Nawel est loin d'être une combattante. Bien loin. En effet, la seule vue d'une arme lui fait horreur, et elle ne supporterait pas son contact. La violence est quelque chose qui lui est totalement étranger. Même si elle n'est pas naïve au point de croire que personne ne la pratique, elle n'en comprend absolument pas le sens.

Nawel est également quelqu'un qui manque d'une grande confiance en soi et qui est persuadée d'être inférieure aux autres. Toutes les personnes plus âgées qu'elle, se verront appelées par un « Madame » ou « Monsieur » devant leur nom, et elle n'osera les regarder dans les yeux. Pour les autres, elle ne saura comment se comporter et accumulera les impairs en leur présence.

Néanmoins, Nawel est quelqu'un de très attachant. Tous les hommes, peu importe leur âge et leur race, la verront comme une petite sœur à protéger des dangers, exceptés ceux qui ne possèdent pas la moindre parcelle d'humanité. C'est sans doute dû au fait de l'extrême loyauté qu'elle placera en la personne qui l'aide et auprès de qui elle se sentira redevable.

Pour les femmes, c'est autre chose. Elles pourront être séduites par cette étrange aura d'innocence qui l'entoure, ou éprouver de la jalousie, voir du mépris, voir encore de l'amour. En effet, Nawel est homosexuelle, et les hommes n'ont aucun attrait pour elle.

Du fait de sa timidité, Nawel rougit souvent. Sous l'effet de la peur ou d'une émotion forte, elle peut également trembler. Elle ne supporte pas que tous les regards soit tournés vers elle. En revanche, jamais elle ne versera une larme, et elle répondra à toutes les questions qu'on lui pose sans jamais mentir.

Nawel sait se satisfaire des petits plaisirs de la vie. Elle est heureuse si quelqu'un prend soin d'elle, tout comme en regardant les étoiles ou en savourant la caresse du vent sur son visage. Ce qu'elle aimerait voir plus que tout est la neige. Contempler les flocons virevolter dans le ciel et sentir leur légèreté et leur fraîcheur est l'un de ses rêves.

Sans toutes les épreuves qui l'ont marqué, Nawel serait quelqu'un de très joyeux. Mais seuls les personnes en qui elle a confiance pourront voir un sourire apparaître sur son joli minois. Il lui arrive de rire en de très rares occasions, un rire clair et aigu qui rend heureux et que l'on pourrait écouter des heures sans se lasser. Elle possède également une très belle voix, pure et capable de guérir les cœurs.

En résumé, Nawel est une personne dont la timidité et la peur de tout et de rien peut agacer, mais que l'on ne peut s'empêcher de trouver terriblement attachante.

Partie 1 : « Pars. Vis. Grandis. »


Des cris. Des cris apeurés. D'humains et de renards. Qui partent, reviennent, se mélangent, dérivent.
Aile Ténébreuse s'est mis en chasse. Le sang coulera ce soir. Et ce sang sera celui des kitsunes, ce peuple pacifique qui n'a pourtant rien fait de mal.
Au milieu de la cohue, deux kitsunes à neufs queues. Un homme et une femme. Ils cherchent désespérément à échapper au piège qui peu à peu se referme.
La femme porte une petite fille de quatre ans dans ses bras. Une petite fille aux grands yeux ambres qui contemple l'horreur sans comprendre.
– Maman, à quoi ça sert la violence ?
– A faire souffrir, ma chérie. Rien d'autre.
– Pourquoi il fait ça Aile Ténébreuse ?
– Si seulement je le savais...
La petite fille fait la moue.
– C'est pas vraiment une réponse.
– Peut-être parce qu'il n'y a pas de réponse à cette question.
– Mais...
D'un doigt sur sa bouche, la mère demande à sa fille de se taire. Le père prend alors la parole.
– Écoute-moi bien Nawel. Tu vois l'auberge là-bas ? A notre signal, tu vas partir, sous ta forme de renard, plus vite que tu ne l'as jamais fait. C'est compris ?
– Et vous, vous allez partir où ?
Ils se taisent et se contentent de la serrer chacun leur tour dans leur bras en lui murmurant de vivre et de grandir heureuse. Le cœur de la petite kitsune s'accélère sous l'effet de l'angoisse. Elle a peur.
– Papa, maman, je...
– Maintenant ! hurle son père.
Elle lui obéit. Elle se transforme et pars, plus vite qu'elle ne l'a jamais fait. Sans regarder en arrière. Elle ne veut pas. Elle a trop peur.
Car, elle a beau n'avoir que quatre ans, elle a bien compris ce qui allait se passer. Et son ouïe de renard lui fait comprendre ce qu'elle ne peut pas voir.
Des bruits de feulements. Des bruits d'épées que l'on dégaine. Des bruits d'armes de crocs qui s'entrechoquent. Et puis...
La petite fille reprend forme humaine devant la porte de l'auberge. Elle s'effondre, à bout de force, et pleure pour la première et dernière fois de sa vie.
– Papa... Maman...


