Diane s’avançait dans les couloirs du château impérial. Ça lui était déjà arrivé de devoir aller de pièces en pièces, de réunion militaire en réunion militaire, mais faire ce chemin en de telles circonstances jamais, et plus jamais ça ne lui arriverait. C’était un instant unique. Elle avait peur, elle avait plein d’appréhensions, et si elle ne convenait pas ? Elle si elle décevait ? Si elle faisait une fausse manœuvre ? Était-elle à la hauteur ? Que deviendrait-elle ?
Tant de questions qu’elle s’efforçait de balayer, elle ne devait plus penser à elle, elle devait penser à Yehadiel et à sa nation. C’est tout ce qui importe, c’est tout ce qui devrait lui survivre, le reste n’est que détail… Plus facile à dire qu’à faire. Mais apparemment Yehadiel lui-même tendait vers ce but, la voilà, elle la petite fille de pêcheur qui foulait le sol comme une future Générale. Le Bien Commun exigeait cette fin-là.

Quelques autres militaires l’entouraient, à sa gauche Ingrid Stäat, commandante, à sa droite Ludwig Oppensthal, aide de camp de l’État-major. Diane Walküre portait une armure aux reflets d’argent, ses longs cheveux teints en rouge tombaient comme une cascade sur le métal lisse et froid de l’armure. La fille Soleil abordait un grand étendard ou le blason impérial se mêlait avec des représentations religieuses. Son épée d’argent dans un fourreau d’or blanc. Elle avait reçu hier l’annonce fracassante, elle venait d’être nommée Krigsherre, Générale de Selian. Mais rien n’était encore officiel tant qu’elle n’avait pas rencontré l’Impératrice.

« Tout se mêlait, le feu, le vent, c’était une course frénétique des éléments emprisonnés dans mon esprit. »

Diane, devant le lac de son enfance. Le temps semble arrêté, des femmes tombent du ciel, elles sont tout nues, le bruit des corps plongeant dans l’eau. L’eau devient une montagne, tout bouge comme dans une aquarelle, les traits vont vite. Une mélodie emplit l’espace. La nature devient divine, le ciel est rempli de branche fleurit, d’immenses troncs sombres se dressent comme des pieux. Le vent apporte des gouttes d’eau, les couleurs de la forêt se disputent.

Enfin elle arrivait.

La cour impériale. Un ensemble hétérogène de professions importantes et de nobles en tous genres, des personnes venant du sud du royaume, d’autres aux frontières de la Toundra, certains voisinaient avec Silena. L’ensemble hétéroclite des cultures, de traditions, de richesses et d’être dans la pièce démontrait la diversité de l’Empire d’Issendra. Et la voilà. Elle, l’impératrice des Glaces, une femme si différente de Diane, une femme assumait pleinement sa féminité, une longue robe luxueuse et magnifique, la plus resplendissante de toute l’assemblée. Des cheveux blonds soigneusement attachés. Sa présence, son unique présence en ce lieu donnait tout un sens à ce pourquoi Diane vivait. La Vandale, la Fille du Soleil avait en face d’elle son Soleil. Celle qui devait perdurer.

Tandis que les deux militaires qui l’accompagnaient stoppèrent leur marche, Diane continua, le regard illuminé, les larmes au bord des yeux, les lèvres tremblantes. Elle semblait intérieurement éblouie. Vacillant, elle confia l’oriflamme à un valet. Et d’un air distrait le menaça :
-Prend soin de cet étendard plus que de ta propre vie, où tu auras affaire à moi.

Diane accéléra le pas en direction de sa souveraine, il y eut quelques petits mouvements de foule, des hommes balafrés richement habillés qui faisaient des signes aux gardes en tenus. La jeune fille arriva à hauteur de l’impératrice très rapidement et alors que les mains de la garde personnelle d’Issendra sortaient des poignards où essayait d’attraper la nouvelle Générale à la conduite suspecte, la jeune femme se jeta à terre, en contact direct avec le plancher et de ses mains couvertes de gants métalliques d’armure elle attrapa un pied de sa Reine.

Alors que les piques de la garde se dressaient dans le dos de la Vandale et que la salle s’agitait, attirant gardes et gardés. La toute nouvelle Krigsherre posa ses lèvres sur ce pied royal. Déposant un baiser respectueux, comme ceux que l’on dépose sur les mains d’un archevêque. Gardant le contact avec sa souveraine, la jeune humaine posa son front quelques secondes contre la sainte cheville d’Issendra puis, se mettant à genoux dans un bruit métallique d’armure, l’acier lui blessant les genoux, Diane Walküre prit dans ses bras son Soleil au niveau de la ceinture et versa quelques larmes et bafouillant d’une voix qui tentait de reprendre le dessus :
- Ô vous, ô ma reine, ô mon impératrice, ô gardienne de ma nation. Je vous aime comme chacun de vos sujets. Ô vous.

Puis elle chuchota, afin que seule la monarque puisse l’entendre :
-Je vous servirais jusqu’à la mort. Par Yéhadiel, oh oui ! Je donnerai tout pour vous, mais par pitié restez en vie. Prenez une meilleure garde. Je veux mourir pour vous, je ne veux pas vous voir mourir. Vous êtes comme le Soleil, nous, nous mourons, nous vivons, nous aimons, mais vous, vous êtes toujours là et serez toujours là. Que Yehadiel vous bénisse.

Malgré l’impassibilité légendaire de son Excellence, quand Diane recula pour se mettre à distance plus correcte elle remarqua qu’elle lui avait fait quelque chose, que son message l’avait marquée, ne serait-ce qu’un peu. Et de ceci, Diane en fut autant étonnée qu’elle. L’impératrice ordonna qu’on laisse tranquille la nouvelle Générale. Car, c’était désormais assurément son titre. Générale de Selian.