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 La règle de base.

 
La règle de base. Sand-g10Sam 19 Sep - 14:44
Citation :
Faëstalia est connue pour ses marchés, certes, mais aussi pour ses voleurs sans peur ni scrupules ! Un jour, l'un d'entre eux a le malheur de dérober la bourse remplie de Yurël. Comment celle-ci réagit ?

Il avait été étrange pour elle, en premier lieu, de parcourir ces terres arides. Habituée aux terres fertiles et boueuses d'Ophionee, elle n'avait que rarement croisé de sols aussi secs, même lors de ses nombreux voyages dans le monde de Terra.

En premier lieu, elle avait parcouru la Glace, seul royaume encore libre du joug d'Aile Ténébreuse. Bien que l'envie de partir explorer le vaste monde ne l'aie maintes fois tiraillée, elle n'avait aucun doute sur la marche à suivre ; se cacher autant que faire se peut, et se faire oublier pendant un temps.

C'était la seule façon de survivre, au moins les premières années. Se terrer loin de ceux qui pouvaient encore la reconnaître, attendre que son souvenir ne s'efface des mémoires, et surtout, attendre de grandir. Attendre d'avoir plus de cartes en mains, attendre de savoir être parfaitement autonome.

Les années avaient passé. Elle avait gagné en force et en savoir-faire, mais surtout en ruse. Elle savait désormais comment se dissimuler quand voulu, et comment attirer l'attention s'il le fallait.

Elle n'avait donc, du fait de sa résolution à rester discrète pendant un temps, pas encore exploré la moitié de ce qui l'intéressait. Elle avait passé quelques temps sur un navire traversant Abissaï, préférant la longueur du trajet en mer à la dangerosité que représentait une traversée de la Terre. Avec l'influence constante d'Aile Ténébreuse sur ce dernier royaume, elle préférait que le voyage prenne quelques mois de plus, plutôt qu'il ne lui soit fatal.


Cependant, la vie n'était plus amusante si l'on ne prenait aucun risque, et c'est ce qui l'avait poussée à accoster en Mirai pour finir son voyage à pied. En cette ville sous-marine qui l'avait impressionnée au plus haut point -Pourquoi n'avaient-ils donc pas de si belles capitales, à Zelphos?- elle avait mendié et dérobé ce dont elle avait besoin pour compléter son voyage.

De ce fait, avant d'atteindre Faëstelia, elle n'avait connu que les interminables mers d'Abissaï, les glorieuses steppes de Selian, et la flore luxurieuse de Drayame. De ce fait, son arrivée en Sahawi fut... Décevante.

Oui, pour la première fois de sa vie, Yurël fut déçue. Des terres sèches à perte de vue, des pics montagneux qui lui paraissaient sans style... La jeune démone faillit rebrousser chemin directement, et elle l'aurait probablement fait si ses maigres provisions ne menaçaient pas de s'épuiser.

Alors, contrainte par la faim à se diriger vers la ville la plus proche, elle avait découvert Faëstelia. Et son avis sur les terres du Feu avait changé du tout au tout.

Oh, certes, Faëstelia n'avait pas grand chose pour elle, comparé aux autres capitales. Elle n'avait pas la majesté de Luütra, et encore moins l'aura mystique de Mirai. Mais pour quelqu'un comme Yurël qui cherchait avant tout l'excitation de la découverte et l’apprentissage de nouvelles cultures, la ville était un véritable paradis.

La chaleur étouffante était insupportable, c'est vrai. Mais en voyant cette foule grouiller entre les maisons, toute diverse de races et de visages, Yurël avait senti les larmes piquer ses yeux grands ouverts par la curiosité.

Son comportement aurait été jugé futile et enfantin par nombre de gens – et probablement qu'il l'était, au fonds- mais l'émotion en elle ne lui permettait pas de le refréner.

C'était pour ça qu'elle était venue sur Terra Mystica. Pour ces gens, pour cette foule de personnes toutes aussi différentes les unes que les autres. Pour ces bâtiments tantôt taillés dans la roche, tantôt montés par des pierres. Pour ce bruit ambiant qui comblait ce silence qui la suivait depuis toujours.

