[Terminé] Rencontre illusoire [PV : Nashley]

Habillé de sa cape de fourrure grise, Inadel se faisait aussi petite que possible, dans les rues malfamées de Sen'stura. Pourquoi dieu les avoir placées à l'entrée ? Elle aurait souhaitée de suite visiter la capitale et ses nobles quartier, dont elle avait entendu tant de bien. Quoi que maintenant occupée par ces saloperies de démons...
Décidément, chaque plaisir de ce monde aboutissait à l'intervention des démons. Les plus belles villes étaient prises, tout comme l'argent. Non pas que l'ange soit cupide... mais la fluctuation d'humains qui vouaient un culte aux ailes de bronze influençaient ses pensées. Tout comme les alcooliques. Lire les pensées n'étaient véritablement pas toujours un cadeau. Rarement même. En ce monde, on n'avait davantage de chance de rencontrer une idée malsaine plutôt qu'une idée utile ou agréable.
Combien de fois depuis le début de la journée avait-elle été tenté d'entrer dans un taverne ? Dix ? Quinze ? Tellement les êtres qui s'y abreuvaient y éprouvaient tellement de plaisir qu'il en était contagieux pour son esprit si réceptif...

Pour cela, elle décida de faire une pause à l'écart de la population. Ainsi, elle s'engouffra dans une ruelle latérale, parcourut quelques mètres et laissa son dos s'écraser sur le mur de pierre d'une bâtisse.
Ce silence dans sa tête... était reposant.
Elle posa machinalement la main sur la garde de son épée et ferma les yeux.
C'est ainsi qu'elle sentit une aura curieuse, non loin d'elle.

Arrivée en ville la veille au soir, Nashley s’était rendue dans une auberge miteuse, juste à l’entrée de la capitale de Sen'stura.  Elle y avait joué aux cartes et laissé boire les pauvres sots.  Elle rit doucement en y repensant. Pourquoi les pauvres dépensent-ils si facilement aux jeux et à boire alors qu'ils en ont besoin pour faire vivre leur famille ? pensa-telle avec un sourire mauvais. Finalement, je n'abuse pas des braves gens, ce sont eux-mêmes qui se vendent. Et c’est ainsi qu’elle avait laissé les villageois, pleins comme des barriques, en ayant raflé tout l’argent qu’ils avaient osé miser (et encore, c’était une bien maigre somme d’argent, une seule pièce d’or seulement !). C’était le problème avec les endroits de ce genre, il n’y avait pas beaucoup de choses intéressantes à voler ni à voir.   C’est pourquoi Nashley décida de s’avancer vers la capitale, pour aller chatouiller les aristocrates. Mais bien vite elle se rendit compte, qu’il lui fallait d’abord en traverser les rues malfamées et nauséabondes.
Richement vêtue et d'une élégance exquise, Nashley tranchait avec la population pauvre et vêtue de haillons ; elle attirait les regards de tous les badauds présents. Sous son regard clair perçant, caché sous son élégant masque, elle scrutait chaque passant tout en se promenant d’un air arrogant. Elle décida d’emprunter une ruelle latérale afin de contourner une placette où les commerçants entreprenaient d’installer leurs marchandises pour le marché à venir.

Ah, voilà une chose intéressante, pensa-t-elle, un rictus aux lèvres. Elle aperçut une jeune femme, appuyée contre un mur. Elle semblait endormie. Son regard glissa sur l’épée qu’elle tenait à la main. Elle avait l’air frêle et douce malgré un corps entraîné au combat manifestement. Nashley s’avança doucement, tout en retirant son chapeau haut de forme.
Elle s’accroupit à côté d’elle, tout en surveillant la lame : elle savait qu’elle ne dormait pas, rien ne servait de tenter un coup de larcin. Par ailleurs, sans qu’elle ne le voit précisément, l’être dégageait quelque chose, peut être une aura, mais elle n’était pas humaine. Il valait mieux attendre avant de tenter quelque chose.
- Enchantée noble guerrière, s’annonça-telle d’une voie mielleuse.

L'aura s'approcha et Inadel entendit quelqu'un s'assoir à coté d'elle.
- Enchantée noble guerrière, lui dit une voix féminine.
L'ange tourna la tête à sa gauche pour observer la nouvelle venue, une jolie femme blonde aux yeux gris-vert et aux vêtements luxueux, bien qu'ils semblaient quelque peu excentrique.
Rien dans ses pensées lui disaient qu'elle allait faire un quelconque acte de violence, ce qui la rassura. Dans ses rues, il n'était pas rare de trouver des malfrats grognant et mal intentionnés.
Par contre, son regard pétillait de malice ; mais il n'y avait pas que lui et son ton de voix milieux, qui trahissait le vice. Cependant, Inadel préférait rencontrer une âme joueuse qu'une âme agressive.
Son indiscrétion et le plaisir que cet être semblait tirer à user de fourberie fut contagieux et l'Ange lui sourit en retour, avant de lui répondre avec bienveillance :
- Je suis de même enchanté de rencontrer un esprit qui inspire tant la joie de vivre. Mais que me vaux donc votre aimable attention ?
Son visage serein et doux, ainsi que la légère aura lumineuse qui l'entourait, donnait véritablement un aspect divin à l'ange, tout en inspirant la paix.

