L'ambiance était au beau fixe.
Depuis mon entrée, je n'avais encore ressenti le poids d'aucun regard interrogé ou même simplement interpellé. J'aurais pu me défroquer sur-le-champ, sous leurs yeux, et entamer une danse du ventre avec comme ornement mes deux clochettes -pour le mot passant-, que pas un seul de ces joyeux drilles n'aurait daigné s'en offusquer. Non, traçant en ligne droite jusqu'au comptoir, il me faudra préalablement affronter une horde de bons vivants s'éclusant et se goinfrant à qui pis pis. Un homme bien charpenté renversa malencontreusement la chope à moitié pleine qu'il tenait pourtant d'une main ferme et alcoolisée, sur les genoux de son convive, lequel bougonna plus à cause de sa propre consommation éthylique, que d'un réel mécontentement. Puis, comme si de rien n'était, ils arrosèrent considérablement leur renouement.
Bah, toute cette bamboche de convivialité me refilait la nausée... Enfin, de les voir ainsi, en goguette pour certains, ivres-morts pour d'autres, ne laissait pas du tout envisager qu'ils eurent été sous le joug d'un seigneur démoniaque. Ce qui en soi n'était pas contrariant ; homme moutonnier dont le cœur épris de liberté a échoué, désenchaîné tu as louché du mauvais côté de la barrière pour finir transféré dans une geôle salubre et molletonnée. Producteur de nos richesses, bientôt tu en deviendras le produit. Alors vas-y, chante la vie, enfile des perles ou une traînée nous n'en avons cure, déjà se lève l'aube d'une journée que tu rempliras de sueur et de sang jusqu'à sa déclinaison, ainsi de suite, pour les siècles des siècles. Troquer ses chaînes contre l'aliénation, avis aux amateurs !

Une vraie bande d'ânes bâtés, leur insouciance comme unique sort d’apitoiement, même si le sort, n'avait rien à voir là-dedans. En arrivant audit comptoir, le tavernier rappliqua instamment, l'air dubitatif. Je le comprenais, encapuchonné dans une chape aussi noirâtre que le néant, la bonhomie n'était pas vraiment le premier mot qui venait à l'esprit pour me qualifier. Un peu hésitant au début, ma taille de géant dut probablement le réconforter, puisqu'il clôtura -Zelphos en soit loué- enfin, les préliminaires.

« Alors, ça va ? »

Ce à quoi je fus presque déshonoré de répondre.

« Sahawi, merci.... »

Oooh que je prendrai un malin plaisir à dévaster le visage bêtement souriant de l'intendant m'ayant soufflé l'information. L'imaginer prostré, à implorer ma clémence me redonna foi en ce que je faisais ; aller de l'avant, c'est comme ça que disent les humains non ?
Bref, rendu à l'évidence que je faisais partie des chalands qu'on ne prenait pas avec des pincettes, il se tourna pour farfouiller indélicatement derrière un tonneau de cervoise qui étonnamment était recouvert d'une mince pellicule de poussière. Dans quoi m'étais-je encore lancé... Cela m'apprendra à fuir les ouvrages comme la peste, à l'avenir je me munirai de, d'ouverture d'esprit ! Mais tout le monde admettra que se fier uniquement à ce qui a été écrit par je ne saurais quel illuminé, peut nous tromper. Les mots sont trompeurs, mais je n'apprends rien à personne en disant cela, si ? AH comme je me déteste, moi et mes élucubrations.
Ce fut à ce moment précis que le sentiment si incroyablement absent en mettant le pied dans la taverne, posa ses doigts sur mes épaules raffinées. Cette impression assez déplaisante d'être observé, me poussa à inspecter cauteleusement la salle. Les tables pouvaient dans l'ensemble réunir trois à quatre personnes, sauf une au centre de la pièce, bien plus imposante, pouvant atteindre à vue de nez dix ou douze pochtrons.
Le bois de chêne employé pour ériger l'établissement était de bonne qualité, avec du vécu certes, mais bien entretenu.
Les murs ornés de citations héraldiques et de quelques écus du coin ne retinrent pas mon attention, ou alors juste celle de la baronnie des Blake. Malgré tout, impossible de mettre l’œil sur un épieur présumé.