Et, bénissant ses provisions qui l'avaient forcée à faire escale dans cette ville, elle s'empressa d'aller visiter.

Et évidemment, comme nombre de gens avant elle, elle se jeta droit dans les bras de quelques voleurs rusés.

Parce que si Yurël avait le bon sens de racheter des provisions, de ne pas parcourir les terres des gens qui lui en voulaient, et de quitter une ville aussitôt qu'elle y avait dérobé quelque chose, il y avait la règle de base, une chose à faire – pourtant gravée dans l'esprit de tout un chacun- qu'elle n'avait pas encore appris.

Surveiller sa bourse.


Et oui, que voulez-vous, les terre d'Ophionee ne connaissaient pas le concept d'argent, et bien que la  grande jeune femme n'aie automatiquement compris le fonctionnement de ce système, elle n'avait pas encore enregistré certains réflexes de base.

La chaleur pesante qui régnait sur le marché n'aidait pas à se concentrer. Trop occupée à observer ce qui l'entourait, Yurël avait commis l'erreur de laisser sa bourse attachée à sa ceinture. Et elle faillit bien ne jamais plus entendre parler de ses pièces d'or, si seulement la jeune canaille qui avait tenté de lui dérober la-dite bourse avait été plus expérimentée.

Car en effet, elle n'avait presque rien senti. Presque. Juste un frôlement au niveau de sa cuisse, rien qui ne puisse l'inquiéter. Elle avait quasiment failli ne pas regarder, d'ailleurs, mais elle avait baissé les yeux par réflexe, juste pour voir ce qui avait fait contact sur ses vêtements.

Quelle ne fut pas sa surprise d'y voir une main couverte de bagues se refermer sur sa bourse pleine et la glisser hors de sa ceinture. Quand elle se retourna vivement, c'était pour apercevoir le visage mortifié du jeune homme qui la dérobait.

Il n'était pas bien grand, dans la vingtaine, et de courts cheveux gris couvraient son crane. Il la regarda quelques instants dans les yeux, et il du rapidement comprendre que la silhouette sous la capuche était tout sauf humaine, car son teint pâlit à vue d’œil Mais sans pour autant se démonter, il tourna les talons et s'enfuit à toutes jambes, perçant dans la foule, probablement par espoir de semer sa victime.

Pendant quelques secondes, la brune fut estomaquée. On osait la voler ? Elle n'avait jamais pensé à cette éventualité, car habituellement, elle volait les autres, et non pas le contraire ! Et voilà que l'arnaqueur se faisait arnaquer.  Mais le temps de quelques tours de sang, son expression outrée se changea en un rictus joueur, et elle ricana.

« Tu veux jouer ? On va jouer. Je vais t'apprendre à ne pas voler une démone. »

Démarrant au quart de tour, elle s'élança, esquivant de son mieux les nombreux passants qui peuplaient la ruelle. Une ou deux fois peut-être, elle percuta quelqu'un qui explosa en injures et reproches, mais sa voix se perdait rapidement, engloutie par la foule et par la vitesse de sa course. Les yeux rivés sur l'arrière du crane de son voleur, elle enjambait les cartons et autres babioles, sautait par dessus les brouettes, les murets, voire même par dessus les jeunes enfants.
Mais son voleur était soit particulièrement têtu, soit particulièrement entraîné, car malgré les minutes qui défilaient, elle ne semblait pas se rapprocher d'un poil. Et rapidement, la course poursuite cessa de l'amuser, pour muer son expression joueuse en un rictus agacé.

Il lui faisait perdre son temps ! Elle avait toute une ville à explorer et de nombreuses choses à voir, et au lieu de ça elle courrait après un petit crétin qui s'amusait à voler les bourses des gens.

Hypocrite, en un sens, considérant le nombre de fois ou elle avait fait de même. Mais Yurël n'avait jamais été un exemple de droiture.

