Donovan jeta un coup d’œil satisfait aux parchemins qu’il avait accroché au mur de sa chambre. Enfin, ses petites affaires étaient lancées. Bon, il lui faudrait quelque chose de plus… présentable, à l’avenir, car l’auberge, si elle restait correcte, était loin d’offrir un repaire réel. Mais maintenant, il pourrait avancer.

L’idée était venue de Nayris. Vu que sa mémoire foutait le camp, façon royale, il avait décidé d’écrire les quelques idées qu’il avait pour son avenir. Et les contrats qu’il avait déjà exécuté. Cela avait été très, mais alors très long- Donovan était peu habitué à écrire, il oubliait au fur et à mesure, oubliant parfois même le début de ses phrases, et c’était encore sans parler des évènements eux-mêmes qui refusaient de se présenter à son esprit.

Bref, cela avait exigé un travail énorme pour écrire quelques lignes, et il n’y serait jamais arrivé sans l’aide de cette petite voix dans sa tête. Au moins, avec ces écrits, il pourrait avoir des indices sur sa vie récente. Il fit une relecture rapide de ses notes : trouver des clients, trouver une couverture, nouer des relations… et voir à soudoyer quelques gardes. Au niveau de ses contrats, il n’y avait pas grand-chose de nouveau.

Quatre en tout. Les deux petits soucis du Sir Nadel, celui de son ami marchand… plus un autres, qui datait de quelques jours également. D’un homme inconnu- il n’avait rencontré qu’un domestique, qui était venu faire affaire à sa place. Mais il s’agissait d’un homme puissant- il avait pû le deviner, apparemment.

La demande avait été assez singulière. Le client avait vu un homme roder autour de sa maison. Plusieurs fois. Et il avait eu vent de questions, que l’on posait à son sujet. Après l’avoir fait suivre, le client avait découvert que l’homme qui le surveillait posait aussi ses questions- et cela, c’était dérangeant. Le boulot ? Trouver pour qui l’individu bossait.

Pour personne, en fait, en tous cas pas encore. Le type en question, une fois que Donovan lui était littéralement tombé dessus, lui avait dit qu’il recueillait des informations qu’il prévoyait de vendre. Il ne l’avait pas encore fait, cependant. Il avait bien contacté une… instance. Quelque chose des Brumes, mais il avait oublié sur le coup. Et la petite princesse prétextait ne pas avoir écouté à ce moment là… Bref. Il n’avait donc sûrement pas pu vendre son information, même en rencontrant ces Brumes, vu que Donovan lui avait coupé la langue.

Oui, les affaires étaient lancées…


Donovan aimait à essayer les tavernes, et après les heures passées dans sa chambre, à essayer de mémoriser ses écrits, quelques bières et un bon repas présentaient une récompense tout à fait convenable. Si sa mémoire lui jouait des tours, il espérait qu’en relisant, encore, encore, et encore, il puisse enfin retenir quelque chose.

Cela ne marchait qu’à moitié, mais c’était toujours mieux que rien. Il finit la bière qu’il avait déjà bien entamée, se leva et alla régler sa note. Il prenait rarement ses repas à l’auberge où il logeait- il aimait bien prendre l’air. Il sortit alors, et se mit à arpenter les rues de Sen’Tsura au hasard, regardant par-ci par-là étables et autres commerces. L’air était bon, et, pour une fois, il ne portait pas son armure, préférant une chemise simple et un pantalon. Par précaution, il avait tout de même prit son marteau de guerre avec lui.

Il fini, au bout d’un moment, par ressentir une certaine gêne.

Il y a une femme. Tu l’as déjà vu plusieurs fois en te retournant, mais tu oublie au fur et à mesure.

- Comme si j’y pouvais quelque chose.

Il s’arrêta, se retourna, chercha autour de lui.

Bravo, quelle discrétion…

- Je la vois ? Je suis incapable de reconnaître une personne que j’ai déjà vu.

Pourtant, elle est là. Par là, dans cette ruelle.

