- Citation :
- Un jour de grande chaleur, Ahyliss est assoiffée et cherche un abri et de l'eau. Elle tombe sur une chaumière mais les propriétaires n'acceptent de l'aider mais pendant ce temps, ils lui dérobent sa seule arme. Comment réagit-elle ?
« Oh ! Pardon de vous décevoir, avait lancé une femme d’un ton agressif, mais nous n’avons pas du tout de quoi remplir un autre estomac sans fond, et puis avec toute cette saleté et votre barda, vous allez sûrement mettre le bazar dans notre pauvre maison qui ne tient plus debout ! Allez voir plus loin s’il y a une âme folle qui accepterait de vous faire la charité ! »Cela faisait bien longtemps qu’Ahyliss n’avait pas été envoyée sur les roses comme ça. Après avoir marché des dizaines de lieues sous un soleil de plomb, la pauvre femme était assoiffée. Ces plaines autour d’elle ne laissaient aucun abri digne de ce nom, et aucun point d’eau ne se profilait à l’horizon. Dépitée et furieuse de s’être fait envoyé balader (c’est le cas de le dire), elle avança sans réel but, en ronchonnant et en maudissant celle qui avait engendré un pareil monstre.
Tout en marmonnant des propos incohérents, elle aperçut au loin un petit renard. Le pauvre animal était lui aussi en quête d’eau, et trainait la patte de manière nonchalante. La faim réveilla Ahyliss : perdue dans ses pensées, elle n’avait pas remarqué son estomac qui l’appelait avec détresse.
« Voyons voir si je suis encore discrète, se dit-elle. » Elle s’accroupit au milieu des herbes hautes, posa la main sur son fourreau vide et … Attendez … Fourreau vide ?!
Ahyliss regarda autour d’elle, paniquée. Elle venait seulement de se rendre compte que son seul moyen de défense avait disparu … Mais comment avait-elle pu être aussi étourdie ?! Elle tenta de se remémorer les dernières heures mais ne put savoir exactement où son arme avait pu tomber.
La faim commença à la tenailler, et la soif n’arrangeait pas son état. Que devait-elle faire ? Revenir sur ses pas ? Chercher de quoi boire et manger ? Ahyliss allait rebrousser chemin lorsque le renard qu’elle avait vu plus tôt dressa la tête et se mit à courir. Elle le suivit du regard et vit au loin un léger scintillement. De l’eau ? Son épée ? Que ce soit l’un ou l’autre, elle serait plus que soulagée. Elle se mit à courir derrière l’animal, tout en gardant une distance raisonnable, pour ne pas l’effrayer.
Un petit bosquet se profila non loin de là. Elle augmenta l’allure et savoura l’ombre des feuilles sur son visage quand elle l’atteignit. Elle s'arrêta un instant pour profiter de ce changement.
Elle se trouvait dans un petit bois de feuillu, relativement clairsemé. Beaucoup de buissons avaient réussi à pousser, elle trouva quelques baies qu'elle reconnut et s'en empiffra. Au centre du bois, une petite mare se trouvait là. L'eau commençait à croupir, mais pouvait encore être bue. Ahyliss en récupéra dans sa paume et la goûta. Le gout était médiocre, mais une fois bouillie, elle sera buvable.
Elle entreprit de creuser un petit trou dans la terre afin de faire un feu facile à éteindre. Une fois cela fait, elle attrapa un récipient qu’elle avait réussi à « emprunter » quelques jours plus tôt, et le remplit d’eau. Le temps que l’eau s’assaini, elle regarda autour d’elle. Apparemment, un chasseur vivait non loin, car elle avait repéré un ou deux collets et un autre piège dont elle ignorait le nom. Mais ils étaient grossiers et se demandait si ils fonctionnaient.
Peu après, elle put enfin boire et avala son eau d’une traite. Elle avait l’impression de revivre, comme une plante qu’on avait oublié d’arroser depuis des jours et des jours et qui redécouvrait les bienfaits de l’eau. Mais la présence probable d'un chasseur lui fit abréger ce renouveau avec elle-même. Elle remplit une fois de plus sa gourde avant d'éteindre son feu et cacher les cendres. Soudain un claquement se fit entendre et un animal glapit.
Ahyliss se cacha dans un buisson épais et attendit. Elle vit avec horreur que le renard qu'elle avait vue tantôt s'était fait prendre dans un des pièges et s'était retrouvé pendu, mort sur le coup.
