Pour une Nymphe, il parait que je suis à la fois très normale et très originale.

Si vous ne comprenez pas vraiment le sens de cette phrase, j’avoue que moi non plus. Mais c’est comme cela que me décrivait ma mère. Elle était très intelligente. Une érudite parmi les nymphes qui a essayé de me transmettre sa passion de l’écriture et des manuscrits qui tentaient de nous rappeler les enseignements de l’Ancien. Elle n’a malheureusement jamais eu le temps de finir de tout me montrer mais je crois qu’elle m’a transmis le virus. J’aime apprendre de nouvelles choses sur la Nature, sur les races, sur les autres simplement. Leur montrer comment se servir des plantes tandis qu’eux me montre comment soigner les champs, ou faire la cuisine.

Je crois que c’est pour cela que les autres nymphes me regardaient un peu de travers avant l’invasion. Toujours un peu de côté sans oser me demander ce que je pouvais bien trouver d'intéressant dans un bout de parchemin qui ne soit pas dans la nature, ou pourquoi je m’aventurais à l’orée de Flore pour rencontrer les paysans. Mais peu importe, les autres, je les aime de primes abords et s’il ne m’aime pas, et bien je passe mon chemin. Il n’y a pas de raison de plus se compliquer la tête que cela. Pour cela je suis indéniablement une nymphe n’est-ce pas?

Autre chose, je déteste les règles, les lois, les grades et autre rigidités qui nous empêchent de vivre à notre façon. Bien sûr, je pense qu’il faut suivre la volonté de l’Ancien, respecter la Nature et apprendre avec elle. Mais cette bonté est en nous, et je n’aime pas qu’une personne plus riche ou avec une armée de plus d’hommes décrète de ce que je devrais faire ou non; même si cette personne est plus forte que moi. En fait, je ne comprends même pas l’intérêt que les gens trouvent à tenter de contrôler les autres. La vie de certains est-elle si morne qu’ils n’ont pas assez à s’occuper d’eux-mêmes ? Ils éprouvent tous le besoin de dominer, massacrer ou terroriser les autres, alors qu’ils seraient tellement plus puissants en prenant le temps de les écouter et de prendre leur savoir.

Voilà plus ma philosophie. Flâner avec les autres pour savoir ce qu’ils ont à m’apprendre. Perdre mon temps à regarder une plante pour savoir ce qu’elle me racontera. Ne pas les rejeter un animal parce qu’il ne me plait pas physiquement, que ses plumes ne sont pas assez colorés ou sa fourrure pas assez douce. Cette attitude stupide me met hors de moi, et pourtant je ne juge pas facilement quelqu’un négativement. Chacun devrait pouvoir vivre sa vie, comme il l’entend et en respectant les autres. C’est la seule chose importante à garder à l’esprit.

Rouge

La lumière du soleil, le moment où l’astre disparait entre les arbres tout au bout de l’horizon. Ses rayons vont aller éclairer une autre partie du monde. Les limbes? Zelphos ? Un autre endroit encore ? Ou alors est-ce qu’il disparait simplement durant la nuit. En tout cas, il ne va pas tarder à ne plus caresser les nymphes réunies autour de l’Ancien.

Réunies alors que l’une d’entre elle tient dans ses bras une petite fille. En âge humain, on lui donnerait déjà bien cinq ou six mois, mais elle vient tout juste de tomber de l’arbre. Elle se blottit les yeux grands ouverts contre sa protectrice. Dahlia, la regarde un peu hébétée tandis que ses sœurs cachent difficilement leurs sourires amusés. Elle n’est pas faite pour enseigner la vie à une jeune nymphe, tout le monde le sait, alors qu’est ce qu’elle pouvait bien être venue chercher ici. Même elle n’est pas sûre de le savoir. Elle regarde simplement cette petite boule de nature qui se blottit dans la douceur de sa tunique.