Donovan suivit les directives de la petite princesse, prit une petite ruelle. Il y avait bien quelques passants, mais après avoir tourné deux ou trois fois, il se retrouva dans un endroit désert, une petite place perdue au cœur de la ville. Il s’arrêta là et s’appuya sur le rebord d’une fenêtre.

Trois mois avant que Tiana ne devienne prêtresse, elle avait eu vent d'un incident concernant la Confrérie des Brumes ; un de leurs agents était revenu sans langue, complètement paniqué et condamné définitivement à ne plus parler. Il avait raconté son histoire en l'écrivant sur un parchemin, et Tiana avait décidé de mener l'enquête. Le pauvre gars n'avait rien demandé...

Prenant Sémillante, sa fidèle jument qui l'avait adoptée et qu'elle choyait, elle avait galopé jusqu'à Sen'tsura, là où le pauvre hère avait perdu sa langue. Très vite, elle avait retrouvé sa trace, et était à présent prête à se mettre en chasse.

Pendant trois jours, elle traqua celui que son camarade avait malheureusement rencontré, et finit par lui mettre la main dessus. Il semblait un peu perdu, de temps en temps, comme s'il avait des absences. Assez costaud pour un humain, barbu, aux cheveux noirs et aux yeux bleus. Très bien, cible repérée, ils allaient pouvoir discuter.

Elle le suivit un soir, se fondant dans l'obscurité pour ne pas se faire repérer, et finit par atterrir sur une place. Elle le vit assis sur le rebord d'une petite fenêtre et alla se planter devant lui, les mains sur les hanches et le regard sévère :

Bonsoir. C'est toi qui a osé empêcher un membre de la Confrérie des Brumes de faire son job ?

La femme devant lui était belle- vraiment magnifique, même, avec des yeux noirs qui lui plaisaient, de longs cheveux, de jolies lèvres… ses yeux brillèrent d’un éclat lubrique. Il n’avait jamais été un coureur de jupon, mais à chaque fois qu’il voyait une jolie fille, récemment, il ne pouvait s’empêcher de ressentir une forte excitation.

N’empêche qu’il avait pas la moindre idée ni de qui elle était, ni de ce qu’elle lui voulait. Elle le fixait, les mains sur les hanches, la mine sévère, et lui avait demandé si c’était bien lui qui avait…empêché le membre de…quelque chose.

Il se passa une main dans les cheveux.

- Merde, j’aurais dû prendre ces fiches.

Tu ne la connais pas, si c’est ta question.

- Tu es sûre de ça ?

Certaine. C’est elle qui te suivait. Tu te souviens ? Tu étais suivis.

Donovan haussa les épaules, puis planta son regard droit dans celui de la jeune femme.

- Elle dit que je ne vous connais pas, et généralement, la petite princesse ne se trompe pas.

Il se tapota une tempe d’un doigt.

- Elle a une bonne mémoire, elle. Pour répondre à votre question, honnêtement, je n’en sais fichtre rien. J’ai bien fait un peu de tord à quelques personnes récemment, mais je ne sais pas si ce dont vous me parlez est de ma faute ou pas.

Il se détacha de la fenêtre, et fit un pas en direction de la femme.

- Vous me parlez de quoi, déjà ? Quelque chose des brumes ?

Tiana haussa un sourcil en l'entendant parler tout seul. Allons bon, il était vraiment atteint... Il haussa les épaules puis se tourna vers la vampire :

Elle dit que je ne vous connais pas, et généralement, la petite princesse ne se trompe pas.

Il se tapota la tempe d'un doigt avant de reprendre :

Elle a une bonne mémoire, elle. Pour répondre à votre question, honnêtement, je n’en sais fichtre rien. J’ai bien fait un peu de tord à quelques personnes récemment, mais je ne sais pas si ce dont vous me parlez est de ma faute ou pas.

