Leyceline avait 13 ans. Elle revenait de son orphelinat, l'odeur du sang enivrant encore son esprit. Elle avait parfaitement saisi ce que cet appel avait comme impact sur elle. Elle qui avait toujours était traitée comme un animal, comme une bête à part dont tout le monde se moque... Elle avait pris sa revanche. Le petit lapin qu'elle était avait sortie ses griffes et commis son premier assassinat, parfaitement gratuit...

Et en plus cela ne l'avait pas apaisée. Non, en elle vrombissait toujours cette colère sourde contre la race humaine qui se croyait tellement au dessus d'elle. Elle, une pauvre hybride, la fille rejeté dont personne ne veux...

Si... Il existait quelqu'un qui voulait d'elle, mais l'hybride se refusait à retourner voir son maître. Un fleuret des plus quelconque à la taille, la toute jeune fille marchait sans but réel, cherchant des cibles au hasard des villes sur lesquelles elle tombait, juste assez pour s'occuper l'esprit...

Perdue dans ses pensées, elle perçut alors le bruit d'une flèche et la vit se planter dans un homme qui s'effondra mort au sol. Un second son se fit entendre, et Leyce se tint prête à bondir, mais la flèche se planta au pied d'un arbre, bien loin d'elle. Relevant la tête, l'adolescente vit un jeune femme perchée dans l'arbre, son arc à la main.

Se mettant légèrement en position de combat, Leyce fronça les sourcils. Etait-elle apte à rivaliser avec une femme ? Elle qui n'avait que 13 ans ?

-Qui êtes-vous ? s'enquit-elle d'un ton fort et assuré.

Si elle doutait, en revanche, elle n'en laissait rien paraître. Elle n'était pas dupe. L'homme qui s'était effondré été une cible, et celle qui se cachait dans un arbre en était l'assassin... La jeune lapine se demanda si entre eux les assassins étaient plutôt amical... ou de vrai chien...

L'adolescente ne se laissa pas démonter quand les hommes surgirent devant elle. Elle était pourtant si jeune... Mais eux... Ils n'étaient pas comme la femme qui semblait aussi animale qu'elle ne l'était ! Bien que la femme avait tenté de l'effrayer, Leyceline ne put s'empêcher d'éprouver une affection particulière pour elle car l'animalité en elle était extériorisée sans crainte... Ce qu'elle aimerait être ainsi et s'assumer pleinement !

Regardant son adversaire, elle vit qu'il était moins bon qu'elle avec une arme... Même si son fleuret était somme toute ordinaire, en face d'elle il ne tenait qu'une épée dans une garde trop basse.

-Ne vous inquiétez pas... j'aime bien jouer aussi, dit la lapine de son air mutin.

L'homme voulu l'attaquer pour effacer cet air supérieur du visage de l'enfant, mais rapide car jeune et méthodique car encore en entrainement, Leyceline glissa le long de la lame du marchand d'esclave et piqua sa main suffisamment pour que s'en écoule du sang. De douleur, il lâcha son arme, et Leyce en profita pour attaquer, oubliant dans un coin de son esprit la chaleur insoutenable qui régnait autour d'elle. Non, elle vaincrait son adversaire d'abord... puis s'occuperait de se sortir du cercle de feu...

Feintant vers la droite, son fleuret s'enfonça dans le mollet de son assaillant vivement, et elle le sortie en le tournant afin d'abimer un maximum de muscle, et éloigna son épée d'un coup de pied afin qu'il ne puisse pas la récupérer.

-Le lapin est un prédateur, sâche le ! S'exclama-t-elle alors que l'homme tombait à genou, surpris par la vivacité de la gamine.

Elle voulu alors le tuer, mais il contre-attaqua immédiatement... Il était plus grand, plus fort et plus endurant qu'elle... Mais elle avait pour elle la rapidité, l'ingéniosité... et une arme ! Alors qu'il tentait de l'attraper, de la touchait, elle pouvait le maintenir en respect à l'aide de son fleuret... Mais l'homme se risqua à bousiller sa main pour lui arracher la lame. Leyceline eut alors très peur. L'homme lui enserra le cou, et la lapine commença à paniquer avant de se souvenir des enseignements de son maître... Pour le coup, elle estima la situation dangereuse... Aussi elle releva brutalement sa jambe qui cogna violemment les parties intimes de l'homme... Il s'effondra et Leyce bondit vers son fleuret qu'elle enfonça sans ménage dans la tempe du marchand d'esclave.

Elle fit alors volte-face pour voir que la femme s'était aussi débarrassée de son attaquant, faisant, par la même, disparaître les flammes.

-Quel sorte d'animal es-tu ? S'enquit-elle admirative.

