Mage de génie - Alchimiste expérimenté - Intelligent - Désabusé des hommes - Arrogant - Fatigué - Méfiant
Histoire
Préambule
Je rédige ces lignes pour que des souvenirs qui s’effilochent de plus en plus dans mon esprit ne soient pas oubliés. En effet, mon objectif me prend tout mon temps et ma mémoire se remplie peu à peu d’un savoir inimaginable qui servira entièrement à ma cause. C’est une entreprise fantastique que de rassembler toutes ces connaissances pour permettre aux deux mondes de s’annihiler pour être purgés. Malheureusement, ma mémoire n’est pas infinie et ces idées prennent peu à peu la place de ce qui a fait ma vie pendant de nombreuses années. Je ne veux pas oublier ce que j’ai fait de mon existence, même si ces actes importent peu au final. Je ne veux pas oublier tout ça lorsque le monde chutera pour revenir plus fort. C’est pour cela que je rédige ce journal. Il remplace l’ancien qui a brûlé dans une malencontreuse expérience quelques heures avant que je ne commence à écrire ces mots. Malgré ma mémoire défaillante, j’essayerai de retranscrire ici tout ce dont je parviens à me souvenir.
Fin du préambule
Je me souviens de mes parents. Des mages itinérants qui parcouraient ce continent avec acharnement pour poursuivre une noble quête de savoir. Je les respectais et les aimais. Mon enfance passée avec eux sur les routes me permit d’apprendre beaucoup de choses qui me servent encore aujourd’hui. Dans mon souvenir, je n’appréciais pas les départs intempestifs. Je ne pouvais aimer d’autres personnes que mes géniteurs, et cela me mettait en colère. Oui c’est ça. Mais malgré cela, je ne leur en ai jamais vraiment voulu. C’est grâce à eux que j’ai appris à aimer l’aventure, les expériences, que j’ai appris les rudiments de l’alchimie que j’ai perfectionnée des années plus tard. Oh oui mon enfance fut une belle période, mais plus belles encore furent les années qui suivirent.
Je me souviens que, lorsque j’étais adolescent (je ne me souviens plus quel âge j’avais exactement) mes parents m’ont inscrit à une université de magie réputée quelque part dans les Plaines. Elle ne doit plus existée aujourd’hui… Je crois que les dirigeants étaient assez indépendantistes alors à mon avis cela n’a pas dû les aider lorsqu’ils ont rencontrés Azraël. Enfin, cela ne me concerne plus maintenant et j’ai eu vent de la création d’une grande Académie de magie dans le pays glacé de Silena. J’imagine que la visiter aurait été un rêve pour moi lorsque j’étais plus jeune… Mais aujourd’hui, elle peut bien brûler, elle et ses pathétiques occupants… Ils mourront tous de toutes manières.
Mais je m’égare, revenons à mon adolescence. Cette université était une aubaine sans nulle autre pareille ! J’ai passé là-bas des années magnifiques, et elles resteront à jamais gravées dans ma mémoire. C’est là-bas que j’ai rencontré quatre des personnes qui ont le plus comptées pour moi dans ma vie. Quatre des personnes qui… je l’avoue… me manquent aujourd’hui. Il y avait d’abord Lucien, un être plein de sagesse quand j’y repense. Tout jeune déjà, il savait que les hommes étaient des êtres stupides. Cependant… il exagérait. Il disait qu’ils étaient incapables de comprendre la magie dans son essence. C’est vrai que même moi je n’y suis toujours pas parvenu mais je pense que je suis assez bien avancé dans ce domaine pour affirmer qu’un jour, sûrement, les arcanes n’auront plus aucun secret pour moi. J’aimais bien Lucien. Je ne me souviens plus de ce qu’il fit après ses études. Je suppose qu’aujourd’hui il est mort. Il a dû vivre paisiblement. Dans mon souvenir il avait aussi trouvé une femme. Ah… quel désir futile lorsque je me le remémore. Moi aussi j’ai un jour désiré vivre de façon ordinaire alors que je n’étais pas du tout destiné à cela. Que j’étais fait pour être grand ! Pour changer le destin de ce monde ! Pour le sauver !