Un soupir agacé et fataliste passe ses lèvres entrouverte. Les voix de l’Arbre et de la Nature sont impénétrables après tout. Alors, elle attrape le linge qu’on lui tend, et couvre l’enfant. Elle a les cheveux clairs. Pas suffisamment, mais très clairs tout de même. Et elle est pâle, la Lune accentuant son teint clair par cette nuit encore froide dans la Forêt. Dahlia fait partie de ces nymphes qui ne s’aventurent pas vraiment en dehors de la forêt. Elle reste pour consigner l’histoire des nymphes dans quelques parchemins que ses sœurs ne valorisent pas trop. Mais elle sait que c’est son rôle et ça lui va bien comme cela. La petite doit être là pour cela. Reprendre sa place à son tour… Elle voit les yeux aussi bleus que l’eau se posait sur la pierre qu’elle porte. Le poupon tend ses bras potelés vers le reflet bleu qui illumine ses yeux.

Je le reconnais tu as très bon goût...

Elle a murmuré tendrement, et retire doucement le collier d’une main pour laisser l’enfant jouer avec.

Orange

C’est la couleur de ce papillon qui virevolte à travers les arbres. L’enfant le suit du regard depuis plusieurs minutes maintenant. Curieuse de cette danse étrange qu’il semble réaliser pour elle. Comme s’il avait quelque chose d’important à lui dire, sans oser déranger en fond, Dahlia qui lui lit un parchemin. Elle l’entend c’est sur. Mais elle ne l’écoute que très peu. S’il se mettait à parler Dalhia l’entendrait aussi de toute façon. Mieux vaut qu’il reste muet pour transmettre son message quel qu’il soit.

Fa...

La petite tête se tourne vers la nymphe aux cheveux d’un vert pomme qu’elle voudrait parfois croquer. Elle rougit de s’être fait prendre et d’avoir lâché le beau papillon du regard. C’était pourtant plus intéressant que l’histoire de l’Ancien ce papillon. Et puis elle est trop petite pour retenir ! L’enfant se redresse sur sa chaise et s’étire un peu comme pour se reconcentrer. Mais à peine la nymphe a-t-elle commencé à relire qu’elle l’interrompt déjà.

Dahlia, pourquoi il faut une reine à chaque fois? J’ai vu la reine, elle est belle mais… si je veux pas jouer avec elle pourquoi elle a le droit de dire que si ?

La chose a vraiment l’air de l’ennuyer. Dahlia sourit amusé mais en guise de réponse elle lui pose un baiser sur le front. La petite la regarde les lèvres pressées l’une contre l’autre. Dalhia fait toujours ça, quand il s’agit d’une question qu’elle ne devrait pas poser. Ne pas remettre en cause l’ordre des nymphes, la parole de l’Ancien et la suprématie de la nature. Pourtant, elle est curieuse et voudrait bien savoir pourquoi elle obéit à toutes ces lois.

Jaune

Un bouquet de jonquille géante et de marguerite. C’était ce qu’elle tenait dans la main quand Dahlia a couru jusqu’à elle pour la prendre dans ses bras et l’emmenait à travers la forêt. Par dessus son épaule, Fa n’a pu qu’apercevoir l’armée qui avançait sur elle. Une armée… à l’époque elle savait tout juste ce que ce mot signifiait dans les parchemins, mais dans la vie réelle, elle signifie bien autre chose quand on a trois ans. Elle signifie du rouge, partout sur les arbres, des cris de détresse, des rires de vainqueurs. Elle se souvient de ce vacarme de métal et des cris des arbres de la forêt.

Les arbres ont pleurés pendant plusieurs jours après sa fuite, les arbres, les plantes, les animaux aussi. Tout pleurait les nymphes disparues, les animaux éventrés et la rage des démons qui avaient incendié une partie de la forêt. Farrhasys avait à peine trois ans, à cette époque. Trois petites années s’étaient écoulées, mais elle avait compris que le corps sans vie de Dahlia ne bougerait plus jamais.