Tiana poussa un léger soupir ; bon, s'il était vraiment atteint d'amnésie, car c'était apparemment son problème, elle ne voyait pas de véritable raison de l'arrêter. Mais ce qu'il appelait "petite princesse" la fit tilter. Elle voulut lui poser la question lorsqu'elle le vit s'approcher d'elle :

Vous me parlez de quoi, déjà ? Quelque chose des brumes ?

Elle dégaina son épée et la tendit devant elle de façon à l'empêcher d'avancer davantage et déclara :

Un pas de plus et je t'embroche. Je te parlais de la Confrérie des Brumes, mais si c'est un amnésique qui s'est acharné sur mon camarade... Je laisse tomber. Dis-moi juste qui est cette petite princesse qui te parle, cela me rappelle ma déesse Nayris...

Elle baissa légèrement sa lame pour planter son regard noir dans celui de l'amnésique, curieuse de connaître sa réponse, sans pour autant ranger l'épée au fourreau. Elle tenait au respect de la distance qu'instaurait sa lame entre elle et l'amnésique, question d'éducation.

Dès qu’il s’approcha, la femme dégaina sa lame et vint l’agiter sous son nez, avec un air menaçant sur le visage. Ce qui amena un sourire sadique sur le visage de Donovan. Question : s’il essayait de la tuer, à quel point le combat serait rude ?

- Qui que vous soyez, menacer quelqu’un avec une lame lors d’une première rencontre, ce n’est pas… Et merde, j’ai oublié ce que je devais vous dire.

Il recula d’un pas, leva les mains en l’air, un sourire narquois toujours sur son visage.

- Vous me parliez de la petite princesse, hein ? C’est bien…

Silence ! Ne parles pas de ceci en pleine rue. C’est le meilleur moyen de te faire arrêter.

- Ce n’est pas si…

Donovan, au moins quelques fois de temps en temps, écoutes-moi !

- Bon, bon. Tu as probablement raison. Vous, heu… elle dit qu’il ne faudrait pas parler de ça en plein milieux de Sen’Tsura.

Il jeta un regard autour de lui- il n’y avait personne. Mais certaines des fenêtres, dans les habitations qui les entouraient, étaient ouvertes. Il fit un signe de tête vers l’une d’elles.

- On ne sait jamais qui écoutes. Et il y a des choses, ici, qu’il faut taire.

Menons là à l’auberge.

- Laquelle ?

N’importe laquelle sauf celle où tu loges…

Il hocha la tête.

- Ecoutez, fit-il. Voici ma proposition : trouvons nous une auberge, sans trop de monde. Nous parlerons à loisir, dans notre coin, en étant certains que personne ne nous entend.

Bon, apparemment parler de la "petite princesse" sur une place, alors qu'ils étaient seuls, n'était pas une bonne idée. Tiana rengaina son épée pendant que l'Amnésique - faute de connaître son nom - lui lança après un petit monologue avec sa petite voix intérieure :

Ecoutez. Voici ma proposition : trouvons nous une auberge, sans trop de monde. Nous parlerons à loisir, dans notre coin, en étant certains que personne ne nous entend.

Une auberge sans trop de monde, hein ? Tiana esquissa un sourire et fit demi-tour en lançant :

J'en connais une où il n'y avait pas grand-monde, suis-moi l'Amnésique.

D'une démarche impérieuse, elle se rendit jusqu'à la dite auberge, prenant soin de raser les murs lorsqu'il y avait de la lumière à proximité, et mena l'Amnésique jusqu'à une table la plus éloignée de l'entrée, à l'écart des autres personnes. Elle fit signe au tenancier - un homme bourru - d'apporter deux boissons pour elle et son compagnon d'aventures, puis se pencha vers lui et lui demanda :

Bon, maintenant qu'on est dans une auberge loin de toute oreille indiscrète, c'est qui cette petite princesse ? Parce que si c'est ce que je crois... J'ai peut-être un moyen de te faire pardonner ton "crime" dont tu ne te souviens pas.

Sacrée Nayris, toujours aussi joueuse avec les âmes qu'elle renvoyait sur la terre... Il n'y avait bien qu'avec Tiana que Nayris ne s'était pas vraiment "amusée" comme à son ordinaire, sauf peut-être en lui demandant de tuer Caïn, premier vampire, pour Elle...