Nashley se releva gracieusement tout en ne quittant pas l’étrangère des yeux. Parce qu’il faut bien le dire, elle ne se mêlait pas du tout avec l’environnement. D’ailleurs, ce personnage était quelque peu étonnant (ce n’était pas seulement pour les cheveux blancs). Tout plein de bienveillance et de bonté. Les apparences étaient trompeuses – ironique, de la part d’une illusionniste, n’est-ce pas ? – mais Nashley en était persuadée : cette femme n’était certainement pas mauvaise. Elle rit intérieurement : Pas de risque de représailles.
- Ma foi !, s’exclama la voleuse masquée de cet air théâtral qu’elle maitrisait sur le bout des doigts.
Elle affichait encore ce petit sourire en coin et ses yeux pétillaient malicieusement. Elle fit sortir de nulle part une pièce qu’elle fit passer d’un doigt à l’autre avec les phalanges du bas – chose plus facile à regarder qu’à faire. Elle n’avait pas vu de bijoux, sous l’armure plate que portait la guerrière.
- Je rencontre une âme perdue dans une rue malfamée où elle n’a rien à y faire. Parce que je suis une personne d’une bonté détestable, je vole à son secours. Vous voyez, je suis honnête.
Elle rit sous son masque blanc, ce qui la rendait encore plus mystérieuse et si peu digne de confiance.
- Que faites vous donc ici ?, interrogea-t-elle de sa douce voix. Venez je vous en prie, ne restons pas là, marchons.

Après avoir entendu les mots de cette jeune fille, l'Ange confirma un peu plus l'idée que les humains méritaient la vie, malgré les horreurs qu'ils étaient capables de produire. Quelle belle énergie venait de ce spécimen ! Elle se sentait comme une enfant, à ses cotés, à observer ses étranges tours de passe passe. Ce qui lui donna l'impression d'être encore plus innocente que d'habitude. Quoi qu'elle venait de transpercer la gorge d'un brigand il y a une douzaine d'heure environ. Enfin ! C'était du passé. Et le présent s'avérait on ne peut plus agréable, en ce jour.
Bien qu'en l'observant, elle perçu une pointe de frustration dans les flux de ses pensées. Quelque chose qui ressemblait à un "Pas d'objet précieux... !" bougon. Avait-elle affaire à une voleuse ? Peu importe... tant que l'idée de meurtre ne la frôlait pas.
Elle se leva, prenant garde à sa hallebarde accrochée en diagonale sur son dos, et rit de bon cœur avant d'affirmer :
- On peut au moins dire que vous êtes honnête dans votre malhonnêté  !
Son visage exprimait effectivement la fourberie même. Inadel continua sur un ton taquin :
- Est-ce un regard clairvoyant qui vous suggère que je n'ai rien à faire ici ? Ou vos paroles sont-elles une réelle volonté plutôt que la vérité ?
Mmmh... Sinon, peut-être aurez-vous l'honneur de connaître mes intentions, si jamais j'ai celle de connaître les votre. Quoi que ! Non. Ne dites rien. Je me contenterais de les deviner, si jamais ce n'est déjà fait.
Je peux au moins vous dire que je suis à la recherche d'esprit fort. Vous sentez-vous concernée ?
Elles sortirent ensemble de la ruelle, pour à nouveau entrer dans le carrefour principal.

"Honnête dans votre malhonnêteté" avait dit cette étrange femme. Nashley rit intérieurement : c'était exactement cela.
- Des devinettes ? Parfait, j'adore jouer ! Devinez donc mes intentions tandis que moi je devine les vôtres. Peut être serons nous toutes les deux bien surprises à la fin.
Elles avançaient d'un même pas, formant un duo des plus étonnants. Pour sûr, elles attiraient les regards. D'un côté, une guerrière à l'allure enfantine, qui respirait la bienveillance et la paix et qui pourtant se baladait avec une impressionnante arme dans le dos. C'était à se demander si elle ne s'était pas trompée de jouet. Et de l'autre, une femme joyeuse et pleine de vie, coiffée d'un chapeau haut de forme, qui jouait maintenant avec des cartes tout en se pavanant presque, dans la rue. Nashley n'avait rien à y gagner dans tout cela : ni bijoux ni pièces. Non, c'était par pur amusement et distraction qu'elle avait invitée la jeune femme. La voleuse était curieuse et voulait constamment savoir à qui elle avait affaire. Et cet être avait volontiers accepté de la suivre. Encore mieux, elle se prêtait totalement au jeu de Nashley, ce qui n'était absolument pas pour lui déplaire.
- Un esprit fort, avez-vous dit ? Hum, je ne me définirai pas comme cela mais puisque vous m'avez volontiers suivie, j'en déduis que vous avez trouvé la bonne personne.
La voleuse lui fit un clin d'œil. Les deux femmes sortirent de la ruelle et se retrouvèrent au carrefour principal que Nashley avait traversé plus tôt. Le marché était dorénavant installé et la foule se pressait déjà entre les stands. L'air embaumait du parfum riche d'épices en tout genre mais n'arrivait pas à masquer totalement l'odeur nauséabonde du quartier malfamé.
- Quant à ce que je vous ai dit, je le pense totalement, reprit-elle de son air enjoué. Vous n'avez rien à faire ici, dans ces rues sales et toute seule. Vous n'y trouveriez que des problèmes... et des voleurs (elle lui adressa un regard malicieux). Vous me faites penser à une enfant, trop gentille pour trainer ici.
Nashley la guidait à travers la foule. Elles regardaient tour à tour les produits : ils étaient en piteux état. N'était-ce pas un ver qui sortait d'une pomme à moitié pourrie ? Tout à fait répugnant. Le marché n'était pas très grand, malgré le monde qui s'y amassait (elle en profita pour y voler deux ou trois bourses au passage) et elles en firent vite le tour. Elles quittèrent la placette et empruntèrent une autre ruelle, étroite et sombre malgré la lumière du jour ; les murs des bâtisses semblaient pencher dangereusement. Un clochard dormait, avachi sur un tabouret à trois pieds. Alors qu'elles le dépassèrent, Nashley s'exclama :
- J'ai dit "trop gentille", tout à l'heure, mais je me permets de raviser mon jugement. Il se peut que vous me surpreniez. Et ô combien j'aime les surprises.
Elle sourit à la jeune femme qui l'accompagnait et se retourna, prête à accueillir un groupe de trois hommes, trois malfrats qu'elle avait repérés un peu plus tôt alors qu'elles tournaient dans la place. La guerrière ne semblait pas non plus surprise de leur arrivée.