Leyceline n'eut pour autant pas la moindre peur. Elle qui avait tant été haïs quand elle était jeune, voir une jeune femme qui assumait pleinement son statue d'hybride.

-Je... dit-elle en la dévisagea sans quitter son sourire. Je m'appelle Leyceline. Mais... Ma question portait surtout sur votre... race ! Parce que... D'ordinaire, les gens différents sont... mis de côté. Orss, vous semblez... bien le vivre.

Curieuse, ça elle l'était. Elle ne parvenait décidément pas à comprendre comment se passait ces choses là. Les humains, elle n'y arrivait pas. Ses pensées, trop animales, pas assez standard. Elle n'était pas dans les normes et n'avait pas envie d'y entrer malgré les réprimandes qu'elle avait pu recevoir. Quand bien même ! Était-ce de sa faute si elle était grande ? Si elle faisait de grand bond de lapin ? Si son instinct était purement animal et que de ce fait elle tuait sans difficulté ? Était-ce de sa faute si elle avait de grandes oreilles de lapin, des cheveux blancs et soyeux comme du poil d'animal ? Elle n'y était pour rien ! Strictement pour rien, or on le lui avait reproché toute sa courte vie !

La lapine bougea une de ses oreilles qui se plia vers l'avant alors que l'autre demeura droite. Cela signifiait qu'elle n'était pas alerte. Elle ne craignait pas la louve. Elle n'avait pas peur d'elle. Elle était curieuse. Avide de savoir. S'assumait-elle ? Comprenait-elle la blessure qu'il y avait dans son cœur ? Avait-elle était rejeté ?

Leyce, malgré le massacre qu'elle avait perpétré à son ancien orphelinat ne se sentait pas mieux... Et maintenant en plus, elle ne pouvait se résoudre à rejoindre son maître pour parfaire son entraînement. Elle était douée pour son âge... Mais tellement dans l'incompréhension et le questionnement qu'elle ne pouvait pas avancer. Elle voulait avoir des certitudes. Elle voulait être quelqu'un. Au moins pour elle, elle voulait être quelqu'un.

Aussi, elle songea qu'elle avait à apprendre de cette chasseuse qu'elle continuait de dévisager avec un certaine adoration. Blessée, voilà longtemps qu'elle l'était. Maintenant, sans pour autant se soigner, elle voulait comprendre pourquoi.

Leyce se sentait étrangement en confiance. Comme si en elle, elle savait que la lycan n'allait pas la manger... ou la chasser... ou la tuer ou... quoi que ce soit d'autre finissant en "er" qui ferait en sorte qu'elle puisse... mourir.

Joyeuse réflexion oh combien dérisoire. Qu'on soit d'accord, il ne risquait rien d'arriver à la lapine... au pire, elle serait partir en sautillant, et aurait mis un vent à n'importe quel loup lancé à pleine puissance... loup... pas lycan...

//Oui bon, faut pas penser à ça, elle me veut aucun mal !//

Leyceline soupira doucement, et se concentra sur... sur... quoi ? Un instinct ? Tiens, Leyce n'en avait jamais entendu parlé, et pourtant son maître l'avait bien formé ! Elle tourna la tête légèrement sur le côté, ses oreilles pliées vers l'avant.

-Son instinct... Je vois. Eh bien, je t'appellerais Alyna si tu n'y vois pas d'inconvénient ! Je suis une hybride. C'est assez visible de quoi...

Malgré ses 13 ans, la lapine était déjà très grande en taille, et dépassait même un peu la lycan. Pour autant, sa bouille enfantine demeurait, et on la sentait encore très jeune, comme si son esprit l'avait brouillé et qu'il n'en restait que des brides enfantines pour la protéger du meurtre, des meurtres horribles qu'elle avait commis.

//Ils le méritaient ! Après tout ce qu'ils m'ont fait ! Regarde l'instinct ! Elle n'a pas peur de tuer ! Elle l'assume très bien !//

Elle se parler à elle-même pour se rassurer, réfléchir, poser les choses. Elle ne savait pas si elle avait bien fait de tuer ceux qui l'avaient si souvent brimé. Elle réfléchissait encore là dessus. Oubliant presque Alyna... et son instinct.

[désolée, c'est plus court... je savais pas trop quoi mettre >-<]

Leyce eut un air un peu gênée. Plusieurs sentiments contradictoire courraient en elle. D'abord, elle se maudissait d'elle si transparente. Effectivement, elle avait sa rage quand elle se battait. Cette rage sourde d'avoir tant été brimée alors qu'elle était juste une hybride. Elle détestait ceux qui marquait les différences. Les humains par extension ! Ils étaient les pires ! Eux et les elfes !