L’Amnésique… il n’était pas certain d’apprécier le surnom, mais après tout, il lui fallait bien admettre que ça le définissait bien. L’air autoritaire qu’elle arborait suscitait en lui des pulsions meurtrières, et il était bien en peine de se contrôler.

Retiens toi, Donovan… Elle n’a pas l’air mauvaise, et semble tout disposée à t’écouter…

Aussi suivit-il sans un mot. Sa mémoire flanchant, les pulsions meurtrières allaient et venaient à leur guise- il les oubliait, puis les retrouvait en voyant la démarche et la beauté de la femme. Mais toujours, la petite princesse des limbes étaient là pour le rappeler à l’ordre.

Quand il arriva dans une auberge, et qu’ils trouvèrent une place discrète, il avait complètement oublié qui était cette femme, et ce qu’il venait faire là. Mais il décida que c’était une amie lorsqu’elle commanda deux boissons, pour lui et pour elle.

- Bon, maintenant qu'on est dans une auberge loin de toute oreille indiscrète, c'est qui cette petite princesse ? Parce que si c'est ce que je crois... J'ai peut-être un moyen de te faire pardonner ton "crime" dont tu ne te souviens pas.

Il leva un sourcil interrogateur.

- Bah pour être francs, je ne sais même pas qui tu es, ni de quoi tu parles, et encore moins ce qu’on fiche ici. Mais vu qu’on trinque ensembles, j’imagines que je…

Non, ce n’est pas une amie. Méfie toi.

- Ha. Elle me dit de me méfier.

Il se tapota la tempe.

- C’est elle qui décide. Tavernier ?

Il lui demanda un parchemin, une plume et de l’encre. L’homme grogna, mais obtempéra, lui apportant son matériel de mauvaise qualité. Donovan baissa alors la voix et se pencha vers la femme.

- Il est des choses qu’il faut taire, ici, à Sen’Tsura. Je n’ai aucune idée de ce dont tu parles. Une petite princesse ?

Il secoua la tête.

- Montres-moi d’abord que tu l’adores. Et que tu n’es pas à la solde de l’Empire. Pour autant que je sache, tu peut tout aussi bien être une prêtresse de Nayris qu’une sbire d’Aile Ténébreuse cherchant d’éventuels hérétiques.

Bon, l'Amnésique n'avait pas l'air de vouloir discuter. Il lui demandait même une preuve qu'elle l'Adorait :

Montres-moi d’abord que tu l’adores. Et que tu n’es pas à la solde de l’Empire. Pour autant que je sache, tu peut tout aussi bien être une prêtresse de Nayris qu’une sbire d’Aile Ténébreuse cherchant d’éventuels hérétiques.

Oh, très bien, puisqu'il voulait jouer à ça, Tiana allait se faire un plaisir de lui raconter son sacrifice pour Elle :

Je dois être la seule de tous les Adoratrices à m'être sacrifiée pour Elle afin de permettre à l'un de Ses Adorateurs les plus zélés de devenir Élu du Bras-Armé. Et Nayris a tellement apprécié mon geste qu'elle m'a renvoyée sur terre avec une mission : tuer Caïn. Et je le ferai, dussé-je y passer l'éternité pour le trouver et le tuer pour Elle. Et étant une vampire, j'aurais été suicidaire de ne pas l'Honorer comme il se doit.

Elle avait sifflé, comme un serpent, et s'était approchée comme un félin pour se faire un peu plus menaçante. Puis elle reprit contenance et se rassit dans sa chaise avant de croiser les jambes et les bras et de reprendre, un peu boudeuse :

Quant à l'Empire... C'est quand même à cause de lui que j'ai dû renoncer à mes terres et à les rendre à mes parents.