Inadel sourit de plus belle en l'écoutant, malgré le mauvais air qui planait sur le marcher qu'elles traversaient. Les pensées étaient confuses, entremêlé. Certaines se démarquaient des autres, lorsque son regard s’attardait sur un visage, ou lorsqu'une était particulièrement mauvaise.
Mais les plus envahissantes était celles de son guide. Sa compagnie était vivifiante et sont esprit, s'il semblait davantage troublé que fort, était vif. Elle reçu plusieurs images venant de celui-ci. Des objets qui se succèdes, dont certains passèrent dans sa poche. Elle ne s'était donc pas trompée sur son identité et elle cette jeune fille était belle et bien une voleuse.
Elle avait de la chance : un jour plus tôt et elle ne l'aurait pas tolérée. Mais l'homme qu'elle avait rencontrer la vieille l'avait beaucoup changé.
Bientôt, elle arrivèrent dans une ruelle étroite, non loin d'un groupe de malfrats. Le genre de rapaces qui planent au alentour des axes de sortie, à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent. Hélas pour eux, s'ils avaient l'intention de s'approcher, c'est sa lame qu'ils auraient à croquer. Mais elle voulait leur laisser une chance de changer d'avis et fit comme si de rien était, tout en saisissant la manche de celle dont elle ne connaissait d'ailleurs toujours pas le nom, afin de la dissuader de faire un quelconque mouvement agressif.
Elle se contenta de saisir son hallebarde et de la poser devant elle, pour pouvoir s'adosser au mur sans être gênée comme elle l'avait été la vieille. Elle jeta néanmoins des coups d’œil aux hommes à l'entrée de la rue.
- Ce défit me va, bien que ce ne soit pas très équitable, dit-elle en revoyant son clin d’œil, avant de continuer avec gaieté.
- Les esprits montrent ce qu'ils sont selon les situations. À vous de me montrer si vous êtes la bonne personne. Pour l'instant je ne vois que de la vivacité en vous. Autant dans vos idées que dans vos doigts. Dommage, les gains ne doivent pas être à la hauteur, ici. Mmmmh... je crois en faite que je vous aurais trancher la tête pour vos actes, il y a quelques jours. Prenez ceci comme un indice, termina-t-elle en riant.
Être comparée à une enfant l'amusa tout autant et elle lui fit part de sa précédente réflexion.
- Tout le monde a l'air d'être un enfant, à vos cotés. Je ne crois pas que cela soit étrange.
Alors qu'elle parlait, les brigands semblaient réfléchir à ce qu'ils devaient faire. Autant l'ange possédait une arme intimidante, mais elle n'avait effectivement pas l'air dangereuse. Elle figea ses yeux dans les leurs, un instant, dans l'espoir de les dissuader afin qu'elle n'ait à nouveau pas à faire couler du sang. Puis elle continua :
- Je ne dirais pas que je suis au mauvais endroit. Mais plutôt que cet endroit, ainsi que la plupart de ses personnes, ne devraient pas être autour de moi.
- Tu as une bien grande gueule, par apport à ton corps, s'écria l'un des hommes enfin décidé à intervenir.
Son compagnon s'approcha, ouvrant la marche au deux autres, en disant :
- Tout comme ton cure-dent de métal. Y serait bien mieux dans les mains de Beber ! ajouta-t-il en donnant un coup de coude au géant de 2 mètres à ses cotés.
- Ouuai. Tes mots nous font pas peur. Et c'est pas en nous fixant avec vos jolies yeux qu'vous allez nous faire peur.
Ah ! T'as vu frangin ? J'ai fais une rime.
-Tu viens seulement de répéter un mot, grand débile.

Ça a le mérite d'être clair, pensa Nashley en inclinant la tête, en réponse aux propos de la jeune femme. Ainsi donc se révélait l'étrange personnage. Une femme d'acier avec une apparence d'enfant. Elle s'adressa à la guerrière de sorte qu'elle seule l'entendait :
- J'ai une chance de tous les diables, ricana-t-elle. Aussi, je ne vous aurais pas laissé faire.

Nashley n'était pas une assassin, malgré tous les mauvais tours qu'elle improvisait. Non qu'elle ait un cœur débordant d'amour pour les gens, simplement, ce qu'elle adorait, c'était jouer, provoquer des rebondissements, toutes sortes de fantaisies. En manipulant les esprits, en détroussant, en s'immisçant dans les secrets, en montrant ce qu'elle voulait que les autres voient. Les bijoux, inestimables disait-on, n'étaient que pur distraction. Incroyable d'ailleurs comme le rang social se définissait par la quantité d'or et de pierres précieuses que vous portiez. Imaginez un peu le plaisir de voir effondrée une comtesse ou autre femme de leur espèce qui ne savait plus où avait bien pu passer son collier en véritables pierres de jade et d'obsidienne cerclées d'or blanc et surmontées de petits diamants. Mais pour sûr, dans ce quartier, comme l'avait fait remarquer l'étrangère, les gains étaient quasi inexistants.
Et dire, que ce petit bout de femme m'aurait tranché la gorge, songea-t-elle. C'en était presque drôle. "Autant dans vos idées que dans vos doigts". Lisait-elle dans les pensées ? Nashley la surveillait du coin de l'œil tandis qu'elle braquait ses yeux clairs sur le trio. Calme et sereine, elle avait le dos appuyé contre le mur, sa hallebarde posée devant elle. Elle ne réagit pas en entendant le trio l'insulter. La voleuse considéra l'arme d'un œil nouveau : elle s'en était déjà servi pour tuer, à l'entendre parler. J'ai vraiment envie d'être une bonne personne quand je suis à ses côtés : son être respire la sympathie et la gentillesse. Mais je vois que même les gens de bien ont leurs travers. C'est terriblement rassurant., se dit elle intérieurement avec une pointe d'ironie.

