre forme de procès, mais elle ne s'éloigna guère, en réalité.
Ivor eut un rire franc et vif et se redressa, gardant la couverture sur ses genoux pour cacher ce qui pouvait l'être.

-Oh la menteuse! Lança-il. Je sais que tu as quelque chose derrière la tête, je te connais...

Il croisa les bras en levant les yeux au ciel, lui jetant un bref regard du coin de l'oeil.

-Il y a une louve dans ma chambre qui me réveille et me regarde dormir, c'est plutôt moi qui devrait avoir peur! Tu ne m'as même pas laissé le temps de m'habiller, en plus.

Dans un geste de fausse pudeur, il releva les couvertures jusqu'à son cou et se tourna sur le côté pour faire mine de se recoucher.

-Tant pis pour toi, lança-il en enfouissant sa tête dans l'oreiller. Tu ne sais pas ce que tu rates.

Enfin si, elle le savait, et elle avait l'air de s'en souvenir même plutôt bien. Enfin, surtout Lyän. D'autres auraient pu se sentir franchement déstabilisés par ces changements de personnalité; mais il savait faire avec l'une comme avec l'autre, d'autant que la louve savait très bien aller outre toutes les timidités et les peurs d'Alyna. Il aimait l'une et l'autre comme les deux aspects d'une même personne, sans plus être surpris par les changements qui pouvaient survenir quand l'une prenait la place de l'autre sans prévenir. Au fond de leurs yeux d'ambre et d'or, il savait toujours débusquer celle qui était en sommeil. Il savait fort bien de plus que Lyän était d'un caractère joueur de nature, et qu'elle cédait aisément à la provocation, ce qui était une source d'amusement sans fin.

Il savait fort bien que de là où elle était, Lyän le voyait très bien et même s'il s'était couvert, son corps se dessinait nettement sous le drap qui laissait entrevoir assez de choses sous ses replis pour enflammer l'imagination. Il s'étira avec une lenteur délibérée, laissant ses cheveux noirs retomber dans son dos et sur ses épaules, faisant paraître sa peau plus claire encore sous leurs arabesques sombres.

Ivor resta à l'affût en silence; il l'entendit marcher, s'asseoir non loin, avant d'être surprit par le contact soudain de la fourrure rousse sous son nez. Il se redressa, laissant le drap retomber sur sa taille, et lui sourit en se penchant légèrement vers elle, saisissant sa queue pour l'attirer légèrement à lui. Il prit soin de ne pas se montrer brutal par ce geste, lui faire de mal n'était absolument pas le but.

-Je savais bien que tu ne t'en irais pas comme ça, Lyän; dit-il à voix basse.

Une lueur amusée dansait dans ses yeux sombres, comme un écho à celle que reflétaient les yeux d'or de la lycan. Difficile en vérité de savoir où était le prédateur et la proie. Ivor avait au moins un léger avantage sur elle, celui de l'expérience; et même si Lyän n'était certainement pas farouche, le chasseur quant à lui avait une petite longueur d'avance dont il profitait -il fallait bien l'avouer- sans aucun scrupule. Doucement, lentement, il rapprocha son visage du sien pour déposer un léger baiser sur ses lèvres. En l'embrassant, il ferma brièvement les yeux comme pour la laisser occuper tout l'espace et ne plus ressentir que sa présence; le bref contact de sa peau et de sa bouche sur son visage y laissa comme une brûlure, une marque à fleur de chair. Rouvrant les yeux, il lui sourit plus largement encore, un rire au fond des yeux. Il avait toujours cette expression, quand il avait une idée en tête; sans doute un peu prévisible, mais à quoi bon, quand elle semblait pouvoir déchiffrer le moindre de ses battements de coeur?

D'un geste ferme, il la fit basculer sur le lit et s'allongea sur elle bien confortablement, appuyé sur un coude. Il savait qu'elle tenterait de s'enfuir, mais cela aussi, il l'avait compris, et s'ingénia à tout faire pour l'empêcher de s'enfuir.

-Cela dit, je n'avais pas l'intention de te laisser partir non plus. Et puis, tu sais combien j'aime jouer avec le feu, pas vrai? Si j'avais peur des loups sauvages, je ne me risquerai pas jusque dans ton lit.

Ivor l'observait avec une petite mine moqueuse, disant cela; et comme toujours, ce que ni ses mots ni son visage n'exprimaient passait dans ses yeux, animés d'une vie nouvelle qui leur donnait un éclat soudain. Il baissa un instant les paupières, ses prunelles grises traîtreusement embusquées sous le rideau de ses cils noirs, un peu comme le ferait un chat qui fait mine de se désintéresser de sa proie pour mieux la guetter à la dérobée. Oh, Ivor était un chasseur, après tout; quel que soit le gibier il savait bien y faire et ce gibier là, ma foi, était bien plus dur à capturer que tous les autres mais cela ne l'effrayait en rien, bien au contraire, comme si ces provocations et ces dérobades ne faisaient que raviver la flamme et défier l'instinct prédateur. Alyna ne s'était pas trompé en le choisissant, lui, parmi les innombrables humains de cette terre, parce qu'il y avait au fond de tout cela, au fond de ses yeux, latente, dans chacun de ses gestes, comme un soupçon sauvage, comme un murmure animal. Pourtant il n'y avait jamais la moindre brutalité dans ses gestes, même lorsque la retenue n'était plus de mise.

-Je crois bien que c'est moi qui t'ai eue, là; lança-il dans un murmure souriant, rapprochant encore son visage du sien.

Ivor laissa ses lèvres s'égarer le long de son cou, sa barbe naissante laissant sur la peau blanche de la louve quelques stries rouges qui s'évanouirent aussitôt. Ses mains s'étaient posées sur la taille de la jeune femme pour s'insinuer sous sa tunique, caressantes et indiscrètes, et glissaient le long de ses flancs comme on suit du doigt les replis d'une soie précieuse. Bien sûr, il ne s'imaginait pas avoir gagné si facilement, mais il s'amusait à lui voler quelques soupirs, avant que perdre à nouveau l'avantage, ce qui ne saurait tarder. Il y avait des réveils bien plus désagréables que celui-ci, et il avait laissé de côté toute idée de se lever tôt ou tard, ce qui semblait être également le cas d'Alyna. C'était d'ailleurs à se demander si elle-même avait eu ne serait-ce qu'un instant le projet de faire autre chose que passer cette glorieuse matinée de grisaille ailleurs que dans leur lit...

[suite en zone sensible ~, ici : interlude au voyage (suite)