- ... et à ce moment là je lui mords l'oreille, il pousse un cri de fillette désespérée, je rattrape la bague et je disparaît... Pouf!

Posé sur mon épaule, Orian conclut son récit avec un sifflement d'autosatisfaction. Quelques minutes plutot, après avoir disparut pendant plusieurs heures, il était revenu vers moi, fier comme un paon, une jolie bague dans le bec.

- Mais alors, il ne te l'as pas donné!

- Certainement pas, ça c'était la première version, pour que tu acceptes qu'on garde ce bijou et qu'on puisse dormir dans une auberge demain! Maintenant que tu t'es bien projeté dans le futur, le lit douillet et le repas chaud qui t'attends, tu as le droit de connaitre la vraie histoire!

- Non, c'est mal, va lui rapporter s'il te plait.

- Hé! Je l'ai gagné à la sueur de mon front!

- Et lui alors? Il a dut travailler pour obtenir cette bague!

- De toute façon c'est trop tard, je l'ai perdue.

Malgré le débat qui perdura pendant deux longues heures, je ne ralentit pas le pas. Non pas que cette histoire me passe au dessus de la tête, bien au contraire! Orian avait beau jurer sur tous les Dieux que l'homme à qui il avait volé le bijou était lui même un voleur, l'idée de profiter d'un objet dérobé pour mon confort personnel ne me plaisait pas du tout. Pourtant, depuis le levé du soleil, une étrange petite voix s'était installée dans mon esprit. "Avance", soufflait-elle sans relâche. Et tout mon corps semblait tiré en avant, chaque pause faisant naître un étrange sentiment de mal aise. C'est pourquoi je m'obligea à mettre de coté le problème de la bague, fermer mon esprit à Orian et me concentrer sur ma route.

Depuis ma sortie des Limbes, chaque jour était unique. Tous des jours de marche, avec une routine a présent bien installée; manger, marcher, dormir. Et pourtant, chaque matin les couleurs du ciel, les arbres rencontrés, les fleurs, le vent, les odeurs de la nature, les villages rencontrés ou aperçus, ... Tout semblait différent. La vie est une chose merveilleuse, qui pouvait en douter?
Sans reel but, nous traversions ce qu'Orian appelait les "plaines mystiques". Sans reelement l'avoir ennoncé, nous savions tout les deux qu'il me faudrait encore un certains temps pour m'habituer à ce retour, avant de reelement entrer dans le monde "civilisé". A part quelques calmes villages - les premiers que nous avions traversés m'avait causé un certain choc - et quelques rencontres sur les chemins, nous restions loin de toute activité humaine. Rien que la nature me semblait déjà si étonnante!

Vers midi, nous atteignîmes une zone plutôt vallonée, pour autant qu'il puisse y avoir de réelles collines dans les Plaines - où l'herbe semblait plus verte et plus douce - et l'air frais animé par quelques douces brises. La petite voix sortie de ma tête et vint se loger dans mon coeur qui se mit à battre, non pas plus vite, mais plus fort.

Le sentier contourna une colline, dans un virage assez brusque, au detour duquel... Protégé par quatre collines, un petit plateau rond, d'une centaine de mètre de rayon environ, apparut devant mes yeux. Le soleil était au zenith, si bien que les lieux bénéficiaient d'une luminosité totale, ce qui ne devait pas etre le cas toute la journée. Appuyé contre l'une des collines, un bâtiment indeniablement humain, avait été batît dans de la pierre blanche. Harmonieux et discret à la fois, contribuait à la beauté du lieu sans pour autant eclipser le reste. Une petite rivière en ligne serpentine traversait le plateau en le découpant en deux. D'un coté, une petite prairie où commençaient a naitre quelques fleures, et de l'autre une vingtaine d'arbre de belle taille formaient une minuscule forêt.

Une fois n'est pas coutume, Orian ne fit aucun commentaire. Il ouvrit les ailes, quitta mon épaule et s'envola hors de mon champ de vision. Il y avait de ce lieu quelque chose d'envoutant, d'appaisant. Quelque chose me touchait particulièrement, sans que je puisse mettre des mots dessus. Curieuse et fasciné, je me dirigait vers le batiment, qui evoquait vaguement une maison à une seule piece où les murs auraient été remplacés par des pilones ronds et espacé. Arrivé devant celui-ci, je trouvait une grande dalle, où quelques mots étaient gravés. Tentant de re-activer ma memoire, je passait les doigts sur les lettres, incapable de les dechiffrer. Les souvenirs de quelques courtes leçon de lecture m'échappaient. "Tant pis" pensai-je finalement avec un haussement d'épaule..

