- Il est là ! Choppez-le !

Deux musclés lancés à vive allure bondirent sur le garçonnet, lui agrippant bras et pieds. Immobilisé au sol, il hurla de plein poumon des injures adressées à ses ravisseurs… Le troisième homme s’avança sur son flanc et fouilla nonchalamment ses poches, puis souleva les vêtements poussiéreux et sales de la pauvre victime.

- Trouvé ! Ce mioche l’avait planqué dans son pantalon ! Autant vous dire qu’il va falloir passer un bon coup de chiffon dessus…

- Ce ne sera pas la peine, intima une voix un peu plus loin.

Comme sortie de nulle part, Mysora vint se placer derrière la brute à genoux et lui confisqua le livre volé qu’il brandissait comme un trophée. Vérifiant par quelques coups d’œil l’état général du bouquin, elle constata qu’aucun mal ne lui avait été fait. Puis, son regard se posa sur le jeune garçon au sol - un simple humain : visage crasseux, vêtements en loques, pieds à nus… Elle ordonna à ses gardes de le relever, et après une tentative d’évasion de sa part – qui se solda par un échec cuisant – se rapprocha pour se mettre à son niveau. Ses yeux plongés dans les siens, la Dragonne espérait que toute son attention était portée vers elle…

- Combien pour ce livre ?

Les trois hommes, aux cotés du voleur, se regardèrent subitement. Intrigués, l’un d’eux toussa brièvement et prit la parole.

- Ma Dame, ce livre vous appartient et…

- Je sais ce qui m’appartient, gronda t-elle. Je n’aime pas voler ou faire quoique ce soit qui s’y apparente, surtout lorsqu’il s’agit d’un enfant. Combien en échange de ce livre ? se mit-elle à répéter.

Le garçon humidifia ses lèvres et balbutia, son jeune cerveau persuadé que toute cette bonté cachait quelque chose… Au bout d’une réflexion de plusieurs secondes, il réussit néanmoins à prononcer un chiffre ! Autant dire qu’un précipice immense existait entre la demande et la valeur réelle du Tome, mais notre Reine n’y prêta guère attention. L’argent, pour elle, n’était plus aussi « vital » que pour n’importe qui. C’est donc après avoir sortit une bourse de sa poche qu’elle déposa, non sans un soupir, quelques piécettes dans le creux de la main du brigand. Elle leva la tête et, comme un signe de « réconciliation », lui adressa un sourire sincère.

- Très bien. Gardes, tuez-le.

Cette fois-ci, l’enfant n’eut pas besoin de réflexion pour disparaître du paysage… Les trois hommes se mirent à rire grossièrement, habitués à ce genre de « mauvaises blagues » dont leur Reine semblait très friande. Lunatique, effrayante… Même eux ne savaient jamais vraiment comment réagir face à elle. Le groupe se remit en marche, en direction de la ville la plus proche.

- Riez, Messieurs. Je vous rappelle toutefois que ce gamin dont vous vous moquez vous a subtilement dérobé un bouquin sous les yeux avant de…

Mysora s’interrompit soudainement, intriguée par l’étrange individu figée un peu plus loin qui semblait avoir repéré leur présence depuis quelques moments. Elle ne remit pas en cause la capacité de cette personne à se camoufler, mais plutôt sa maladresse… En effet, son bandage ne pouvait échapper à un œil vigilant, à l’œil d’une Dragonne…

Une jeune femme blessée à la recherche de plantes ? Quelle idée grotesque ! Mysora fit un léger signe de la main à ses gardes, qui prirent un peu de recul afin de la laisser seule avec l'inconnue - non sans prêter quelques regards à celle-ci afin de repérer un éventuel comportement néfaste pour leur Reine...

Mysora s'éloigna alors de quelques pas, s'accroupit et vint saisir la tige d'une plante, prenant soin de laisser en terre les racines. Elle se rapprocha alors de la lycan, et déposa sa récolte sur le petit sac en lin disposé à ses cotés.

- Une magnifique plante... Je ne parle pas du physique, mais plus de ses capacités à vous faire cicatriser sans même que vous ayez eu le temps de dire "Oups". Il faut le voir pour le croire, bien entendu.

Un sympathique sourire animait le visage de la Dragonne.

Masquer son mécontentement derrière un faux sourire lorsque quelqu’un tente de vous aider : il n’y avait rien de plus agaçant pour Mysora qui ne souhaitait, dans cette situation, que se rendre utile ! Certaines personnes, comme il fallait le croire, n’étaient pas capable d’endurer la présence d’autrui plus d’une seconde… Cette femme semblaient faire partie de cette catégorie de gens, que notre Reine classait comme « asociaux ».

Bien entendu, il n’est pas judicieux de juger un inconnu en à peine quelques secondes « d’échange », mais notre Dragonne n’avait d’espoir de pouvoir entretenir une discussion avec ce genre d’individu… En toute bonne franchise, elle n’en avait pas l’ombre d’une envie ! Elle se releva donc avec la grâce qu’une altesse peut s’accorder, et salua poliment la lycan, un sourire radieux – et sincère – aux lèvres.

- Je vous souhaite bien du courage pour votre ‘chasse’. Soyez toutefois vigilante, les tempêtes de glaces sont bien plus dangereuses que l’homme, sur ces terres.