« Tenez, et saluez bien Noridd de la part de son frère ! Et dites-lui de préciser aux prochains voyageurs qu'il m'envoie que... vous savez, un petit dragon d'argent sous la table n'a jamais tué personne hein, ha ha ha ! »

Je pris possession de la carte, sans oublier de noter la tâche de graisse laissée par ses doigts rondelets, ce qui agréai-je, suscita au fond de mon ventre une rude envie de retourner littéralement la baraque.

« Malandrin de campagne puant ! Tu seras rétribué le jour où Nayris aura vidé ton corps de son eau croupie ! »

Je quittai sans demander mon reste cet endroit misérable, indifférent aux chuchotements provoqués. L'âne bâté demeurait un lieu de passage, en sortant, il ne me fallut que quelques pas pour rejoindre la route quand soudainement trois quidams surgirent dans la nuit, triangulant ma position. Le plus hardi bredouilla quelque chose comme "vide ta besace" - en clarifiant par ailleurs qu'il s'agissait en fait d'un carnier-. Son sourire suffisant s'effaça en parfaite concomitance avec mon désintéressement. Ne sachant guère par quel bout me prendre, le sauvageon me suivit des yeux le dépasser, totalement décontenancé.
Nul besoin d'un sixième sens pour comprendre que, en grand guerrier qu'il était, sa prochaine action viendrait de mon dos. Il y eut un tintement se répandant dans les plaines, ensuite, un silence assourdissant.

Subitement ses pieds prirent congé de la chaussée, maintenu en élévation par la seule force de ma poigne. Bon, on occultera sans chipoter la partie descriptive indiquant qu'en réalité, il n'était pas tant en hauteur que ça.
Plus important, cette andouille d'être humain arma un coup circulaire, une sorte de dernière tentative. Manque de chance pour lui, J'étais d'humeur sadique à cause du lourdaud de tout à l'heure, voilà pourquoi il devait avoir l'impression qu'à tout moment la victoire pouvait l'accueillir à bras ouverts. Son attaque dénuée d'imagination trouva un frein en la présence de ma main dextre et, dirigeant sa propre lame en direction de son estomac, je l'enfonçai avec langueur et passion ! Comment définir ce que je ressentais ? s'il y avait en ce bas monde une classification des plaisirs les plus aboutis, je placerais automatiquement en tête de course ma pratique actuelle, suivie de près par la ripaille -les âmes essentiellement-, avec le sexe dans leur ombre.

Pendant que le malheureux rendait l'âme, l'un de ses compagnons avaient pris ses jambes à son cou, le dernier s'étant désespérément écroulé à genoux. A son niveau ma capuche tomba, son regard en dit long.

« Je... Pardonnez-moi Messire, je peux me racheter, je peux vous être utile !!! »

Ne constatant aucune réaction, il tenta autre chose.

« J'ai une famille, nous ne savions pas...

- ... Ne sois pas bilieux, tu pourras dire à ta famille dans l'au-delà, que je ne savais pas. »

Mon sourire éclaira sa nuit, l'épée de son ex-ami transformée en bourreau menaçant son crâne.

Un mois. Un peu plus d'un mois déjà que Galaad n'est plus et que la rébellion l'a suivit dans sa tombe, désemparée et disloquée...A présent je n'ai plus vraiment de but si ce n'est celui de détruire Aile Ténébreuse quoi qu'il m'en coûte afin de leurs montrer que les rebelles ne sont pas tous morts et que l'Espoir vit encore !
C'est pour cela que demain matin je partirai pour la taverne de l’Âne Baté, où un général de l'armée d'Aile Ténébreuse, un certain Balthazar Féral viendra, selon mes sources, récupérer des informations pour son voyage en solitaire vers les Terres de Feu...Seul ? Mais pour quoi faire ?...Je l'ignore et c'est qui attise ma curiosité !

Mais pour l'heure, je profite de cette nuit sans lune et sans rêve pour afin de reprendre des forces avant de devoir supporter la présence de ce démon.
C'est en fin de matinée que je pris la route pour les Plaines, en ayant pris soin de mettre ma cape marron dans mon sac après l'avoir remplacé par une noire de jais plus légère, espérant passer un peu plus inaperçus.

Les Plaines sont magnifiques au Printemps, je pris donc un peu le temps de profiter de la nature naissante qui s'éveillée sous mes yeux : les fleurs, l'herbe verte à perte de vue...même le couché de soleil était splendide.

