Le regard d’Esenheim se perdit dans la nuit. Il aimait comme redoutait ces instants, la fraîche obscurité qui les entourait était son domaine, la lune, sa compagne. Si le jour ne lui était pas vraiment désagréable, et qu’il appréciait l’animation qui allait de pair avec celui-ci, la nuit elle, l’emplissait et l’enveloppait de sa sérénité. Cette sensation aurait été parfaite si ce n’avait été pour cette douce pointe d’angoisse qui perçait toujours son cœur glacé : Le calme autour de lui, en plus de l’apaisé, lui rappelait sans cesse ce qu’il n’était plus, qu’il ne pouvait plus fuir cette réalité le temps d’un rêve.
Son armure, dans ce genre de situation, lui semblait presque une prison, mais cela lui passait vite. Si on ne se refait pas, le temps lui vous écrase sans pitié, et passé quelques dizaines d’années, ce genre de sentiments récurant finit par perdre en couleur, pour viré au gris sombre du néant.
L’agitation du petit homme à ses côté le ramena à la réalité. Une réalité qui n’allait sans doute à tarder à devenir intéressante.
Il soupira, enfin s’aurait été un soupir, dans d’autres conditions, le petit homme, marchand de sa condition préféra en tout cas interpréter ainsi les volutes de de gaz qui s’échappèrent du casque de son interlocuteur.
L’homme se tortilla, mal à l’aise, il ne savait pas s’il était la cause de cette réaction, et si cela était éventuellement annonciateur d’une mort prochaine
Il ressassa tout ce qu’il avait pu dire ou faire, et en conclu qu’il était en sécurité pour l’instant, mais qu’il ferait mieux d’attendre sans un son que l’effrayant chef de la milice se décide à parler. Il n’était pas connu pour sa cruauté, loin de là, mais pas non plus pour une quelconque bonté ou magnanimité.
Esenheim observa le petit marchand en silence, celui-ci était mal à l’aise, rien de surprenant à ça, car personne n’était capable de savoir ce qu’il pensait, faute d’expression faciale, cependant il ne semblait pas outre mesure inquiet, ce qui tendit à confirmer l’avis d’Esenheim sur le sujet : Il ne mentait pas.
Quelques jours plus tôt, l’empire avait été victime d’un des aléas de la conquête, une petite intervention musclée, disons. Une bande de rebelle avait attaqué un centre administratif, rien de bien important, ils étaient arrivés à 5, et avaient pris d’assaut cet établissement peu protégé qui gérait des flux de marchandise.
Des flux de marchandises… Il y avait vraiment des gens dont c’était le boulot de gérer ça… ? Cela dépassait Esenheim. Bien entendu il comprenait que ce soit une nécessité, mais bon.
Toujours est-il que lors de cet assaut, une petite dizaine de loyaux serviteurs de l’empire étaient mort, jusque-là, rien d’irremplaçable, mais les rebelles avaient aussi dérobé des archives de transaction financières qui pourrait se révélées… dangereuse si par malheurs elles venaient à tomber entre de mauvaise main. Esenheim, avec une poignée d’homme, avait tenté de les intercepter, mais l’incendie qui s’était déclaré dans le bâtiment avait permis à trois des traîtres de s’enfuir, non sans qu’Esenheim ai l’occasion de croiser le fer avec leur chef. Ces quelques secondes ou le fer et la glace s’était entrechoqués avait été… Exaltantes… Cela faisait maintenant plusieurs semaines qu’Esenheim était coincé au quartier général de la milice, avec rien d’autre à faire que de relever des rapports d’espionnages sans intérêt, et gérer le recrutement de quelques nouvelles recrues.
Toujours est-t-il que la bâtisse en flamme n’avait pas tardée à s’écrouler, et ils avaient dû résumer leur combat.
Depuis Esenheim tournait en rond comme un lion en cage, cet affrontement lui avait laissé un petit quelque chose de frustrant, son adversaire devait faire attention aux flammes, et lui avait dû concentrer la majorité de sa puissance pour s’entourer d’un froid intense, pour repousser les flammes. Il avait une seule chose, le visage de son adversaire, ça et le certitude que s’il ne le retrouvait pas il risquait d’avoir des ennuis.