J’ai vu les humains faire… ils mettent le corps sous terre pour l’aider je crois… Je peux t’aider si tu veux...

Le petit sanglier hésite en venant près d’elle au bord du ruisseau. Oui, c’est ce qu’il faut faire. Qu’elle retourne à la nature et la terre. Une terre ou elle avait posé son bouquet jaune. Les mains sales et les yeux humides, Fa avait prié comme Dahlia le lui avait appris pour que la nature reprenne ses droits sur le corps de la nymphe, et qu’elle puisse aller en paix là où elle trouverait la paix. Près de celui qu’elle appelait parfois Yehadiel, même si l’enfant n’avait pas bien compris qui, il était.

Et puis, comme les prières n’aidait pas, elle demanda juste au sanglier de le suivre jusqu’au bord de la forêt. Là bas, peut être qu’elle aurait une réponse. Peut être qu’elle comprendrait ce qui s’était passé avec les humains plus grand qu’elle.

Vert

Elle appliquait ce baume sur la patte du cheval calmement. Après tout c’était elle qui l’avait fait à force d’apprendre des animaux et de tester ses remèdes dans la forêt. D’accord ce n’était que des baumes apaisant ou cicatrisant pas bien compliqué, seulement des plantes écrasés, mais pour les paysans c’était toujours une aide pour savoir que leurs bêtes allaient guérir plus vite.

Et puis comme la jeune fille ne demandait rien en échange et se contentait d’un repas ou d’une bricole comme un tissus ou un bijou en bois, qui aurait trouvé à redire quelque chose? Une fois l’animal pansé, Fa se relève et sourit au fermier, puis au poney qui se trouve derrière lui et qui l’interpelle. Elle a grandit maintenant, elle doit avoir dix ou onze ans. Plus élancée qu’avant et moins sauvage que les autres nymphes, on la voit souvent tourné autour de la forêt en discutant avec les passants et les animaux. Bavarde et coquète comme pas deux !

Tu l’as soigné ?
Oui j’ai essayé...
Pourquoi tu peux parler avec nous?
Parce que je suis une nymphe.
C’est joli une nymphe. Je peux venir avec toi ?

Fa regarde le poney avec qui elle vient de parler. Elle déteste l’idée de le laisser derrière sa barrière s’il veut venir avec elle, mais elle a compris que les humains pensaient posséder les animaux. Donc elle ne peut pas juste lui dire oui pour le moment. Mais lui aussi devrait avoir le droit de faire comme il veut non ?

Bleu

Tu as des yeux très beaux. Vraiment...
Whouh ça c’est original comme compliment, attention après il va te dire qu’il aime bien tes cheveux aussi ! C’est pas comme si t’étais au courant, t’es juste une nymphe...
C’est gentil… Sable tais-toi !

Répondit la jeune fille avec un sourire gêné. Le jeune homme qui l’avait arrêté sur la route le regarda un peu intrigué. Elle désigna alors le poney.

C’est le poney… Sable. Il arrête pas de raconter des idioties…Tu vas arrêter de me faire passer pour une folle !
Moi j’ai rien fait. C’est toi qui parle aux animaux après tout.

Le poney avait parlé faussement vexé. Fa’ le regarda s’éloigner de quelques pas tandis que le jeune homme la regarder de plus en plus étrangement. Elle avait quand même le droit d’apprécier qu’on lui fasse des compliments non. Aussi banal et répétitif soit-il. On ne pouvait pas trop en vouloir aux hommes de n’avoir aucune imagination. En plus, c’était juste un échange, elle lui avait fait un compliment aussi.

Tu… tu peux rejouer de ton instrument ?
Mon luth ? Bien sûr oui si ca te fait plaisir!
Oui j’aimerais bien apprendre à en jouer aussi !

