23 Dennarès 115

Le Massacreur revenait de Drayame. Les pillages avec la bande de l’écorcheur avait rempli les poches du Tueur de Trolls. Mais cela n'avait pas aider l'orc à lui construire une bonne réputation. Nakh tentait donc de faire profil bas et avait laisser la crête de côté pour faire place à une tresse faite maladroitement. C'est que l'orc n'est pas coiffeur, hein.

Ainsi donc l'ancien Sergent de la Bande de l’Écorcheur faisait profil bas, en ingurgitant bière sur bière dans un tripot sale des bas-fonds de Sen'tsura. Doucement l'orc se laissa glisser dans un état éthylique, voguant dans les vagues de malt et de houblon fermentés. La chaude matinée, l'une des dernières de la saison engourdissait les sens du Tueur et lui faisait oublier certaines choses. Comme la raison raison de son Serment. Les visages horrifiés des marchands innocents que l'orc exécutait au nom de l’Écorcheur. Non pas qu'il avait des scrupules, ou des regrets. Ou même des remords. Mais après avoir côtoyé le clan Crâne-Brisé pendant quelques temps, voir Khrom se démener pour gérer son clan après la mort du père de Shaggra avait fait germer certaines questions dans le crâne vide du barbare vert.

Bwaar. Tu t'prends la tête comme un vieil elfe. Te fais pas chier avec ça et picole mon con, se disait l'orc.

En milieu d’après midi, Nakh sortit enfin du bar miteux. Le soleil était au plus haut et frappait fort, accentuant les affres de l'alcool. Complétement saoul, le Tueur titubait dans les ruelles de Sen'tsura l'Impitoyable. En marmonnant plus qu'en chantant de vieux refrains orcs, le bourrin percuta soudain un homme. Plutôt petit d'ailleurs. Chauve. Mais contrairement à d'autre, il ne se laissa pas démonter par la carrure du guerrier vert.

- Hep toi là ! Il te viendrait même pas à l'idée d't'excuser espèce de puant ?

- Bwaar, lâcha l'orc dans un rot à douze virgule cinq gramme d'alcool par treize centimètre cube d'air.

Ce dernier s'accrocha à la tunique du petit chauve et dans un violent haut le cœur, lui déversa un bon tiers de ses consommations de la journée. Le jaune odorant du vomi de l'orc vint éclabousser le torse et une bonne partie du visage du petit chauve qui glapit d'horreur et de dégout. Il se dégagea de l'emprise de l'orc et hurla d'une voix ridicule :

- On m'attaque ! On m'attaque ! Les Dagues du Vent de la Mort, à moi ! A moi !

Le petit chauve s'enfuit dans un ruelle adjacente, laissant l'orc au bord du coma éthylique. Secouant la tête, il tenta de reprendre ses esprits. Esprit qu'il retrouva à temps pour apercevoir du coin de l’œil plusieurs ombres se glisser vers lui. Des coupe-jarrets. Sans doute les membres des daguesmachinschose. Un énième groupe de bandits de grande ville. Les ombres devinrent des hommes crasseux, aux chicots noirs, jaunes ou absents. Des capes mités, des vêtements rapiécés de trop nombreuses fois. Ils semblaient bien décidés pour de pauvres voleurs à qui le larcin semblait bien absent ces derniers temps. Ils s'attaqueraient à tout et n'importe qui pour avoir ne serais-ce qu'une poignée de pièces. Tous lorgnaient sur la belle hache runique de l'orc.
Combien se venderait-elle ? Un bon prix je pense. Les armes runiques peuvent bien rapporter non ? Oui ... Il a l'air puissant mais à nous tous nous pouvons l'avoir. Tuons-le.
Les malandrins se disposèrent en cercle autour du Tueur.

- T'aurais pas dû trainer dans le coin Peau-Verte ... Tu vas pas faire long feu. T'es sur l'territoire des Dagues du Vent de la Mort.

- Ouais, héhéhé. Et pis c'est qu'on aime pas trop les gens comme toi dans l'coin.

Les Dagues du Vent de ta Mère, comme les renomma le Tueur, ricanèrent et s’avancèrent vers lui, dégainant tous une dague de bronze. Mais le cercle des dagues rappela un bien triste scène à Nakh. Cette même scène qui avait conduit l'orc sur le chemin du Serment des Tueurs de Trolls. Une dizaine d'hommes encapuchonnés, aux intentions malveillantes. Pointant leurs dagues sataniques vers le corps frêle et innocent d'une fillette ...

Lucy ...

Les runes de la hache s'allumèrent d'un chaud vermeil. Comme si elles répondaient à la haine naissante de Nakh. Depuis son combat contre le demi-troll, le lien entre lui et l'arme s'était renforcé. Au départ ce n'était qu'un lien ténu et faible, mais aujourd'hui c'est comme si elle s'accordait aux émotions les plus puissantes que le Tueur pouvait éprouver.

Lucy ...

Les voix se firent étouffés aux oreilles de Nakh. Sa vision s'obscurcit. L'orc sentait son rythme cardiaque accélérer progressivement, évacuant l'alcool de son organisme par tous les pores du peau-verte. Un grondement lourd de menace monta dans sa gorge. Il dégaina sa hache de guerre, les runes devinrent lumineuses. Elle se réjouissait, elle sentait la violence et le sang arriver.

Le signal était lancé, la victime avait dégainé et trois hommes du cercle se détachèrent du cercle pour sauter sur l'orc. Le premier, venant face au Tueur, se fit accueillir par un magnifique uppercut bien placé. L'homme sentit sa mâchoire se briser sur le coup et ses pieds décoller du sol pour faire un vol plané en arrière. Le coup plus la chute l’assommèrent pour quelques jours. Le coupe-jarret sur la droite de l'orc n'eut pas autant de chance que son collègue : en effet l'orc n'avais pas attendu de voir si son coup de poing avait était efficace et il avait déjà levé sa hache entretemps pour l’abattre durement sur la clavicule du malandrin. Dès que le verdâtre sentit le tranchant du labrys mordre la chair de l'homme, il lâcha le manche de l'arme pour se retourner vers le troisième larron qui lui sautait dessus, dague levé. Mais la stature de l'orc lui permettais une plus longue allonge à ses membres, même face à un humain armé. Il lança violemment son talon dans la rotule du coupe-jarret et la jambe de ce dernier se plia dans un position inhabituelle, le tout dans un horrible craquement et un cri de souffrance pur. Cri qui s'acheva brutalement lorsque l'orc attrapa le bonhomme par le col et l’assomma d'un bon vieux coup de boule façon Nakh.

L'atmosphère avait changé. Là où les malandrins étaient sûr de leur victoire de par leur avantage numérique, cette avantage était soudainement faussé par la brutalité et la rapidité qu'une créature d'une telle carrure ne pouvait avoir. Mais Nakh avait l'expérience des combats de rue et savait bien les expédier. Pas de fioritures, pas de roulades, pas de cabrioles. Et pourtant c'était un jeu pour le Tueur. Un jeu mortel auquel il cherchait à perdre mais qu'il gagnait toujours, paradoxalement. L'instinct de survie était le plus fort. Et puis franchement, mourir à moitié cuité, dans une ruelle sombre, la gorge tranché par des pedzouilles, il n'y'avait rien de glorieux.

Le Tueur retira la hache d'un mouvement sec du cadavre. Nonchalamment, il la posa sur son épaule. Les runes luisaient toujours d'un chaud vermeil. La bande de coupe jarret se lancèrent des regards apeurés. Ça sert à rien d'avoir de l'argent si on est morts, hein ? Ouais pas faux.