La guerrière l'avait attrapée par la manche un peu plus tôt, peut être pour la dissuader d'attiser la curiosité de ces hommes qui leur faisaient face, à quelques mètres d'elles. Mais ses cartes la titillaient, et elle avait envie de s'amuser un peu. Un des membres du trio se dégageait nettement : combien cette bête pouvait bien mesurer ? Deux mètres, au moins. Mais elle ne s'inquiétait pas trop : son intelligence n'était en aucun cas proportionnelle à sa taille, et loin de là même. D'ailleurs, le trio se querellait à propos de rime ou quelque chose du genre. Nashley n'écoutait pas vraiment ce qu'ils se disaient. Ce qui l'intriguait un peu, c'était qu'ils semblaient sûrs de leur coup alors qu'ils ne bloquaient qu'un seul accès de la ruelle - celui qu'elles avaient emprunté un peu plus tôt. Elle regarda en arrière en plissant les yeux, profitant de la distraction des malfrats pour vérifier qu'il n'y en avait pas derrière elles. Personne ni dans la continuité de la rue, ni sur les toits. Peut être était-ce parce que la rue aboutissait à un cul de sac ou bien d'autres malfaiteurs étaient postés (et peut être même les deux options). Un bon joueur prend des risques, j'espère qu'il n'y a effectivement personne derrière nous, pensa-telle. Un peu d'improvisation.
Elle jaugea la réaction de sa comparse, toujours impassible, puis reporta son regard sur leurs adversaires. L'un d'eux s'avançait justement, en jouant avec une dague. Brun, pas très grand ni très costaud et accoutré comme le sont les gens de la rue, il s'avançait d'une démarche arrogante. Jusque-là, il ne s'était pas encore exprimé.
- Z'êtes jolies. On pourrait p'têtre s'entendre, claironna-t-il avec un regard lubrique.
Dans un désir d'impressionner, d'émerveiller, d'effrayer (et pourquoi pas les trois à la fois), Nashley s'empara d'une grande cape noire, sortie de nulle part, et se la jeta dessus. Le tissu tomba au sol en tourbillonnant ; quant à la voleuse, aucune trace d'elle. Le malfrat, perplexe, plissait les yeux.
Une voix claire s'exclama du haut d'un des toits et s'adressa à la guerrière, restée en bas :
- Les esprits se découvrent suivant les circonstances ; je suis d'accord. Mais je pense que les actes nous révèlent tout aussi efficacement. Je n'ai pas à faire mes preuves, je suis ce que je suis, voilà tout. Maintenant, la partie commence.
Un cri retentit et tous fixèrent le géant de deux mètres qui se débattait comme un fou pour échapper à une multitude de petites bêtes. Nashley le tourmentait avec des illusions d'insectes et autres bestioles sympathiques. Dès qu'il en touchait une, elle se brisait en éclats mais elle avait vite fait d'être remplacée. Elle darda ensuite son regard sur le malfrat brun et lança une carte sur la main qui tenait l'arme. Celle-ci tomba par terre alors qu'il tenait son membre entaillé.
- Plus que cinquante et une, lui dit-elle avec un sourire mauvais.

[HRP : A ton tour de faire briller ton perso ! :)Et pourquoi ne pas me clouer un peu le bec en volant sur le toit opposé ? ^^]

Des illusions des plus étranges s'animèrent autour de l'Ange. Comment pouvait-elle faire ceci ? Ce monde grouillait de bien des créatures bizarres. Un Esper, peut-être ? Ils avaient toujours l'art et la manière d'utiliser avec aisance les éléments à leur avantage. Et celui-ci venait indéniablement de se téléporter sur un toit.
Lorsqu'elle la fixa, elle ressentit un désir intense de jouer. L’excitation qu'elle pouvait également trouver en observant un chat qui vient d'attraper une souris, avec laquelle il décide de s'amuser afin d'optimiser son temps de plaisir, entre manger et se divertir. Cet être aimait la vie et l'impression qu'elle devait être juste et bonne l'envahit.
Alors que la jeune fille donna raison à la chance, elle lui répondit :
- Ainsi Dieu préserve les êtres qui lui sont cher.
Elle ne croyait pas à la chance, dans le sens du hasard. Tout don avait une raison et ses capacités avait lieu d'être. Elle avait dû mérité et nécessité ces pouvoirs. Elle n'en doutait pas et fut curieuse d'en apprendre plus.
Elle tira ensuite une grimace, aux mots et aux pensées perverses qui traversèrent les esprits des malfrats. Cette répulsion qu'elle avait toujours vis-à-vis de la perversité réveilla encore son désir d'extermination du mal. Mais elle ne devait pas les tuer. Il ne le fallait pas. Elle avait juré allégeance à l'Aurore et c'était à l'encontre de ses principes que d'empêcher la vie.
Non, elle n'avait pas autant de subtilité que la jeune fille qui l'accompagnait. Mais elle prônait l'efficacité et le pratique. Elle profita de la panique du géant pour l'attaquer. Son arme tenue en arrière, elle accouru vers lui et utilisa le poids de l'extrémité pour la faire trancher l'air de son dos jusqu'au cou de l'homme. La barre de bois s'y écrasa et sa victime, sonnée, tomba à terre.
Puis elle recula de deux bons en faisant tournoyer son hallebarde au-dessus d'elle, afin de replacer ses mains. Elle préféra utiliser la pique placée en bas comme une lance et jeta un regard qu'elle voulu sournois à celui qui avait fait preuve de pensée malsaines. Comme pour le laisser imaginer ses intensions, elle s'approcha de quelque pas en le menaçant de la pointe. Enfin, elle se baissa et fusa sur ses cotés, visant l'entrejambe du manche de son arme.
Le dernier se jetait derrière elle. Mais dans la continuation de son précédent mouvement, elle se retourna et figea sa lame dans le mur, emportant de son manche le ventre du traitre. Ainsi immobilisé au mur, elle trouva bon de lui inculquer de bonnes manières.
De sa main libre, elle sortit son katana et le menaça de lui trancher la gorge.
- Dieu préserve les êtres qui lui sont cher en les dotant d'avantage et davantage. Les autres meurent, leur laissant place. Pourtant, on trouve toujours autant de miséreux comme vous dans les rues. Auriez-vous un ni, quelque part, qui assurerait votre pitoyable existence ? Si c'est le cas, vous feriez mieux d'y rester, avec toute votre grande famille. Mais lorsque vous venez ici, c'est l'ordre qui doit régner et l'ordre que vous devez respecter ! Ceci est le seul but de l’existence. Le maintient de la vie. Le maintient de voter vie. Maintenir l'ordre qui permet vie et bonheur. L'ordre qui vous permet de perdurer. Cessez donc vos bêtises ! Faites quelque chose en ce sens, pour une fois ! Sinon je ne manquerais pas de vous trancher la tête, comme je le faisais auparavant. Soyez heureux que Dieu vous ait muni de chance. Dites-vous qu'il doit y avoir une raison et que vous êtes ainsi capable d'autre chose que ces stupidités !
C'était la peur, qui transparaissant dans l'esprit de l'homme qu'elle regardait. La moral se faisait toujours moins timide, dans ce genre de tête, lorsqu'elle se sentait entre la vie et la mort. Le regret avait raison d'eux et la plupart espère très fort pouvoir retourner en arrière et empêcher la situation où ils sont.
Elle rangea son katana, dans l'espoir que ce désir prennent dessus sur leurs habitudes violentes de vie. Elle n'en était absolument pas convaincu, n'ayant jamais épargner la vie des semences du vice. Inadel espérait pouvoir voir le résulta et une éventuelle évolution.
Elle replaça également son hallebarde en travers de son dos, laissant l'homme qu'elle tenait se laisser tomber sur le sol. Sans y porter davantage d'intention qui lui aurait valu d'être encore envahi de pensées tourmentées et désagréables, elle fit apparaître ses ailes le temps de s'envoler sur le toit crasseux où se tenait l'illusionniste.
- Vous qui semblez tellement apprécier la vie, vous devriez comprendre cela, n'est-ce pas ?