Si la petite voix qui lui parlait dans son esprit était bien Nayris, l'Amnésique saurait que Tiana ne mentait jamais sur ce genre d'informations. Et de toute façon, s'il refusait de répondre, elle pourrait toujours régler son compte en l'expédiant ad patres pour avoir mutilé un membre de la Confrérie des Brumes...

La hargne de la jeune femme, tant dans les mots que dans sa voix et ses gestes, convainquirent Donovan. Et puis, il ne voulait pas se poser plus de questions.

- Tu en penses quoi ?

J’en penses que ses paroles sont vraies. Si tu demande d’autres preuves, que veux-tu qu’elle t’apporte ? Elle ne va pas se trucider devant toi non plus.

- Vrai.

Il se pencha en avant, amusé de la mine boudeuse de la jeune femme.

-Bon, je parles. Je me nommes Donovan Esylandre. J’ai bien quelques brides de souvenirs de ma vie d’avant : j’étais archer, aux Glaces, et j’avais une épouse. Elle est morte, et je suis mort moi aussi. Mais pas en même temps. Je suis mort bien plus tard, mais impossible de me souvenir de tout ce qu’il y a entre sa mort et la mienne.

Il prit une gorgée.

- Je n’ai donc pas la moindre idée de comment je suis mort. Peut-être en me sacrifiant, ce serait bien. Mais j’en doute. Je ne sais même pas si j’aimais tant la petite princesse avant. J’ai erré dans les limbes- ça je m’en souviens. Longtemps, et puis je l’ai rencontrée. J’étais à elle, de suite. Son jouet : j’ai accepté d’être son jouet. Je suis à elle, corps et âme. Je lui ai fais une promesse : je lui apporterais de quoi la divertir. Et je la libèrerais. Elle m’a renvoyé à la vie pour ça, et m’a donné un cadeau.

Son regard se glaça.

- Je veux qu’elle vienne. Que le monde tombe sous sa coupe. Elle est Petite Princesse des Limbes, et Reine de Tout.

Il se redressa, et posa un doigt sur sa tempe.

- J’entends encore sa voix me parler. Dans ma tête. Elle me guide, me rappelle certaines choses. Je ne suis rien sans Nayris. Enfin…

Il haussa les épaules.

- Au risque de la contrarier, je ne peux être certain que ce soit vraiment elle qui s’adresse à moi. J’ai bien conscience de mon état : peut-être que je déraille encore. Mais qu’importe. J’ai trouvé le moyen de lui offrir de la souffrance. De lui apporter des âmes. Et je ferais tout, et j’oeuvrerais ici même au cœur de l’Empire du Démon, pour lui apporter la victoire.

Il posa un doigt sur ses lèvres.

- Mais pour cela, il faudra que ça reste entre nous.

Les bras toujours croisés, Tiana montra un masque impassible lorsque l'Amnésique se décida enfin à causer :

Bon, je parles. Je me nommes Donovan Esylandre. J’ai bien quelques brides de souvenirs de ma vie d’avant : j’étais archer, aux Glaces, et j’avais une épouse. Elle est morte, et je suis mort moi aussi. Mais pas en même temps. Je suis mort bien plus tard, mais impossible de me souvenir de tout ce qu’il y a entre sa mort et la mienne.

Un gus mort et revenu grâce à Elle... Intéressant. Il but une gorgée et reprit :

Je n’ai donc pas la moindre idée de comment je suis mort. Peut-être en me sacrifiant, ce serait bien. Mais j’en doute. Je ne sais même pas si j’aimais tant la petite princesse avant. J’ai erré dans les limbes- ça je m’en souviens. Longtemps, et puis je l’ai rencontrée. J’étais à elle, de suite. Son jouet : j’ai accepté d’être son jouet. Je suis à elle, corps et âme. Je lui ai fais une promesse : je lui apporterais de quoi la divertir. Et je la libèrerais. Elle m’a renvoyé à la vie pour ça, et m’a donné un cadeau.