- Alors les tantouzes ? On joue ou pas ? lança l'orc de sa voix grave, un sourire sardonique découvrant ses crocs jaunâtres.

Il n'en fallait pas plus aux voleurs qui détalèrent en maudissant le petit chauve ...

La fumée d’opium envahissait la pièce. Les volutes formaient des vagues sur lesquels on croyait voir des navires passer à travers le flot de rêve. L’odeur de cette drogue si singulière vous emporte loin à travers les mers, seulement une inspiration et vous voilà au pays des songes. La douceur exquise de ce parfum si particulier, la buée qui s’empare du cerveau. Allongé sur un long divan dans une petite pièce remplie de jeunes hommes dénudés Camille Anisum s’amuse. Il s’amuse de son image, de ce qu’il est, ce qu’il est devenu. Il profite désormais, comme un bourgeois profite de son or à la retraite.

On pourrait croire que c’est une vie confortable pour quelqu’un, mais pas vraiment pour Camille. Et c’est tout à fait ce qu’il se disait en ce moment. Sa vie manquait de quelque chose, il avait besoin de sa théâtralité, de grandiose, d’un gigantesque spectacle. Un inoubliable balai.

La Fée Blanche était avachi sur un ensemble de coussins pourpres dans une fumerie. La pièce dans laquelle il se trouvait était sombre et seul un petit nombre de lanternes perçaient l’obscurité des lieux, grâce à ses phares lumineux on observait un endroit élaboré de draperies sophistiquées, quelques beaux garçons nus se trainaient où s’attachaient à une pipe à opium comme au sein de leur mère, finalement c’est assez triste comme arrière-boutique. Camille se leva, son corps fin et délicat était toujours aussi pâle. Ses muscles formaient des courbes gracieuses, sa finesse était la délicatesse liée à l’élégance, quoi qu’il prenne comme position il attirait les regards de par la pureté et la beauté que formait son être. C’était une sorte de virtuosité infinie, un mélange entre un dieu du plaisir et une de ces sculptures en marbre venues des anciens âges.

Il fit quelques pas du bout des pieds donc la légèreté n’équivalait pas la grâce. Tendant sa main droite vers l’une des piles de vêtements laissés à l’abandon sous une estampe il ôta un pantalon en toile blanche serti de quelques arabesques brodées. Il enfilait ses affaires comme on tient un pinceau.
Il sortait un grand tissu gris du lot de vêtements, l’habit possédait un orifice en son centre pour la tête.

Il ne lui restait plus qu’à mettre ses bottes et à attacher sa Jian qu’il préférait garder dans ce genre d’excursion dans les bas-fonds. Alors il se préparait à quitter la pièce pour une petite porte en bois brun clair, l’un des jeunes hommes, qui possédait les traits distinctifs de la race des elfes, lâcha un coussin vers Camille.

« Tu t’en vas déjà ? » demandait le jeune homme.

La Fée Blanche lui sourit. Cet elfe lui rappelait lui-même plus jeune, quand il était libre et qu’il avait tous les choix de la vie.

« Oui, je reviendrais la semaine prochaine, je pense. »

Camille disparu derrière la porte, entrant dans ce qui d’apparence semblait être une simple maison familiale. Un pauvre mobilier en bois grisâtre que seule une lampe à huile éclairait. La lampe était posée sur une vieille table pleine de poussière. Un vieux monsieur à coté de qui trônait une lourde dague en fer attendait patiemment, sans un bruit. Camille déposa un Dragon d’Argent face à lui avant de se diriger vers la porte qui était tout aussi sordide que le reste du baraquement. Une fois dehors la Fée Blanche put de nouveau admirer la misère humaine. Le romantisme lugubre de ses petites ruelles malfamées répugnait Camille de par leurs laideurs et le sentiment d’oppression qui s’en dégageait. Le bain de liberté dans lequel vivait Camille était secoué par de telles infamies.

Mais alors que la Fée Blanche parcourait les chemins de nuit dans les quartiers populaires de la ville endormie, il entendit un bruit de lutte. Des fracas, des cris, cela ne durait pas longtemps, Camille était resté immobile cherchant des oreilles d’où pouvaient prévenir les bruits. Il y eut un moment de calme, qui fut interrompu par des pas, quelqu’un courait, ce quelqu’un courait dans sa direction.
Il vit un homme qui semblait vouloir fuir quelque chose détalé. Ce bonhomme était reconnaissable, c’est un chef de bande. Les lames venteuses, les couteaux mortels, quelque chose dans le genre. Un nom assez ridicule pour l’une des nombreuses bandes de malfrats qui peuplait les quartiers pauvres de Sen’tsura.

Mais c’était assez étrange de voir que de voir l’un des membres, notamment Freik la Balafre, Frikh le Borgne, enfin quelque chose dans le genre, fuir. En principe les batailles de bandes ne finissaient pas par une course dans les ruelles mais plutôt à une soumission d’un groupe perdant envers un groupe gagnant.
Les personnes qui avaient fait fuir les bandits devaient être des militaires, c’était l’unique raison probable à ce phénomène peu courant. Camille connaissait bien les bas-fonds, il ne les avait jamais vraiment connus mais c’est ici qu’il recrutait pour l’Arène. S’il avait reconnu, assez pitoyablement mais tout de même, le chef du groupe en fuite c’est parce qu’il en avait déjà fait entrer quelques-uns dans la profession de gladiateur. Ce n’étaient pas des champions mais ils savaient tenir durant toute une demi-saison. Jusqu’aux fauves.

Les fauves c’est ce qui sépare un bon gladiateur d’un champion. Un bon gladiateur n’est pas moins que quelqu’un qui tue un autre homme pour de l’or ou pour sa liberté. Un champion tue pour la gloire et pour vaincre. Les personnes qui avaient mis en déroute de potentiels bons gladiateurs seraient certainement de potentiels champions. Ou des fauves, mais ça ce serait étonnant.

Intrigué suite à ce raisonnement, Camille se dirigea vers la direction opposée que celle emprunté par les fuyards. Il lui suffit de passer deux croisements pour tomber sur une scène surprenante.
Des corps étalés sur le sol la plupart évanouis ou mort. Tous abordaient le signe distinctif de la bande des lames du vent mortel, ou des poignards tueurs de brise, enfin bref.

Il avait désormais en face de lui, une ombre gigantesque, une seule créature avait en déroute tout le groupe ! La chose était incroyable. C’était un Orc, vert, une énorme masse musculeuse tachetée de sang et armée de lames tranchantes.
Tout d’abord impressionné, Camille fit quelques pas en direction de la bête qui lui tournait le dos. Il toussa d’abord un peu, puis voyant que le colosse ne l’avait surement pas entendu il prit la parole.

« Bonsoir ! Excuse-moi si je te dérange, ce n’est pas voulu. Mais j’ai remarqué que tu as fait fuir une bande de détritus qui voguait librement. »

Camille avait sa petite idée, il avait devant lui un spécimen rare, un potentiel incroyable, et il construisait déjà un plan pour le futur qu’il réservait à cet étrange personnage. Mais un rôle était en train de se construire. L’Orc immense, représentant de la colère populaire qui défiait les champions de l’Arène.

Voilà un magnifique acte qui allait se jouer, ce serait certainement très beau, très émouvant, et la fin, n’importe soit-elle allait être grandiose. Un projet qui peut sembler pharaonique, mais lorsqu’on observait les muscles suintant de crasse, l’impression de puissance qui se dégageait de cette créature, il semblait normal que cette brute occupe ce genre de poste.
Il fallait dorénavant vendre le rôle à cet acteur.

