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 Une fringale côtière. [Pv : Jihad]

 
Une fringale côtière. [Pv : Jihad] Sand-g10Lun 3 Mar - 10:34
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Après des mois dans les ruelles mortifères des quartiers pauvres de la splendide Sen'tsura, Aslan avait cédé aux pressions de la confrérie des brumes. Sa présence dans les alentours de la capitale avait été remise en cause, et ce n'était pas sans regret qu'il avait quitté son repaire tout juste établi et rentable. Des années à mutiner sur les mers, puis à voler dans les poches et les demeures des dandys de la cité, et il était de nouveau sur les grands chemins avec pour seule compagne sa solitude qui paraissait le coller comme son ombre, quoique le doux goût de la vengeance à venir lui faisait oublier de son amertume. La confrérie avait été sincère et lui avait remis le nom pour lequel il avait accordé de se retirer, ainsi que la dernière localisation de son propriétaire ; le port d'Aeb, autant dire le lieu de fréquentation de tous les vieux chacals de l'océan. Un torrent d'opportunités pour qui savait prêter l'oreille et graisser la bonne patte.

Il fallait croire que la chance lui sourait dernièrement, et il s'en méfiait évidemment ; le sort s'était toujours moqué de lui en lui retirant sans cérémonies ce qu'il lui avait offert. Un navire partait tout juste des côtes de Terre quand il arriva au port. Quelques sous et les derniers problèmes qui entravaient sa montée à bord s'envolèrent comme poussière balayée par le même vent qui gonflait les voiles de l'embarcation. Etrangeté parmi les humains, il se fit sa place dans les cales, s'adossant dans un coin assombri, gardant un oeil sur tous. Des années d'affrontements lui avaient enseignées que les hommes craignaient d'instinct les races telles que la sienne, c'était souvent les crocs et les griffes qui étaient à l'origine de cette crainte, qui paraissait donc fondée. Ainsi, il se contenta de jeter un mauvais regard à ceux qui posaient trop le leur sur lui, et s'allongeant dans les ombres de sa place, laissa le navire le mener jusqu'à sa destination, bercé par les flots doux de la région.

Le port d'Aeb, autant cité pirate que commerciale, n'avait pas changée, et avait même surement grandie. Il y avait des lieux que la guerre n'entamait pas, mais nourissait. Les quelques jours qu'ils avaient passés à longer les côtes du continent avaient été assez tranquilles et Aslan n'avait pas eu à se plaindre d'un quelconque fouineur. Son bagage vide des quelques vivres qu'il avait emportés, il porta son intérêt sans plus tarder sur les échoppes les plus proches. Aeb était une fourmilière, une bouche ouverte sur un océan clair et dégagé, aux gorges ruisselantes de vie. Ses moindres ruelles débordaient d'une vie propre aux habitants de feu, et dans toute la froideur et la dureté que lui avaient imposé les évènements de sa vie, Aslan profita malgré tout de l'instant, goûtant à la chaleur du lieu sans pour autant oublier de garder un oeil sur ses poches... et celles des autres.

Il s'installa sur l'un des quelques tabourets qui faisaient face au comptoir d'un des petits restaurants, pas plus de trois ou quatre sièges qui se battaient en duel pour offrir aux intéressés le privilège de goûter à de la viande d'hippôme. Les vapeurs et fumées de la cuisine s'échappaient dans la ruelle juste au dessus des têtes des clients, longeant le mur des rues escarpées, s'envolant en tourbillons, balayés par les vents, disparaissant au profit des appels des marchands. La rue était pavée et pas idéale pour faite tenir le tabouret en place, mais la satisfaction de mordre dans la chair lui fit bien vite oublier l'inconfort de la pente. Rendant à son corps la vigueur qui l'animait d'ordinaire, il profita de son morceau en jetant un oeil vers le port, sur lequel il avait une vue directe depuis le comptoir. A chaque instant, un navire sans pavillon y débarquait, des mains se serraient et cachaient avec bien de mal des affaires louches dont tout le monde s'était accommodé. L'endroit puait à plein nez les affaires, et l'espace d'un instant, Aslan s'interrogea sur la raison qui avait pu l'amener à fuir un tel lieu, à croire que la lie dans laquelle se complaisaient les habitants de Sen'tsura l'avait atteint pour lui faire perdre toute cette ambition qui lui était naturelle, et qui transparaissait si bien ici.

Il aurait bien continué à se régaler autant de la vue que de son morceau de choix, à ressasser son passé comme les vieux chaïks le faisaient, mais la désobligeante silhouette d'un garçon vint gâcher sa réflexion. Face à lui mais à quelques mètres, des sourcils épais soulignaient le regard intrigué mais déterminé d'un jeune homme du désert, ses prunelles de jais rencontrant celles, bien plus animales et colorées, d'Aslan, qui s'arrêta de mâcher quelques secondes avant d'avaler bruyamment.

« - Qu'est-ce que tu me veux, l'humain, balança-t-il après avoir claqué sa langue, satisfait de son morceau. »

Aslan était la dernière personne qu'on avait envie d'embêter. Assis et arqué sur son tabouret, ses formes sauvages n'en restaient pas moins menaçantes. Il était vêtu d'une armure de mercenaire en cuir, marquée par les coups d'une vie et dont chaque poche et emplacement disponible était occupée par une arme, poignard et couteaux de jet. Cela faisait également longtemps qu'il ne s'était pas fait une beauté, et son poil n'était donc plus recouvert des marques tribales habituelles qui décoraient son corps. Sa crinière sale se laissait porter paresseusement au vent qui remontait de la mer, mais ses oreilles et son cou n'en étaient pas moins parés de ses bijoux d'os qu'il affectionnait. Aux yeux d'un ashrani, il aurait été négligeant, mais cette sauvage désinvolture trouvait dans le regard des humains, et autres, les échos d'une certaine impression.