Oui, elle était pleine de cette rage qui avait fait qu'elle survive elle et pas ceux de l'orphelinat. Elle était une battante. Différente. Mais... Mais qui avait peur. Parce qu'il n'y avait pas que de la rage. Il y avait aussi cette peur.

Une peur sourde dû à la solitude. Son maître l'avait calmé. Mais son maître était un simple humain... Il ne pouvait combler tout ce que manque qu'avait l'hybride. Elle avait besoin de quelque chose de fort. Elle n'était qu'une gamine, seule, sans rien d'autre qu'elle même. Elle ne pouvait pas se laisser aller. Pourtant, cela se voyait. Pourtant, Alyna l'avait remarqué.

Pourtant... Il y a toujours un pourtant qui s'insinue. En ce moment, elle se sentait sereine pourtant. Encore un pourtant. Mais aux couleurs sucrées du miel présent dans les yeux de la lycan. Oh, certes, elle était sauvage, brut de décoffrage... Mais elle la comprenait ! La douceur particulière et l'affection qu'elle lui témoignait... Leyceline la recevait en plein coeur. Elle qui avait pris grand soin d'ériger de grande barrière autour de son coeur, elle était directement touchée par le geste de la louve.

Que dire. Que faire. La voilà dans l'incapacité de réagir. Elle n'était pas habituée à l'affection. Elle se souvenait que la première fois que son maître lui avait ébouriffée les cheveux de la sorte, elle en avait pleuré. Elle ne savait pas la douceur, elle ne savait pas l'amour, elle ne savait pas ce qu'était l'amitié. Non, elle connaissait la souffrance, la solitude, l’abandon. Et cela était normal. Oh, elle ne s'en plaignait pas mais... Il est toujours bon de se sentir... apprécié... Au moins cela. Elle soupira.

-Je... Merci.

Un merci profond dis avec une intention dépassant celle d'un enfant de treize ans. Mais quand on est une assassine, une meurtrière... on est un peu plus mature que ces sales gosses de riches.

Elle se savait incapable d'en dire plus. Son petit nez bougea légèrement et ses oreilles retombèrent sur les côtés, signe qu'elle était touchée par l'intention de l’instinct. Quand elle ne savait pas s'exprimer, son corps le faisait pour elle. Comme l'animal qu'elle était en partie... et qu'elle était fière d'être.

-Je... Merci.

La lycan observa une fraction de seconde l’hybride, remarquant que ses oreilles retombaient et son nez remuait, les mêmes réactions qu’elle pouvait avoir. Le langage corporel, un art à déchiffrer, bien plus simple pourtant à parler que les autres. Bon nombre de personne s’exprimaient par leur corps sans s’en rendre compte, les « animaux » bien sûr, mais aussi les humains, bien qu’ils se croient souvent plus intelligents et au-dessus des autres. Tous étaient toujours trahis par leur corps. Ainsi donc elle était touchée, c’est ce que traduisaient ses mimiques infimes. Pauvre enfant, la louve la comprenait, plus qu’elle ne pouvait l’imaginer. Quand l’on vit des expériences similaires il est normal d’être plus attiré par ces personnes non ?
La jeune femme attrapa soudain les joues de la lapine pour les tirer vers le haut, en douceur tout de même, faisant naître un sourire sur ses lèvres, une grimace certes, mais au moins elle voyait ce que donnait son visage avec cette expression. La lycan hocha la tête appréciatrice.

-Bien ce que je pensais, tu serais encore plus jolie si tu souriais petit lapin blanc.

Elle la relâcha et prit un air faussement sévère et sérieux, comme un professeur faisant la leçon à un enfant turbulent, bien évidemment elle voulait d’une part s’amuser, d’autre part que la demoiselle porte un souvenir et un message d’espoirs, qu’elle puisse affronter toute sa vie les moqueries des autres et qu’elle reste toujours elle-même.

-Un sourire pour un être gentil, un rictus pour un être méchant, un sourire pour un moqueur qu’il se retrouve idiot, un autre pour un compliment. Pas de sourire lorsque l’on est triste. Jamais montrer les dents si l’on ne sait pas quelle est la personne en face, elle s’interrompit pour sourire en retroussant ses lèvres sur ses crocs. Ça peut être interprété comme montrer les crocs. Il y a tellement de façons de sourire, adieu les grimaces. Enfin il y aura un jour où tu trouveras quelqu’un qui ne te fera pas le moindre mal, un ami, une « famille » ou un amour. On les trouve tous un jour.