« Hum, je me présente, je suis Camille Anisum, l’Organisateur des jeux, les jeux de l’Arène. Et je peux te dire que d’après ce que je vois à tes pieds tu sembles avoir un style très bon. J’apprécie particulièrement la beauté dans l’art de la mort. »

Tandis que la Fée Blanche parlait, il gardait sa main sur sa Jian, ne sachant pas vraiment quel accueil recevoir de ce monstre.

L'Orc souleva son pagne pour pisser allégrement sur le cadavre. Si le bonhomme avait combattu honorablement, s'il avait faire face à la mort avec courage et si il avait envoyer Nayris se faire voir chez les elfes aux portes de Limbes, sans doute que Nakh aurait respecté le corps de son adversaire. Mais ce n'était pas le cas, et la bière ingurgité dans la journée avait vraiment besoin d'être évacué.

Une toux forcé dans le dos. Le bourrin ne se retourna pas. C'est qu'il avait pas fini sa petite affaire. On peux plus pisser tranquille dans cette ville qui sent le purin, le foutre et le mauvais alcool, se dit Nakh.

« Bonsoir ! Excuse-moi si je te dérange, ce n’est pas voulu. Mais j’ai remarqué que tu as fait fuir une bande de détritus qui voguait librement. »

- Khu ? lâcha Nakh dans un grognement.

Le borgne se retourna enfin, remballant son matériel de guerre sous le pagne. Un jeune homme de ce que voyait l'Orc. Au visage fin et subtil. Ce genre de visage qu'on sait en frappant qu'un simple bleu le défigurerait à vie et traumatiserait probablement le propriétaire de ladite face. Un visage bourgeois comme dirait le bourrin. Mais pas de ceux bouffis par les ans, les différents vices et les joies de la chair des riches. Le visage délicat et trompeur des menteurs et des calomniateurs. De ceux qui glissent perfidie et mensonges dans beaux discours enrobés de niaiserie. Nakh n'aimait pas ce genre de visage. Et c'est d'un œil suspicieux qu'il détailla le bonhomme des pieds à la tête, sans gêne.

« Hum, je me présente, je suis Camille Anisum, l’Organisateur des jeux, les jeux de l’Arène. Et je peux te dire que d’après ce que je vois à tes pieds tu sembles avoir un style très bon. J’apprécie particulièrement la beauté dans l’art de la mort. »

L'Arène. L'Orc s'arrêta à ce mot et n'écouta le reste que d'une oreille distraite. Quel est l'intérêt de lui dire qu'après ses pieds qui avaient le style qui sentait bon et que c'était de l'art ? Ils sont fous ces humains.
L'Arène. Voilà pourquoi l'Orc était revenu à Sen'tsura la Magnifique. Déjà parce que niveaux taverne et bars, il y en avait pour tous les goûts. Mais surtout pour l'Arène. Lieu mythique de combat formidables et héroïques. On lui en avait conté quelques unes. Et des noms fameux en était sortis. Rägmor le Géant de Pierre, Resbourbe le Suicidaire, de parmi les quelques noms qu'il avait retenu ... Mais le plus évocateur pour le Tueur était Victo. Champion incontesté de l'Arène de Sen'tsura l’Indomptable. Général de mon cul ou jsaispasquoi pensait Nakh. Le légendaire Victo. En y pensant, l'Orc lâcha un sourire carnassier involontaire. Il aurait aimer voir le style de combat du légendaire gladiateur. Et y opposer son propre style.

Le guerrier sortit de sa rêverie pour regarder à nouveau ... Comment déjà ? Ah oui Camille. Asylum. Alimum ? Un truc dans le genre dirons-nous. Le Tueur passa une main sur sa tête, comme en proie à la réflexion. Il était habitué à la crête iroquoise et il s'étonna d'y trouver deux tresses, même si c'était lui qui les avait fait.

-L'Arène tu dis, hein ... murmura l'Orc pour lui même.

Le visage fin et gracile était beaucoup moins rebutant d'un coup pour le Massacreur. Il lui adressa un sourire, dévoilant un peu plus ses crocs saillants et jaunâtres. Le borgne se frappa le torse et inclina légèrement la tête vers l'Organisateur des jeux.

-Nakh. Le Massacreur qu'il s'appelle aussi.

Ah. Fallait peut être pas donner son nom en fait. Le Tueur n'avait aucune idées des traques dont les différents membres de l'ancienne bande de l’Écorcheur pouvaient faire l'objet. Surtout que son implication en tant qu’exécuteur, bras droit, Sergent, mangeur de bras d'elfes ou tout ce que vous voulait était plus que flagrante. Mais rare étaient les victimes des rapines et des pillages qui avaient su échapper à la hache runique du Tueur de Trolls. Et puis cela faisait quelques jours que Nakh était à Sen'tsura la Sensuelle, à profiter de ses recoins sombres. Si il avait était activement recherché, il n'aurait pu rentrer dans la capitale. Il haussa donc des épaules pour écarter cette pensée futile. Dès qu'il en aurais l'occasion, il reprendrait la crête.

Camille eut un mouvement de recul lorsque l’Orc s’abaissa pour finalement se mettre parler d’une voix grave et rocailleuse. Ce monstre de muscle et de brutalité qui se trouvait face à lui était impressionnant, il était tout à fait compréhensible qu’il ait pu vaincre si facilement une bande de bandits.
Cette créature devait faire plus de deux mètres, il dominait la ruelle, il avait une sorte d’air majestueux, pas ceux des rois humains, mais il avait quelque chose de rustre qui rappelait les géants des glaces. Il irait parfaitement dans un rôle de barbare sanguinaire mené par une quête de gloire et de vengeance. Camille Anisum voyait déjà le mastodonte arrivé sur le sable chaud de l’Arène, un nouveau gladiateur des plus colossales.

La Fée Blanche était malgré tout intimidée par l’aura d’animalité que dégageait le prétendit Nakh. Notamment lorsqu’il sourit, du moins cela ressemblait à un sourire de loin, mais pour quelqu’un d’aussi près de que l’était Camille ce rictus tendait plus vers une énigme entre tribalité et férocité. Ses dents jaunies par le temps et les viandes de toutes origines brillaient dans la nuit comme les portes d’un palais de marbre.

La ténacité qui scintillait dans l’œil valide de l’Orc révéla l’ambition de son propriétaire. La lueur de l’aventure planait dans le crâne de ce personnage, c’était un avantage que Camille allait utiliser, cet étrange combattant était apparemment intéressé par l’Arène et le monde des gladiateurs. Les rumeurs, les histoires, plus ou moins vraies sur le lieu et ses champions traversaient toutes frontières, si bien que même les êtres réfractaires à ce divertissement suivaient le déroulement des tournois.
La capacité de concentration des souhaits les plus fous du symbole qu’était l’Arène semblait incroyable. Le spectacle était devenu maître, un art, celui du sang et de la martialité avait pris place sur l’appétit guerrier comme cela avait été le cas au début des combats de gladiateurs.

Désormais on n’allait plus voir des hommes se tuer, on allait admirer la danse mortelle d’un acteur qui s’oubliait à chaque coup. C’était la réussite de Camille, et il comptait bien partager cette réussite et la faire prospérer.
Parce que ça lui plaisait.
La face de la Fée Blanche prit une tout autre apparence et il esquissa un petit air de plaisir sur son visage doux et olympien. Il se tint alors de toute sa hauteur, il arrivait à la poitrine du Massacreur, mais sa personnalité si théâtrale prenait toute la place lorsqu’il se sentait à l’aise. Il se déhancha légèrement, prenant une position attirante bien que trop féminine, qui aurait pu passer pour ridicule si Camille n’avait pas cette harmonie entre la finesse et l’indécence. Une touche de raffinement face à une brute féroce.

