Arrogante - Insaisissable - Mauvaise - Opportuniste - Joueuse - Curieuse - Observatrice
"Non, Nash. Tu ne vas pas assez vite. Encore." répétait sans cesse son père alors qu'elle triturait tant bien que mal les cartes, âgée seulement de sept ans.
Issue d'un milieu modeste, Nash ne vivait plus qu'avec son père ; sa mère était morte en couches à la naissance de la fillette. Le père et la fille habitaient dans une roulotte miteuse et tentaient tant bien que mal de donner des spectacles de magie - à titre de simple prestidigitateurs - dans les petits villages qu'ils traversaient, mais c'était à peine si les gens leur accordaient un regard. Nash était l'assistante de son père et apprenait de lui quelques tours de cartes. Mais ses doigts malhabiles et encore trop liés entre eux avaient beaucoup de difficulté à faire passer la carte d'un doigt à l'autre. Pourtant, le magicien ne cessait jamais de l'encourager et la poussait à s’entraîner toujours plus jusqu'à ce que le geste lui paraisse naturel et que les cartes jaillissent de ses mains de manière tout aussi fluide. Seulement, les pièces de monnaie se faisaient de plus en plus rares et se coucher le ventre vide était devenu une triste habitude tandis que la santé de son père commençait à décliner peu à peu.
Nash avait neuf ans lorsqu'elle se rendit compte qu'elle pouvait voir le monde d'une tout autre manière. Un réseau lumineux qui donnait l'impression de pouvoir se plier, se déformer à volonté pour donner l'aspect d'une tout autre chose. Au fond d'elle-même, elle sut qu'elle avait toujours porté cette extraordinaire faculté en elle. Elle n'était pas une septième fille, ses parents n'étaient pas des mages, aucun ange ne l'avait bénie à la naissance, elle était juste née dans une maison crasseuse et pourtant, le sort l'avait toute désignée. Nash ne lançait pas de sorts à la manière des élémentalistes ; elle ne maîtrisait pas le vent ni l'électricité, ne parlait pas non plus aux animaux et n'avait pas le pouvoir d'adopter leur forme. Non, Nash était illusionniste. Quoi de mieux lorsqu'on était la fille d'un prestidigitateur ?
Pourquoi ces facultés avaient-elles tant tarder à se réveiller, finalement peu importait. Peut être les dieux s'étaient-ils enfin tournés vers eux, misérables petits pauvres qu'ils étaient, et leur apportaient-ils un peu d'aide -
Un vrai parangon de vertu ceux là ! C'est bien plus tard que Nash entendit parler d'espers, une espèce d'autistes talentueux méconnus de tous et aux extraordinaires ressources.
Mais il n'y a que dans les contes de fées que les choses se passent exactement comme prévues, pas vrai ? "Le père et sa fille ne vécurent pas heureux jusqu'à la fin de leurs jours parce que lui partit bien trop tôt et elle n'était pas gentille du tout".
Au fur et à mesure que Nash grandissait, elle devenait incontrôlable. Ses illusions qui semblaient plus vraies que nature lui montaient à la tête et c'est avec un plaisir pervers qu'elle découvrit qu'il était si facile de bousculer le monde. Elle, qui n'était qu'une fille pauvre et sale et qui durant toutes ces années avec son père était restée invisible aux yeux du monde, était maintenant en mesure d'éveiller la crainte.
Nash incluait dans les spectacles de son père quelques illusions - des papillons, des colombes ou autres - mais rien qui lui permette de véritablement s'exprimer. Une fois, alors que son père était parvenu à attiré la foule sur une grande place, Nash avait cédé : plus vrai que nature, le dragon doré qui avait jailli de ses mains avait effrayé tout le village en survolant la foule en cris et en larmes avant de s'écraser en un millier d'éclats contre le mur.
Hilarant, vraiment. Le père et la fille furent hués, traités de monstres et durent partir loin, très loin d'ici.
Rongé par ces années de maigre repas, de pauvreté et d'horreur pour ce qu'était en train de devenir sa douce Nash, le père mourut dans sa roulotte privé d'un simple souffle d'air alors qu'il répétait un tour de cartes. La jeune fille était partie dans la forêt s’entraîner encore et toujours à son incroyable pouvoir et c'est quand elle revint des heures plus tard qu'elle le trouva avachi sur la table. Elle comprit immédiatement et les lèvres crispées, elle commença à creuser dans la terre humide, afin d'y déposer son défunt père. Alors qu'elle allait le recouvrir, elle remarqua un coin de carte qui dépassait de la poche du veston. Précautionneusement, elle s'accroupit, un genou enfoncé dans la terre, et la retira doucement.
Les magiciens ont cette fâcheuse tendance d'isoler une carte du jeu. C'est ce qu'on appelle une prédiction. Elle ne signifie rien sinon que l'on ne tire jamais vraiment au hasard une carte.
C'était un trois de pique. Le point de départ d'une nouvelle vie.
Changement de décor
Le fléau démoniaque prend de plus en plus d'ampleur et gagne du terrain. Les honnêtes âmes sont en péril et la sérénité de ce monde ne tient plus qu'à un fil. De quoi pousser les braves gens à la rébellion et les unir dans un même camp pour en accroître sa force et tenter de reverser l'Empire !
Nash ne se sent pas de la jouer combattante et héroïne. Là, dans les coulisses du théâtre des opérations, elle craint surtout pour sa carrière : les démons et autres partisans de l'empereur assez téméraires pour échanger leurs yeux, sont insensibles aux illusions.
- Citation :
- Raconte la création de ta toute première illusion.