Et on les perd parfois. La jeune femme se retint de songer trop à ce petit ajout qui aurait fait écho à sa plus tendre enfance, enfin, celle d’Alyna du moins. Elle préférait oublier cette époque, l’effacer de sa mémoire, à jamais. Elle ne craignait pas la solitude, ou bien s’y était-elle habituée. En tous les cas elle ne laissa rien paraître sur son visage et son corps ne trahit pas l’idée à peine effleurée qu’elle avait un jour pu avoir un frère qu’elle aimait de tout son cœur et qui n’était plus. Cette pensée était trop enfouie au plus profond d’elle, enfermée à double tour dans un coffre-fort, pour qu’elle se traduise corporellement.

-Trêve de leçons, tu vas quelque part ? Je peux t'accompagner pour t'éviter de te perdre dans la savane si tu le souhaite.

Leyceline leva les yeux vers la louve un peu surprise quand elle l'a fit sourire et recula machinalement. Mais elle ne put se défaire de la poigne de l'instinct avant que celle-ci ne la lâche. La lapine se frotta la joue en regardant, hébétée, l'hôte d'Alyna. Ce qu'elle lui disait... Leyce le savait tout ça... Du moins, elle le ressentait... Jusqu'à maintenant, elle n'avait fait que montrer ses dents. Même quand elle souriait. Même à son maître. Même... Tous, tous ceux qu'elle avait rencontré avait eut droit à ses crocs de lapin qui était plus tranchant qu'ils n'y paraissaient. Elle n'était pas sur la défensive, mais dans l'offensive. Elle agressait sans même se rendre compte qu'elle le faisait, tout en ayant l'intime conviction de le faire.

Leyceline pourtant se disait qu'il serait bon de s'ouvrir un peu plus à ceux l'appréciait aussi humain soient-ils, à l'instar de son maître. Mais même aux autres, elle ne s'était jamais montrée entièrement, et cela commençait un peu à lui peser. Là, cette louve... Si... particulière ! Mais il fallait avouer qu'elle était adorable... Enfin, à sa manière, et cela touchait beaucoup le petit cœur palpitant de la lapine.

Elle dévisageant longuement la louve en soupirant. Elle lui offrit alors un sourire, sans montrer ses dents. Elle rit alors d'elle même, et osa prendre la louve dans ses bras pour rechercher la chaleur animale qui lui manquait. Elle ne bougea plus, et réfléchit à la question sans lâcher la louve.

-Je comptais aller en ville... Il me faut gagner ma vie... et je suis bonne à tuer. Et je dois retrouver quelqu'un... Et je n'y arriverais pas en errant dans le désert. Je veux bien que tu m'accompagnes... Parce que je ne sais pas du tout par où aller pour rallier la ville la plus proche !

Leyce leva la tête s'éloigna timidement et la regarda alors, comme craignant sa réaction. Elle l'aimait déjà beaucoup. Vraiment beaucoup.

Leyce eut un sourire attendri. Elle attrapa la main de l’instinct, et la suivit bien sagement en regardant autour d'elle.

Elle avait tant chercher ce genre d'attention, qu'elle en devenait désireuse. Elle aimait sentir le contact de la louve, et elle aimait sa présence si animale, mais tellement humaine aussi. Leyceline, du haut de ses treize étés se trouvait bouleversée par l'affection qu'une inconnue lui présentait. Une inconnue... Alyna, ou peu importe son nom, avait déjà une place dans son petit coeur si vide et si triste. Et elle se refusait à penser qu'elle n'était qu'une inconnue. Elle avait offert bien plus d'amour et d'attention à Leyce que n'importe qui, excepté son maître. Cela comptait pour la si jeune assassine.

Peu lui importait l'odeur du sang. Peu lui importait de tuer froidement. Peu lui importait de faire souffrir, de faire crier. Non. Tant qu'elle se sentait aimé, même un tout petit peu, elle pouvait avancer. Leyce, qui avait caché son coeur depuis sa naissance, avait pour elle une chose. Elle ne désirait que deux choses : Sa liberté, et un peu d'amour. Pas de reconnaissance, pas de prix, pas de richesse... Non, rien d'autre que sa liberté et un peu d'amour.

Alors, la lapine, heureuse de sa rencontre et de sa remise en question, trottinait aux côté de l'assassine. Elle ne craignait pas tant que ça la chaleur, ou dans le pire des cas, ni faisait pas attention. Avec un sourire léger sur les lèvres, elle chantonna un hymne dédié à la liberté que son maître lui avait appris. Elle jouait avec sa voix, prenant un peu confiance en elle, et désirant profiter de ces derniers instant avec sa sauveuse.

Pour tout dire, Leyce avait réussi à oublier tout ce qui l'entravait grâce à l’instinct. Aussi, elle poursuivit sa chanson, un air guilleret et très enfantin plaquée sur son visage de lapin.