Où suis-je ?
Son corps est immobilisé par des attaches, semble t-il en cuir, elle ne peut bouger. Son corps frissonne, assailli par le froid de la pierre qui se répand le long de son dos... Elle ne tremble pas, mais la peur est présente.
Ne paniquons pas, il doit y avoir un moyen pour se...
Des bruits de pas, des choses approchent. Ses oreilles distinguent trois démarches différentes : l'un boîte, un autre avance devant d'un pas assuré et le dernier se tient à distance, à l'arrière. Elle fait mine de ne pas être éveillée, ne sachant pas réellement ce qu'elle fiche ici...
« Nous savons que tu es réveillée... Je vois que tu es toujours en vie, c'est une bonne chose pour la suite.
- Ouiiii ! Le Maître sera content, n'est-ccccccce pas Messssssire ? L'opération s'est déroulée sans encombres, la femme ici présente fut bien choissssssie. Orinak est content, hihihihi !
- Calmez vous Orinak, ou JE vous calmerai. L'expérience principale n'a pas encore eut lieu. Avant de passer aux choses sérieuses, assurons nous que cette...Personne est devenue ce que nous attendions.
- Ouiiiiii, Messssssire.
- Comment vous appelez-vous Mademoiselle ? »
Un long silence, ponctué de quelques sifflements d'air passant à travers les pierres. Elle sentit une main glissée le long de sa gorge, pour arracher brutalement le bout de tissu tout en s'éloignant de la table. Que répondre à la question de l'homme, du « messire » ?
« Vous ne vous rappelez donc pas votre nom ? » dit-il avec un petit sourire en coin. Le démon semblait satisfait.
« Non, je... Ne sais pas qui je suis... Qui suis-je ? Que suis-je ? Qui êtes-vous ? Où suis-je ? » déclara t-elle, s'affolant progressivement.
Le démon sourit. Ses yeux semblaient agités d'une lueur scintillante, comme s'il jubilait intérieurement. La petite chose humanoïde à ses côtés semblaient correspondre à ce « Orinak ». L'un était certes beau, mais plutôt inquiétant tandis que l'autre était immonde et méchant.
« Orinak, prévenez vos assistants, cette nuit, vous travaillerez longtemps.
- A vos ordres Ô Puisssssssance démoniaque...
- La prochaine fois que tu fais de l'humour en ma présence, je tranche ton corps en six parts égales que je fais bouillir dans une marmite, c'est clair ?
- Ouiiiiii, ouiiiiii, ouiiiii... »
Ils laissèrent la femme seule, attachée. Elle eut le temps d'observer la pièce, sombre et lugubre. L'endroit semblait vieux, les pierres usées par je ne sais quel effet naturel ou magique, des flaques de substances stagnaient sur le sol, l'endroit se rafraîchissait au fur et à mesure que le temps passait. Sur sa droite se trouvait une longue table, longeant le mur, des fioles remplis de mixtures multicolores étaient disposées dessus, accompagnées d'outils aux formes étranges et plutôt inquiétantes. Sur sa gauche, des coffres de métal noir étaient posés, que pouvaient-ils bien contenir en leur sein ?
Des larmes commencèrent à couler le long de ses joues, son cœur battait à pleine vitesse... Elle ne savait pas qui elle était, ce qu'elle faisait là et ce que ces mystérieux et inquiétants personnages allaient lui faire la nuit même. Elle céda au sommeil, espérant un mauvais cauchemar...
Dans les plus noires heures d'une nuit sans lune, au cœur d'une forêt morte depuis longtemps, une bâtisse était hantée de hurlements, de gémissements de douleurs, de sanglots sans fins.
« Arrêtez ! Vous ne pouvez pas...Vous me faîtes mal ! » Hurla la pauvre femme.
Autour d'elle, des créatures encapuchonnées unissaient leurs voix pour réciter des textes, telle une prière, tous semblaient en transe. Elle ne distinguait pas grand chose, sa vue était floue, elle ne voyait réellement que de courts instants Orinak tourner autour d'elle, portant outils et potions. Des lueurs vertes et violettes l'entouraient, formant un grand pentacle où chaque créature avait sa place. Son corps souffrait. Elle agonisait. Son enveloppe de chair semblait se déchirer, mutée. Les attaches étaient sans cesse resserrer par les assistants du rituel, le corps semblant vouloir se libérer.