Trèèèèès intéressant. Il continua comme quoi il voulait absolument qu'Elle revienne en ce monde, et il avait l'air vraiment motivé pour La servir. Parfait ! Une recrue de choix pour les Adorateurs... Elle sourit lorsqu'il lui glissa qu'il fallait que ça reste entre eux, et répliqua :

Ce n'est pas comme si j'allais m'amuser à le crier sur tous les toits... Mais puisque tu sembles prêt à vouloir La servir, laisse-moi te conduire jusqu'à l'un de nos Elus, qui sera plus à même de vérifier que tu vas bien La servir...

Elle se pencha vers lui et chuchota :

Un petit voyage en Adhès, ça te tente ?

Puis elle reprit sa place, comme si de rien n'était, un grand sourire aux lèvres. Un protégé de Nayris de plus dans leurs rangs, ça ne peut qu'être bénéfique pour eux. Il avait juste intérêt à se contenter de La servir, quitte à mourir pour Elle. Car rien ne devait entraver le retour de Nayris sur Terra, rien.

Donovan apprit un sentiment nouveau- le respect. Un profond respect, pour cette femme qui ne signifiait rien pour lui, mais qui voulait œuvrer pour le retour de Nayris. Il n’avait pas su que des gens travaillaient ensemble pour qu’Elle revienne. Que des gens se battaient pour elle. Il n’était pas seul, et s’il en éprouvait une pointe de jalousie, au fond, c’était mieux ainsi.

Et maintenant que la jeune femme avait gagné son respect, il lui faisait entièrement confiance- et il ne se méfia nullement d’un voyage en Adhès. Ni de rencontrer un des ces Elus dont elle parlait. Si cette femme se battaient pour Nayris, alors ils étaient frères d’armes. Il ne savait pas pourquoi, mais ce sentiment le remplissait de fierté.

Il avala ce qui restait de sa choppe d’une traite, non conscient de la transformation qui venait de s’opérer. Comme d’habitude, l’Ombre-Sang en lui se manifestait sans qu’il s’en rende compte.

- D’accord, fit-il. Je te crois. Laisse moi juste…

Il écrivit alors quelques notes sur la conversation qu’il venait d’avoir avec la jeune femme.

- Je ne connais pas ton nom, d’ailleurs, fit-il négligemment en rédigeant ses notes.

Il reposa sa plume alors que l’apparence d’Ombre-Sang s’estompait pour le faire redevenir humain.

Il faut planifier le voyage.

- Il faut planifier le voyage.

Personne ne doit te voir. Tu dois t’embarquer discrètement, à l’abri des regards. Tu continuera à payer ta chambre à l’auberge, et tu ne reverras pas cette femme jusqu’à ce que tu partes.

- Personne ne doit me voir. Je veux embarquer, ou partir discrètement. Nous ne devons pas nous revoir jusqu’à la date fatidique. J’accepte avec une grande joie de rencontrer vos élus à en Adhès, mais il faut planifier tout ça minutieusement. Je sais que ce sera compliqué avec ma cervelle actuelle, mais il faudra faire avec. Si nous pouvions partir de nuit, et cachés, voir clandestinement à bord d’un navire…

Tiana sut assez vite qu'elle avait marqué un point auprès de Donovan. Il finit sa choppe de bière en une traite, avant d'attraper la plume et le parchemin que l'aubergiste lui avait apportés et se mettre à écrire en lui répondant :

D’accord. Je te crois. Laisse moi juste…

Il écrivit quelques mots puis lui signala qu'il ne connaissait pas son nom. Tiana sourit et répliqua :

Pour que tu l'oublies aussitôt après te l'avoir dit ? Pas la peine. Mais si tu insistes, je m'appelle Tiana.