Nashley fixa la jeune femme en plissant des yeux et inclina la tête. Pour la première fois depuis leur rencontre, elle quitta son insupportable rictus sournois. Un Ange. Le regard de l'illusionniste s'attarda sur les ailes. Grandes, claires et à l'aspect duveteux, elles bruissaient doucement sous le léger souffle d'air. Elle secoua la tête, prit son haut de forme et le maintint contre sa poitrine :
- Je déteste le dire, encore que cela ne m'arrive que rarement, mais en toute honnêteté (parce que j'en suis tout de même capable) : je suis bluffée.
Elle s'inclina ensuite en une révérence théâtrale et se fendit d'un sourire.
Toutes deux gracieusement perchées sur le toit qui menaçait de s'effondrer, elles en avaient oublié la présence des malotrus, en bas, dans la ruelle. L'Ange lui demanda simplement :
- Vous qui semblez tellement apprécier la vie, vous devriez comprendre cela, n'est-ce pas ?
- Hélas, je suis mal placée pour appuyer vos paroles, aussi empruntes de vérité elles peuvent l'être. Ne suis-je pas une voleuse moi aussi ? Je le fais sûrement avec plus de subtilité (et je vous prie de m'accorder au moins cela) mais mes actes ne sont pas meilleurs pour autant, répondit-elle en arquant le sourcil.
Elle sauta du toit et entreprit de ramasser les cartes au sol qu'elle avait lancées sur les malfrats.
"Apprécier la vie". Disons plutôt que c'était un terrain de jeu formidable, comment y résister ? "De l'ordre dans le but de vivre heureux" ? Nashley ne jurait que par l'inattendu, l'interdit, le risque, le jeu. "Un Dieu qui doterait des gens d'un pouvoir" ? Non, un dé pipé qui ne profiterait qu'à une poignée de privilégiés, voilà tout.
Elle repensa soudain à quelque chose et s'exclama d'une voix claire et légèrement chantante :
- En tant qu'Ange, n'êtes vous pas sensée vous émerveiller du monde, servir les causes de l'humanité et vous vêtir de longues toges blanches ? Comment se fait-il que vous portiez une arme ? Pourquoi m'avoir épargnée ?
Elle la scrutait attentivement ; la réponse l'intriguerait probablement.

Aux mots de l'ange, l'illusionniste eux des pensées empruntes de passion pour le risque, l'adrénaline du jeu qu'était la vie à ses yeux.
Ses questions étaient celle qu'elle même se posait, avant d'avoir rencontrer l'homme qui lui avait apporter la raison. Si sa philosophie n'était pas encore tout à fait stable, elle en possédait la base. Il ne manquait plus que trouver le reste des éléments pour former la justice et la véritable raison, qui permet la stabilité parfaite du monde.
Désireuse d'apporter son point de vue à son interlocutrice, elle s'expliqua :
- Quelles idéologies peuvent être concrètes - persévérer dans les esprits - sans des soldats armés et croyants pour la protéger ?
Je ne suis pas un moine ou un prêtre qui se plient à de simples prières et discourts. Lorsque que l'on a la prétention de se dire sage et ayant la raison, on ne doit pas avoir peur de se salir les mains.
Mais c'est en ayant conscience que l'on doit se salir les mains et de la difficulté de la tâche, que l'on prend garde à la raison pour laquelle on se bat. J'ai cherché durant des années cette raison. Et c'est celle-ci qui me dicte que vous n'êtes pas un nuisible. Celle-ci qui me dicte de ne pas tuer ces hommes.
Après tout, quel prestige auraient vos étonnantes illusions si elles ne s'opposaient pas aux simplicités de la vie ? Quelle plaisir tirerait-on d'elle, si ce n'est pour leurs différences avec les banalités ? Ainsi, les illusions n'ont de prestige que grâce à la banalité qui leur donne de la valeur. Tout comme le bonheur produit du plaisir seulement par son opposition au malheur qui fait souffrir. Le bien ne va pas sans le mal, tout comme l'ombre ne va pas sans la lumière ; un mot sans son contraire.
Vous ne méritez pas la mort et la seule chose que je souhaiterais de vous est votre nom.
Pour ma part, je suis Inadel. Un ange Elohim-Malkhi de la voie des messagers. Je suis l'hymne de l'Aurore.
Le gain permet la perte, tout comme la perte le gain.
Le vase de la vie perd de son eau ;
Mais cela lui permet de se remplir à nouveau.
Seule la mort empêche cette harmonie.
Ce n'est point par la mort que l'on permettra la vie.
Ainsi est le cycle.
L'Aurore est l'idéologie qui prône la liberté de chacun. Même de vous. Pourquoi vous dénigrer ? Vous apporter de la valeur à la vie, tout autant que vous vous amusez à la savourer de vos tours et supercheries. Ce que vous prenez au autre est ce en quoi ils porteront davantage d'importance et de plaisir à le récupérer ou à obtenir autre chose.
Votre cœur est-il lourd en doute ? Votre esprit est-il torturer par de la culpabilité ? À moins que ce soit la peur de l'insécurité, qui vous hante ?
Les yeux de l'ange observaient l'humaine avec une passion qui se retranscrivait dans la douceur de ses mots. Elle avait le désir de protéger ces vies, si belles, si harmonieuse, dans la peur de les voir disparaître un jour entre les mains d'un démon.