« Hahaha. Enchanté Nakh. Tu m’as l’air plutôt bon, tu es très étonnant. Ton physique est particulier, et je cherche en ce moment même quelqu’un pour combler la saison à venir. C’est un tournoi comme un autre.
Mais normalement, une fois par an environs, j’aime mettre une personnalité particulière en avant. Créé un Champion. Et je crois que tu ferais l’affaire, si tu survis au défi bien entendu. Tu crois que tu pourrais être ce champion ? »

Si l’Orc ne le croyait, Camille en était persuadé. Il avait devant lui une perle du combat. Il avait trouvé un petit trésor, et tous les entraineurs seraient encore une fois bluffés par la perspicacité du jeune homme.
La Fée Blanche fit quelques pas vers le géant, il s’agissait malgré tout de s’amuser un peu, de ne pas tout lui donner sur un plateau d’argent. Il ne devait pas savoir à quel point il était important pour Camille, Nakh devait penser qu’il n’était qu’un choix fait à la va vite par un capricieux jeune homme indécis.
Une fois à portée du rustre, l’organisateur des jeux fit un petit tour sur lui-même en laissant éclater un petit rire velouté. C’était imprudent quand on était en compagnie d’un phénomène comme Nakh, c’est pourquoi il gardait une main depuis le début de leur entretien sur sa Jian. Il arrêta enfin sa folle danse pour regarder le géant dans son œil vitreux. Les yeux bleus et vifs de Camille semblaient percés la nuit. Il remit une mèche de ses cheveux clairs comme la lune qui lui tombait sur l’œil droit.

« Oh, et puis tu sais je m’emporte un peu trop. Tu ne veux peut-être pas t’emmerder à faire le gugusse devant une foule. Surtout que lors du final Victo sera peut-être dans la liste des invités. Tu n’aimes surement pas les gens prétentieux comme lui ? L’Arène, ses champions, ses combats, ses légendes. Un monde bien triste, n’est-ce pas ?
Puis tu as d’autres choses à faire, comme… Massacrer des groupes de malfrats dans Sen’tsura en pleine nuit. Je ne t’en voudrais pas si tu refuses, d’ailleurs je n’aurais pas dû t’en parler, excuse-moi. Passe une bonne nuit. »

La Fée Blanche se retourna rapidement, et prit très lentement le chemin par lequel il était venu. Il n’attendait plus que l’Orc le retienne, il fallait juste espérer que ce ne soit pas fait de manière trop rude. C’était cela que Camille craignait le plus.
Il avait bien joué, donné une vision du paradis à quelqu’un, puis il lui a reprise à la condition d’un simple geste afinn de démontrer toute l’ardeur du concerné. Certes, les façons commerciales déplaisaient énormément au jeune homme mais leurs utilités dans certains moments qui exigeaient un savoir-vivre spécifique n’était pas à délaisser.

Camille Anisum ferma les yeux. Il se voyait déjà, annonçant dans un lâché de colombes le début des combats. Tous les regards se pendaient sur ses lèvres.
Alors la peinture de maître allait commencer, on allait déposer pour la première fois sur cette toile blanche les traces d’un chef-d'oeuvre.
Ça allait être un splendide mélange de couleurs, de sensations, de sentiments. Il fallait faire l’ouvrage d’une vie, que ce soit inoubliable. Une douceur écrasante allait envahir les cœurs avant de faire monter la passion de la rage et de la haine. Alors le sang coulerait. Et le démon vert sortirait, les mains pleines de sang. Les pulsions les plus intimes et refoulées auraient été relâchées dans des cris et dans l’aliénation du spectateur.

Mais seulement lorsqu’il eut parcouru la distance de deux pas, presque une seconde après s’être tourné, qu’il prit en compte la mentalité des Orcs. Du moins leur absence de capacités au niveau intellectuel et commença à douter, et si Nakh était un abruti et qu’il laissait partir Camille ?
Ce n’était pas prévu, il hésita à continuer. Mais se ressaisit. De toute façon maintenant qu’il avait le nom de bougre et qu’il savait à peu près à quoi il ressemblait il pourrait facilement le faire trouver.

Mais il songeait désormais que la relation avec le Massacreur ne serait pas aisée si Camille était tombé sur un idiot où un simplet, il faudrait dorénavant prendre garde à ce qu'il dirait. Il se sentit bête d’avoir oublié ce facteur pourtant essentiel des relations ; prendre en compte les capacités cognitives des races auxquelles il avait affaire...

L'Arène ... Le Serment du Tueur se réaliserait il dans la poussière de l'Arène ? L'Orc se projetait déjà dans l'Avenir. Acclamé par une foule en délire, foule qui précédemment, le voyait comme un monstre et le fuyait, cette même foule chanterais ses louanges et admirerait le Nakh. Il se voyait déjà, couvert du sang de ses adversaires, les muscles roulant sous la peau, fumant après l’énergie dépensé. Un trône de cadavres pour le Roi de la Barbarie. ll pourrait laisser son berserk sortir en toute impunité, laissant sa rage du combat et sa haine exploser littéralement. Et lors d'un combat des plus éprouvants, des plus difficile, des plus sanglants de toute sa carrière de Tueur, le coup fatal. Celui qui le délivrerait de son Serment, lui faisant gouter une paix dont il ne connaissait que le nom. L'Arène ...

Et alors que le barbare vert se perdait dans ses ambitions de sang et de gloire, le jeune homme se tordit, se cambra dans une espèce de danse. Une danse que Nakh aurais vu plutôt faite par une prostitué, pour aguicher le client. Mais pratiqué par un homme, ce genre de choses pouvait énerver le Nakh. Il n'aimait pas ce genre d'effusions étranges, surtout pour un mâle. Il fronça des sourcils en regardant Camille se tordre dans tous les sens. L'agacement naquit sur le bourrin. Les gesticulations ridicules de l'Organisateur commençait franchement à lui briser les couilles en deux, comme dirait l'autre. Et l'Orc avait encore un peu de sang dans l'alcool, ce qui n'aidait pas à le calmer.

« Hahaha. Enchanté Nakh. Tu m’as l’air plutôt bon, tu es très étonnant. Ton physique est particulier, et je cherche en ce moment même quelqu’un pour combler la saison à venir. C’est un tournoi comme un autre. [...]

Non seulement il gesticulait comme une dinde, mais en plus il parlait beaucoup trop. L'Orc souffla d'agacement par les narines et croisa les bras, augmentant inconsciemment sa masse musculaire.

[...] Mais normalement, une fois par an environs, j’aime mettre une personnalité particulière en avant. Créé un Champion. Et je crois que tu ferais l’affaire, si tu survis au défi bien entendu. Tu crois que tu pourrais être ce champion ? »

L'Orc acquiesça lourdement. Pour sûr qu'il pouvait l'être. Envois le défi, le Bourrin le relèvera sans problème et avec une p'tite chanson du cru de Nakh si t'es sage. Il oubliait déjà le comportement plus que discutable du jeune homme et repartit vers ses violents rêves de combat et de sang. Mais le rire enrobé de velours l'interrompit dans sa rêverie, ravivant l'agacement premier. Le jeune homme fit un tour sur lui-même avant de caler son regard bleu vif dans l’œil torve du géant vert.