Ah je me souviens désormais ! Je me souviens de Louise ! Une personne admirable vraiment. Elle aussi voyait grand. Elle aussi voulait avoir un destin glorieux dans le monde de la magie. Elle était peut-être un peu trop volcanique… Je me rappelle que sa spécialité était les sorts purement offensifs… Ça me fait sourire. Je pense que quelqu’un comme Azraël l’aurait vraiment apprécié. A l’instar des autres, je n’ai aucune nouvelle d’elle depuis des années maintenant. Enfin… Peut-être est-elle morte au combat, comme elle l’aurait sûrement souhaité.
Il y avait aussi… aaaah Sonia. La bonté même. Très sage également mais elle a gâché son potentiel immense dans un mariage futile et une vie de famille ennuyeuse. Tant de futilités… C’est triste, je trouve, d’étouffer ses talents auprès des autres. C’est pourtant ce que j’ai fait avec eux pendant quelques années. Certes, ce furent de bons moments mais même si je travaillais dur, je stagnais au fil du temps. Heureusement pour moi, j’ai finalement réussi à me détacher d’eux pour aller plus loin, plus haut. Et pendant trois années, je n’étais pas seul sur cette voie. Il y avait, qui m’accompagnait, Guillaume. Lui était un véritable ami, je le reconnais aujourd’hui. Il a toujours été le plus intelligent et le plus intéressant de mes trois compagnons. Je crois me souvenir que trois ans après notre entrée dans la sphère supérieure des études, les plus ardues et les plus exigeantes qu’offrait l’université, il abandonna, me laissant seul. Mais ce n’était pas pour me déplaire. C’est en se complaisant dans la solitude que l’on parvient réellement à comprendre et à perfectionner la magie.
Je continuais donc seul, devenant au fil du temps de plus en plus talentueux et puissant. J’appris durant ces années tant de choses… Un savoir infini m’était offert dans cette université et il me sert parfois encore aujourd’hui. Oh si les gens qui m’avaient accompagnés durant cette période étaient auprès de moi aujourd’hui... Je ne sais comment j’arriverais à rembourser la dette que j’ai envers eux. Mais cela n’a plus d’importance aujourd’hui. Je ne parviendrais à mes fins qu’en oubliant tout cela au profit de plus grandes connaissances. C’est aussi pour cela que je rédige ceci, pour vider mon esprit de ces souvenirs inutiles et qui prennent tellement de place. Une fois ce journal terminé et protégé avec tous les sors dont je peux disposer, je pourrais enfin me concentrer uniquement sur l’ouverture d’une nouvelle faille, et uniquement sur ça. Et je le ferais seul, comme je l’ai toujours été au final, comme cette fois à Volcania…
Cela faisait plusieurs mois que j’avais terminé mon apprentissage dans l’université de magie. Je l’avais quitté en lauréat talentueux. Même les professeurs me demandaient avec inquiétude ce que je comptais faire désormais que je quittais le lieu que je chérissais le plus à l’époque. Je leur avais tout simplement répondu que j’allais suivre ma propre quête de savoir au travers de ce monde si vaste. Je me souviens alors que la première destination que je convoitais dans ce but était la savane de Sahawi. Je devais trouver un intérêt particulier à sa faune étrange car je me rappelle avoir passé beaucoup de temps à l’étudier, ainsi que les plantes. Il était toujours utile de récolter des informations comme celle-ci dans le métier que j’exerçais alors. Car pour pouvoir me payer de telles fantaisies, j’aidais les gens que je croisais dans leurs petits problèmes du quotidien. Avec mon savoir en botanique et en alchimie j’arrivais le plus souvent à mijoter des décoctions qui convenaient parfaitement à leur situation, et ils me payaient pour ça. Un travail fort ennuyeux quand j’y repense, mais il me permettait de financer mes escapades et mes recherches. Je voguais sur les routes tel un humble vagabond. Seulement moi, j’avais un but. Un objectif si insensé que même encore aujourd’hui on ne me croirait que difficilement si je le racontais.