La voleuse ouvrit une vieille montre dorée à clapet et annonça simplement, en regardant le cadran :
- Je vous répondrai mais avant, j'aimerais me restaurer. Je ne sais pas pour vous, mais j'ai mes obligations humaines. Sans attendre sa réponse, elle sortit de la ruelle.

Les deux femmes se trouvaient maintenant dans une auberge, toujours située dans le quartier pauvre. Fatiguée et la tête douloureuse - revers de la médaille de son étonnant pouvoir - la voleuse se requinquait un peu. Elle avait écouté l'Ange attentivement (ne s'interrompant que lorsque les trois hommes à terre s'enfuirent, les jambes à leur coups). Non qu'elle approuve véritablement ses paroles, mais elle éprouvait un certain respect. Après tout, n'étaient-ils pas des êtres divins ?
Nashley leva le bras droit, claqua des doigts puis montra sa coupe vide. La serveuse comprit immédiatement et s'empressa de la remplir d'un vin rouge de piètre qualité, mais un vin quand même ! Elle se redressa et appuya son dos contre le mur. Elle prit son verre et le fit lentement rouler dans la main ; elle observa les nuances pourpres du liquide.
- Je m'appelle Nashley, répondit-elle simplement.
La voleuse n'aimait pas se perdre dans des pensées farfelues, ni méditer sur ce qu'était la vie ou ce qu'elle n'était pas, comment on devait la bâtir, où étaient les limites du bien et du mal, etc. Cela revenait aux moines et prêtresses, ces hommes et femmes qui acceptaient de se soumettre à une puissance divine qu'ils ne voyaient pourtant pas. Elle n'avait jamais entendu parlé de l'Aurore et la liberté des autres ne l'intéressait pas.
Elle ne comprenait décidément pas son interlocutrice. D'ordinaire, elle ne faisait que peu de cas des gens naïfs qu'elle bernait sans aucun scrupule. Mais elle était certaine qu'il ne s'agissait pas de naïveté dans le cas d'Inadel. Celle-ci colportait un message auquel, sans nul doute, elle croyait. Elle pensait réellement que Nashley était quelqu'un de bien. Et c'est justement cela qui dépassait l'entendement de la voleuse masquée :
- Comment pouvez vous vous émerveiller de ce que je fais ? Non ! (elle leva le doigt en l'air et s'approcha de son interlocutrice) Je ne me dénigre pas  ; je m'aime bien trop pour cela. Mais vous êtes la seule personne à vous laisser prendre à mon jeu, à vous enivrer de mes supercheries en ayant tout à fait conscience de ce que je fais ! Les gens "normaux" m'aurais jetée tout droit en enfer ; c'est ce que l'on fait lorsqu'on se sait arnaqué, non ?
Elle se redressa et appuya son dos contre le mur tout en fixant l'Ange d'un regard évaluateur :
- Ne vous laissez pas abuser par votre divin message de paix. Quand je vole quelque chose, je ne pense pas au plaisir que les malheureux vont éprouver à partir à la recherche de leur bien manquant (ils ne le retrouveraient jamais de toute façon). Je pense plutôt à leurs caprices accessoires et inutiles qui ne seront pas satisfaits. On ne dérobe pas à un noble une cuiller en bois ; pourtant, c'est tout aussi mal ! Il faut lui arracher ce qu'il a de plus cher. Voilà pourquoi je n'ai besoin de tuer personne : il n'y a que les biens qui intéressent les gens. Alors, suis-je en train de valoriser la vie ?
Elle ricana. Pouvait-on pousser dans ses retranchements un Ange tel qu'Inadel ? En avait-on le droit ? Il faut se mouiller les plumes parfois...