Partie 2 : « Découvre. Aime. Souris. »


– Nawel ?
Nawel sursaute. Le plat qu'elle était en train de nettoyer lui échappe des mains et se fracasse par terre.
– Mitsu ? Je ne t'avais pas entendu arriver.
– Non, c'est de ma faute, je vais t'aider à ramasser.
– Merci.
Elles se mettent au travail en silence. Mitsu est concentrée sur sa tâche. Nawel, beaucoup moins, et elle ne peut s'empêcher de la regarder du coin de l’œil.
C'est qu'elle est belle Mitsu. Avec ses longs cheveux noirs et sauvages, ses yeux verts plein de morgue et son corps aux courbes généreuses, elle est celle qui plaît le plus aux garçons. Elle puis elle est tellement libre, tellement gentille, tellement elle-même... Nawel l'admire. Peut-être même un peu plus.
Et puis c'est elle, Mitsu, qui lui a ouvert la porte ce fameux soir. Nawel avait quatre ans à l'époque, Mitsu n'en avait que le double, et pourtant, elle l'avait prise dans ses bras, lui avait chuchotée des paroles réconfortantes et l'avait amenée jusqu'à la régente.
Cela faisait maintenant depuis plus de neuf ans que Nawel travaille ici, aux cuisines, et soigne les serveuses quand le besoin s'en fait ressentir.
Une fois que tout est nettoyé, Nawel retourne à la vaisselle et Mitsu s'adosse nonchalamment à l'une des tables en la regardant faire.
– Dis-moi, Nawel, j'avais une question...
– Oui ?
– Tu appelles toutes les serveuses « Madame ». Toutes sauf moi. Pourquoi ?
Le cœur de Nawel rate un battement, et elle manque de faire tomber un bol une nouvelle fois.
– Tu... tu n'es pas comme les autres.
– Ah bon ?
– Oui... Avec toi, tout est différent. Plus facile. Je... je me sens bien avec toi, tu sais.
Féline et agile, Mitsu s'est peu à peu rapprochée.
– C'est vrai ?
Nawel pose son bol. C'est elle, où l'atmosphère s'est réchauffée ? Elle plante ses yeux dans ceux de Mitsu et répond :
– Oui. Pourquoi je te mentirai ?
Puis elle rougit. Décidément, qu'est-ce qu'il fait chaud !
Mitsu sourit. Ce qu'il est beau le sourire à Mitsu. Il fait briller ses yeux.
– Ça me fait plaisir. Tu sais Nawel, je crois bien que je suis amoureuse de toi.
Clac. Ça, c'est du Mitsu tout craché. Dire franchement ce qu'elle pense, sans aucun signe avant-coureur. Qu'est-ce que Nawel peut répondre à ça ? Elle se le demande. Peut-être que la vérité suffira.
– Moi... aussi. Mais tu sais, tu as quatre ans de plus que moi, alors tu es sûre de...
Mais qu'est-ce qu'elle raconte ?
– Certaine, susurre Mitsu.
Puis elle l'embrasse, et plus rien d'autre ne compte. Elle est douée Mitsu. Elle a de l'expérience. Pour Nawel c'est sa première fois, alors elle ne sait pas trop comment faire, mais elle n'a pas peur. Elle a confiance en Mitsu.
– Je t'aime...


Partie 3 : « Va t'en. Cours. Fuis. »


Un an a passé, depuis le jour où elles se sont embrassées. Un an que les garçons n'ont plus droit à un seul regard de la part de Mitsu. Ses yeux ont été attirés ailleurs, par une beauté plus discrète. La beauté de Nawel.
Pour l'instant, Nawel est endormie. Elle est sous sa forme de renard, dans le grenier, parce qu'il n'y a pas d'autres places. C'est petit, et elle est seule, mais cela ne la dérange pas. Et puis certaines nuits, elle rejoint Mitsu, alors...
La trappe du grenier s'ouvre dans un grand fracas qui la réveille en sursaut. La tête de Mitsu apparaît.
– Nawel, viens, vite !
Elle reprend forme humaine.
– Que se passe-t-il ?
– Les partisans d'Aile Ténébreuse sont là ! Ils veulent brûler l'auberge !
Nawel pâlit, tandis qu'un tremblement se met à la parcourir.
– Pourquoi ?
– Pour fêter leur victoire ! Lyna a déjà été...
Elle se tait et serre la mâchoire. Tant mieux, Nawel préfère ne pas savoir. Deviner est largement suffisant.
– Qu'est-ce qu'on fait ?
– Suis-moi.
Elles descendent à l'étage inférieur, que les démons n'ont pas encore envahi. Mitsu ouvre une fenêtre.
– Est-ce que sous ta forme de renard tu pourras retomber sur tes pattes en sautant à cette hauteur ?
– Mais je...
– Réponds-moi !
– … Oui. Oui je pense.
– Très bien. Alors va t'en Nawel. Fuis. L'une d'entre nous au moins sera saine et sauve.
– Je ne veux pas t'abandonner.
Mitsu sourit. Un sourire triste qui, cette fois-ci, ne fait que refléter que le chagrin de ses yeux.
– Je sais.
Mitsu l'embrasse. Un baiser aux accents de désespoir. Puis elle la pousse.
– Mitsu, non !
Nawel se sent tomber, tomber, tomber... Elle se transforme en renard juste à temps, et touche la terre ferme sans trop d'encombre. Elle entend néanmoins l'une de ses pattes avants craquer, et la douleur l'envahit. Une douleur qui n'est rien comparée à celle de son cœur.
Elle reprend forme humaine. Et s'enfuit, avant que les partisans d'Aile Ténébreuse ne la remarque.
Elle a mal au bras. Elle a mal à l'âme. Des blessures qu'elle sait soigner chez les autres, mais qui peut soigner les siennes ?
Alors que l'auberge brûle dans la nuit, Nawel court pour survivre.
Court vers son destin...