Théodore Svalt

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Une fringale côtière. [Pv : Jihad] Sand-g10Mer 5 Mar - 18:39
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Il n’était plus revenu depuis si longtemps ; des années qu’il n’avait jamais eu le cœur de compter, encore attaché à sa terre d’origine, quand bien même les obligations qui l’incombaient à l’époque – et l’incombaient toujours, s’il prenait le temps d’être honnête – tâchaient inlassablement toutes les minutes nostalgiques qui perdait à repenser aux siens du haut de sa mâture. Jihad n’aurait probablement jamais pris le temps de faire escale à Aeb, d’ailleurs, si les faits n’étaient pas allés à l’encontre de son égoïsme : les décès étaient célébrés, à Ras-el Khatt. Sa sœur aurait voulu avoir une cérémonie comme tous ses ancêtres avant elle, honorant sa mémoire et dispersant ses cendres à la faveur du désert qui les avait vus grandir. Bien sûr, au-delà de la mémoire de Lenore qu’il souhaitait honorer bien plus encore que de se soumettre à son besoin de liberté, ils avaient toujours été tous deux profondément attaché à leurs parents et ces derniers méritaient de savoir ce qui était arrivé à la moitié des jumeaux. Quant à la seconde.. Jihad n’était pas encore certain de rester assez longtemps pour le leur raconter.

Débarquant sur le port animé d’Aeb, Jihad inspira un grand bol d’air vicié, savourant ces odeurs d’épice qu’il n’avait su retrouver nulle part ailleurs, pas même dans les boutiques les plus fournies de Sent’sura qu’il s’obstinait à visiter à la recherche d’un fantasme. Le soleil brûlait déjà sa peau basanée et s’il n’avait pas à cœur de posséder une quelconque notion d’attache l’éphémère dut admettre de sentir chez lui. Dernièrement, depuis le décès de Lenore à vrai dire, le poids de l’indépendance accablait ses épaules et Jihad connaissait pour la première fois la peur de la mort ; pire, il craignait de disparaître seul, à l’insu de tous et surtout des siens. Il se sentait terriblement vieux, infiniment las, et la peur lui déchirait les entrailles alors qu’il se demandait quel accueil on lui réservait à Ras-el Khatt. Probablement chaleureux, mais Jihad ne préférait pas s’avancer et décida de s’accorder une pause déjeuner autant pour se remettre de la traversée que pour se préparer à la suite. Le réconfort s’échouait dans peu de choses mais, ironiquement, il ne le trouverait pas autant dans son escale que de la rencontre qu’il ferait à ce moment-là.

Il se remarquait de loin : imposant, poilu et à la vue de tous, dominant les allers et venues grouillant devant le restaurant dans lequel il était installé, Jihad ne pouvait pas le manquer. En fait, il tomba presque nez à nez avec lui, s’immobilisant au milieu de la foule qui n’hésita pas à le bousculer sans réussir à lui faire détourner les yeux. Un souvenir lointain le frappa brusquement tandis que son visage impassible se striait d’un éclair de réalisation. Le nomade avait probablement l’air stupide mais ne le réalisa que lorsque chaton (♥) l’interpella, le prenant de court tandis que Jihad réalisa qu’il venait de s’écouler de longues secondes.

« - Vous êtes un Ashrani. ce n’était pas une question ; loin de se perdre dans la curiosité mal placé que l’on pouvait prêter à sa déduction, Jihad observait le gros chat avec pudeur, presque méticuleusement, détaillant son pelage de ses yeux sombres sans une once d’indiscrétion – ou, tout du moins, si son vis-à-vis n’avait rien contre cela, mais quelque chose disait au nomade que celui-ci n’était pas étranger à l’étonnement des badauds. »

S’il hésita une seconde l’éphémère se décida enfin à franchir les quelques pas le séparant du comptoir sur lequel déjeunait la source de son émerveillement. Cette fois-ci, sûrement, son geste pouvait se montrer intrusif, mais Jihad ne le réalisa pas : il y avait si longtemps qu’il avait eu le loisir de croiser le représentant de cette race si singulière, tant qu’il n’en gardait qu’un vague souvenir juvénile qu’il n’était pas persuadé de ne jamais avoir rêvé. Il se trouvait encore en Feu lorsque la tragédie frappa ces guerriers du désert et, si cela le laissa de marbre à l’époque, il réalisait désormais quel génocide ils avaient dû essuyer ; la disparition de ces êtres hors-pair ne pouvait que l’attrister, désormais. S’immobilisant à quelques pas du concerné, soucieux de ne pas s’immiscer dans le cercle privé d’autrui, Jihad hésita encore une seconde avant de reprendre la parole. Lui si apte à ignorer le reste du Monde, sacrifiant volontiers une vie sociale inutile pour une part de solitude, ne reproduirait pas ce comportement avec n’importe qui ; quelque part, c’était d’honneur qu’il arrosait l’ashrani en lui accordant ainsi quelques phrases là où d’autre s’épuisaient à lui arracher l’ombre d’un seul mot.