A l'interieur, la simplicité du lieu renforçait son caractère mysterieux. Quelques sieges recouvert de velours étaient tournés vers le vrai mur, mais je choisit plutot un grand coussin pour m'asseoir, le dos contre une collone. Je replia mes jambes contre moi et posait la tete sur mes genoux avant de lever les yeux vers le mur opposé.

Courir, courir encore et encore, ne pas s'arrêter, ne pas se retourner, courir …. Une arbre … non … l'entrée d'un bosquet, enfin sauf … presque … ils doivent me suivre encore même si je les devance … avancer … ne pas s'arrêter … grimper dans les arbres pour réduire les traces … ont-ils des chiens? Qu'ais-je fait ... c'est pas mon genre de faire ça ... pourquoi l'ais-je fait... POURQUOI ?

Ce matin la, Artanis avait décidé de ranger dans son sac sa "tenue spéciale", cessant ses activité habituelles pour reprendre la route tel un simple peintre vagabond. Il s'était arrêté dans un petit hameau, le genre de petit village où il fait bon vivre, sa chapelle, sa taverne laissant échapper une bonne odeur de tarte aux pommes à midi. Cela avait emmener l'elfe bien loin de ses préoccupations, de ses soucis, et lui avait apporté la petite goutte de joie et de chaleur que criait l'océan de souffrance de son esprit. S'étant posé sur la grand place, a côté de la fontaine, il avait entreprit de peindre cette dernière dans l'alignement de l'édifice religieux et de le laisser à la taverne pour payer la nuit. Quel était cet endroit ? Comment avait-il fait pour échapper aux malheurs de l'invasion ? L'avait-il vraiment fait?Aucune marque de l'occupation ici … pourtant sa position le rattachait inévitablement au territoire de l'aile ténébreuse ...et pourtant … pas une once de tristesse …un endroit hors du temps et de la tristesse s'étant emparée du reste de ces terres … Une larme roula sur sa joue, cet endroit lui rappelait l'ambiance régnant dans l'un des ports de sa terre natale, un endroit ou la souffrance et le simple concept de malheur semble ne pas exister. Se stoppant dans ses gestes, de peur que son trouble affecte son œuvre il observa un long moment, les mains en croix sur ses genoux, la chapelle avant de remarquer une personne dans son dos qui devait l'observer depuis un moment. Il s'agissait du guide religieux du village, qui d'abord le remercia d'offrir ses talents pour représenter sa "maison" , lui apprit que cet édifice était Destiné a Yehadiel, ce à quoi Artanis répondit qui s'agissait également de son dieux.

*Les protèges-tu ? Dieu?C'est parce qu'ils croient en toi que tu les épargnes des misères de ce monde ? Mais alors pourquoi ...POURQUOI PAS NOUS ? Nous avions battit d'immenses temples pour toi ...des plus petits aussi … nous te louons tous les jours .. nous t'aimions ...tu était comme un père et Kilgarath était un grand frère … tu nous était aussi chère qu'un membre de chaque famille d'Illiréa partit loin et que l'on attend sans cesse le retour … alors POURQUOI ?! Pourquoi a tu laisser tout ce peuple se faire exterminer ? Qu'ont ils ces paysans de plus de nous ? *

Plus il parlait avec le padré plus l'elfe sentait une tristesse mêlée à une rage incontrôlable montant en lui, il souhaitait dirigé toute la rancœur envers son dieux, si ingrat envers lui et si généreux pour ces simples fermiers, tout dirigé vers cet homme qui incarnait pour eux ce dieux si cruels au yeux d'Artanis. Mais une force en lui l’empêchait de le décapiter sur le champs. Il finit par fondre en larme alors que l'homme en face de lui déclamait toutes les bonté que leur accordait Yehadiel. Posant son pinceau il accompagnât l'homme a l'intérieur de l’édifice plus pour parler d'autres chose que pour "se changer les idée"... comment pouvait-il oublier … tout ce qu'il pouvait faire c'est se concentrer sur autre chose ...mais une partie de lui pensait toujours en chaque instant à toute cette souffrance … en face de l'autel il se mis a genoux et resta ainsi longuement … peut être même toute la journée, et alors qu'ils avait finit par ramener sa toile à l'intérieur et la terminait a la lueur d'une bougie il s’adressait à son dieu déchu, a voix basse, seul face a un mur qui ne pourrait jamais lui répondre, comme rien ne pourrait jamais répondre a sa souffrance.

