« Yndaphos », tel est le murmure qu’entendit Brack lorsqu’il ouvrit ses yeux, tandis que son corps couvert de boue prit peu à peu forme humaine. Tandis que les étoiles du firmament brillaient de mille éclats, l’enfant se releva, regardant l’horizon. Sa peau couverte de boue absorba le liquide terreux, tandis qu’elle prit peu à peu la couleur chair des humains. Et puis il s’en fut, gardant à jamais en mémoire ce simple souffle, cette parole de la Terre… Yndaphos.

Tel était son nom, bien avant que ne débute l’Hiver, bien avant que ne surgisse Aile Ténébreuse. Qu’est-ce qui avait bien pu le faire naître ? Il n’en avait aucune idée, ce secret était celui des Dieux, celui de la Terre, celui de Lilly. Vagabondant dans les milieux épars, toujours à proximité de sa Mère, il grandit et prit conscience de sa nature, immortelle et jeunesse continuelle. Bien que tout être doive subir les affres du Temps, lui était épargné. Avait-il des semblables ? Avait-il des « frères » ? Jamais il ne le sut, croyant être unique. Lorsque son âme d’enfant disparue pour laisser place à celle de l’homme mûr, il pleura de solitude. Etait-il le seul fils de la Terre ? N’y avait-il pas un fils de chaque élément ?

Tandis qu’il vit des cités se construire et se détruire, des humains apprendre à grandir et à réfléchir, à naître et à mourir, lui restait, perpétuel. La Terre lui avait fait don d’immortalité, mais il ne trouvait réconfort que dans ses pensées. Il apprit à manier les armes quand les premières apparurent, il apprit à chanter quand la musique apparut. Mais il n’apprit jamais à aimer, jamais à se confier. Qui voudrait d’un amant immortel, qui lui survivrait, à elle et à sa descendance jusqu’à la fin des Temps ? Il apprit les Paroles des Deux Dieux, puis celle de la Multitude, mais ne se retrouva dans aucunes. Las, il était de sa nature. Car après tout, il était enfermé dans un monde de solitude.

Sa plus grande peur, il la vit lorsque l’océan s’ouvrit à lui. Arpentant les terres, déserts et forêts, il atteint une ligne de turquoise, qui paressait, et parfois grondait. Ayant toujours marché sur terre, Yndaphos marcha sur l’eau. Les premiers mètres, la terre venant automatiquement le supporter. Mais quand vint l’endroit où la Terre était trop loin de la surface, il tomba. Ne savant pas nager, et son corps étant lourd, il se noya. L’Elemental sentit ses poumons s’obstruer, son cœur s’arrêter. Mais sa Mère l’appelait, et il revint sur le rivage. L’Océan était son pire cauchemar.


Plusieurs siècles passèrent... Peut-être un millénaire, peut-être plus. Il atteint pour la première fois sa forme finale, en communion avec sa Mère. C’était dans un énième combat, où encore altruiste, il voulait sauver. De colère devant la cruelle et si réaliste face des humains, un nourrisson venait de naître quand des bandits tendaient à le faire disparaître pour une raison de dette. « Dette ». Encore un nouvel apprentissage. D’une rage sans pareille, il sentit son corps se changer, aspirer la Pierre pour qu’ils ne fassent plus qu’un. Enfermant dans un tombeau gigantesque les âmes damnées, il leur souhaita une bonne visite à Nayris, tandis que la pire des morts les attrapa, celle de mourir sans air.

Voyant que malgré sa vie sauve, la jeune fille s’enfuit demander de l’aide, le fils de la Terre s’enfuit, devant tant d’ingratitude. Car il avait tué pour elle et son enfant, car à toute vie qui vient, le bonheur doit être sien. La Chasse fut ouverte, et des hommes voulurent sa tête. L’ignorance des hommes chassa sa bonté, ne laissant qu’amertume et déconfiture. Il participa à des guerres, moyennant ses efforts contre un peu d’or. Il pouvait en avoir seul, mais préférait participer, et ne plus être seul. Il cacha à jamais sa forme finale, s’entraînant loin de toutes présences.

Alors qu’un jour il se battait à coté d’un volcan éteint, un grondement retentit, et Yndaphos sentit sa Mère en colère. Il sut quoi faire, et ne put que regarder la lave déferler sur les êtres belliqueux. Alors qu’il était devenu magma, l’homme vit alors, dans les parois du cratère, deux magnifiques pierres. Un murmure, encore : « Prends ces diamants, et n’est plus peur ». Il les prit, mais malgré son expérience, ne sut jamais comment les utiliser. Tandis qu’il arpentait de nouveau le Monde pris de misère et de déluges, il ne put que constater que sa Mère, dans son étrange bonté, leur avait offert une chance de se racheter.