Je l’ai vu… Celui que l’on nomme le Père des Dragons… Un immense monstre qui dort dans la lave comme si c’était une couverture de soie. Tellement gigantesque qu’un seul de ses crocs est plus massif qu’un orc. Son savoir est si grand que même celui contenu dans la bibliothèque de Von Luar n’arrive pas à le surpasser. En tout cas, c’est ce qui se raconte… Pour moi ça a surtout été un abreuvoir de connaissances dans lequel je me suis baigné jusqu’à me noyer. Arriver jusqu’à lui fut des plus ardus et je pense que les quelques mèches noires qui me restent sont simplement les traces de quelques flammèches que j’ai récolté durant cette période de ma vie. C’est une comparaison amusante je trouve, mais passons. Durant les quelques mois que j’ai passé à ses côtés, je n’ai jamais pu ne serait-ce qu’effleurer son esprit si ancien et mystérieux. C’était comme essayer de décrypter les rayons du soleil… Dans mon souvenir, cela me frustrait. Mais je pense que si je le recroisais aujourd’hui j’aurais mes chances de percer le secret de ses pensées. Mais c’est un rêve vain… mes vieux os seraient incapables, aujourd’hui, de supporter le climat de Volcania. Même avec toute la magie que je pourrais déployer… Non. Concentrons-nous sur la faille ! La faille, Zelphos ! Tu ne dois penser à rien d’autre !
Bon… de quoi je me souviens d’autre… je dois rapidement terminer ce fichu journal ! Il faut que je retourne travailler ! Lorsque j’ai quitté Volcania… je me souviens avoir eu envie de me rendre à Tilamus… je crois que je cherchais une sorte de cité mais c’est flou dans mon vieil esprit… Ah oui ! Je n’étais pas arrivé jusqu’à mon objectif ! J’ai dû m’évanouir avant ou quelque chose d’approchant… J’ai dû être sauvé par des voyageurs car je me souviens m’être réveillé dans un petit village au pied des montagnes. C’est là-bas que j’ai rencontré deux des personnes les plus importantes de ma vie, si bien que le cadre dans lequel j’ai fait leur connaissance est complètement obscur dans ma pauvre tête. Il y avait tout d’abord Nelad, celui qui devint plus tard mon plus proche ami et disciple. Le même que j’ai… que j’ai dû… oh j’en parlerais plus tard de toutes manières ! Chaque chose en son temps ! La seconde personne c’est évidemment Silène. Future épouse et future mère de ma petite fille. Cette même petite fille qui, à sa naissance, était atteinte d’un mal si étrange et si rare qu’encore aujourd’hui je ne saurais dire si j’aurais pu le soigner complètement, même à ce stade de ma vie. Je me rappelle avoir parcouru ciel et terre pour trouver un remède. Tsss… au final je n’ai réussi qu’à rallonger sa vie de souffrances inutiles. Si je savais où elle était aujourd’hui je la ferais certainement tuer pour abréger ses maux.
Toujours est-il qu’après des années fortes ennuyeuses où je me complaisais dans l’oisiveté d’une vie « normale » les aventures reprirent après quelques épisodes forts peu intéressants. Ma vieille amie Louise, Nelad et moi-même partirent en quête d’un savoir perdu au fond du continent glacé. Je pense que ce que l’on cherchait n’était rien d’autre que la bibliothèque de Von Luar, mais c’est seulement aujourd’hui que je le comprends. Je me souviens que, même avec toute la volonté du monde, nous ne sommes pas parvenus à la dénicher. Nous sommes donc tous les trois rentrés à Luütra, où je vivais à l’époque, et nos chemins se séparèrent. Ensuite je vis encore un peu de temps en compagnie de ma femme et de mon enfant et au bout d’un temps qui me semble interminable quand j’y repense, je repars sur les routes. Toujours en quête d’un savoir que je n’espérais plus trouver. En quête de connaissances qui m’avaient échappées. Je ne crois pas me souvenir avoir mis beaucoup de temps avant de trouver ce vieillard. Une sorte d’ermite qui vivait là, au fin fond des plaines enneigées et hostile du continent. J’admirais sa capacité de survie dans un lieu aussi dangereux. Et aujourd’hui je me rends compte que, en plus de son immense savoir que j’évoquerais plus tard et à l’instar de Lucien à l’université, il avait compris plus tôt que moi que les hommes ne méritaient pas le moindre intérêt.