Dans cette nuit il entendit des bruits, sourd, puis plus fort, une bagarre avait du éclater à la taverne et se terminer dehors, le lendemain matin, l'esprit plus sain et calmé de ses remord par le voile salvateur des rêves, Artanis repensa à la bagarre et se dit qu'en ce lieu cela était bien la dernière chose qui pourrait arriver … peut être des aventuriers passant par la ...ou bien …
Laissant son œuvre achevée et ses pinceaux devant l'autel il enfila sa tenue de combat ,ceint Destiné dans son dos, et sortit devant la chapelle, sur la place. Il n'était pas dans son habitude de se montrer en plein jour mais ce qu'il vit confirma ses soupçons, une patrouille était passée par la taverne et, habituée au traitement qu'on leur réserve dans les autres village, avait profité de la bonté des gens d'ici. Une homme toutefois les avait invité à être plus respectueux quand, une fois saoul, ils avaient commencer à s'intéresser en d'autres plaisirs possibles de la taverne que la tarte au pomme … cet homme répandait désormais sont sang dans la fontaine du village.

*Une leçon ? Tu leur montre que le monde n'est pas que bonheur ? Tu leur montres enfin ton vrai visage … celui qui rappelle que c'est la souffrance qui nous guide en ce bas monde ...ou bien ...est-ce une leçon pour moi ? Est-il mort parce que j'ai douté de toi ? Crois-tus qu'un seul mort ici les rendra égaux en souffrance à moi ? Il n'y a pas d'égalité à ce jeu la … mais si il est mort pour que je continue a croire et ta bienveillance … il est mort par ma faute … et j'ai juré que plus personne ne mourrait par mon incompétence … *

Après cette pause sur le parvis de la chapelle, l'elfe s'était avancé vers le groupe de garde et n'avait même pas eut a demander l'identité du meurtrier qui se pavanait devant la foule en es abreuvant de « justice » et de son "droit" de commettre de tels actes. Artanis avait sauté au milieux du cercle formé par la milice de l'aile ténébreuse et s'était adresser a la foule dont il avait ainsi capté l'attention :

-Citoyens, vous êtes bons et généreux et ceci est rare, peut être que votre bonté et votre humilité votre dieu vous la rend mais voyez ce que cela produit … pourtant … pourtant vous ne devez pas cessez ! Ne perdez pas foi en votre dieu juste pour cela … ce n'est pas a vous de juger ces criminels qui se cache derrière le bouclier tout puissant du pouvoir et de la loi, de les châtier dans le sang qu'ils ont versé … rester tel que vous êtes … entretenez ce havre de paix pour que des pécheurs tel que moi puissent croire a nouveaux !

Artanis s'était élancé vers le premier garde qui désormais pointait sa lance vers lui et d'un mouvement calculé dégaina son épée pour le décapiter, leurs autres l'avait rapidement suivit jusqu'à ce qu'il ne reste que le réel fautif qui, crachant désormais milles insultes envers l'elfe dont la lame pleurait des larmes du sang de ses camarades sur le pavée a quelques pas de lui. Insultant de manière discontinue par la même Yéhadiel "faux dieu", aboyant comme un chien a la pâte cassée, le dos au mur de son destin l'elfe sabra d'un mouvement si rapide que le meurtrier n'eut même pas le temps de fermer la bouche. Crachant du sang, la langue coupée, Artanis reprit alors la parole par dessus les couinement :

-J’aurai aimé te laisser en vie, et que tu vive toute ta misérable et pathétique vie de mortel avec la souffrance du sang de tes camarades qui se mêle au tient a présent … mais que tu ne peut plus rejoindre … mais si je faisait cela d'autres viendront saccager cet endroit, guidés par ce "toi" que j’aurai moi-même crée ...c'est trop bon pour toi mais … adieu ...salut tes camarades de ma part et dit leurs que tout est de ta faute …