« Oh, et puis tu sais je m’emporte un peu trop. Tu ne veux peut-être pas t’emmerder à faire le gugusse devant une foule. Surtout que lors du final Victo sera peut-être dans la liste des invités. Tu n’aimes surement pas les gens prétentieux comme lui ? L’Arène, ses champions, ses combats, ses légendes. Un monde bien triste, n’est-ce pas ?
[...]

Si le légendaire Victo était prétentieux, grand bien lui fasse. Nakh se foutait totalement de son comportement en dehors des combats. Et lorsqu'on est une Légende, on peux se permettre quelques vanités. Après tout, on ne devenait pas une Légende en branlant des brindilles avec du miel comme dirait l'autre. Pour qui se prenait-il, à juger le plus grand des Champions connus ? Et puis comment ça l'Arène était un monde bien triste ? L'Orc sentit ses mâchoires se crisper quand l'agacement se transforma en colère. Il décroisa les bras et ses poings s'ouvrirent et se refermèrent, nerveusement. Il tenta de contrôler sa colère. Il n'allait tout de même pas frapper ce probable futur employeur rencontré parfaitement par hasard, ce serais contre productif.

[...] Puis tu as d’autres choses à faire, comme… Massacrer des groupes de malfrats dans Sen’tsura en pleine nuit. Je ne t’en voudrais pas si tu refuses, d’ailleurs je n’aurais pas dû t’en parler, excuse-moi. Passe une bonne nuit. »

C'en était trop. Il avait atteins son quota de patience. Voilà que cette frêle créature lui avait enlevés ses rêves de combat qu'il venait de lui accorder. On ne donne pas de faux espoirs à Nakh le Massacreur, par tous les dieux oubliés !
Et alors que Camille se retournait pour faire une sortie théâtrale, de très mauvais goût pour Nakh, il laissa sa colère prendre le dessus. Un grognement bestial, lourd de menace, monta dans la gorge de l'Orc. Son visage barbare se tordit dans un rictus déterminé de haine. Pendant que Camille prenait la voie du départ, le barbare dégaina sa hache. Dans le même geste, il envoya sa hache tournoyer vers le personnage détestable aux manières raffinés. La hache passa non loin de lui dans un vrombissement de mauvais augure. Mais l'Orc voulait simplement faire peur, pas le trancher en deux. La lourde arme runique alla s'écraser plus loin, dans un mur de bois. Ledit bois explosa violemment dans une gerbe d'échardes et de petits bouts, laissant un trou béant. Des cris de propriétaires étonnés et apeurés de cette intrusion soudaine. Et tandis que la hache runique alla se planter dans le mur suivant, l'Orc fit une enjambée, pour rejoindre l'Organisateur des jeux. Sa voix, rocailleuse et guttural, était teinté de menace, de puissance brute et d'un léger trait d'humour d'ailleurs.

- T'crois qu'tu peux m'prendre pour un jambon, tarlouze ? J'avoue qu'j'suis pas une flèche. Mais j'vois bien quand quelqu'un s'fout d'ma gueule. Généralement ça dure pas longtemps. Alors tu vas vite arrêter ton p'tit manège. Sinon j't'enfonce ton cure-dents qu'tu dois considérer comme une arme au fin fond de ton p'tit cul et j'la fais r'sortir par ta tronche poudré. J'me ferais un plaisir d'te bouffer la gueule après d'ailleurs.

L'Orc lâcha un sourire carnivore pour ponctuer sa tirade. Oui, un cure-dent. Il avait beau être idiot et borgne, son expérience du combat et son instinct comblaient ses défauts dans ce genre de situation, même si ça n'as pas l'air bien fin. Et il avait vu le jeune homme maniéré garder sa main sur sa fine épée à la garde pratiquement inexistante.

Et maintenant le Tueur était désarmé, à portée de la fine épée. Mais Nakh ne doutait absolument pas de sa supériorité guerrière face à l'individu. Certes il pouvait le blesser, mais le barbare pouvait aisément lui écraser le crâne d'un simple coup de poing, il n'en doutait pas. Il leva d'ailleurs une main qui, doigts étendus, pouvait attraper toute la tête de Camille. La menace était évidente : si je veux, j'te brise le crâne comme une simple coquille d’œuf.

Camille fut assez étonné de la réaction brutale de l’Orc. Certes il s’attendait à quelque chose de très rustre, mais pas à un concours de lancés de haches. Surtout que la hache en question était passée bien près de lui. Et cela c’était plutôt gênant. Mais il gardait le point positif de l’acte, comme Camille l’avait prévu le mastodonte avait prouvé sa volonté de fer. Il voulait en découdre, il voulait l’Arène. Et il ne semblait pas vouloir cela pour l’argent ou les femmes, du moins de façon accessoire, mais le choix avait l’air plus profond. L’Organisateur aurait voulu en savoir plus, mais Nakh semblait suffisamment énervé pour ce soir. Il fallait commencer à calmer le jeu, voilà que le géant levait son énorme membre de manière agressive, s’il abaissait la main rapidement il risquait de faire valser Camille au loin.

Mais la plupart des gens sous-estimaient Camille Anisum, son physique n’était certainement pas imposant, mais il baisait tout son style sur la vitesse et la souplesse. Il s’avérait donc bien plus dangereux qu’au premier coup d’œil. La Fée Blanche se faufilait et touchait, comme héron qui attrape un mets. Il prenait son envol, tourbillonnait dans l’air, contournait les obstacles et piquait d’un coup fluide et précis. Touchant mortellement la proie, telle une fée vengeresse.
Mais il n’était pas question de se battre ou d’échanger le moindre coup. Il était primordial que les deux protagonistes s’en sortent totalement indemnes, si ce n’est une gueule de bois le lendemain pour l’Orc.

Il était donc primordial de remettre la situation sous contrôle, de cadrer les évènements. Un bon metteur en scène laisse toujours une grande liberté à ses acteurs, mais quand ceux-ci outrepassent les règles il est de son devoir de mettre un frein aux enfantillages. Il faut que l’acte garde sa nature de base, sans quoi l’œuvre entière peut être détruite.

« Bien. Je vois. Tu pourrais, s’il te plaît baissé ta main lentement tout en déviant sa trajectoire initiale qui semble être ma personne ? Et de par la même occasion allée chercher ton instrument. Tu en auras besoin, puisque tu as rendez-vous à l’Arène pour un premier combat. Je te dispense d’entrainement.»

Le visage de Camille avait changé, il était devenu plus sobre, plus sérieux, bien qu’un brin de grivoiserie était toujours visible dans son regard bleuté. Les amples vêtements blanchâtres furent secoués par un léger coup de vent. Son corps filiforme se dressait droit, certes il avait avec le temps une posture naturelle plus féminine que la normale, mais cela restait pondéré.

La Fée Blanche tapotait délicatement l’extrémité de son arme, ses doigts s’enroulaient autour des deux fées en or blanc qui se lovaient autour de la poignée de l’épée. Son visage était aussi devenu plus dur, ses traits doux avaient laissé place à un aspect rigide. Mais en dépit de cela, il restait tout de même extrêmement attirant, son changement d’humeur n’affectant en rien son charme naturel.
Camille avait beau être un couard et un égoïste il n’était pas pour autant stupide. On aurait pu penser qu’une telle invective de la part du colosse l’aurait poussé à la fuite, mais non, en bon égocentrique il avait réfléchi par rapport au plaisir sur le long terme que le barbare pouvait lui apporter. Tant de combats, de scènes spectaculaires se profilaient grâce au talent incontestable de Nakh. Si ce monstre était repoussant et mal préparé, l’Organisateur en ferait une œuvre grandiloquente.