Cependant, le jeune homme devait se fatiguer, car il semblait à Yurël que sa course était moins gracile, et qu'il se prenait de plus en plus les pieds dans ce qui traînait au sol. Son sourire fleurit de nouveau sur son visage, et elle lâcha un petit rire.

« Et oui mon grand, qu'est-ce que tu croyais ? Avec un métabolisme démoniaque, on cours plus vite... et plus longtemps. »

C'est dans un tournant de rue qu'elle lui mis enfin la main dessus. Renversant quelques boites de légumes au passage, faisant s'enfuir quelques volailles affolées, les deux silhouettes s'écroulèrent au sol, et Yurël plaqua le coupable au sol.

-Ha ! Je t'ai enfin eu ! Woah, t'auras presque réussi à me semer dit-donc. Mais bon, il en faut un peu plus que ça pour distancer quelqu'un comme moi, heh. 

Abandonnant la bourse au sol, le voleur se redressa d'un bon rapide, et adoptant une position défensive, la toisa. Récupérant sa bourse, Yurël posa son regard sur lui, et pendant de longues minutes, les deux se regardèrent en chien de faïence, guettant l'autre pour voir quelle serait sa réaction.

Rapidement lassée de ce petit jeu, la grande brune soupira.

-Écoute, je suis trop fatiguée pour me battre aujourd'hui. Je viens d'arriver et j'ai fait un long chemin. En plus, j'ai récupéré mes sous, donc j'ai rien perdu a part du temps... Mais même si c'était un peu ennuyeux sur la fin, cette petite course m'aura bien amusée. Au fonds, je t'en veux pas trop.

Son vis-à-vis préféra garder le silence, et elle prit cela comme une invitation à continuer.

-Là ou je veux en venir c'est que t'as l'air marrant, et en plus, j'aime bien ta tête. Alors je t'invite à prendre un verre.

Yurël regarda les yeux noirs du garçon s'écarquiller sous la surprise, et elle ricana en son fort intérieur.

« A ton tour d'être surpris maintenant. »

Le jeune homme grogna, et, passant une main dans ses courts cheveux par réflexe, il sembla réfléchir pendant quelques instants. Yurël observa la méfiance dans ses yeux succéder à la prudence, puis à la curiosité, puis à l’intérêt.

-Tu pourrais me montrer les coins sympa. Et au pire...


Elle agita un peu sa bourse.

-Je te paye. Tu dois bien connaître le coin, si tu pratique le vol à la tire ici. J'ai volé des gens moi aussi tu sais. Je sais qu'un voleur ne se risque à voler dans un endroit qu'il ne connaît pas que s'il est désespéré.


Lorgnant un lourd bracelet gravé à son poignet – probablement de l'argent, bien qu'elle ne parvienne pas à en être sure – et les nombreuses bagues parsemant ses doigts,  elle ajoutât.

-Tu m'as pas l'air bien désespéré.

Après s'être autorisé une petite minute de réflexion, le jeune homme éclatât de rire, et finis par accepter sa proposition. Ils discutèrent de ses honoraires sur le trajet et, ma foi, Yurël constatât qu'il était d'agréable compagnie, comme elle l'avait prévu. Il avait des choses à dire, et aussi le courage de traîner avec une démone.

Il avait aussi le cran d'accepter à boire de la part de quelqu'un qui venait de courir dix minutes après lui, et c'était typiquement le genre de caractère qui amusait la jeune femme. Qui sait, peut-être se ferait elle un ami, au passage. Ce n'était pas vraiment pour ça qu'elle était là, mais il était toujours agréable de rencontrer des gens à l'esprit semblable au sien.

Elle soupira et jeta un regard au ciel bleu azur au dessus d'elle. Elle avait finalement réussi à se faire aux journée, chose dont elle ignorait tout avant de venir s'installer sur Terra. Elle sourit en observant les nuages se mouvoir dans les cieux, prêtant une oreille distraite à son compagnon qui déblatérait à propos de la condition des voleurs au sein du pays du feu.

Comme quoi, elle avait vraiment bien fait de passer par Faëstelia, en fin de compte.

Yurël

Yurël


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