« Ah ! Enfin une belle prise ! Linsy sera contente ! »Un homme d'une trentaine d'années venait d'arriver. Il était grassouillet, pataud et faisait un bruit monstre. Ahyliss le reconnut comme étant un des habitants de la chaumière qu'elle avait vu plus tôt dans la journée. Ce devait être le mari sans doute. Elle l'entendit marmonner joyeusement :
« Avec la caisse de blé et l'épée de ce matin, on pourra peut-être avoir un joli pactole au marché demain ... je devrais peut être attendre un lièvre ou deux, ou peut-être un oiseau, ils aiment bien les oiseaux ... nan, il se fait tard, je dois rentrer ouais ... Ouais je vais rentrer ... au moins ce sera ça de gagné. »... Il avait bien dit "épée" ?
L'homme récupéra son butin et s'en alla tout guilleret vers chez lui. Il se mettait même à siffler un air de victoire. Ahyliss le suivit sans bruit, mais elle n'avait pas vraiment besoin de faire trop d'efforts : le pauvre bougre était trop heureux d'avoir trouvé du gibier qu'un ours pouvait danser à côté de lui, il le remarquerait même pas. Lorsqu'ils arrivèrent en vue de la petite maison, le bonhomme se dirigea vers « l’arrière-cour » si on pouvait la qualifier ainsi. Ahyliss le suivit et se réfugia derrière un lot de tonneaux vides.
"Chériiie ! cria-t-il, regarde ce que j'ai réussi à avoir !
- CHHHT ! pas si fort abruti, on pourrai t'entendre"Linsy, la mégère qui avait mis Ahyliss à la porte de sa maison plus tôt, s'acharnait sur un morceau de tissu qui ressemblait vaguement à un pantalon afin de l’étendre sur un morceau de corde. Elle lâcha le chiffon, et saisit la besace que son mari lui tendit :
" On ne t'a pas suivi j'espère, Sulky ? dit-elle en farfouillant dans la besace.
- Bah ! Penses-tu ! bien sûr que non ! Tu sais que je suis vigilant ! Un homme, un vrai ne se laissera jamais surprendre par la moindre mouche qui lui tournera autour !
- C'est ce qu'on va voir hein, j'espère aussi que tu trouveras autre chose en plus qu'un renard miteux, une caisse de graines et une épée rouillée ! Ah il est bien beau ce braconnier ! Pas capable d’attraper un simple lièvre ou un chevreuil !
- Dis aussi que je ne sais pas chasser ma parole ! Des renards on n’en trouve pas tous les jours ! … Les deux comparses étaient trop absorbés dans leur disputes qu’ils ne remarquèrent pas la jeune fille se faufiler vers la porte d’entrée. Elle réussit à ouvrir la porte avec difficulté tout en surveillant l’avancement de la joute verbale qui opposait le couple de braconniers.
La chaumière était sale et miteuse, il y avait très peu de confort. En réalité, cela ressemblait plus à un débarras qu’à une maison. Une paillasse se trouvait dans un coin, ainsi qu’une cheminée sur le point de s’effondrer. Le décor se résumait à des petites montagnes de bazar, réunissant vieilles bouteilles, caisses vides, ustensiles divers et variés tous aussi vieux les uns que les autres.
Ahyliss fouilla tant bien que mal, surveillant toujours la porte de derrière, et réussit à trouver son épée : apparemment, la dénommée Linsy avait dû renverser leur repas de midi dessus, car elle était grasse et poisseuse. Ahyliss la récupéra et l’enroula dans un linge qui traînait à côté d’elle.
« Puisque c’est comme ça que tu me traite, gros bêta, je m’en vais ! Je retourne vivre avec mes chèvres et mon paternel et quand je lui dirais ce que tu fais, il t’en mettra tellement plein la vue que tu ne verras plus où p…
-NON ! Ne t’en va pas ma petite pâquerette ! Je trouverai d’autre gibier je te le promets ! S’te plait mon rossignol, restes … »« Houlà … je sens que je dois partir » pensa la jeune fille.
Elle réussit à sortir au moment même où les deux braconniers entraient par la porte de derrière, dans les bras l’un de l’autre en se disant des mots d’amours qui dégoulinaient de gnian-gnian et de petites fleurs roses en sucre.
Et quand le couple se rendit compte que leur plus gros butin avait disparu, Ahyliss était déjà loin.