Mais pour cela il fallait lui donner une leçon, non pas de combat, mais de théâtralité. Si les capacités du Massacreur à vaincre ses ennemis ne faisaient aucun doute, ses capacités à être applaudi par une foule en délire étaient déjà plus réduites. Il faudrait travailler là-dessus, et en faire un vrai gladiateur.

« Au passage, première règle, ne pas frapper le patron. Ah, et il te manque quelques bases de savoir-vivre pour être parfait. Tu commenceras par bien évidemment par quelques petits combats, et enfin viendras de vrais challengers à ton niveau, là tu auras de quoi tu surpasser dans la mort ou la victoire. Tu es d’accord ? »

Camille savourait d’avance les luttes infernales et interminables que de telles rencontres pourraient provoquer, il fallait simplement trouver des gladiateurs en excellente forme. Il faudrait peut-être même créer un événement spécial où l’Orc finirait dans un duel à mort contre une légende de l’Arène. La saison à venir allait certainement être des plus enrichissantes, financièrement parlant bien entendu, mais cela n’avait aucune importance, et surtout d’un point de vue artistique. Le peuple allait adorer, les démons aussi. Et avec de la chance, Aile Ténébreuse enverrait un mot.

Mais il ne fallait pas précipiter les choses. Le futur champion n’était qu’un diamant brut, aucun joaillier ne s’était encore penché sur le cas de bijoux. Mais Camille Anisum allait en faire le plus beau du diamant, une pierre précieuse sans équivalent.

Par moquerie, l’Organisateur repris une de ses habituelles poses féminines, voulant, par taquinerie voir si Nakh avait assimilé sa nouvelle situation.

« Bien. Je vois. Tu pourrais, s’il te plaît baissé ta main lentement tout en déviant sa trajectoire initiale qui semble être ma personne ? Et de par la même occasion allée chercher ton instrument. Tu en auras besoin, puisque tu as rendez-vous à l’Arène pour un premier combat. Je te dispense d’entrainement.»

L'Orc baissa la main, lâchant un sourire. La colère était tombé aussi vite qu'elle avait monté. La démonstration de force avait fait mouche. C'est avec un plaisir évident que Nakh vit le masque de velours tomber. Le jeune homme était devenu sérieux. Plus de sourire aux pointes de douceur, plus de gesticulations ridicules. Car le fier et viril Nakh ne pouvais évidemment suivre, obéir à un homme trop maniéré. C'est le genre d'attitude qui lui tapait vite sur les nerfs. Mais cela ne l'empêcha de lâcher une dernière moquerie.

- A tes ordres, Duchesse.

L'Orc le dépassa d'un pas vif pour aller chercher sa hache bien-aimée. Il agrandit d'un coup de pied le trou dans le mur afin d'y pouvoir passer. Lorsqu'il passa son corps à l'intérieur, il vit un homme, entourant de ses bras protecteur ce qui semblait être sa femme et sa jeune fille. Ils se tenaient dans un coin, tremblants de peur. Mais l'homme jeta un regard noir à l'Orc.

- Pourquoi ? Pourquoi avoir fait ça ? Cette maison appartenait à mon père ! Et son père l'avait construite de ses propres mains !

- Ben dis-toi qu'le p'tit fils a fait une nouvelle f'nêtre pour aérer la vieille baraque.

Sans plus s'attarder sur les résidents violés dans leur intimité, Nakh se dirigea vers sa hache planté dans le mur face au trou. L'acier était profondément enfoncé. Le Tueur regarda l'arme avec étonnement, l'avait il envoyé aussi fort ? Il avait été plus énervé qu'il ne l'imaginait. Mais lorsqu'il posa sa grosse pogne sur le manche de la hache, l'arme vint facilement à lui. Elle était contente de retrouver son propriétaire et elle lui faisait savoir. Maintenant que l'arme était dégagée, il put retourner au près de Camille. Le jeune tapotait le bout de la poignée de son arme lorsque l'Orc revint, hache sur l'épaule.

« Au passage, première règle, ne pas frapper le patron. [...]

Le Tueur ne put s'empêcher de sourire. Techniquement, il avait juste envoyer un coup de hache capable de le trancher en deux, mais ne l'avais pas touché. Techniquement, il avais juste levé la main mais ne l'avais pas abattu. Techniquement.

[...] Ah, et il te manque quelques bases de savoir-vivre pour être parfait. [...]

Le bourrin fronça des sourcils. Des bases de savoir-vivre ? Être parfait ? Ce n'était pas les priorités du Tueur. La Duchesse rencontrera un mur de cuir vert quand elle essayera d'apprendre à Nakh quelle fourchette utiliser ou quelle salutations formuler dans telle ou telle circonstance. Qu'il essaye donc.

[...] Tu commenceras par bien évidemment par quelques petits combats, et enfin viendras de vrais challengers à ton niveau, là tu auras de quoi te surpasser dans la mort ou la victoire. Tu es d’accord ? »

Le fronçage de sourcils glissa vers le regard déterminé. Enfin il entendait quelque chose de plaisant et qui était de bonne augure. L'Orc acquiesça en grognant de plaisir. Il trépignait d'impatience. Il voulait combattre, tuer, déchirer, trancher, massacrer. Mourir. Il voulait de l'action violente. Tailler la chaire et broyer les os, comme disait la chanson.

- C'est bien beau l'blabla. Mais quand est-ce que j'm'y met, patron ?

Pour l'Orc, c'était dit. Le théâtrale Camille qu'il venait de rencontrer au détour d'une ruelle d'un coin mal-famé était son nouveau supérieur. C'était un fait qu'il accepta immédiatement. Le barbare n'aimait pas réfléchir, obéir sans discuter était un soulagement pour lui. Et puis, l'Organisateur des Jeux lui avait promis des combats. C'est tout ce qu'il fallait à Nakh. Même si il grinça légèrement des dents en voyant son nouveau patron qui gesticulait comme une femme.

Camille Anisum regarda quelques moments le ciel étoilé avant de répondre à Nakh. Il profitait du moment, assez incongru. Il venait de recruter sur un coup de tête un Orc destructeur qui avait presque tenté de le tuer. La situation assez tragique fit rire Camille qui se redressa pour un jeter un coup d’œil vers le Massacreur, le regardant de haut en bas.

C’est vrai qu’il était immense, incroyablement musclé, sa peau verte luisante de sueur et de crasse, son immonde petit visage qui était planté sur un énorme crâne osseux. Le jeune homme fit un petit tour sur lui-même, comme pour mimer une danse, une légère farandole, il semblait porté par la brise.

« Ha ! Eh bien, tu commences demain, entré des artistes de l’Arène, disons douze heures. Tu auras faim, les fauves aussi. Nous commencerons par les tigres, ils commencent toujours bien les tigres. Ensuite nous enverrons les léopards, très rapide ses saloperies. Et enfin les lions. Haha ! Tu auras… Trois, non deux équipiers. Oui, deux équipiers avec toi, un épéiste humain et un petit truc marrant, comme un vampire ou un machin dégueulasse dans ce style.
Haha ! Tu as intérêt à tenir ma belle. Je veux que ce soit magnifique. Si tu finis trop vite on sortira une petite surprise. La Duchesse veut que tu bouges ton petit cul. »

Oui, c’est un fait, la Fée Blanche n’avait pas apprécié le surnom que le barbare lui avait donné. Il avait horreur des nobles et des affaires de sang, traumatisme d’enfance. Lors de son explication des prévisions pour le spectacle de demain, Camille n’avait pas arrêté de jouer avec ses jolies mèches blondes-blanches d’une façon précieuse et languis.
Le jeune homme n’aimait pas vraiment la vulgarité verbale don il avait fait preuve, mais il avait compris qu’il fallait un langage brute pour s’adresser aux brutes. Camille préférait de loin la délicatesse et le raffinement. Nakh ne lui plaisait pas forcément, d’ailleurs depuis le début de l’entretien il ne s’était pas réellement senti à l’aise, une sorte de malaise provoqué par un être venu d’un autre monde que lui. Non pas un autre monde physique, mais bien dans la personnalité brutale et simple du géant, il n’était pas égocentrique, pas dramatique, pas grandiose. Il n’amusait pas et savait juste vivre. Manger, baiser, dormir, frapper et boire. Du moins c’est ce qu’il laissait paraître.