Il reposa sa plume et déclara :

Il faut planifier le voyage. Personne ne doit me voir. Je veux embarquer, ou partir discrètement. Nous ne devons pas nous revoir jusqu’à la date fatidique. J’accepte avec une grande joie de rencontrer vos élus à en Adhès, mais il faut planifier tout ça minutieusement. Je sais que ce sera compliqué avec ma cervelle actuelle, mais il faudra faire avec. Si nous pouvions partir de nuit, et cachés, voir clandestinement à bord d’un navire…

Tiana réfléchit quelques instants, avant de se pencher à nouveau vers Donovan et lui chuchoter à l'oreille :

Je comprends tout à fait, moi-même, de part ma nature, je dois me faire discrète et je voyage souvent à la faveur de la nuit. Dis-moi quand tu es prêt à partir, je viendrais te chercher. En ce qui me concerne, je suis venue à cheval, mais je ne doute pas que Sémillante ne t'accepte pas comme passager supplémentaire, tant que tu ne t'amuses pas à la titiller...

- Je me tiendrais tranquille, promit Donovan.

Il se leva.

- Retrouvons nous demain soir, à la tombée de la nuit, devant cette auberge même. Enfin, de l’autre côté de la rue. Et nous pourrons y aller. Je file- je dois organiser quelques affaires.

Il fit un léger signe de tête, avant de tourner les talons et sortir de l’auberge, sans dire un mot de plus. Nayris le ramena à la taverne, où elle le força à relire ses notes. Le temps qu’il arrive à sa chambre, il avait déjà tout oublié de sa journée- et la petite princesse ne voulait pas qu’il rate ce voyage.

Il paya également sa chambre à l’avance : le tavernier la lui garderait, et il promis de payer les éventuels surplus de location si le voyage durait plus longtemps que prévu. Il donna ses consignes : si on le demandait, il était malade, et ne pouvait voir personne.


Il passa la journée entière dans l’auberge dans laquelle il avait rencontré Tiana la veille. Il avait noté le voyage, la discussion, le lieu… mais avait oublié l’heure, et la voix dans sa tête s’était amusé à se taire. Il but, mangea, prit une chambre avec compagnie…

Et le soir vint sans même qu’il ne s’en rende compte, les vapeurs de l’alcool embrumant son cerveau.

Il est temps.

Il était encore assis dans l’auberge.

- Temps pour ?

Aller dehors. Rejoindre Tiana. Il est temps.

Alors l’amnésique se leva, régla sa note. L’air frais vint le heurter de plein fouet- et en face de l’auberge, dans l’obscurité, une silhouette sombre.

Tiana adressa un sourire poli à Donovan lorsque celui-ci se leva quelques instants plus tard :

Retrouvons nous demain soir, à la tombée de la nuit, devant cette auberge même. Enfin, de l’autre côté de la rue. Et nous pourrons y aller. Je file- je dois organiser quelques affaires.

Très bien, j'y serai. Bonne nuit.

Puis elle le laissa partir, restant dans l'auberge pendant quelques temps, histoire de lui laisser le temps de disparaître, avant de payer les consommations et de retourner auprès de Sémillante, qui l'avait retrouvée alors qu'elle l'avait laissée un peu en liberté devant la cité. La jument réclamait de l'attention, et Tiana lui en donna avec plaisir, lui flattant l'encolure et l'emmenant vers la première écurie qu'elle trouva, la confiant à un garçon d'écurie en lui disant :

Prenez soin de Sémillante, nous vous en serons reconnaissantes toutes les deux.

Puis elle alla se payer une chambre, après avoir lancé une piécette au garçon, et s'allongea sur le lit, un léger sourire aux lèvres.


Le lendemain, elle passa la journée à l'ombre, avec Sémillante, attendant que la nuit tombe pour rejoindre le lieu du rendez-vous avec Donovan. De par sa nature de vampire, elle ne pouvait se risquer à la lumière du jour, autant rester à l'ombre en attendant.

Le soir venu, elle enfourcha Sémillante et la guida vers l'auberge du rendez-vous avant d'attendre Donovan comme prévu. Elle le vit sortir de l'auberge et attendit qu'il en soit assez éloigné pour sortir de l'ombre :

Pile à l'heure à ce que je vois. Monte et filons d'ici, la route sera longue.

Elle monta à nouveau sur la croupe de Sémillante et tendit la main à Donovan pour l'aider à monter. Il n'était plus l'heure de traîner à Sen'tsura, désormais.