« - On vous disait décimés. un temps, le temps de le dévisager une nouvelle fois ; Jihad ne semblait tout simplement pas réaliser ce qui lui arrivait. J’étais coutumier du Khaad du Chaïk Altaïr, c’était un ami de mon père. Ma tribu tenta de porter assistance aux vôtres, ou tout du moins de recueillir les plus jeunes qui n’étaient pas en âge d’affronter les forces d’Aile Ténébreuse, à Ras-el Khatt. »

Toute cette mascarade ne l’intéressait probablement pas, réalisa Jihad qui n’en perdit pour autant son masque de placidité ; même s’il l’avait voulu, ses zygomatiques travaillaient si peu qu’il était bon de se demander s’il savait même encore s’en servir. Pourtant, et le concerné se surprit lui-même à le penser, il se serait volontiers laissé aller à une effusion de satisfaction plus marqué s’il en avait eu l’impulsion. Il y avait des notes de nostalgie, dans cette rencontre improbable : des saveurs de Lenore, qui s’évertuait tant à se lier d’amitiés avec les enfants des ashranis, et son retour en Feu ne semblait plus aussi morose qu’il ne l’était auparavant. Soucieux de ne pas instaurer l’ennui – ou de s’imposer davantage qu’il ne le faisait déjà – le nomade baissa brièvement les yeux sur l’assiette entamée de son vis-à-vis, ersatz d’excuses silencieuses, pour mieux reprendre avec un peu plus de retenue.

« - Je voulais juste m’assurer que ma vision ne me trahissait pas. conclut-il, esquissant un pas en arrière pour mieux signifier son intention de repartir comme il était venu si l’ashrani ne désirait pas donner suite à son intervention. »

Jihad el-Houari

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Une fringale côtière. [Pv : Jihad] Sand-g10Ven 7 Mar - 13:23
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Depuis des années, Aslan croisait le regard d'ignorants qui voyaient en ses traits ceux d'une bête et se limitaient à prendre leurs distances, quand ce n'était pas un certain dédain qu'il devait essuyer. Bien entendu, l'ashrani avait toujours profité de cette crainte qu'il inspirait chez l'être humain ; dans son métier, la peur était un atout. Mais jamais encore, même sur ces terres, on ne l'avait abordé avec une si belle reconnaissance de ce qu'il était depuis qu'il avait été enfermé à Daharia. La prison avait été une épreuve qui l'avait contraint à mettre de côté certaines de ses fiertés, et en sortant, ce fut comme si ce qu'il avait jamais été avait disparu. Dans le regard du jeune homme et dans ses paroles, il retrouvait de ce respect, de cette considération qu'avaient ceux qui cotoyaient son père. Aux yeux du nomade, il était le dernier représentant de fils du soleil, et pas « une saloperie de chat ». Les informations qu'il lui donna attirèrent bien entendu son attention et à la simple évocation des plus jeunes, Aslan sécha de mastiquer sa viande. Il resta impassible jusqu'à ce que le jeune homme s'écarte avec l'intention de s'en aller, grossière erreur s'il pensait qu'après avoir intrigué l'animal il pourrait s'en défaire avec autant de légèreté.

« - Je suis Aslan, fils de Roshtar, se présenta-t-il tout en invitant de l'oeil le garçon à s'asseoir tandis qu'il attaquait son dernier morceau de viande. Voilà des années qu'on ne m'a pas parlé des miens ainsi, et que je n'ai pas entendu le nom de Ras-el Khatt, rajouta l'ashrani. »

Des années qu'il tuait, seul ou avec Felina quand elle avait été là, mais jamais encore on ne lui avait affirmé que quelques ashranis avaient pu être sauvés des démons. Sa compagne elle-même avait été temointe de la mort de son père, et de ce qui lui restait en mémoire de ses mots, il n'avait s'agit que d'un massacre sans commune mesure dans l'histoire ashrani. Aslan était tellement seul et sans preuves de l'existence d'un des siens qu'il en était venu à penser qu'il était le dernier de son espèce. Il valait mieux pour le jeune nomade qu'il ne se moque pas de lui.

« - Que sont devenus les jeunes ashranis ? demanda-t-il, plantant son regard dans celui du jeune homme, une fois que son assiette fut vide. »

La question avait été posé avec la délicatesse qui caractérisait Aslan ; aucune, ou presque. L'espoir que faisait naître son interlocuteur en lui était bien trop violent pour qu'il se laisse aller à la placidité. Le souvenir de sa femme, et de l'enfant qu'elle avait porté, avait ressurgi comme un coup de poing et le besoin grandissant d'en savoir plus grondait inlassablement. Le destin avait tout retiré à Aslan, et même si ce dernier savait qu'il jouait de plus belle avec lui en mettant sur sa route un messager de l'espoir, il tentait le coup et se donnait sa chance, persuadé d'avoir connu toutes les déceptions. Quand on avait plus rien, on n'avait plus rien à perdre, et qu'importait sa déception, il aurait toujours la satisfaction d'avoir rêvé un peu.

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Une fringale côtière. [Pv : Jihad] Sand-g10Mer 12 Mar - 18:32
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L’ashrani l’interrompit dans son geste et Jihad suspendit son départ pour reporter son attention sur son vis-à-vis. Aslan, fils de Roshtar.. S’il n’avait pas entendu parler du concerné, le nomade connaissait néanmoins son géniteur, tout de moins de nom. Un grand parmi les siens, paraissait-il ; une légende au sein du peuple disparu du désert et le jeune homme marqua son respect d’un léger signe de tête, toujours empreint de la même marque de distinction qu’il vouait à l’interpellé depuis le début de leur interlude. Les peuples de Sahawi avaient toujours su partager entre eux la même déférence les uns envers les autres et, génocide ou pas, Jihad ne faisait pas exception à la règle, encore moins encore un tel spécimen. L’invitation d’Aslan fut accepté et Jihad combla les derniers pas qui les séparaient pour s’asseoir en face de celui-ci, plus impressionné encore par sa stature sans trop le laisser paraître. C’était une occasion particulière, une rencontre dont il n’aurait probablement jamais osé rêver mais, sans tellement se sentir privilégié, Jihad comptait en garder un bon souvenir aussi se promit-il de faire l’effort de ne pas rester trop silencieux, juste assez bavard pour ne pas vexer son fier vis-à-vis.