Sa tête roula sur le sol, Artanis rengaina Destiné, et repartis, ne demandant pas de remerciement car il n'en méritait pas... le sang avait coulé en cet endroit d'une manière si violente qu'il n'en serait plus jamais le même, mais cela devait être fait, Artanis sentit le regarde de l'homme d'église, perçant a travers sont masque te sont armure, jusque dans sont âme, il sentit dans ce regard de la bonté, presque de la gratitude, pas envers l'elfe … mais envers le dieu qui avait reprit racine en ce cœur meurtrit … Triste, l'elfe partit, courant de toutes ses forces, il savait que d'autres gardes viendrait, ce n'était pas l'effectif complet d'un groupe de patrouille, il les emmènerait le plus loin possible du village, pour qu'il n'y retourne jamais.

Ainsi l'elfe sautait de branches en branches, par moment retouchait le sol pour aller plus vite a travers les fourrés et les bosquets qui s’enchaînait sans que l'elfe ne sut plus trop ou il était. Il finit enfin par arriver devant un autre édifice religieux, consacré encore une fois a son dieu, bien que cela ne l'étonne pas, Yehadiel était la religion la plus répandue et ce bien avant l'arrivé des démons. Perdu au milieux de nulle part, le lieux lui parut immédiatement comme un secours et il s'y rua sans réfléchir, poussant a deux mains les deux battant de l'entrée il marcha, presque en titubant, a bout de souffle et de forces, jusqu'à l'autel devant lequel il tomba a genoux. Retirant masque et couvre-chef sans même vérifier si quelqu'un aurait pu le voir il reprit lentement son souffle et ses esprits. Déposant son arme devant lui il la sortie de son fourreau et entreprit de la nettoyer avec un recoin de son linge blanc. Ce linge qu'il entretenait il y a bien longtemps tel un symbole de pureté et de justice n'était plus pour lui aujourd'hui qu'un moyen de cacher ses trait, mais peut être qu'au fond de lui une lueur scintillait encore, lui rappelant la grandeur d’âme qui était sienne. Repensant a cela il ne put retenir ses paroles dans sa tête et marmonna devant l'autel :

-J'ai fait ce choix … tu crois que j'ai choisit cette vie ? TU as choisit cette vie pour moi … moi qui défendait paix et justice …et la vie ... me voilà couvert de sang et de crimes, et toi que fais tu pour me remettre dans le droit chemin ? Tu me donne encore plus de vies a prendre … pourquoi es-tu si cruel … POURQUOI !

L'écho résonna parmi les colonnes de l’édifice que l'elfe observa d'un rapide coup d’œil alors que sa détresse s’estompait. Sa lame enfin propre il la laissa, lame nue, devant lui, et reprit son éloge, se parlant a lui même, dans son reflet discontinu parcourant sa lame plus que s'adressant au maître des lieux :

-Peut être que tout cela n'est rien … peut être que tout cela c'est en fait moi qui l'ai voulu … qui y voit des signes pour renoncer a faire moi même mes choix … des choix que je ne veut pas accepter ...des responsabilités que je ne veut plus … j'ai été choisit pour porter ses responsabilités … je devrait être plus fort … faire mes choix … les accepter … les porter haut comme une fierté... qu'ais-je fait … je me suis détourné de toi ...non ...de moi même … mais ma résolution est toujours la même … qu'importe les crime te les choses que je fait en cette terre ...elle n'es pas la mienne … les vertus seront mienne une fois mon peuple enfin réunit, et une nouvelle terre fondée … en attendant je me détourne de ton regard ...je me détourne de ce que j'étais.