J’avais donc rencontré ce vieillard d’une façon assez particulière, tout autant que sa méthode de chasse. La plèbe chasse à l’arc, les nobles avec des chiens, lui chassait grâce à la magie. Et pas n’importe quelle magie, une branche qui m’était alors inconnue. Ancienne et mystérieuse. La magie runique. Ce domaine archaïque qui consiste à poser un sort sur une surface ou un objet par l’intermédiaire d’un dessin plus ou moins compliqué selon la puissance du sort. Selon les recherches que j’ai effectué bien des années après cette heureuse découverte, les nains étaient les maîtres dans ce domaine de la magie et, comme tous les secrets de ce peuple, le savoir sur les runes était jalousement gardé et aucun habitant hors des montagnes n’aurait pu espérer un jour y avoir accès jusqu’à relativement récemment. Le commerce entre les nains et les autres races a facilité les « fuites » et, même si cela reste rare, il est possible de rencontrer un maître dans cette magie hors de Sola. C’était donc sur un homme de ce type que j’étais tombé ce jour là…
Et cet homme fut mon énième professeur. Malgré des négociations difficiles j’ai réussi à le persuader de me prendre comme élève. En échange je devais effectuer nombre de travaux que ses vieux os ne pouvaient plus accomplir par eux même. Ce fut une époque… magnifique. Je retrouvais le goût du travail acharné que j’avais perdu depuis mon départ de l’Académie. Le goût d’apprendre de nouvelles choses tous les jours, que je n’avais, au final, pas réussi à garder enfermé très longtemps. J’étais né pour apprendre et devenir le monticule de savoir que je suis aujourd’hui. Je ne compte transmettre mes connaissances à personne, car ce serait une entreprise bien trop longue et vaine. Non. L’homme qui désirera acquérir autant de connaissances devra le faire par lui-même, comme je l’ai fait durant des décennies. Il faut consacrer sa vie au savoir pour pouvoir le savourer pleinement.
J’appris auprès de cet homme quelques mois environ. Il mourut ensuite et je dus continuer mon apprentissage seul, au côté de Louise qui m’avait rejoint au bout de quelques semaines. Au bout de deux ans, je suis rentré chez moi, auprès des miens. Nous partîmes finalement à Sen’Tsura pour la petite mais je continuais à étudier tous les jours pour pouvoir maîtriser cette nouvelle magie. Je me perfectionnais de semaines en semaines et ce fut une période fort intéressante mais très peu pratique à écrire sous forme de lignes. En résumé j’oscillais entre le travail d’herboriste réputé que j’exerçais là-bas, ma vie de famille et les études. Pendant des années, je vécus ainsi. Rajoutés à cela une longue méditation sur la vie. Je découvrais de plus en plus de choses qui, elles aussi, ne peuvent être couchées sur du papier. Comment l’homme est fait, comment il réagit à la magie, face aux autres etc… D’immenses connaissances me parvenaient presque spontanément au fur et à mesure de mes méditations. Puis je passais aux expériences. Je devais prouver nombre de mes théories et je me mis donc à faire plusieurs recherches et manipulations dans cette optique.
C’est ce jour là que j’ai tout compris.
Un jour de printemps 82. Il pleuvait averse, un orage dément zébrait le ciel d’éclairs infinis. C’était de toute beauté et être sous cette intempérie ne me dérangeait absolument pas. C’est alors que je la vie. Une anomalie, purement et simplement. Une fraction de seconde, l’endroit que je regardais sembla infiniment changé, il ne ressemblait plus à rien de connu. Mon esprit se mit aussitôt en marche, essayant de comprendre ce qu’il venait de voir, mais il n’y parvint pas. Enfin, pas tout de suite. Il me fallut longtemps. C’est seulement après des tas d’expériences magiques qu’une hypothèse s’établit dans mon esprit. Elle était démentielle mais possible !