« - Je suis Jihad, fils de Yassir el-Houari. il se présenta à son tour, sans détour mais empreint d’une réelle pudeur dans la voix ; Aslan ne pouvait pas le deviner mais, s’il reconnut le nom de la famille ayant fondé Ras-el Khatt, il ignorait encore à quel point l’éphémère n’en était pas digne – plus depuis sa fugue. »

La question suivante fut plus délicate et Jihad prit le temps de marquer une pause avant de songer y répondre, ses yeux sombres se perdant dans le vide tandis qu’il rassemblait ses souvenirs en conséquence. Bien sûr, sa réponse instinctive n’omettait pas le savoir qu’il retirait de cette époque, mais le nomade était à la recherche d’un détail qu’il aurait pu oublier, d’une phrase que Lenore aurait pu lui rapporter. Elle avait toujours été moins vadrouilleuse que lui et ses arrêts à Ras-el Khatt, en conséquence, s’étaient faits plus fréquents. Rapidement néanmoins Jihad dut se faire à l’idée qu’il ne retirerait rien d’autre de sa nostalgie et ses pupilles se confrontèrent à celles de l’ashrani, reflétant l’honnêteté inhérente du garçon.

« - Je ne sais pas ; j’ai toujours suivi les plus nomades des miens. Je les ai croisé lors d’une halte à Ras-el Khatt et lorsque je suis revenu, des mois plus tard, ils n’étaient plus là. Je n’ai jamais ressenti l’envie de demander ce qu’ils étaient devenus et je n’ai jamais entendu qui que ce soit en reparler. expliqua-t-il sans réellement réaliser le mauvais présage que cela pouvait susciter dans l’esprit de son vis-à-vis. Mais je peux me renseigner. J’y retourne en ce moment même : si vous me donnez un quelconque moyen de vous contacter, je vous transmettrai ce qu’on aura daigné me répondre. »

La générosité n’était pas un trait très courant chez Jihad, ni même sa bonté d’âme : pas réellement égoïste mais sujet à certaines exceptions, il honorait assez la mémoire des peuples du désert pour savoir que le dernier espoir d’un orphelin était toujours bon à prendre, aussi désespéré soit-il. Il ne promettait rien, dans sa mine sérieuse et toujours assez fermée pour ne pas laisser montre de ce qu’il pensait, mais c’était là un service rendu en toute connaissance de cause si Aslan l’acceptait. S’il pouvait soulager le poids qui pesait sur l’âme de ce dernier.. oui, cela ferait probablement plaisir à sa jumelle, qui aurait sans hésitation remué ciel et terre pour rendre justice aux ashranis – ou, tout du moins, au dernier d’entre eux.

Jihad el-Houari

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Une fringale côtière. [Pv : Jihad] Sand-g10Jeu 13 Mar - 17:47
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De l'espoir, oui... le vicieux espoir qui chantait à ses oreilles comme les fantômes de son passé s'amusaient à lui rappeler comme il était seul. Quand bien même Jihad, fils de Yassir, venait de réduire à l'état de miettes, plus infimes que les restes de son repas, ses chances de revoir l'un des siens, s'il en restait un vivant, Aslan continuait de croire qu'il pouvait encore se sortir de ce néant dans lequel il s'enfonçait un peu plus chaque jour. Il ne saignait pas, mais son coeur criait et son âme pleurait, son corps réclamait une chaleur que même le désert et les rayons astraux ne pouvaient lui apporter. Ah ! S'il avait pensé que revenir sur ces terres lui ferait du bien, il se rendait désormais compte avec quelle cruauté les saveurs de son pays étaient amères s'il ne pouvait les partager. Les souvenirs étaient des cauchemars quand on ne pouvait en rire. Sans céder à la tentation d'envoyer son assiette voler contre un mur, Aslan souffla longuement, la griffe de son pouce formant dans le bois du comptoir, sur lequel reposaient ses poings serrés, des entailles.

« Je dois rester quelques temps dans le coin, une affaire à régler, marmonna l'ashrani qui préparait sa vengeance depuis des années. Enfin l'occasion de venger celle qu'il avait aimée se présentait. Je me rendrai moi-même à Ras-el Khatt. Ce n'est pas bien loin d'ici, et tu auras prévenu les tiens de mon arrivée, assura-t-il, ordonnant plus qu'il ne demandait vraiment. »

Déposant les quelques pièces pour payer le repas, il se leva de son siège, invitant d'un mouvement de la tête l'éphémère à le suivre. Dans les ruelles colorées de la ville côtière, ils étaient un drôle de couple, au milieu de tous ces pirates, marchands et simples sahawiens. Aslan marchait lentement, surtout parce qu'il pensait ; Jihad avait allumé une flamme en lui qui ne cessait de grandir. S'il y avait une seule chance de revoir un des siens, il n'avait pas une minute à perdre.

Malheureusement, il était partagé entre sa vengeance et son espoir... Il avait bien plus à gagner en suivant le garçon aussi tôt qu'il le pouvait qu'en trouvant l'enfant de chien responsable de sa tourmente. L'ashrani siffla de mécontentement, il n'avait jamais était bon quand il avait s'agit d'être sage.

« Alors dis-moi, Jihad. Que fait le fils de Yassim aussi loin de chez lui ? A t'entendre, tu n'es plus le bienvenu à Ras-el Khatt, demanda Aslan, parcourant à une allure plus vive l'allée qui descendait jusqu'au port, mais à sens inverse, montant vers les quartiers moins populaires de la ville, aux entrailles absconses. »

Royaume des voleurs, le labyrinthe de ruelles serpentant entre elles se rejoignaient parfois sur des petites cours plus éclaircies. Il semblait toujours y régner une atmosphère de fin de journée, comme si le soleil était en permanence à l'horizon. Il n'y avait qu'à midi que l'on pouvait espérer être frappé par ses rayons, quand ils passaient au-delà des murs. En entrant dans ces lieux et dans l'ombre, sous une arcade autrefois peinte en orange, Aslan sentit le jeune homme hésiter derrière lui.