Arrivée à la taverne, je vérifiai rapidement que le démon n'y était pas encore. Puis je passais furtivement au comptoir afin de prendre un bol de bouillon...mon seul repas jusqu'à ce que je juge que je ne risque pas de me faire attaquer par Balthazar...même si on n'est jamais sûr de rien avec un démon !

L'ambiance de la taverne grimpait crescendo et arrivèrent les premiers hommes ivres ainsi que les premières bagarres de comptoir...
Puis un homme camouflé dans une chape d'une profonde noirceur fit son entrée et me provoqua au passage la sensation d'un pieu planté entre mes deux omoplates, encapuchonnée et installée dans le fond de la pièce, je tachais de reprendre mon souffle et de contrôler ma douleur sans me faire remarquer.
"Balthazar...", pensais-je.

Alors qu'il se dirigeait vers le tenancier de la taverne, les hommes de la table du milieu, de plus en plus imbibés d'alcool, le bousculèrent sans remarquer sa présence.
Ma cible. Mais je ne pouvais pas m'en approcher à visage découvert comme si de rien n'était et surtout pas au milieu de toute cette agitation.

"Jasper...approche toi discrètement de lui, il faut que j'essaye d'en apprendre un peu plus sur ses projets..." pensais-je et la souris grise qui réside dans mon cou sortit de sa torpeur puis se mit à trottiner dans la pièce en évitant les gros pieds des clients et ce, jusqu'à arriver à une distance me permettant d'observer le démon.
Fermant doucement les yeux, je me concentré sur mon petit Jasper et sur ce qu'il voyait...

~ Balthazar avait la peau d'un blanc presque maladif, une fine corpulence enveloppée dans une chape et un visage pas désagréable, contrairement à ce que j'aurai pu penser...
Le tavernier lui parla brièvement puis partit je ne sais où...et Jasper décida de se rapprocher un peu du démon, bien caché dans les recoins du bar, mais se stoppa net lorsque Balthazar se mit à s'agiter et semblait chercher quelque chose...le tenancier revînt, ce qui l'interrompit dans sa recherche et lui remit...une carte ? ~

Puis le général quitta les lieux et je mis fin au contact avec la petite souris qui ne mit pas longtemps à me rejoindre.
Je pris mon sac et mon bâton afin d’emboîter le pas de ma cible. La nuit était noire et je devais le suivre d'assez loin en attendant le moment propice pour lui signaler ma présence...

Il se rapprochait de la route, quand trois inconscients l’interpellèrent et dont il se chargea sans se faire prier.

Alors qu'il entreprenait de mettre fin à la vie du dernier survivant, je me mis face à lui, à presque dix mètres de distance, je saisis le couteau que je porte au holster de ma cuisse droite puis le lança dans sa direction.
Le poignard effleura sa joue sans le blesser et allât se planter dans l'arbre derrière le démon. Il releva doucement la tête.

- "Bonsoir, Général Balthazar..." dis-je lorsque mon regard croisa celui de ses pupilles jaunes.

[HRP : J'ai eut l'autorisation des deux participants de ce RP pour intervenir !]

-Allons allons, un si bel homme, lâcha Kissa d’une voix suave. Ça ne passe pas inaperçu !
-Je vous assure mademoiselle que je ne l’ai pas vu !

L’homme était imperturbable. Ne voyait-il pas la lueur de folie mortelle qui brillait dans les pupilles rouges sang de l’assassine ?

-Je vais vous apprendre quelque chose noble tavernier. On ne peut pas mentir à un chat !

Elle eut un rire incontrôlé, sa voix déraillant dans les aigues. Elle pencha sa tête sur le côté, les yeux écarquillés, sans que cela ne semble troubler l’homme en face d’elle.

-Vous savez pourquoi ? Parce qu’ils entendent tout, absolument tout ! Même les siiiii faibles et siiii petits battements d’un cœur humain. Parce qu’ils perçoivent la peau humide, ou les cheveux qui se hérissent. Aussi… Ils savent lorsqu’une pauvre créature insignifiante ment ! Et actuellement, c’est ce que vous faîtes !

Le tavernier ne se démonta pas pour autant. Il ne prononça pas un mot. Il était coincé par cette fille étrange dans un recoin de la taverne où personne ne pouvait les voir : La réserve personnelle de l’aubergiste. Kissa accentua son sourire.