Sans attendre, je convoquais chacun de mes vieux amis. Seule Louise ne put venir mais ce n’était pas grave, les autres suffiraient largement. Durant une bonne heure je leur expliquais ma théorie rocambolesque. Celle d'un univers composé de plusieurs trames. Où la magie serait omniprésente, mais présenterait des singularités qui étaient à découvrir. Je leur expliquais mon impression du jour d'orage, celle d'une faiblesse dans le monde. Comme si les trames s'étaient entrecroisées. Ou étaient proches de le faire. Une théorie encore à ses balbutiements, sur les failles spatio-temporelles. Cependant, ils ne me crurent pas. Enfin… pas complètement. Cependant ils se ravissaient bien de me le dire, mais je le voyais, ils me pensaient fou… Peut-être que je l’étais à l’époque.
Je décidais de tout abandonner. Ma femme, ma fille, mes amis et Sen’Tsura. Pendant douze ans j’ai parcouru Terra à la recherche de compréhension de ce phénomène. Je suis finalement arrivé à la frontière invisible qui sépare notre monde de celui de cette déesse folle. Seul Foam, l’endroit que je n’ai jamais trouvé, recelait peut-être les savoirs qui me permettraient de mieux comprendre l’essence de ce rideau mystique. Durant mes pérégrinations, je découvris avec un étonnement grandissant que l’homme avait changé la nature à un point qui dérivait de plus en plus vers l’absurde. Ce qu’ils faisaient à la terre, aux animaux… je ne m’en étais jamais rendu compte auparavant mais toutes ces années de méditations m’ont permis de comprendre que le monde souffrait, par la faute des hommes.
Au fur et à mesure des années, ma théorie se précisa de plus en plus. Les lieux où ses changements s’opéraient étaient précis et nombreux. Ce n’était pas un hasard ni une coïncidence si ses phénomènes se produisaient. Je faisais plusieurs expériences à ses endroits. La magie ne réagissait pas du tout de la même manière lorsqu’elle se trouvait là. Le voile entre Terra et les Limbes était là, et il présentait des plis, des craquelures, presque invisibles mais j’avais réussi à les localiser. Je devais ouvrir ce voile, le déchirer pour révéler ce qui se trouvait derrière. Nelad me rejoignit lorsque je lui demandais de le faire. Il ne me donna aucune nouvelle de ma famille ni des autres et je ne lui en demandais aucune. La seule chose qui m’importait désormais était mon projet.
Pendant six ans, j’accumulais toujours plus de magie et de connaissances. Nous parvînmes à ouvrir une minuscule faille par magie et à voir au travers. Elle ouvrait sur un monde si sombre, si différent du notre… Les créatures qui le peuplaient ne juraient que par la haine et le sang. Même si c’était une vision repoussante, voir effrayante, je devais continuer d’essayer de briser cette frontière invisible. J’avais une petite idée en tête. Elle était… radicale mais je devais le faire. Il le fallait. J’étais le seul être dans ce monde capable d’ouvrir ces failles ! Je devais le faire pour sauver cette terre ! Si je parvenais à ouvrir définitivement un portail entre nos deux mondes, le mien et le sien, les hommes et les démons s’entretueraient pour prendre le contrôle. Ainsi les deux mondes seraient débarrassés de ces créatures si abjectes et la magie pourrait prendre pleinement possession d’un territoire qui lui était dû.
C’est dans cette optique que le 15 de Nelnurr. 100 ans après la fin de l’Hiver Eternel, j’ouvris La faille entre nos deux mondes. La faille. Celle dont on parle encore aujourd’hui tant elle est synonyme de malheur dans les esprits de tous. Moi je m’en souviendrais plutôt comme l’expérience la plus extraordinaire de tous les temps. L’énergie demandée fut tout bonnement immense et je crus mourir plusieurs fois sous la dépense d’énergie faramineuse, mais j’y parvins. Il sortit de la faille suivit de ses sujets. Azraël. Il était impressionnant dans ses atours démoniaques. Mais je n’avais pas peur de lui. Ni même encore aujourd’hui. Pourquoi ? Mais parce que tout le monde mourra un jour. Je n’ai pas peur de la mort. Alors je n’ai pas peur de ces êtres qui s’amusent à la donner lorsqu’ils le veulent.