La douleur était présente partout, elle ressentait comme des membres sortirent de son dos, tout ceci dans un flot de sang, de larmes et de cris. Ses yeux semblaient brûler, ses dents mutaient, certains os de ses bras et de ses jambes rétrécissaient, s'écrasaient. Enfin, la souffrance atteint son paroxysme lorsque le Démon entra. Les hommes en transe arrêtèrent, semblant attendre un nouvel élément. Leur chef s'approcha lentement, souriant, au-dessus du visage de la femme. Elle ne voyait pas distinctement son visage, mais elle savait que c'était lui. Il se mit à déverser un liquide noir, acide et amer, dans sa bouche. Elle ne résistait même plus.
« Bonsoir, Ungoliant. En ces sombres heures, tu vas naître et rejoindre ta nouvelle famille dans l'Ombre. » dit-il avec un ton hautain et très officiel.
Il s'éloigna, gagnant une place au sein du pentacle. Ils reprirent la cadence de leurs chants macabres, tandis que le liquide glissait lentement dans le corps meurtri de la jeune femme. A un certain moment, la substance se mit à entrer en ébullition et se répandit partout. Elle le sentait : le liquide prenait vie, pénétrant dans les veines, son cerveau : ses larmes devinrent noires et les heures de supplices continuèrent ainsi jusqu'à l'aube où elle perdit connaissance.
Lorsqu'elle se réveilla, elle était plongée dans un noir total, ils l'avaient sûrement déplacé dans une autre pièce, plus obscure encore.
Je suis Ungoliant...Que suis-je ? Suis-je morte ?
Non, loin de là. En essayant de bouger ses membres pour tenter de comprendre ce qui lui était arrivé, elle se rendit vite compte qu'il y avait eu quelques modifications notoires.
Mes jambes... J'en ai... Plusieurs ? Qu'est-ce qu'ils m'ont fait ?!
Son corps était encore endoloris du fait de sa récente transformation, mais elle pouvait bouger. De plus, elle ne sentait pas d'attaches, elle était posée, à même le sol, sur la pierre. Elle mit plus d'une heure pour pouvoir se serait-ce que se tenir sur ses pattes.
Que m'est-il arrivée enfin ? Pourquoi moi ?
Pas le temps de s'apitoyer sur son sort, un autre problème arriva bien vite : la faim.
J'ai faim...Si faim... Je dois trouver de... La nourriture... Vite.
Parfois, un besoin peut vous sauver d'une mauvaise posture. Motivée par sa faim, Ungoliant se leva et chercha à sortir. Il finit par trouver une trappe, au plafond : elle était lourde, mais pas verrouillée. Grossière erreur. Elle la souleva, lentement et quelque peu difficilement. S'aidant de ses pattes, elle sortit silencieusement, tout en remettant la trappe à sa place. Ils allaient payer, elle se l'était promis. Leurs cadavres abreuveraient sa faim. Elle voulait du sang, le sang de la vengeance.
Se glissant dans le fort, rempli de coins obscures pour se déplacer discrètement, elle chercha l'immonde petit laborantin et son « messsssire ». Le crépuscule faisait son œuvre, tandis qu'Ungoliant dévorait les gardes qui passaient près d'elle. Une petite diversion, telle qu'un petit bruit, leur faisait tourner la tête, puis ils mourraient. Ungoliant surgissait des ombres, pour les mordre et leur arracher le cou avec ses deux crocs protubérants. Ils n'étaient pas bien puissants. La nuit venue, elle continua sa recherche, tout en tissant des toiles d'araignées, ici ou là. Elle ne le faisait pas intentionnellement, c'était une forme de réflexe qu'elle avait débloqué suite à l'expérience, semble t-il...
Elle finit, par moult conduits de cheminées, arriver dans une grande salle obscure, qui faisait office de bureau. Orinak et le Messire parlaient, et Ungoliant semblait concernée.