Indigo

Elle laissa Sable dans la prairie où ce glouton arracher frénétiquement l’herbe pour suivre un petit convoi qui passait plus loin. Les créatures qui le composaient, étaient différentes des humains de d’habitude et ils semblaient plus intéressés par la forêt que les autres. Observant les drôles d’arbres que contenait Flore d’un air curieux. Elle avait bien conscience que le poney aurait encore râlé s’il l’avait vu faire. Elle aimait bien parlé avec les gens qui se baladaient sur les routes. Elle n’avait jamais vraiment quitté Flore, qu’à les gens y était souvent plus naturel que ceux qui passait par là pour aller à la ville; mais c’était toujours en leur parlant qu’elle apprenait des choses.

Parfois elle arrivait même à les aider avec leur carte. Un herboriste avait une fois était assez gentil pour lui apprendre à lire. Il était resté presque deux semaines et elle l’avait aidé à trouver les plantes dans la forêt. Ou alors cette dame qui lui avait appris à reprendre un habit déchirer parce qu’elle lui avait fait du feu. Elle ne voyait vraiment pas ce que Sable pouvait leur reprocher. En plus, elle savait les choisir maintenant. Ceux avec trop de muscles et des armes, elle ne devait pas les approcher. C’était les plus dangereux. Ensuite il y avait ceux qui donnaient l’impression de n’avoir rien mangé depuis des lustres. Ceux-là elle pouvait les aider. En général c’était les plus reconnaissant mais ils avaient rarement des choses à lui donner, alors elle pouvait discuter beaucoup. Il y avait ceux avec une aura sombre aussi, où elle devait aller se cacher. Ceux avec beaucoup de breloques qui voulaient toujours lui vendre une chose ou lui donner des pièces pour une autre.

Mais les nouveaux avaient une allure différente, un peu plus… un peu plus comme des nymphes qui se baladerait dans une forêt. Sans soucis, curieuse de la nature. Oui, ils faisaient penser à ça. Et tandis qu’elle se rapprochait un d’eux l’arrêta.


Pas par là, Monseigneur ne veut pas être dérangé.
C’est bizarre comme nom Monseigneur...
Quoi tu te moques? Va-t-en!

Dit-il en tirant une épée d’un long bout de cuir. Fa recula immédiatement. Les sourcils froncés. Sable arriva au galop, elle monta dessus et décampa. Plus tard, elle comprit ce qu’était un soldat et un seigneur. Et elle apprit aussi qu’elle détestait ces voyageurs-là.

Violet

Fa’... Fa’... Fa’ réveille toi là c’est important !
Quoi cette fois? Je t’ai déjà dit que tu pouvais partir dans la forêt sans moi !
Ouais je sais mais j’aime pas! Et puis là c’est pas pour ça. T’as les cheveux qui ont changés de couleur
Pardon !?

La nymphe émergea totalement de son sommeil en un claquement de doigt. Comment ca ils avaient changés de couleur? Ils n’avaient pas le droit, elle était très jolie en blonde. Un blond très pâle. On lui faisait souvent un compliment sur ce blond si spécial. Et puis ça allait avec toutes les couleurs de fleurs qu’elle aimait mettre dans ses cheveux.

Les cheveux ne changeaient pas de couleur comme ça! Sable devait lui faire une blague. Oui c’était la seule solution qui lui paraissait logique. Du moins avant qu’elle attrape ses cheveux pour remarquer leur couleur… Argenté. Si, si c’était bien là. Une couleur très différente des cheveux gris qu’elle avait vu chez les plus vieux humains. Mais le plus inquiétant c’était que cette couleur, elle l’avait vu petite. Chez une jeune nymphe à qui tout le monde obéissait et faisait plus facilement plaisir qu’aux autres.

Ah non mais il y a pas moyen. Je vais pas devenir reine quand même, je respecte l’Ancien mais là il s’est planté quelque part!