C'était cette même sensation que d'être brutalement réveillé dans les premières heures du matin, au cœur du sommeil profond. On s'interroge alors sur la raison de notre éveil. Or cette fois-ci, c'était plus compliqué. Er 'tan commençait par se demander où il était, tant la situation semblait surréaliste. Des ergs à perte de vue, s'effritant lentement sous les brises du Simoun D'jah. Il avait beau se tourner dans tous les sens, il n'y avait rien à part un néant de sable. Mais pour un désert, il faisait froid, et c'est alors qu'il comprit. Les derniers évènements l'atteignirent, tout était clair. Et c'était terrifiant. Ce n'était pas la première fois qu'il côtoyait l'au-delà, mais cette fois-ci, il ne se souvenait de rien. Le sinistre « nihil » de l'après vie qui inquiétait tant les vivants. Son étonnement était tel qu'il n'avait même remarqué la silhouette surdimensionnée qui le surplombait au sommet d'un erg qui s'effritait plus vite que les autres. Celle qu'il avait tant vénéré jadis lui confirma sous soupçons, et lui proposa, une deuxième chance. Sans doute avait-elle besoin de lui, bien qu'il ne comprenne pas en quoi, tant il s'était montré incompétent autrefois.
En effet, l'ancien Élu du Bras Armé dont les efforts avaient longtemps été vain, hésitait à remettre les pieds dans le monde des vivants. Déjà, il se demandait si c'était là réellement un présent, « une deuxième chance », que de retourner dans un monde cupide et méchant. Pourquoi revenir ? Alors qu'en récompense de ses multiples travaux, il n'avait récolté que la déchéance et la mort. Il n'est plus rien, il a tout perdu, et pourtant, il doit revenir ?
Mais sans doute Er 'tan sait ce dont la grande maîtresse est capable quand elle est irritée, et si c'est là une bonne idée, que de décliner son offre. Car est-ce réellement une offre ? Ou bien un ordre… Il se sent piégé, il étouffe tant l'injustice est grande ! Mais un détail refait surface. Peut-être n'a-il pas tout perdu. La Nécropole. Ses fidèles sont peut-être toujours là. La partie est risquée, mais comme le disait son maître, il n'y a pas de victoires sans sacrifices.
Et alors, il se résigne à tenter le coup. Rejoindre la Déesse sur son trône de sable ? Une partie de plaisir, à peu de choses prêts. L'ancien Baron des Terres Infectées observe la dune qui s'effrite et décide d'y courir en diagonale, plutôt que de tenter la face frontale.
Il prend alors ses jambes à son cou, et s’élance, en vain, puisqu'un écroulement soudain de la paroi l'envoie sept mètres plus bas, à son point de départ. La Déesse éclate de rire. Il se ressaisit, et s'élance, de la même manière, mais dans le sens inverse, pourquoi ? Aucune idée, qui ne tente rien n'a rien se dit-il. Cette fois-ci, alors qu'il approche du sommet, la partie supérieure s'effondre d'une dizaine de mètres de large, c'est pire. Entraîné dans sa chute par l'avalanche rougeâtre, il tourne sur lui-même jusqu'à parvenir au plus bas. Tout lui retombe dessus, il est ensevelit. Le sable lui rentre dans les yeux, dans le nez, il suffoque. La Déesse rit encore plus fort, elle le supplie de recommencer. « Taquinez maîtresse » Pense-il, « Nous verrons qui sera le gagnant, à long terme.. »
Er 'tan semble désespérer, bien que ça ne lui ressemble pas. Nayris du haut de sa dune, continuer de se moquer et de le pousser à bout. Il se relève et se débarbouille vivement, mais le tournis le prend soudain. Il s'effondre sur le dos d'un trait. Il est complètement perdu. Les minutes passent, cela lui semble une éternité, il est à bout. Soudain un bruit familier attire son attention derrière lui. Il lève les yeux, et croit voir un cheval volant. Il les referme, les rouvre, se relève d'un bon et fixe avec incompréhension son palefroi qui le regarde, les sabots flottants dans le vide. Il reste là un moment, se demandant d'où vient ce prodige puis s'exclame : « Porte-Cendre ? » Le cheval hulule et baisse la tête ; il luit fait signe d'approcher. La bête qui vole au dessus du sol s'avance vers lui, comme si elle descendait une pente. Le Dévot en selle, il ordonne pour la première fois, à son noble palefroi d'aller « vers le haut ». Le cheval obtempère, bien qu' Er 'tan n'y croit pas. Il s'exerce à le diriger à droite, à gauche, en arrière, au dessus du sol. Il se résigne alors à y croire. Puis, fixant la butte depuis laquelle la Déesse l'observe, il fait claquer les rênes aussi naturellement qu'autrefois : « Allons mon brave, nous somme invité à vivre. »