« L'expérience a mal tournée Messssssire. Elle ne deviendra pas ce que l'on avait prévu, la substance mystérieuse que vous avez ajouté en trop grande quantité a perturbé le rituuuuuuel ! Qu'allons-nous faire désormais ?
- Pas de panique, Orinak. A l'aube, nous irons la tuer dans son cachot. Ungoliant fut un échec, nous recommencerons. » dit-il, assuré.
Un garde pénétra dans le bureau en trombe, criant à tout va :
« La créature s'est échappée, elle n'est plus dans son cachot ! Et des surveillants manquent à l'appel ! Que devons-nous faire Messire ?! »
Un long silence suivit. Le chef regarda Orinak, puis le garde.
« Orinak, aller préparer vos affaires, nous allons quitter cet endroit. Garde, fouillez le château, et tuez la créature si vous la trouver.
- Bien Messire ! »
Orinak s'en alla, toujours en boitant tandis que « Messire » rassemblait des documents et des objets. La salle était mal éclairée, laissant à Ungoliant la possibilité de se mouvoir dans l'ombre. Tissant sa toile au-dessus de l'homme, elle se mit à descendre à pic, lentement mais sûrement. Elle arriva non loin de la tête de son ennemi, qui lui tournait le dos.
« C'est tout ce que tu as trouvé ? » dit-il.
Ungoliant, étonnée, ne réagit pas immédiatement. Il ne lui en laissa pas le temps, il se retourna pour incanter un sort qui la projeta contre le mur.
« Il fallait vraiment que tu viennes jouer la présomptueuse dans mon bureau ?! Tu vas voir ce que c'est que la vraie souffrance ! »
Elle se ressaisit à temps, pour esquiver une nouvelle décharge d'énergie. Elle en profita pour bondir sur l'homme de tout son poids tout en lui plantant ses crocs dans ce qui lui servait de torse. Il tomba au sol, il se mit à vomir soudainement. Le venin marchait. Elle s'approcha de son cou, l'homme la regardant avec une once de terreur dans le regard, puis plongea ses crocs dans sa gorge.
« Nooooooon ! » cria t-il.
Orinak, pendant ce temps, rangeait ses affaires à grande vitesse, il ne voulait pas rester seule avec une araignée géante dans la nature. A un moment, il entendit un cri, provenant du fort. Il n'en fit rien, c'était sans doute son imagination qui lui jouait des tours. Il sentit une goutte tombée sur son épaule gauche. Il regarda... C'était du sang. Il leva les yeux vers le plafond : rien. Que cela pouvait-il bien être ? Il semblait entendre quelque chose, au plafond. Comme quelque chose qui se déplace, silencieusement mais de manière plutôt abrupte. La peur le transperça comme une flèche. Il se précipita pitoyablement vers la porte, tentant de l'ouvrir, elle semblait bloquée par d'épais fils de soie, de l'autre côté. Il se plaqua contre la porte, regardant en direction des ténèbres, sa faible bougie ne reflétant que les yeux de la créature.
« Nous ne pensssssions pas à mal... Je n'ai fait que sssssuivre les oooordres... Ne me tuez... » Il n'eut pas le temps de finir sa phrase, malheureusement.
Les gardes démoniaques étant trop nombreux, et maintenant regroupés étaient impossibles à atteindre en l'état. Sa faim étant en partie compensée, elle se déplaça dans les ténèbres du fortin pour enfin trouver une porte de sortie. Elle enfonça la porte pour s'enfuir dans la forêt. Certains gardes la poursuivirent, mais elle leur échappa dans les bois plongés dans l'obscurité.
Elle s'arrêta quelques minutes près d'un court d'eau peu profond. La lumière de la Lune vient se refléter dans l'eau, permettant à Ungoliant de se contempler par son reflet. Elle était une créature abominable, née de la machination de démons, sans aucun souvenirs, à part ceux de ses récents meurtres et de la douleur de sa « naissance ». Elle releva la tête vers le ciel et dit silencieusement :
« Que vais-je faire maintenant ? »