Camille espérait quelque chose de beaucoup plus dramatique. Son regard était pressant, comme s’il attendait. Oui, il attendait que l’Orc lui montre ses capacités, il voulait voir s’il avait fait le bon choix, et si la bête de foire qu’il avait dénichée allait le surprendre.

« J’espère vraiment que tu vas te surpasser, je veux rêver. »

Ce fut cette phrase qu’il choisit pour conclure la rencontre. Il n’y avait rien de bien théâtral dans cela. Mais il n’avait pas voulu exprimer de l’esthétisme ou du tragique. Uniquement une requête, un ordre. Presque une suplication. Le jeune tourna alors les talons, laissant au Massacreur la possibilité de le rattraper, il n’avait pas grande chose à faire cette nuit. Il ne voulait simplement pas dormir.
D’ailleurs au bout de la rue se trouvait une petite échoppe, qui semblait plus ou moins ressembler à une taverne. L’établissement s’enfonçait dans les murs millénaires de la cité.

Camille Anisum s’apprêtait à pénétrer dans l’ombre de la ville, qui aspirait les hommes comme un tourbillon brumeux, quand il jeta un regard derrière lui une dernière fois, comme pour s’imprégner de l’image de Nakh.
Il répéta alors pour lui-même, d’une voix douce et calme.

« Demain… du spectacle… »

L'Orc trépignait d'impatience en attendant que son nouveau patron lui fasse connaitre le programme. Il réprima un soupir d'agacement en voyant l'Organisateur des jeux se trémousser, tourner sur lui-même. Encore. C'était quoi son projet ? Faire péter un câble à Nakh ? Sans doute que le jeune éphèbe pouvait blesser le peau-verte avec son cure dents, mais la Duchesse allait fortement rencontrer un terrain favorable au décès prématuré si il voulait voir la bête intérieur de rage de Nakh.

Mais voila que Camille lui balançait le programme tant attendu. L'Orc fut attentif pendant que le jeune homme parlait. Il grimaça lorsqu'il comprit que devrait combattre des fauves. N'avait-il pas "signé" pour des combats dans les règles de l'art, pas pour un safari. Même sanglant. Il ne cacha pas non plus sa désapprobation lorsqu'il entendit la mention d'équipiers. Le Tueur de Trolls combattait seul la plupart du temps. Sinon, on sais pas qui faut taper, qui faut pas taper. Trop d'informations en même temps qui se baladent. Alors ça énerve l'Orc, il rentre en état de berserker, et il massacre tout ceux se trouvant sur son chemin, pour faire bonne mesure. Mais il ferais avec. Parce que ce n'est pas lui qui décide à ce niveau là.


« J’espère vraiment que tu vas te surpasser, je veux rêver. »


-Si vous v'lez rêver, faut aller pioncer, hein. Mais me surpasser ? fit l'Orc, insistant sur le dernier mot.

Encore une fois, Camille tourna le dos à l'Orc avant que celui-ci ai pu répondre. Mais cela n'empêcha pas Nakh de rejoindre L'Organisateur d'un pas leste et de poser une paluche de l'envergure d'une pelle sur son épaule pour faire tourner le visage fin et gracieux vers le borgne à la face ravagé par les batailles et les duels.

- Vous savez c'que ça veux dire ça ? commença l'Orc, en montrant à Camille ses tatouages abstraits, disposés un peu partout sur les parties nues de son corps. C'est pas juste des dessins pour faire peur. Ça raconte des histoires. La fois j'ai tué un grizzli avec un couteau à jambon. Ça c'est pour avoir trucidé une putain d'bestiole magique gigantesque kejséplukomankçassapel. Ça c'est pour avoir massacré trois clans d'gobelins. Dans la même journée. Ça c'est pour avoir buté...

Et l'Orc continua ainsi, détaillant chaque tatouage tribal, car chacun avait son histoire. Le pourquoi du comment. Chaque tatouage avait sa propre âme. Chaque dessin, inscrite à l'encre dans la peau épaisse de Nakh signifiait un entretien en tête à tête avec la mort. A chaque nouveau tatouage décrit, la voix grave et rocailleuse du Tueur montait. Il était pris dans les méandres passionnés de ses souvenirs de combat.

- Mais tout ça, ça veux surtout dire que j'suis un Tueur de Trolls. Et putain j'suis un bon vu qu'malheureusement, j'suis toujours en vie. C'est quoi un Tueur de Trolls ? Ben j'vais vous dire patron. Ça veux dire que j'ai prononcé l'Serment d'crever au combat. Vous comprenez ? La Mort n'viens pas à moi. C'est moi qui viens la chercher. Mais j'me laisse jamais faire. J'lui crache à la gueule, un bourre-pif gratos dans sa tronche et j'la dégage avec un bon vieux coup d'pied dans l'cul. C'est la même putain d'histoire à chaque fois. Vous savez pourquoi ? Parce que pour l'instant, elle est pas digne d'moi. C'est pas d'la prétention. Mais c'est pas une bande de pécores qui va m'buter. Oh ça non ! Et c'est pas non plus quelques chats tout maigrichons qui vont y arriver.

Son œil vrillait tandis qu'il discourait. Il faisait de grands gestes pour ponctuer ses phrases Le ton montait crescendo, attisé par les souvenirs de violence passionnelle. Car c'est avec passion que l'Orc parlait de son "métier" de Tueur de Trolls. Qu'il avait hâte de mourir au combat, avec gloire et panache, pour laver son honneur. Et ce petit homme aux doigts manucurés et aux manières raffinés des combats de seconde zone ? Ce n'est pas que l'Orc se surestimait. Mais bon sang, après toutes ces errances à combattre tout et n'importe quoi, voilà qu'on lui disait qu'il allait se battre avec des fauves à la con. Décidément, Nakh n'aimait pas commencer au bas de l'échelle. Il voulait du sang. Rapidement, et en abondance.

L'Orc pencha l'immense masse qu'était son buste vers Camille et baissa la voix. Mais même en diminuant le volume sonore, on pouvait toujours sentir cette violence brute sous-jacente. Non pas contrôlée, mais naturelle.

- Vous voulez qu'j'bute du chaton ? Si vous voulez, c'est vous l'patron. Mais Nakh le Massacreur n'as pas volé son surnom. J'espère qu'vot' surprise sera de taille. Vous feriez mieux d'l'envoyer direct d'ailleurs. Sinon on va s'faire chier. Parce que j'me surpasserais pas pour que dalle.

La barbare releva le buste, en grognant.