« Je n'en ai pas pour longtemps. Tu peux me suivre, m'attendre, ou redescendre seul. C'est à toi de voir, lui lança-t-il, une certaine malice dans le regard. C'était entre la provocation et l'amusement. Allons, âmir. »

Théodore Svalt

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Une fringale côtière. [Pv : Jihad] Sand-g10Mer 26 Mar - 22:29
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Jihad fronça brièvement le nez à la réponse d’Aslan qui, il devait l’admettre, le prit de court. Laisser l’ashrani se rendre de lui-même à Ras-el Khatt n’était pas un souci : c’était un endroit connu dans le coin et le concerné semblait y être familier, assez pour se montrer sûr de lui lorsqu’il s’agissait d’y aller à son gré quand bon lui chanterait. Non, ce qui embêtait le nomade, c’était plutôt la notion de temps que son vis-à-vis lui imposait : il n’avait rien précisé mais Jihad lisait des ‘bientôt’ dans son regard brûlant d’une nouvelle flamme mi-figue mi-raisin. Bien entendu l’éphémère n’était pas en position de lui interdire quoi que ce soit : il n’avait – ou tout du moins le songeait-il sincèrement – plus de légitimé sur ce qui aurait pu être sien, ces terres arides et cette tribu centenaire, qui avait vu développer en son sein une réelle autonomie, parcourant ses rangs d’un effluve de liberté sableuse. Jihad ne pouvait rien lui refuser, non ; pas directement. S’il savait les siens accueillants et l’arrivée de l’ashrani susceptible d’en intéresser plus d’un, il désirait une intimité totale pour son retour pour mieux repartir comme il était venu, en discrétion, en silence, comme si tout ceci n’avait jamais existé, comme si le message lourd de conséquence qu’il portait en lui ne signifiait rien. Déglutissant difficilement sans rien en laisser paraître – son visage était redevenu impassible aussi vide qu’il s’était troublé – il acquiesça néanmoins d’un bref hochement de tête, appuyant son geste de mots armés d’une prudence pudique.

« - Patientez quelques jours ; une semaine, peut-être. Une cérémonie aux morts s’apprête à s’y dérouler. expliqua-t-il, baissant brièvement les yeux sur la monnaie abandonnée là par Aslan, sans rien rajouter qui ne serait pas nécessaire ; son trouble était imperceptible mais ce simple mouvement, peut-être, lui qui avait jusqu’ici soutenu le regard du félin avec la fierté caractéristique aux nomades, trahissait son implication dans ce rituel immémoriale. »

La voix de Jihad avait également des notes d’injonction ; ce n’était pas une demande qu’il lui faisait là et il ne s’attendait pas à une quelconque faveur de la part de l’orphelin. Sans se montrer réellement menaçant, il y avait un quelque chose de rédhibitoire dans sa voix pourtant posée, un on ne sait quoi qui forçait le respect ; ce dont il parlait possédait une dimension qui allait bien au-delà d’une simple anecdote. On honorait une âme décédée et Jihad, plus que pour n’importe qui d’autre, refusait qu’on puisse y porter préjudice en se montrant inopportun. Jihad se releva à son tour, répondant au signe de tête d’Aslan en lui emboîtant le pas, se glissant entre les figures mouvantes du port d’Aeb, s’éteignant dans les ombres pour mieux suivre l’ashrani, assez en retrait pour ne pas ouvrir la marche mais ne s’effaçant pas assez pour se faire oublier. Son allure passe-partout avait ce formidable avantage de le faire disparaître quand on s’y attendait le moins au détour d’une rue quand bien même on pouvait jurer l’avoir aperçu à ses côtés une seconde plus tôt, mais le nomade n’avait personne à semer et, curieux tout autant que respectueux, il voulait voir ce qu’Aslan désirait de lui. Et, bon Nhieling, il ne s’attendait pas vraiment à une telle question ! Pris de court l’éphémère savoura un flottement, esquivant une silhouette en se demandant s’il serait bien vu de garder les lèvres closes après une telle insinuation. Aussi bien que pour le bien-être de la conversation que pour son propre honneur, Jihad connaissait la réponse bien avant de se poser la question, mais une vague de mélancolie le submergea douloureusement tandis qu’il répondait.

« - Je le suis. Probablement. Je ne suis simplement pas certain d’en être digne. les mots étaient choisis avec une délicatesse certaine ; Jihad, pourtant, garda son masque de froideur qui semblait le rendre si intouchable, si hors de tout, alors que la peuplade se dissipait pour mieux les laisser pénétrer dans les artères moins bien famées d’Aeb. »

Pour un rejeton comme lui, un ‘nobliau’ du désert, bercé par les épices du désert et le tissu le plus confortable, nombreux étaient les regards qui pouvaient s’égarer sur sa silhouette, accusations hasardeuses envers quelqu’un qui n’était pas d’ici, envers un étranger qui n’y connaissait rien et qui n’était pas à sa place. S’il était plus à l’aise sur les mers que dans les artères les plus louches de la terre ferme, Jihad savait pourtant s’y aventurer depuis son intégration pirate, a fortiori lorsqu’il n’avait pas encore rejoint le Dédain et qu’il était nécessaire pour lui de s’accoutumer aux pires malfrats qui soient. Jamais encore n’avait-il eu l’occasion de côtoyer ceux d’Aeb, et l’éphémère marqua un temps d’arrêt en levant les yeux vers la vieille arcade dont les couleurs disparues n’étaient pas sans rappeler un conseil silencieux, une menace à double-tranchant : tu n’as probablement rien à faire ici, étranger. Il y avait bien longtemps que Jihad n’était plus à sa place et, reportant son attention sur Aslan, il croisa son regard inquisiteur pour mieux ciller sa gentille provocation. C’était déjà tout vu. Le nomade avait simplement besoin qu’on lui rappelle ses origines pour mieux réaliser à quel point il s’en était éloigné – et cela, sans une once de remord.