Sa présence comme Fils de la Terre s’oublia, malgré son nom qui avait marqué les batailles, Yndaphos, le séisme sanglant. Il prit le sobriquet de Arthénon, et partout où il allait, la famine se retrouvait repousser temporairement. Mais comme le mal des hommes avaient été fait, jamais cela ne durait bien longtemps. Ce nouvel homme s’aventura dans la Montagne, prenant la taille des nains et leur rude et agréable brusquerie. Il apprit les merveilles de la forge, et à apprendre à écouter davantage sa Mère, et ses cadeaux, les pierres. Là, avec un grand maître Nain dont le nom s’est perdu malheureusement, il apprit les rudiments de la forge, sans jamais portant parvenir à enchâsser ses pierres. Lors d'un voyage commercial, il les cacha dans une grotte, dans un magnifique coffret offert par ses amis nains.

Ces gemmes, nul ne découvrit ce dont elles étaient capables, car leurs pouvoirs ne s'étaient pas libérés. La technique, pourtant grandiose, n'était alors pas suffisante pour les monter sur anneau. Ultime cadeau de sa Mère, qui à la fin de l’Hiver, se tut. Baldruk, le nain qu’il était devenu, sentit qu’il était temps de s’éteindre. Ainsi il connu sa troisième mort, son cœur s’entourant de glaise pour que nul ne sache qu’il battait encore. Dans son tombeau, il s’en alla vers le Ciel, là où son instinct le portait. Là-bas, il apprit à apprécier l'art, la didactique, et la stratégie.

Se frottant à l’alchimie et à la noblesse, il parvient lors d’une action contre la Terre à devenir noble. Car tout ce qu’il avait gagné - gemmes de sa Mère y compris - se trouvait fort loin, au lieu où sa vie avait commencée. Anoblit, il parvint grâce à la manipulation et à sa maîtrise de l’Histoire et la langue à charmer la princesse d’alors, qui le fit Marquis de Misora. C’est donc longuement qu’il profita d’une telle vie, à charmer et se divertir, parler et se sentit respecté sous le pseudonyme de Menclaï Baster Grad. Jamais dans sa jeunesse, il y a des siècles de cela, il n’y avait songé. Opulence et luxure, histoire et art, rien ne fut épargné. Il parla longuement, parfois avec de génialissimes magiciens, comme Alastair Samhain Zelphos. C’est avec ces personnes qu’il apprit l’existence de la Prophétie.

Mais le désir des hommes est si fort qu’ils se frottent parfois à des choses énormément plus grandes qu’eux, et ainsi, lorsque la Faille fut ouverte, Aile Ténébreuse pénétra dans ce monde. La paix qui s’était installé ne devait pas durer, ainsi en voulait le Destin. Il prit part, en sa qualité de Noble à la bataille dans les plaines de Misora, mais ne parvint pas à faire réfléchir les seigneurs et maîtres du Ciel sur les dangers d’un nouvel affrontement. Dépité, il orchestra sa désertion dans les semaines qui suivirent, n’emportant rien, si ce n’est sa lance devenue fétiche et un reptile compagnon qui fut amené à devenir un ami et confident.


Il fit le choix de changer de nouveau, et devint Brack Orden, un honnête précepteur battant la campagne pour éclairer les âmes. Bien entendu, suite à la prise du Ciel et de l’Eau, il évita désormais ces contrées. Car Brack avait décidé de garder, du moins quelques traits de son ancien noble Menclaï. Malgré son désintérêt désormais pour les batailles et les guerres des hommes, qui au final ne cessaient de se battre au détriment de la Terre, il se sentit surpris lorsqu’un bref soulagement lui advient quand il apprit qu’un certain Galaad avait fui en emportant un artefact pouvant vaincre l’Archi-Démon.

Bien qu’il ne se mêla pas des histoires de batailles, il vagabonde désormais pour rencontrer cet homme courageux, intrépide et ne tenant pas à la vie. Cette bêtise méritait d’être vue, et avec Natrix, son fidèle et si mesquin compagnon, il décida après avoir longuement pesé pour et contre de tenter de le rencontrer, par simple curiosité. Rejoindre la Rébellion n’était pas dans ses opinions, car avant tout, il voulait satisfaire son insatiable curiosité. La suite est à venir, au fur et à mesure de ses déplacements.