S’ensuivit donc une longue, très longue discussion avec ce chef de guerre renommé sur son monde mais totalement inconnu sur celui-ci. Nous avons passé beaucoup de temps à faire d’innombrables estimations et calculs et avons conclus qu’il était nécessaire de créer un clergé influent et de réunir le maximum d’adeptes, notamment quelques archevêques, pour pouvoir ouvrir une seconde faille, définitive cette fois-ci. Je comptais bien voir ces deux peuples s’annihiler dans la guerre et la haine, mais Azraël lui voulait conquérir ce monde purement et simplement. Au début je n’y prêtais pas attention, à ces petits jeux de pouvoir, mais aujourd’hui je réalise que s’il gagne totalement… mon entreprise sera perdue ! Il doit toujours subsister la guerre sur Terra. Il faut que tout le monde meure !
Quant à Nelad je… je ne veux pas en parler… Mais aujourd’hui il ne peut plus faire échouer mes plans… C’est tout ce que j’ai la force de dire.
Les années qui suivirent furent constellées de tâches de sang.
Celui que l’on nommait désormais Aile Ténébreuse mais que, personnellement, j’appellerais toujours par son nom, partit à la conquête des différents pays de cette terre. D’abord Ciel, puis Eau, Feu nous a prêté allégeance et finalement Terre s’est pliée à la volonté de l’archidémon. Je n’avais pas prévu que cela aille aussi vite. De mon côté, j’étais trop occupé à développer le clergé de Zelphos, Les démons m'avaient choisis pour porter le doux nom de leur monde en guise de nom de famille. Je troquais donc Alastair Samhain pour Alastair Zelphos, ce qui n'était pas plus mal. Je devais également m’occuper de recruter les archevêques qu’il nous fallait pour le rituel. Actuellement nous n’en avons que deux. Une dénommée Bordeau et Anthithée Féral. De ce que j’ai entendu, les Féral sont l’une des plus puissantes familles qu’il y avait sur « Zelphos » (encore un cadeau d’Azraël) et je sais qu’elle est en train de devenir très puissante ici aussi. Et je l’avoue, cette capacité à devenir influent partout où ils vont m’intrigue… je devrais peut-être songer à rencontrer un ou deux autres membres de cette famille…
Lorsque la guerre entre l’empire d’Azraël et les rebelles a éclaté, j’y voyais une formidable occasion de voir les habitants de Terra et les démons se détruire dans une interminable guerre. Mais c’était sans compter la puissance des démons… Je les ai sous-estimé, je m’en rends compte maintenant, mais je ne peux plus revenir en arrière. Je dois trois autres archevêques et faire ce rituel ! Enfin… j’ai tant de choses à faire… Il faut aussi que je surveille ces… Adorateurs de Nayris. Ils m’inquiètent vraiment. Si ils arrivent à réaliser leur stupide prophétie (et ils en prennent le chemin) et que la déesse est libérée… Je n’ose même pas imaginer ce qui se passerait…
Enfin. Voilà tout ce dont je me souviens sur cette vie qui est la mienne et dont je ne me souviendrais probablement plus au fur et à mesure que le temps s’écoule. Je n’utilise presque plus la magie aujourd’hui. Je stock toute celle que je possède en vue de faire le rituel. Par contre je me suis remis à faire un peu d’alchimie. Je retourne à mes racines et cela me plait, même si les occasions de pratiquer sont rares. J’essayerai de tenir régulièrement à jour ce journal comme je l’avais fait à une époque. Même si je sais que, bien souvent, les journées se ressembleront mais au moins je pourrais, à la fin de mon existence, revoir plus précisément ce qu’a été ma vie.