« - Où allons-nous, Aslan ? demanda-t-il en reprenant son avancée, plus lentement, plus précautionneusement, mais toujours aux côtés de l’ashrani ; cette fois plus qu’auparavant, il avait à cœur de ne pas en être séparé. »

Jihad el-Houari

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Une fringale côtière. [Pv : Jihad] Sand-g10Lun 31 Mar - 7:47
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« - Nous allons rendre justice, âmir, répondit Aslan, le plus sérieusement du monde. »

La confrérie des brumes lui avait donné un responsable à ses souffrances, enfin, l'un de ceux qui avait participé à ruiner ses plans d'autrefois. C'était il y avait des années, et si la peine ne faisait plus vibrer le regard de l'ashrani, comme elle avait filtré au travers de celui de Jihad auparavant, l'espace d'un moment, ses pupilles ovales jetaient dans les ombres des ruelles des relents d'une rage qui, elle, ne s'était jamais éteinte. Les ignares pouvaient avoir la bêtise de penser qu'il ne l'avait connue que quelques années, mais ces années avaient été celles de deux survivants, deux âmes liées à jamais au milieu d'une foule de corps sans visages. Felina avait été pour Aslan la dernière chose qui le reliait à son peuple. A présent, seuls les souvenirs lui restaient, et à mesure qu'ils progressaient le long des couloirs de pierre blanche, salie par les années et la crasse vie qui s'y déroulait, Aslan les retrouvait, galopant dans son esprit comme des insectes.

Il débouchèrent sur un carrefour un peu plus vivant que tout ce qu'ils avaient croisé jusque là. Un groupe d'hommes, de pauvres bougres sans tribus rattachés à ces quartiers, était réuni sous la façade d'un des nombreux batîments qui faisaient ces rues. Sans être hostiles ni particulièrement accueillants, leurs silhouettes fines qu'on devinait décharnées sous leurs amples vêtements de tissu rapiécé se tenaient nonchalamment contre les pierres ternies, leurs yeux plissés pour mieux discerner le félin qui sortait des ombres, cette étrangeté qu'on avait peut-être jamais eu l'occasion d'avoir vue. En général, il n'y avait pas besoin que les humains connaissent l'origine et la raison d'être d'un ashrani, ils s'en méfiaient naturellement.

« - Reste près, âmir, ceux-là sont comme des rats, souffla Aslan à Jihad, avançant avec son assurance habituelle, tout, en lui, représentant un danger pour quiconque s'approchait trop. Une pièce pour celui qui m'amène à Yussuf, annonça l'ashrani, sortant habilement la rondelle de métal d'une de ses poches et la faisant miroiter sous la lueur avide des misérables. »

Leurs yeux brillèrent d'envie quelques instants, et leurs regards se croisèrent. On sentait en eux se mêler plusieurs sentiments contradictoires qui les faisaient hésiter. Etait-ce sage ? Peut-être la faim avait-elle le dernier mot en tout, car l'un se détacha du groupe pour faire signe à Aslan de le suivre, éteignant en chacun des autres la flamme qui avait brillée quelques instants dans leurs grands yeux vides. Fantômes des villes, ils disparurent lorsque leur guide les emmena plus loin, dans un de ces innombrables boyaux de ce quartier à l'agonie.

Ils s'arrêtèrent devant une tour, une petite aiguille qui perçait le peu de ciel généreusement offert, pour une fois, entre les toits. Le quartier où les avait amené le jeune humain était apparemment moins à l'abandon que le précédent et déjà les rues étaient plus larges, et plus peuplées. Ici, le commerce semblait avoir un impact et on ne lisait sur les visages aucune faim, mais les sourires n'étaient pas monnaie courante non plus. Sous la tour, des étalages formaient un petit marché ; épices, poissons, et armes. On y trouvait tout ce que les pirates avaient pu ramener, des marchandises surement remontées du port et vendues à moindre prix. Pointant son doigt vers un grand homme noir, en pleine discussion et à une vingtaine de mètre d'eux, l'affamé réclama son dû en tendant son autre main vers Aslan. L'ashrani déposa la pièce au creu de sa main et l'humain déguerpit aussitôt.

« - Nous devrions nous asseoir, dit Aslan, prenant aussitot la direction d'un des bancs de pierre qui collaient les murs des maisons entourant la place. Là, il s'assit, et fixa longuement les mouvements de la foule bruyante qui suivait le rythme des offres. Nous avons du temps devant nous. Raconte moi un peu, ta vie. »

Il lui avait dit que cela serait rapide, il n'en savait en fait rien. Confronté à la situation actuelle, il était bien obligé d'admettre que, bien malgré lui, il fallait se montrer patient. Gardant ses yeux fixés sur Yussuf qui, inconscient, menait ses affaires, Aslan sentit néanmoins la réticence et le doute retarder Jihad dans sa réflexion. Alors, tournant sa tête pour abaisser son regard au niveau de son voisin, rencontrant de nouveau ses iris de jais, aussi sombres que son crin, l'ashrani saisit une des mains du jeune homme pour l'examiner.