Celle qui s'était enfin présentée comme se nommant Nashley l'avait entrainé dans une taverne. Une taverne de pauvres, bien-sûr. Elle n'avait toujours pas réussi à quitter cette faune malsaine qu'était les rues extérieures à la capitale de Sen'tsura ; et peu de bâtiments étaient construits à effigie des personnes riches, ou du moins plus aisées qu'un miséreux habillés en mouchoirs.
Pour acquérir leur dose d'alcool, des tables de jeux étaient disposées, favorable à la mise d'argent tout autant qu'à sa dépense. Des hommes les occupaient, plus ou moins faits, et ne faisaient guère attention aux deux étrangères qui s'étaient installées dans un coin de la salle.
Sa compagne s'était mise à l'aise, adossée au mur face au comptoir d'où le tavernier surveillait d'un œil prudent les entrées et sorties, prêt à réveiller l'homme baraqué assoupit sur une chaise si quelque chose d'indésirable se passait.
Inadel avait posé sa hallebarde sur le mur à coté de sa chaise et jouait avec son verre de son doigt. Son verre vide. Elle ne comptait pas boire l'essence de ce qui pervertissait les Hommes. Elle écouta patiemment l'illusionniste parler, sans quitter ses yeux. Amusement, ironie, une malsainité sournoise, un désir de pervertir, s'y lisait. Pourtant, la violence était absente. À ses mots, on pouvait voir qu'elle n'avait pas comprit ce que l'ange exprimait.
Elle répondit à sa dernière question avec un sourire amusé :
- Exactement.
Elle laissa passer un temps, afin de laisser planer l'ironie de sa réponse, puis continua :
- Aucun être peut être pleinement conscience des conséquences de ses actes. C'est en découvrant l'harmonie, les relations entre tout ce qui est, que l'on peut admirer chacun des éléments. Vous ne faites pas exceptions.
Pourquoi dites-vous que je me fais abuser ? Peu importe vos intentions, c'est bien le résulta qui nous concerne. Devrions-nous refuser un trésor, cela pour cause que les intentions aient été mauvaise ? Devrions-nous rejeter le bonheur en le définissant comme mal ? Le bonheur est ce qui permet de ne pas refuser la vie. Rien ne prendrait la peine de vivre, dans un malheur et un rejet permanent de soit-même et du plaisir.
Quelque chose vous dérange-t-il ?

Nashley la regarda en plissant des yeux.
- Il y a un tas de choses qui me dérangent.
Elle sourit en montrant des dents :
- Mais, refuser un trésor parce que mes intentions sont mauvaises ? Jamais. Je vous accorde ce point, noble oiseau divin. Et cessez de croire que je me rejette, enfin ! Elle éclata de rire : j'ai un peu d'amour propre.
Elle se frotta le menton puis balaya la taverne de son regard perçant. La montagne avachie sur son tabouret, près du comptoir, ne passait pas inaperçue. Quelques tables de jeu étaient disposées ça et là, des hommes bourrus les occupaient. Le tavernier inspectait chaque entrée et venue : attendait-il quelqu'un ? Elle finit son verre de vin rouge puis croisa les jambes, ses bottines en cuir posées sur la table. Elle avait mangé un bouillon et une purée-de-quelque chose. Elle n'aurait même pas su dire de quoi tellement cela avait manqué cruellement de goût. Mais au moins avait-elle regagné un peu d'énergie. Elle n'acceptait toujours pas cette faiblesse : pourquoi avait-elle des migraines alors qu'elle s'entrainait sans cesse ? Elle n'était plus une débutante à la fin ! Son regard se posa à nouveau sur l'Ange.
- Pour être honnête... quoi, encore une fois ? Serai-je enfin sur la voie du droit chemin ?, ricana-t-elle en feignant l'incrédulité. Elle reprit, les mains croisées derrière la tête : Pour être honnête, c'est plus facile quand on me déteste. A vous entendre, on croirait que vous m'admirez, moi avec mon étincelle de vie plein les yeux, mes mains ancrées dans les poches des autres. Elle arqua le sourcil dans sa direction : j'en perds mes mots, déclara-t-elle avec ironie.
Elle pianota sur la table en suivant le jeu des mains d'Inadel avec son verre vide. Elle ne boit pas ? Est-ce un mal que d'aimer les bonnes boissons ?
Elle repensa soudain à quelque chose :
- Pourquoi avez-vous dit que vous m'auriez tuée, si tenté que vous ayez réussi, quelques jours plus tôt ? Avez vous eu une soudaine révélation qui vous aurait chamboulé l'esprit ? Si oui, je vous en prie : dites-moi votre secret, susurra-t-elle d'une voie mielleuse.
Après quelques secondes de réflexion, elle leva le doigt en l'air : Non ! En fait je ne veux pas savoir. Si vous me le dites, je serai contrainte de passer mes journées à regarder les papillons et à jouer de la flute. Je ne veux pas être une sainte. Non, encore quelques années de corruption et.. peut être prendrai-je ma retraite ?
Nashley secoua la tête, sourire aux lèvres et tapa trois fois sur la table. En se relevant gracieusement :
- Je vous invite pour la peine, ironisa-t-elle avant de laisser quelques pièces sur la table. L'Ange n'avait évidemment rien consommé.

