Ce jour-là, donc, Chioné marchait en long, en large et en travers dans la maison, essayant ainsi de tromper son ennui. Elle aurait pu continuer son apprentissage de la lecture dans sa chambre, tranquillement, mais même cela l'ennuyait. L'enfant n'aimait pas rester assise sur une chaise, il fallait qu'elle bouge et vite.

En arrivant dans le couloir qui menait au hall d'entrée de la maison, alors qu'elle regardait sur son côté droit, où se trouvaient des fenêtres, lui vint à l'idée qu'il faudrait peut-être qu'elle regarde où elle mettait les pieds, aussi fit-elle faire un quart de tour à sa tête. Devant elle, une énorme araignée qui pendait tranquillement au bout de son fil de soie : poussant un cri, Chioné activa involontairement son pouvoir, givrant la partie du couloir où elle se trouvait sur deux mètres, gelant l'araignée, et si un des valets était arrivé deux secondes plus tôt, il se serait fait empaler par un pic de glace créé par la panique de l'enfant.


Le cri de Chioné avertit Aglaé, qui se trouvait dans son salon ; arrivant sur les lieux, elle se figea en voyant la parcelle de couloir où se trouvait Chioné couvert de givre, et le valet qui s'était un peu éloigné du pic de glace qui le menaçait quelques instants plus tôt. Elle demanda :

Que s'est-il passé ici ? Chioné ?

L'enfant, qui tremblait encore de peur, réussit à articuler :

C'est... c'est l'araignée... Elle m'a fait peur... Je suis désolée, je n'ai pas...

Aglaé lui fit signe de la rejoindre et la réconforta en la serrant fort contre elle :

Je ne t'en veux pas, chérie, mais on va devoir trouver un moyen pour contenir ce pouvoir... Il est trop lié à tes émotions, ça peut créer des catastrophes...

Aglaé chercha pendant quelques jours et essaya tout : les mains dans un manchon, sous un coussin chauffé, faire rester l'enfant constamment près de la cheminée... Rien n'y fit. Elle alla demander conseil à une magicienne de glace, de passage dans la ville, et lui exposa le problème de sa fille. La magicienne sortit une paire de gants bleus comme la glace de l'une de ses malles et la tendit à l'Élémentale :

Qu'elle les porte le plus souvent possible, ils retarderont la venue du pouvoir au bout de ses doigts. Ils s'adapteront à ses mains, et grandiront avec elles.

L'Élémentale la remercia, et repartit chez elle avec la petite paire de gants dans les mains, se précipitant dans la chambre de sa fille. Elle s'agenouilla devant Chioné, qui s'était approchée, un peu intriguée, et lui dit en lui mettant la paire de gants :

Ces gants retarderont l'arrivée de ton pouvoir dans tes mains. Garde-les le plus souvent possible, ils te seront utiles.

Chioné sentit une étrange chaleur envahir ses mains sitôt celles-ci en contact avec ses mains, comme si elle avait mis ses mains devant un bon feu de cheminée, sans l'inconvénient de l'intense chaleur qui faisait fondre littéralement l'enfant.

Quelques jours plus tard, alors que Chioné et Aglaé faisaient une partie de cache-cache dans la maison, l'Élémentale réussit à repérer sa fille, cachée derrière une armoire : s'approchant sur la pointe des pieds, elle attendit d'être derrière Chioné pour dire d'une voix forte :

Je t'ai trouvée !

L'enfant, qui ne s'y attendait absolument pas, sursauta au point d'activer à nouveau son pouvoir : heureusement, les gants qu'elle portait le réduisirent fortement, celui-ci ressemblant à un souffle de neige qui s'échappait des mains de Chioné. Celle-ci comme sa mère furent soulagées de voir l'efficacité des gants, et l'enfant ne cacha pas sa joie et son soulagement : elle ne risquait donc plus de congeler à tout va, n'importe qui ni n'importe quoi...