-Je devrais vous aider à conserver vos secrets, souffla-t-elle d’une voix presque hystérique. De là où je viens, on coupe la langue à ceux qui veulent cacher quelque chose d’important !

L’homme se pencha légèrement pour attraper une bouteille pour s’en servir comme d’une arme, mais la chimère avait perçut son infime mouvement et bondit par-dessus le tonneau qui les séparait. Il n’eut pas le temps de brandir son arme de fortune que déjà le ruban du chat s’enroulait autour de lui. Pour lui donner de la consistance et permettre une meilleure et plus douloureuse entrave, elle changea lentement le tisse en argent souple.

-Ne m’obligez pas à en venir à de telles extrémité, souffla-t-elle en le poussant pour qu’il tombe au sol, faisant entailler sa peau par le ruban. Je sais qu’il est venu ici, tout comme je sais qu’il vous a réclamé un renseignement… Il serait fort dommage de m’obliger à… vous tuer. Nooon ! Vous torturer ! Vous ne méritez pas de rencontrer la déesse !

La lame flexible pénètre la chair doucement, et le rire semi-hystérique de Kissa se mêle au couinement du tavernier. Elle sourit plus largement encore, ses pupilles folles se dilatant. Sa queue balançait calmement, la montrant rassurée dans une tâche qui lui sied à merveille.

-J’aime jouer avec ma nourriture, tu sais ? La viande n’en est que plus tendre !

Elle fit sortir les griffes de sa main droite et s’approcha de l’homme avec l’air de s’amuser comme une petite folle.

-Sawahi ! S’exclama-t-il alors d’une voix tremblante. Il… Il m’a demandé une carte !
-La lui as-tu donné ?
-O-Oui !
-La vraie ?
-Je…

Il s’arrêta de parler pour gémir de douleur. Il avait légèrement bougé, l’odeur du sang commençait à filtrer dans l’air, et Kissa aima se mélange. Le sang, la peur et… non… L’urine ?! Elle feula un coup et gifla l’homme qui s’entailla sévèrement le cou en tournant la tête.

-Répond !
-Non… Je… Je ne suis qu’un tavernier…
-Et tu as trompé le général Démoniaque ! Qu’en penserait le chef de la garnison… Hum… Peut être serait-il plus clément que moi… Peut être t'accorderait-il une mort rapide… Mais j’en doute… Ce sont des démons tu sais…
-N… Non ! Pitié ! Je ferais tout ce que vous voudrez !!

Ah ! Voilà l’heure de la négociation ! Kissa adorait ça ! Quand on acceptait de coopérer avec elle ! Rien de mieux que cela ! Elle sortie un autre dessin en rangeant celui qu’elle avait fait du général. Sur cette feuille, on pouvait voir la demoiselle dont l’odeur se mêlait à celle de sa cible.

-Ja… Jamais vu av… Avant ! Elle a prit une soupe, j… juste avant le général ! Elle est partie juste ap… après lui !
-Bien ! Comme tu as été gentil, je vais désormais t’aider à garder touuuuuus tes secrets !

D’un bond, elle s’installa sur son ventre bedonnant, la folie emplissant parfaitement ses yeux vermeils. A l’aide de ses griffes, elle lui mutila la langue, griffant sévèrement les joues alors que l’homme ne s’entaillait que plus encore à cause du ruban en essayant de se dégager. Le hurlement qui sortit de sa gorge fut presque inhumain, mais le chat, concentrée dans sa tâche, finit méticuleusement de lui arracher les bouts restants. L’homme tremblait et n’osait plus bouger lorsque l’assassine se redressa. Elle attrapa une bouteille d’alcool de vouivre et avec un sourire mauvais la vida dans la bouche de sa cible.

Le tavernier s’évanouit de douleur. Peut être même était-il mort… Elle s’en fichait pas mal. Non, elle brisa plusieurs bouteilles dans la cave et laissa volontairement tomber le dessin de la femme accompagnant le général. Elle sortit alors après s’être épousseté, s’assurant de n’avoir aucune tâche de sang sur elle, de même que sa coiffure n’avait pas bougé.

Sortant dans la nuit, elle huma l’air pour retrouver la trace de ses deux brebis égarées qu’elle allait se faire un plaisir de remettre dans le droit chemin… Gloire à Nayris !