Inadel rit au éclat, aux mots de l'illusionniste. Elle ne comprenait visiblement pas et son ironie était contagieuse.
Elle commença par la rassurer :
- J'ai bien compris votre nature, chère Nashley. Je sais. Profiter... oui... il serait trop dérangeant que d'entendre une remise en cause et de subir une refonte de la perception. Permettez-moi de vous rappeler que ce n'est pas mon objectif. Votre personne est satisfaisante.
Son visage se durci soudain. La douceur qui emplissait ses yeux la quittèrent, laissant la couleur bleu acier se figé dans ceux de la femme. Son sourire, pourtant, ne la quittait pas. Elle ne souhaitait pas être dérangeante, mais sa voix se fit aussi ferme que calme.
- Revenez, je vous pris. L'utopie est encore loin, si loin qu'on l'oubli. Si loin qu'elle m'échappe. Mais si proche à la fois... Enfin, puisque la corruption sonne si bien à vos oreilles, laissez-moi vous chanter une mélodie. La mélodie de l'adaptation et de la destruction.
Elle s'arrêta un instant, dans l'espoir que ses mots pèsent dans l'intérêt de sa cible. Elle l'a prenait vraiment pour l'essence de l'innocence. Mais après tout, elle l'avait mérité, à exprimer tant de passion. Il était cependant temps d'utiliser d'autres types de mots. D'autre type de torture. Passer de la plume au fer. Les humains aimaient la souffrance, après tout. Ils en étaient obligés, pour persister. Il trouva bon de lui faire la remarque :
- Nous ne serions pas vivant, si nous n'admettions pas le mal. Pas vivant, si on ne s'y adaptait pas. On perdrait espoir, se lamenterait, pourrirait pour finalement disparaître en tant que carcasse nauséabonde sur notre propre terre. Au profit des rapaces. Mais heureusement, les êtres s'adaptent. Ils se satisfont, de ce qu'ils ont. Regarde ailleurs, lorsqu'ils font face à certains malheur. Apprennes à en apprécier certain. Pourtant, certaine choses prennent tout, cela jusqu'au dernier bout. Oh... si seulement elle arrivait lentement. Si seulement on pouvait les voir venir et se dire "Je serais mort, lorsque ça arrivera !". Mais d'autres sont des flammes dévorantes et envahissantes. D'autres détruisent tout, nous laissant démuni. Tous, sans exception, mis-à-part les morts. Probablement qu'il serait mieux de donner un peu de son temps à une voie meilleur, sans pour autant quitter la sienne. Ceci afin d'avoir davantage de chance de préserver et de faire perdurer celle qui est sienne. Parfois il faut rapprocher certaines voies, parce qu'elles ne sont pas toutes différentes. Parce qu'elles en ont besoin. Vous pensez être libre, seule, totalement indépendante... ?
Elle rit doucement, laissant ses traits se décrisper en une expression plus charmeuse. Elle retourna le verre, préférant maintenant jouer avec son pied, puis continua avec un sourire en coin :
- Qui vit derrière les fées et papillons de son esprit ? Hum ? Pensez-vous peut-être pourvoir continuer éternellement ainsi ? Je vous pris, approchez vous. Des choses ne se disent pas à voix haute.

Nashley était en train de repartir mais les mots de l'Ange la poussèrent à s'arrêter et à se tourner dans sa direction. Elle revint jusqu'à la table où celle-ci était tranquillement assise. Elle avait retourné son verre et observait l'illusionniste avec un petit sourire en coin. Son regard si enfantin, si doux, si bienveillant s'était fait plus dur, plus acéré soudain avant de regagner une expression plus chaleureuse. Cela l'avait fait paraitre un peu plus âgée. D'ailleurs, qui sait combien un Ange pouvait vivre ? Nashley la regarda en inclinant la tête sur le côté, l'air perdu dans ses pensées. Elle posa ses mains sur la table et s'appuya sur ses bras pour se rapprocher un peu plus de l'Ange.
- Chère Inadel (elle reprit son expression mais cela sonna plus doucereux, légèrement menaçant), par le passé, on a déjà tenté de me punir de quelque chose que j'avais fait, de me montrer que ma voie n'était pas la bonne. Elle tapota son masque. Mais je ne crois pas que l'on puisse combattre le mal par le mal, en tout cas, ça n'a pas marché avec moi. Hélas, pas avec des mots doux non plus.
Elle se redressa, un sourire narquois aux lèvres.
- Vous voulez que je vous dise : il faut bien des méchants pour faire briller les esprits des gentils. Considérez alors que je vous fais une fleur, que je me sacrifie pour que vous puissiez avoir l'occasion de faire la morale à quelqu'un.
Elle éclata de rire et se tourna vers les hommes de la taverne. Elle claironna d'une voix forte :
- Votre attention s'il vous plait !
Tout le monde s'interrompit pour regarder l'étrangère. Un des hommes, probablement un joueur, lui grogna quelque chose et cela sonna comme un "Femme, ton cul, il doit être dans la cuisine". Elle soupira de ce manque d'originalité : Toujours le même refrain, c'est lassant. Elle lui lança des cartes à la figure qui lui entaillèrent profondément le visage, le sang commençait à couler. Elle leva ensuite les mains en l'air en tournant sur elle-même pour captiver son auditoire et aussi pour montrer qu'elle n'avait pas d'armes (le tavernier avait réveillé la brute).
- Rien dans les manches.
Elle balaya ensuite d'un geste théâtral une table de jeu, envoyant valser les mises, les jetons et les cartes sous le regard médusé des quatre joueurs ; elle grimpa dessus puis tourna la tête vers l'Ange. Elle mit ses mains en porte voie et souffla un nuage de papillons violets. Elle attendit qu'ils aient fait le tour de la salle, volant entre les clients puis claqua des doigts. Ils explosèrent, projetant des éclats un peu partout avant de disparaitre en fumées violacées. Certains hommes se protégeaient le visage de leur bras. D'autres quittèrent l'établissement ; ils laissèrent la porte grande ouverte. Elle éclata d'un rire mélodieux :
- Voilà ce qu'il y a derrière les papillons.
Elle avait les bras écartés et les mains ouvertes, quelques cartes glissées dans les interstices entre ses doigts. Son regard perçant ne cillait pas, son rictus sournois était toujours là.
- Une jeune femme un peu tourmentée par une enfance difficile, un peu excentrique, un peu magicienne, un peu voleuse, un peu satisfaisante (elle lui fit un clin d'œil), un peu ceci, un peu  cela... (elle mima des pincées de sel avec les mains). Vous êtes trop sérieuse, Inadel. Vous ne pouvez pas rendre le monde meilleur (elle montra les hommes de la taverne), les Dieux eux-mêmes n'y arrivent pas ! Amusez-vous un peu.
Elle soupira de manière théâtrale :
- Erf... toutes les bonnes choses ont une fin. Cette rencontre était inattendue, un peu moralisatrice sur les bords mais de compagnie fort agréable. Je ne suis pas très douée pour les adieux. Mais je soigne mes finals. Avec un regard par en dessous, sourire au lèvres : Que la chance soit avec vous !
Elle porta la main droite à son chapeau en guise de petit salut et se décomposa en une multitude de cartes. Sur une d'entre elles, une petite annotation griffonnée à l'encre noire :


C'est facile de disparaitre. Une simple téléportation et le tour est joué. Mais, entre nous, ça en jette quand on y met les formes, pas vrai ?

[HRP : Voilà une petite fin à la poudre d'escampette :]