Foam. L’immense plaine de cendre et de roches volcaniques étai terriblement silencieuse. Tout était morne et gris dans cet endroit désolé, où deux cavaliers chevauchaient au pas, leurs montures fourbues avançant lentement dans l’air humide de cette région. Ils marchaient depuis des jours, ne s’arrêtant que pour boire et manger, se reposer quelques heures, et puis reprendre leur chemin, sans parler ou presque, en dehors des ordres de l’un pour monter un camp provisoire.
Un crachin léger rendait boueux ce sol stérile, ralentissant leur marche et jouant sur leur humeur. Mais Corwynn Ap Dheol s’en moquait, il avait vécu bien pire. Emmitouflé dans sa longue cape de cuir, il ouvrait la marche à son client. Il l’avait rencontré quelques semaines auparavant, dans le port que le Sombresang était en train de construire. Un émissaire de la Déesse qui avait besoin d’un homme de main pour une mission dangereuse. Le lucifuge avait signé sans réfléchir, se moquant parfaitement de qui était son commanditaire. L’autre était habitué aux dures conditions de vie, ce qui arrangeait celui qui autrefois avait un elfe. Pas besoin de parler ni de bavasser, seulement avancer, pour espérer gagner de quoi se bourrer la gueule une semaine ou deux à coup de mauvaise piquette et de bière frelaté.
Tristelune connaissait bien Foam, grâce à son épée, GlaceSang, et la démone qui vivait dedans. Lui-même avait parcouru à plusieurs reprises ces terres stériles, en quête d’artefacts de pouvoirs, de chansons du passés ou simplement comme chasseur de prime. Il connaissait en effet très bien la foule interlope de trafiquants, chasseurs de trésors et autres parias qui cherchaient dans ces contrées la fortune, la gloire ou plus simplement l’oubli. Ici, il fallait vivre comme sur un front pionnier, épée en main, courage aux dents et scrupules claquemurés au plus profond de ses entrailles. De toute manière, les faibles ne faisaient pas de vieux os par ici.
Son patron voulait aller dans une tour dévastée, celle que les autochtones appelaient le Donjon de Kaer Vaepor. Corwynn avait une carte tracé au charbon de bois pour tout repère, n’étant passé par ici qu’une unique fois. Il savait que cet endroit, ravagé par les flammes des dragons, était un lieu de pouvoir pour les magiciens, et que dans les ténèbres se terraient des êtres qui dans le temps jadis avaient été des hommes. Encore un lieu charmant où il se dirigeait.
Il caressait doucement la poignée de son épée, n’ayant plus conscience du temps et des lieues qu’ils avalaient depuis trop de jours et de nuits. A ses oreilles, Tzali’tch lui murmurait des choses, de temps en temps, sur Foam et les vestiges de la bataille qui avait transformé à jamais cet endroit. Mais le reste du temps, malgré le savoir-faire de son porteur, l’épée démon se taisait, murée dans un silence de plus en plus mortel. Pourtant, d’habitude, elle était plus enjouée. Etait-ce la présence du nécromancien à leurs côtés ? Une liche, surement même un élu de la Déesse. Corwynn le franc-tireur avait souvent travaillé pour eux, et ils se moquaient bien de leurs petits jeux de pouvoirs. Entre la déesse et lui, c’était un lien qui n’avait pas besoin de clergé, seulement de magie.
Il se retourna sur sa monture, dévisageant son compagnon. Il ne connaissait que son nom Kel’dire. Il l’interpella à voix haute, alors qu’ils passaient un nouvel oued tari depuis des millénaires. La tour luisait dans l’air obscur de l’après-midi, masse noire ébène que les éclairs qui jaillissaient de temps à autres sur les monts, les parois du cratère de Foam en fait, et se trouvait de plus en plus proche.
« Ay Kel’Dire…Kaer Vaepor. Encore une heure de marche. »
Pas de formules de politesse ampoulées que le baladin connaissait pourtant. Ni même une indication de temps. S’ils continuaient leur chemin sous la pluie, ils arriveraient là-bas à la nuit tombée. A son patron de voir s’ils s’arrêteraient avant ou non.
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