Cela fait bien longtemps déjà que l’on ne s’est pas vues. Peut-être bien trois ou quatre ans, j’ai arrêté de compter précisément les années qui nous séparent depuis pas mal de temps. Ta présence à mes côtés me manque énormément, ton sourire, ton rire franc et joyeux, ta joie de vivre permanente et ton optimisme sans faille… Aujourd’hui je me sens plus seule que jamais, abandonnée… Et sans toi à mes côtés tout devient encore plus difficile. J’ai peine à me rappeler les traits de ton visage qui se floutent toujours un peu plus au fur et à mesure que le temps passe. Tu dois avoir bien changé, depuis tout ce temps. Je ne doute pas que tu dois à présent être une jeune femme à la beauté remarquable et au sourire toujours aussi charmeur… Je ne saurais te dire quand viendra le jour où l’on se reverra, ce jour qui ne fait que trop tarder, mais je peux t’assurer qu’il arrivera. J’ai tant de choses à te raconter, Sygwen, tellement que ma plume risque bien de souffrir atrocement et mon encore de s’épuiser. Mais je ne peux m’empêcher de t’écrire chaque jour pour te raconter mes journées tant ton absence se fait lourde en mon cœur…

Il y a de cela quelques mois, sept pour être plus précise, je suis entrée au service de Dame Issendra en tant que Dame de compagnie. J’avais assez donné à la forge, et je ne comptais pas y passer toute ma vie. Le début a été plus difficile que ce à quoi je m’attendais… Il y a de nombreuses Dames respectables à la cour, toutes différentes les unes des autres. Je n’ai jamais été très douée pour m’adapter aux autres, et c’était encore plus vrai en présence de ces Dames. Chaque jour que je passais en leur présence me mettait mal à l’aise. Je me souviens que le premier jour, l’une d’elles m’a fait part d’un potin dont je n’ai toujours pas vraiment saisis le sens… Mais peu importe. De toute façon je ne me rappelle déjà plus de ce dernier. Les rumeurs n’ont jamais été ce qui m’intéressait le plus au monde, et lorsque je lui ai fait comprendre que je ne voyais pas du tout de quoi elle voulait parler, ses yeux ont tenté de m’assassiner. Je n’avais encore jamais été regardée de cette façon… Mon cœur battait plus vite que d’ordinaire et je me rappelle que j’avais eu peur que la Dame ne puisse l’entendre frapper dans ma poitrine. Je ne me sentais pas à ma place, assise parmi ces Dames qui se connaissaient déjà depuis bien longtemps… Mais, étrangement, je me disais que ça irait en s’arrangeant.
Finalement, après une semaine et demie, je réussissais à peu après à me faire apprécier de ces Dames. Par certaines plus que d’autres… Beaucoup avaient l’air de vraies garces, mais tout autant semblaient adorables et charmantes. J’avais fait la connaissance des autres Dame de compagnie de Dame Issendra, car je n’étais pas la seule, mais brièvement. Mes journées se résumaient à quelques choses simples comme les suivantes :
- Préparer le petit déjeuné de Dame Issendra à la bonne heure de façon à ce qu’il soit encore chaud à son réveil.
- L’aider à se vêtir, lui donner mon avis bien qu’en faisant attention à ne pas l’offenser.
- Servir, parfois, le thé l’après-midi, en faisant bien attention à mettre ma maladresse de côté.
- Divertir son Altesse en exerçant quelque art tant qu’il est respectable et approprié.
- Aider à la confection de chaque repas.
- Veiller à ce que tout soit en ordre.
- Préparer le bain.
Enfin, que de simplicité. Bien que certaines tâches soient parfois un peu difficiles. Bien sûr, je ne suis jamais seule pour faire tout ça, nous sommes trois Dames de compagnie et le personnel du palais est bien souvent là pour nous aider lorsque cela est nécessaire. Je te vois déjà te dire que cela doit être ennuyeux, de répéter sans cesses ces mêmes gestes tous les jours et surtout de devoir obéir et servir une personne, je veux dire… Mais j’aime ce que je fais. Je me sens utile au moins dans un domaine. De plus, Dame Issendra est une personne que j’apprécie énormément et à sa juste valeur. Elle est à mes yeux une Impératrice digne de ce nom. Néanmoins je ne peux pas encore parler de complicité comme pourrait le faire mes collègues… Je suis là depuis peu et ne suis pas encore tout à fait à l’aise en la présence de son Altesse. Je fais des efforts considérables depuis que je suis entrée à la Cour. Même si, parfois, certains jours sont plus durs à supporter que d’autres, comme ceux où je me dois de divertir d’autres Grandes Dames présentes pour l’Impératrice et qui n’ont que faire de mon chant ou de ma danse tant qu’elle peuvent critiquer aisément ma personne et celle des employés. Enfin, pour le moment, je réussis parfaitement à ignorer tout cela et à ne me concentrer que sur ce que je fais, je pense que c’est le plus important.

Pardonne moi si ce discours ne t’intéresse que très moyennement, mais je ne peux ignorer ce besoin que j’ai de devoir me confier à toi à travers mes lettres… Encore une fois, tu me manques énormément et j’ai grande hâte de te revoir.

Avec toute mon affection et mon amitié, bien à toi,
Maëvis.