Jusqu’à ce que ce petit marchand le contacte : Un de ses hommes était venu le chercher et l’avait guidé jusqu’à lui. Là où toute la milice de l’ombre n’arrivait pas les déloger, ce petit être de rien du tout était tout simplement apparut devant leur porte, en leur expliquant qu’il avait livré du matériel dans une maison de Sylfira, et qu’il avait reconnu dans les événements récent une des lames qu’il avait vendu.
Esenheim avait tout de suite douté que cela pouvait être un piège, mais il savait reconnaître la cupidité quand il la voyait, et il ne doutait pas que son petit interlocuteur vendrait père et mère si cela pouvait lui rapporté quelques pièces d’or.
Esenheim se pencha vers le marchand, et prit enfin la parole :
C’est donc ici.
Ce dernier hocha de la tête, sans rien dire. Esenheim se tourna ensuite vers un de ses hommes, un empathe, si celui-ci ne lui servait à rien en combat, il pouvait se révéler très pratique pour repérer le terrain. Ce dernier se concentra.
Le laissant travailler caressa de sa main de givre le corps filiforme de Ish, son dragonnet de givre, celui-ci frémit de plaisir. Esenheim attendait avec impatience que ce dernier ai suffisamment muri pour être capable de parler, les dragons de givres, ces cousins des grands dragons, n’ont pas besoin de dormir, et il lui tiendrait compagnie pendant les longues nuits passé à veiller.
L’empathe ouvrit les yeux, et déclara : Trois personnes, une certaine tristesse, mais globalement de bonne humeur.
Hmmm, cela correspond à ce qu’on attendait. Éclipse-toi avant que nous commencions.
L’empathe s’inclina en remerciement, et disparu dans la nuit, pour ne pas souffrir en même temps que ses ennemis.
Esenheim attrapa le bras du marchand, qui croyait qu’Esenheim s’adressait à lui, et serra, envoyant une puissante décharge de froid dans le bras de celui-ci. Ce dernier glapit, et retira son bras ou la marque de la main d’Esenheim était maintenant bien visible grâce au choque de température.
Ne t’inquiète pas… Ce n’est qu’une mesure de sécurité, dit Esenheim d’une voix glaciale, si jamais tu nous as trompé, je saurais où te retrouver, où que tu ailles.
C’était bien entendu un bluff, mais il eut l’effet attendu, dans les yeux du marchand, Esenheim lu de la peur, mais pas de panique.
Esenheim se tourna vers ses hommes, deux seulement pour donner l’assaut, plus que dans un soucis de fair-play, il préférait laisser croire à ses ennemis qu’ils avaient une chance de s’en sortir pour éviter qu’ils tentent quelque chose de stupide, comme de détruire ces précieuses archives.
Le premier, un homme fin ascétique, jouait de deux longues dagues courbes qu’il maniait avec adresse, l’autre, à son opposé était massif comme un taureau et portait deux gantelets en fer qui lui remontait jusqu’au coude. Esenheim les avaient sélectionné car il les jugeait parfaitement adapté au combat non conventionnel, dans un espace limité rempli d’obstacle.
Il avait aussi, par soucis de précaution, fait boucler le quartier, et avait placé des hommes dans les égouts en dessous de la maison. Il écarta de la main un papillon nocturne qui tournait autour des deux lueurs bleu qui formait ses yeux, il était maintenant l’heure de donner l’assaut.
Il tira son arme, et d’un mouvement de tête indiqua à un de ses hommes d’aller toquer à la porte. Soudain, un silence de mort s’abattit dans la maison, et on entendit le grincement d’une porte qui s’ouvre, puis se referme.
N’y tenant plus, Esenheim enfonça la porte d’un grand coup de pied, envoyant des éclats de bois voler dans la pièce.
Ses hommes ont beau être vulgaire, manquer sérieusement de finesse, d’intelligence, et d’un quelconque sens d’hygiène, on ne peut leur reprocher leur efficacité, aussitôt le porte arraché, ils s’engouffrèrent dans la pièce, engageant chacun un adversaire.