« - Tu as déjà tué un homme, âmir, affirma-t-il plus qu'il ne demandait. Ce n'était pas une conviction, ni une question. Dans le ton qu'employait Aslan, on sentait l'envie de faire naître une idée, un besoin. Il tenait la main du jeune éphémère dans la sienne, renfermant ses doigts solides autour sans l'écraser, mais assez pour la retenir. Dans la sienne, elle semblait fragile et innocente, mais l'ashrani la soupçonnait d'avoir déjà répandu ce mal qu'il distillait partout où il passait avec un certain plaisir. La première fois qu'il avait tué un homme... il s'en rappelait comme certains se remémoraient leur première cuite. Une ivresse s'emparant du corps, un plaisir soudain qui ne dure que le temps de l'acte, une pulsion qui fait taire la morale et les enseignements, un orgasme, en soi, qui laisse derrière lui des traces que le temps n'efface pas, des pensées qui noircissent avec les années. Reste à celui qui s'est laissé aller la décision d'accepter ce nouveau goût pour le sang, d'écraser les regrets sous l'intensité du plaisir. Sa part de félin, bien sûr, amplifiait ce vice chez Aslan qui, depuis longtemps, avait trouvé dans le meutre un exutoire à ses démons. »

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Une fringale côtière. [Pv : Jihad] Sand-g10Sam 19 Avr - 21:24
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Jihad semblait détendu, assis aux côtés d’Aslan alors que ses yeux sombres détaillaient la silhouette du dénommé Yussuf, aussi curieux qu’il était détaché ; semblait seulement, néanmoins, car la question n’était pas sans le plonger dans un silence hésitant, presque prudent. Le nomade n’était pas bavard et bien plus avare de paroles encore lorsque cela le concernait : il sentait qu’il en avait déjà trop dit sur lui-même, informations disséminées au fil de la conversation somme toute banale qu’ils partageaient alors depuis peu. C’était stupide, évidemment, mais Jihad ne pouvait que se sentir vulnérable, mis à nu au profit d’un inconnu, peu importe le respect qu’il pouvait porter à sa race ; lui raconter sa vie serait lui accorder une arme que le nomade lui-même n’était pas certain de savoir manipuler. Aslan saisit sa main et l’éphémère l’observa du coin de l’œil, concluant qu’il lui faisait probablement assez confiance pour le lui permettre.

« - Qu’a-t-il fait ? s’enquit-il sans détour mais armé d’une sincère curiosité, bien loin d’être morbide. »

Répondre à une question par une autre ; c’était ce qu’il savait faire de mieux, mais Jihad était un homme d’honneur. S’il comptait savoir la vérité, alors il devait la sienne à Aslan. C’était donnant-donnant, du troc comme il était courant de le manipuler en Feu, un code moral que les nomades s’inculquaient à défaut de se léguer de réelles richesses. À moins que la fierté qu’ils suintaient justifiait à elle seule la valeur de leurs vies ; détournant le regard pour reporter son attention sur Yussuf, l’éphémère laissa sa main inerte dans celles, plus puissantes, de l’ashrani pour mieux lui répondre avec lenteur, ne pesant pas nécessairement ses mots mais pudique de la vie privée qu’il lui révélait alors.

« - Je n’ai de prince que le souvenir.. je suis devenu l’ombre d’un homme et j’assure sa sécurité, quoiqu’il en coûte. l’aveu ne semblait pas difficile et Jihad resta impassible, pliant très légèrement ses doigts sans les refermer sur ceux de son vis-à-vis, répondant indirectement à sa question rhétorique : quoiqu’il en coûtait, et la vie des autres entraient en ligne de compte. J’ai toujours eu un penchant pour l’ironie. rajouta-t-il, trahissant sa placidité d’un léger haussement d’épaules désabusé. »

Jihad, contrairement à son compagnon, ne savourait pas le sang. Tout au plus appréciait-il l’adrénaline, la montée d’excitation lorsqu’il bandait son arc, traquant sa proie d’un regard acéré, pointant sa flèche dans l’ombre, à l’insu de tous. Aurait-il besoin de la relâcher ? Le bruit sifflant du projectile était irritant pour beaucoup, mais aux oreilles de l’éphémère cela sonnait comme une jolie mélodie, de celles qui savaient le calmer, de celles qui allégeaient sa conscience lorsqu’il se demandait, d’une voix lointaine, si un simple geste d’Asmodan justifiait la mort d’un autre être vivant. Et puis, il oubliait vite pour disparaitre dans sa mâture, les yeux rivés vers l’horizon, savourant la solitude ou la compagnie éphémère de son familier. Celle-ci, d’ailleurs, devait probablement trôner quelque part bien au-dessus d’eux, posée sur un toit, jugeant la situation de sa magnificence animalière ; répudiait-il tant que cela ses instincts animaux ou était-il bien plus humain qu’il ne voulait se l’admettre ? Ses dents attaquèrent la peau gercée de sa lèvre inférieure, déformant son expression impassible pour le rendre presque las. Lenore avait décidément un drôle d’humour..

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Une fringale côtière. [Pv : Jihad] Sand-g10Ven 23 Mai - 8:00
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« - Yussuf a travaillé pour les mauvaises personnes, au mauvais moment. Et comme tu le vois maintenant, il profite de ses derniers instants, répondit Aslan, posant ses yeux de félin sur l'humain, au loin, qui menait toujours ses affaires. »

A vrai dire, sa vengeance le quittait à mesure qu'il approchait de l'accomplir, comme si ce but qu'il s'était fixé durant ses années d'errance était futile à côté du projet qui lui apparaissait alors. Feu s'était divisé plus qu'il ne l'était déjà, et les opportunités qu'offraient les terres de son enfance étaient une aubaine bien trop prometteuse pour qu'Aslan la néglige. Rien que la nouvelle de quelques ashranis toujours en vie avait suffi à faire taire l'envie de sang qui le taraudait depuis une éternité. Ah ! Qu'il s'en occupe donc ce soir, de cette vengeance, et elle le quitterait pour le laisser de nouveau vivre selon les souhaits de feu son couple.

