Bonjour toi.

Cela me fait chaud au cœur de te retrouver car je t’avais perdu durant des mois. Je te prie de m’excuser mais je t’avais oublié pendant tout ce temps. J’ai beaucoup de chose à te conter et tu jugeras si les doutes qui occupaient mon esprit sont une excuse acceptable pour mon impardonnable oubli.

Il me semble que je t’avais laissé sur mon inquiétude au sujet de père. Il mange gras, boit beaucoup d’alcool et veille tard lors de festin fréquent. Je ne vois pas bien le problème qu’il y a à cela même si j’ai bien senti que ces activités avaient une connotation négative. Il semblerait que l’alcool soit mauvais pour la santé, ce qui n’empêche pourtant pas sa consommation fréquente. C’est un paradoxe que j’éclaircirais plus tard cependant. Là où je voulais en venir est sa nouvelle lubie de me marier.

Il m’a expliqué le concept, même si je le connais plutôt bien puisque presque toute ma bibliothèque en parle à un moment où un autre. Pourtant, il y a une différence notable dans le fait que l’amour est tout à fait secondaire pour une personne de mon rang et que c’est lui qui choisirait mon époux pour unir notre maison au meilleur partie. Comme d’habitude, j’ai menacé de faire souffler mon vent du nord jusqu’à ce que je tombe malade. Il n’a pas cédé. Moi non plus. Mitgjörn a soufflé et j’ai dû être alité.

C’était une erreur. Mes caprices fonctionnaient lorsque j’étais enfant mais il va falloir que je trouve de nouvelles méthodes ; l’inefficacité des anciennes étant de plus en plus flagrante. Tandis que je tenais une nouvelle fois le lit, mon père œuvrait de son côté, immergé dans son objectif.

Il ne tarda pas à me convoquer lorsque je me fus rétablie. Ce jour-là, ma suivante m’avait particulièrement mise en valeur, me présentant ma plus belle robe et passant plus de temps sur ma coiffure que de coutume. Cependant, ça n’avait pas suffi à me mettre la puce à l’oreille car ma surprise fut grande lorsque, dans le hall du palais, je fus mise nez à nez avec celui que l’on me présentait comme mon fiancé et son père. « Si les dieux le veulent » pour reprendre l’expression de père à ce moment-là. A cette annonce, un homme d’âge mûr que je reconnaissais comme le seigneur Vahl, son fils, et mon père se mirent à me fixer avec attention. Bien que je ne sois pas une experte en lecture des sentiments, je pus facilement lire une colère contenu chez mon père qui semblait me défier de faire un esclandre.

Inconsciemment, j’avais déjà tendu ma main vers le jeune homme qui me toisait avec impassibilité. Même maintenant, je ne sais pas ce que furent ses sentiments à mon égard. Il resta un long moment avant de comprendre ce que je faisais ainsi, le bras tendu, puis comme si une mouche le piquait, il me baisa finalement la main. Cela me donnait le temps de jeter un autre coup d’œil à mon père qui semblait se détendre. Je leur souhaitai ensuite la bienvenue et leur fit mon plus beau sourire.

Tu t’attendais surement à ce que je rejette mon prétendant avec force caractère ? Comme je te comprends, mais il était hors de question que je fasse honte à ma maison et surtout à mon père. Je ne peux pas le trahir. Je n’y arrive pas. De toute façon, je ne pourrai pas me passer de la régence d’un homme pour régner. Alors peut-être m’y résoudrais-je.

Il ne m’a pas parlé de tout le souper. Moi non plus. Tandis que nos père braillaient et buvaient en contant les faits d’armes qu’ils avaient en commun. Ce fut un diner très ennuyeux auquel je ne pus m’éclipser, malheureusement. A la fin de celui-ci, les pages apportèrent les accords à signer car les Vahl devaient repartir dès demain à l’aube. Je ne connais pas trop les détails mais j’ai cru comprendre qu’en échange de ma main, le domaine des Vahl s’ajouteraient à notre baronnie. L’affaire était donc entendue. J’allais épouser un parfait inconnu, pour prix de mon dévouement à ma maison.

Pourtant, peu après le repas, mon fiancé est tombé malade. Je n’ai pas été autorisé à rejoindre son chevet mais l’on m’a annoncé sa mort au milieu de la nuit. Face au seigneur Vahl accablé et moi, mon père a invoqué le poison qui l’avait tué et le traitre d’assassin qui s’était enfui. « C’est un agent des Grimör qui veulent empêcher une alliance entre nos deux familles. Qu’à cela ne tienne. Ce soir, ils ont échoué et subiront la vengeance de l’amitié qu’ils ont essayé de détruire » a-t-il tonné en tentant de consoler le seigneur Vahl.

Ce discours m’enflammait les sangs comme jamais. Je n’étais pas dupe. Je reconnaissais le vent mauvais de mon père. Ce vent que je refusais d’apprendre malgré son insistance. C’était lui qui avait tué ce pauvre jeune homme de la façon la plus fourbe qui soit. Ce monstre avait tout manigancé pour s’octroyer toujours plus de possession.

-Vas te coucher, petite fleur.

Je crois que c’est ce qu’il m’a dit lorsqu’il a lu ma colère. Et qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai obéis. J’ai souhaité toute mes condoléances au seigneur Vahl en espérant que mes mots ne restent pas coincés dans ma gorge, submergés par les pleurs que je sentais venir, puis je me suis enfuie dans mes appartements.

J’ai honte de moi. Si je me dévoue pour l’honneur de ma famille, mon père me fait honte. Je sens que ma fidélité s’atténue, ainsi que mon sens du devoir. Peut-être devrais-je vivre selon mon propre sens de l’honneur. Je ne me sens pas capable de m’illustrer par moi-même, mais je ne serai plus souillée par les manœuvres politiques de mon père.

Voilà, c’est tout ce qu’il y a de neuf depuis que je t’ai retrouvé sous mon lit. Maintenant, je vais peut-être relire d’autres anecdotes que j’ai conservées dans tes pages. Cela me changera les idées de m’offrir un peu de Nostalgie et de rire de ma plume qui était jadis si grossière.

Bien à toi, cher journal.

Lynn