Camille Anisum fut tiré de ses rêveries assez brusquement par l’Orc. Il n’aimait pas vraiment cette façon que Nakh avait d’être si tactile, il avait le don pour énerver le jeune homme qui n’était pas le genre de personne qui aimait un contact physique brutal. Il répugnait la chose. Quand le massacreur lui attrapa l’épaule il poussa un grognement de désapprobation. Il l’énervait, voilà qu’il le dérangeait pour des broutilles. De plus le géant avait déjà pris la mauvaise habitude de penser que Camille n’était qu’un petit homme frêle et stupide.
Il attendit qu’il ait fini de parler et de déblatérer sur son mécontentement. Mais c’était déjà un point positif que Camille nota pour lui-même, ce barbare savait faire des monologues presque passionné. Chose assez étonnante sur le moment qui fit presque tomber la pression. Mais il en fallait un peu plus à l’Organisateur des jeux pour calmer l’ennui que commençait à provoquer ce nouvel employé.

« Bien. Nakh le Massacreur, légende inconnue de ce triste et ennuyant monde. Nakh. Seconde règle, ne me touche pas. Ensuite, oui, je suis conscient que tu es quelqu’un d’extraordinairement fort, tu es un Orc puissant. C’est très bien, mais je l’avais déjà remarqué, en tout cas merci pour ce petit cours d’histoire. »

La Fée Blanche avait repris un air grave, plus énervé. Il semblait rigide, et ses yeux bleus étaient perçants comme le métal. Ses poings se serraient, quelques tics d’énervement firent leurs apparitions.

« C’est excellent que tu sois puissant et que tu rêves de mourir au combat. C’est parfait, je n’en attendais pas moins de toi. C’est le minimum pour un champion. Ne sous-estime pas l’Arène. D’habitude quand tu tues quelqu’un, c’est un dangereux prédateur dans la nature, c’est tout. Dans l’Arène c’est une bête que ne vit que pour tuer. C’est la même chose pour tout ce qui vit et qui pose les pieds dans le sable de l’Arène. »

Camille passa sa main sur son front remettant l’espace de quelques secondes ses cheveux en arrière qui retombèrent aussitôt de façon sensuelle en mèche sur le haut de son visage. Le geste pouvait aussi bien avoir une signification douteuse sur la sexualité du jeune homme qu’au contraire, de prouver un énervement et un accablement.

« Mais, sache une chose. Ce que je vais t’offrir, car c’est un cadeau. Je te l’offre, ce sera un magnifique spectacle. Tu vas pouvoir sortir toute ta rage. Mais économise quand même tes forces, parce que tu seras surpris. »

Le jeune homme avança un doigt accusateur vers le visage haineux de Nakh. La tête presque en arrière, Camille avait une pose de diva, sa pâleur et sa grâce rappelaient aux connaisseurs la vision de quelques statues antiques tant la pose prise avait de grandeur sans pour autant qu’elle soit féminisée, au contraire même si le geste possédait une homosexualité latente on y trouvait une virilité.
C’est donc accompagné d’un ton grave qu’il espérait enfin pouvoir se libérer de cette brute.

« De toute façon, tout le monde commence par-là ! Par les bêtes ! C’est symbolique, elles rappellent aux hommes leur statut de primate ayant échappé par la civilisation aux dures lois de la sauvagerie. Tu devras donc tuer les prédateurs de l’homme, et inconsciemment ils te prendront pour une sorte de chef. C’est primaire, l’homme se soumet au plus fort, cela vient de son instinct de survie. »

Un petit sourire finit par briser le sentiment glacial qui commençait à imprégner l’endroit. La Fée Blanche abaissa la main, se mettant totalement face à son interlocuteur. Il le regarda encore une fois de haut en bas. Son œil vif faisait une fois de plus l’inventaire de la trouvaille qu’il venait de faire.

« Nous sommes dans une société du spectacle, elle est régie par les sentiments que ressentent les gens par rapport à tels ou tels évènements. Et ta force rappellera aux spectateurs des sentiments qu’ils croyaient oubliés, chassés par leur vie de citadins. Cela rappellera aux démons leurs terres natales. Et ses souvenirs certaines fois uniquement présents dans l’inconscient feront que tu seras applaudi. »

Le jeune se retourna finalement, pour de bon il l’espérait. Mais il ne voulait pas laisser l’Orc sur cette fin pitoyable.

« Est-ce que ce sera grandiose ? Oui. Est-ce que ma surprise sera de taille ? Bien entendu. Ce sera inoubliable. Si inoubliable qu’ils voudront te revoir, et cette fois ils voudront te voir ta battre face à des champions. Et à la fin, si tu as survécu, tu auras le droit à une magnifique finale. »

Camille Anisum avait bien appuyé sur ses mots, leurs donnant un sens, et de la grandeur, les élevant dans les cieux comme les compteurs savent si bien le faire.

« Bien. Nakh le Massacreur, légende inconnue de ce triste et ennuyant monde. Nakh. Seconde règle, ne me touche pas. Ensuite, oui, je suis conscient que tu es quelqu’un d’extraordinairement fort, tu es un Orc puissant. C’est très bien, mais je l’avais déjà remarqué, en tout cas merci pour ce petit cours d’histoire. »

L'Orc grogna. Il ne comprenait pas tout et il avait l'impression qu'on le prenait pour un enfant. Oui, il savait qu'il n'était pas une flèche, mais quand même. Faut pas trop le prendre pour un con, surtout quand il peux vous briser le crâne d'une simple pression de la main. Mais l'air grave et sérieux de Camille calma assez vite les débordements colérique du bourrin. Déjà parce que la première règle était de ne pas frapper le patron. Deuxième règle, il est interdit de frapper le patron. Troisième règle, il est interdit de parler du Fi ... Ah, non en fait, y'avais pas encore de troisième règle. Mais c'est surtout le regard dur de l'Organisateur qui calmait le Nakh.

Bla bla bla. Le discours de Camille semblait sans fin. Mais au moins il ne tournicotait plus dans tous les sens comme une courtisane superficielle. C'était déjà ça de pris. Certes, il reprenait certaines poses tendancieuses, aux subtilités que Nakh pouvait remarquer mais pas comprendre. D'ailleurs ce dernier s'en félicita. Si en plus il devait comprendre les délires scénaristiques de l'éphèbe, nul doute que l'Orc perdrait assez vite ce travail tombé du ciel à coups d'insultes bien pesés et de mandales.

Le jeune humain continuait de parler, avec ses gestes théâtrales, toujours, pour ponctuer ses phrases. Le Tueur hochait de temps en temps la tête, afin faire croire à son interlocuteur qu'il écoutait attentivement, alors qu'il n'entendait plus grand choses. A part peut-être quelques mots clefs comme "tuer", "instinct de survie", "te battre face aux champions","manger du couscous". Mais cette dernière expression était sans doute dû à l'imagination pratiquement inexistante du borgne.

L'Organisateur tourna le dos, comme pour clore cette conversation qui avait l'air de l'emmerder sec par une dernière réplique.

- Est-ce que ce sera grandiose ? Oui. Est-ce que ma surprise sera de taille ? Bien entendu. Ce sera inoubliable. Si inoubliable qu’ils voudront te revoir, et cette fois ils voudront te voir ta battre face à des champions. Et à la fin, si tu as survécu, tu auras le droit à une magnifique finale.

- Ouais c'est pas faux. En tout cas l'programme m'plait. C'tout c'que Nakh voulait savoir. Demain vous aurez vot'pestacle. Vous en faites pas, patron.

Et ce fut au tour du Tueur de Trolls de tourner le dos. Afin d'aller chercher un auberge pas trop miteuse. Une dernière pinte et l'Orc irait enfin se reposer. Afin d'être frais et dispos pour le lendemain qui s’annonçait assez fort en émotion malgré les premières appréhensions du bourrin.