Les dernières paroles de Jihad, cependant, attirèrent l'attention d'Aslan, plus que toutes ces pensées qu'il traînait derrière lui comme un fardeau ; l'ombre d'un homme. Qui savait d'où revenait le jeune prince, s'il était vraiment celui qu'il prétendait être... Soudainement, une autre vérité que celle dans laquelle baignait l'ashrani depuis sa rencontre avec l'éphémère lui apparut, aussi brutale et insidieuse qu'une lame contre sa gorge. Le jeune homme l'avait séduit en lui parlant des siens, ç'avait été trop beau, il aurait dû s'en douter ! Des années qu'il glanait des informations via les meilleurs espions de la capitale Terrianne, et un blanc-bec lui apportait la chose sur un plateau pendant son déjeuner ? Toute cette histoire puait et, alors qu'il avait pris en sympathie Jihad, si c'était vraiment son nom, Aslan sonda son âme au travers de ses prunelles sombres, imperméables, se mettant à le détester, petit à petit. Qui était-il, ce jeune sorti d'entre les ruelles tel un messie ?

« - Hmmm, l'ironie, oui, chuchota Aslan, tenant toujours entre ses mains celles, d'apparence tellement plus fragiles, de son interlocuteur. Et où est-il, l'homme dont tu es l'ombre ? demanda-t-il, le ton de sa voix délaissant l'assurance tranquille qui l'avait caractérisé jusqu'ici pour quelque chose de plus pernicieux, une menace qui avait, d'ordinaire, tôt fait de se faire dénoncer les traîtres, inconsciemment. »

Aslan ne lâchait plus du regard celui de Jihad, ses mains se reserrant brusquement autour des poignets de l'éphémère, sa poigne faisant pression contre les os plus légers du jeune homme. Les traits de l'ashrani changèrent, ses yeux se plissèrent, ses moustaches se hérissèrent, ses babines se retroussèrent, tout légèrement, mais indubitablement. Avec une dextérité qui trahissait son métier de coeur, Aslan tira un de ses couteaux de ses poches et posa l'un des deux tranchants contre les veines apparentes de son "otage", le tout subtilement fait, à l'abri des regards lointains de ceux qui étaient encore présents autour des marchandises.

« - Tu n'es pas très bavard, âmir, mais il va falloir que tu parles pour me convaincre, et sans mensonges, sans quoi je t'assure que je couperai cette langue ici et maintenant, menaça Aslan, appuyant ses paroles en pressant un peu plus la lame contre la peau de Jihad. Comment le fils El Houari a-t-il survécu sans sa tribu ? »

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Une fringale côtière. [Pv : Jihad] Sand-g10Mar 3 Juin - 17:22
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Lentement, Jihad reporta son attention sur Aslan pour mélanger ses pupilles aux siennes tandis que l’expression de l’ashrani se muait en quelque chose de plus prédateur, tel le félin acculé qui se mettait à douter de sa sécurité. Impassible, sans chercher à se dégager, l’éphémère laissa le métal entrer en contact avec sa chair, pliant tout au plus légèrement le bout de ses doigts par réflexe tandis que la pression d’Aslan picotait ses poignets d’une douleur encore indicible.

Il n’était pas tout à fait stupide et n’ignorait pas que son vis-à-vis était, en outre, bien plus puissant que lui, sans compter qu’il faisait au bas mot le double de sa propre masse musculaire ; Jihad était les yeux et la visée, on ne lui avait jamais appris à être qu’autre chose qu’un tireur d’élite. Mais, au-delà de cette conviction, son regard se miroita d’un soulagement presque imperceptible, comme si la menace d’Aslan était une sentence attendue et qu’il accueillait avec bonne volonté, drapé d’une impatience morbide – encore assommé par la disparition de sa jumelle il n’aspirait qu’à la rejoindre, à peine tiraillé par son honneur de rapporter son décès aux siens, coupable de la promesse que cette dernière lui avait arraché sur son lit de mort. Il n’avait encore jamais pleuré son extinction mais la promesse que venait de lui faire l’ashrani semblait lui arracher des centaines de reflets au fond de ses yeux sombres d’ordinaire si inexpressifs. Enfin, il sembla se reprendre et baissa les yeux sur le poignard.

« - Comment le fils de Roshtar a-t-il survécu sans la sienne ? la répartie était chargée de sous-entendus, presque empreinte d’une compassion toute relative avant que l’interpellé ne fasse craquer sa nuque, nonchalamment, prenant le temps de savourer le son vivace avant de reprendre. C’était un choix. Vous avez perdus les vôtres, les miens m’ont égaré. si la justification semble légère, Jihad semble néanmoins persuadé qu’elle est suffisante et reporte son attention sur Yussuf, comme si de rien n’était. »

Ou tout du moins loin d’être menacé par une créature qui le maitrisait en une seconde chrono si l’envie le lui en disait. Mais l’éphémère n’était pas de ceux qui s’expriment plus que nécessaire, sans compter son côté largement antipathique. Bien sûr s’il avait pris le temps de chérir son existence et de se montrer un poil plus concerné aurait-il pu songer à des alternatives : son aigle dessinait toujours des cercles non loin d’eux et s’il ne la voyait pas, il lui suffisait de peu pour l’appeler au secours, tout du moins assez longtemps pour faire diversion ou, au mieux, arracher un œil à son vis-à-vis. Il n’en fit rien, néanmoins, et en plissant légèrement les yeux tandis qu’il détaillait le groupe d’hommes un peu plus loin, il remarqua le mouvement qui les anima alors soudainement, trahissant leurs intentions.

« - Ne perdez pas de temps pour moi, Aslan ; je ne compte pas vous échapper. conseilla-t-il alors avec légèreté, son détachement passant aisément pour de l’arrogance, mais le coup d’œil qu’il accorda à l’ashrani l’innocenta rapidement : il était sincère et son honneur passait avant tout, même ses lubies morbides qu’il ne perdait jamais tout à fait au réveil de ses cauchemars. »

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