Alors qu’il entrait d’un pas pesant, sa cape claquant après lui Esenheim chercha son adversaire du regard. Ne le trouvant pas, il commença à fouiller pièce après pièce. Derrière lui, les bruits de combat s’achevèrent rapidement, il n’avait aucun doute particulier quand à leur issu, des combattants chevronnées et préparé contre des bouzeux à qui l’on a balancé des salades et qui se battent pour une pseudo-liberté. Non, le seul qui l’intéressait, il ne le trouvait pas. Il commença alors à ouvrir et fermer chaque porte et chaque fenêtre. Le voyant faire, l’un de ses deux acolytes eut un bref ricanement moqueur. Sans même se retourné, Esenheim répondit à l’affront d’un calme absolu :
Garh, si tu te permets encore un commentaire déplacé, la prochaine fois tu finiras dans les égouts avec les autres. Au moins ta présence aura le bénéfice de faire fuir la vermine, plutôt que de nous empester nous.
Celui-ci ne répondit rien, mais se permit un petit sourire amusé. Il savait que son chef n’était pas du genre à se vexer, si l’impassibilité du démon l’avait au début déstabilisé, il avait vite compris que celui-ci leur foutrait une paix royale tant qu’ils obéissaient aux ordres et faisaient bien leur boulot. Et il savait qu’il était un des meilleurs dans son domaine.
Après avoir testé chacun des portes une à une, Esenheim revint finalement dans la pièce principale.
Aucune ne grince, toute huilée parfaitement, ce qui ne laisse qu’une seule option… Je vous préviens, il est A MOI.
Il leva son arme et l’abattit de toutes ses forces sur le plancher qui s’écroula sous son poids. Il se rattrapa souplement un étage plus bas, dans ce qui semblait être une cave, et eut juste le temps de planter la pointe de son arme dans le bois de la charpente pour bloquer le puissant coup d’épée qui s’abattit sur lui.
Des éclats de bois volèrent mais la poutre résista, arrêtant la course de l’épée à quelques centimètres du casque d’Esenheim.
Quelle accueil chaleureux, ah. Dit-il avec un petit rire.
Voyant venir le second coup, il roula sur lui-même et dégagea son arme d’un coup sec, manquant d’estropier son adversaire quand les lames latérales de celle-ci ripèrent sur l’armure légère de son assaillant.
Esenheim se remit debout et dégagea d’un revers de main nonchalant sa cape.
Me feriez-vous l’honneur de m’accorder cette danse ? Jeune homme.
Sans un son, le chef du petit groupe de rebelle se jeta sur lui, alors commença une véritable chorégraphie : Chacun des deux partis échangeait des coups puissants et rapide. Le sous-sol, entouré de tonneaux, formait comme une sorte d’arène naturelle. L’arme d’hast d’Esenheim décrivait des courbes courtes, et meurtrières, que son adversaire paraît avec brio. D’abord équilibré, les échange devinrent de plus en plus en faveur du démon, au fur et à mesure que la fatigue gagnait son adversaire. Esenheim jubilait, son adversaire était bien différent des pouilleux qui servaient sous ses ordres, c’était un vrai guerrier, par deux fois il avait percé sa garde, bien que partiellement seulement, arrachant des éclats de glace à son armure. Quand enfin l’issue du combat devint évidente, il décida qu’il était temps d’en finir. D’une large attaque, il fit éclater deux des tonneaux qui l’entouraient, déversant les litres d’eaux qu’ils contenaient sur le sol. Croyant y voir une occasion de s’enfuir, son adversaire prit ses jambes à son coup. Esenheim frappa alors violement le sol du plat de sa main, couvrant alors le sol d’une épaisse couche de glace.
Surpris, son adversaire trébucha et se heurta à la rambarde de l’escalier. Tendant la main vers sa proie, Esenheim déclara d’une voix qui semblait venu d’outre-tombe.
Personne n’échappe à la caresse glacée de la mort !!
Des tentacules surgirent du sol, enlaçant leur victime et en le contraignant à rester au sol. L’homme résista un moment, faisant mine de se relever dans un dernier effort, puis il glissa de nouveau et s’affala sur le sol, vaincu, alors que les tentacules finissait de le ligoter parfaitement.
Marchant d’un pas pesant en direction de son adversaire vaincu, et en le soulevant de terre au moyen des sombres liens qui l’enserrait, il l’obligea à le regarder face à face.
Le rebelle, à bout de souffle, lui balança :
Je ne parlerais jamais, vous m’ente…
Esenheim lui saisit brusquement la bouche de sa main de glace et déclara, sa voix résonant au plus profond de son être d’un éclat maléfique :
Oh non, garde ta salive, tu en auras besoin bien assez tôt pour crier…