L'elfe ne se rendait pas compte des larmes qui coulait sur ses joues, et rengainant son épée, se remettant debout il conclut d'un ton plus sur :

-Qu'importe si tu existe ou pas … tu ne me cause que souffrances et me force a ressentir le poids des actes que je fait en m'écartant de la voie que tu trace … si je continue a suivre ta voie … je ne ferait que souffrir plus ...si je t’oublie ...je pourrait faire ce qui doit être fait ...pour le bien de mon peuple …

Séchant ses larmes du revers de sa manche il se retourna et, fut surpris de découvrir une jeune femme, l'observant, il ne l'avait pas remarqué dans sa détresse et sa fatigue et avec ses hausses de ton elles n'aurait absolument pas pu le manquer. Se corrigeant en son fort intérieur de sa faiblesse il jeta un rapide coup d’œil au fourreau encore dans sa main, qu'il ceint dans sont dos. Même si il savait qu'elle savait qu'il était armé, il voulu caché sa nature de meurtrier. Bien qu'a chaque fois qu'il enfilait cette tenue c'était pour tuer ou commettre des crimes, c'est avec un visage de paix et de calme et sur un pas de la même mesure qu'il s'avança vers l'humaine, son chapeau et son masque coincé avec son fourreau il n'était pas habitué a se montrer visage découvert, cela lui donnait l'impression que sa vrai nature ne pouvait être cachée, derrière un masque, et il avait l'impression que tout le poids des reproches qu'il se faisait a lui même transpirait dans le regard quoique naïf de cette jeune humaine qui l'observait droit dans les yeux. Un peut gêné il s'assit sur un siège qu'il retourna vers elle et d'un ton calme surjoué lui dit :

-Tu ne t’assoie pas?Pourquoi viens-tu ici ? Tu crois que Yehadiel dans sa grande bonté viendra te délivrer de tes malheurs, un nuage passa sur son visage et son regard se perdit parmi les colonnes, tu a tort ...

La peinture sur le mur face à moi était saisissante. La lecture en était très simple; de bas en haut, elle representait un combat entre deux forces, symbolisé par des couleurs. Au debut, une séparation nette entre un bleu, chaud et vivant, à droite et un violet, froid et dure, à gauche. Les deux parties n'était pas d'une simple couleur unies, mais semblaient animée par toutes les degradés utilisé. Quand le regard du spectateur montait un peu plus haut, à hauteur de ses yeux, il s'apercevait que la séparation entre les deux forces disparaissait, et que les couleurs de la nuit semblaient se rependre de l'autre coté. Plus haut encore, alors qu'elle semblait presque avoir disparut, la couleur du Dieu de la Vie repoussait dans un formidable élan, telle une immense vague déferlant sur une plage de sable noir.

Malgré la clarté de la représentation, je ne compris reelement la nature du lieu qu'en découvrant une statue, à droite de l'autel. Yehadiel. Encore une fois, il me fallait reconnaître le talent de l'artiste; même si elle ne ressemblait que vaguement à Celui dont les traits resteraient éternellement gravés dans ma mémoire, l'essence même du Dieu était respectée et je n'envisageai pas un instant qu'il puisse s'agir d'un autre que lui.

- Yehadiel... Murmurais-je alors, comprenant que ce lieu était un temple dédié à mon amant disparut.

A cet instant, les portes s'ouvrirent brutalement et un homme entra dans la pièce, le souffle court, et s'agenouilla au pied de l'autel. Il se découvrit le visage, peut etre par respect par les lieux, peut etre pour échapper à la chaleur, puis il tira une longue épée, tachée de sang, qu'il essuya avec soin.
Muette, je respectait sa présence sans chercher à signaler la mienne et, quand il se mit à parler, je ne put m’empêcher d'entendre ces mots adressés à Yehadiel. L'homme semblait être en proie à un terrible questionnement, interpellant le Dieu avec force. Mais progressivement, il baissa la voix et se remit en question dans un flot de paroles dont je ne comprenait pas totalement le sens. Pourtant, quand il se redressa, ses mots étaient plus durs, distants, accusateur.

Sa détresse était si grande que je put lui reprocher ces dernières paroles, et j'hésitait même à m'approcher pour lui proposer mon soutient quand il se tourna vers moi. Je découvrit alors son visage d'elfe, aux traits nobles et harmonieux, mais sur lesquels mon regard ne s'attarda pas, directement capté par les yeux de l'inconnu. Bleus, ce qui n'était finalement pas chose rare sur Terra, mais d'un bleu... vivant, intense. Un bleu qui m'evoquait le regard d'un Dieu tant aimé... Troublée par une telle ressemblance, je restait silencieuse jusqu'à ce qu'il prenne la parole.

-Tu ne t’assoie pas?Pourquoi viens-tu ici ? Tu crois que Yehadiel dans sa grande bonté viendra te délivrer de tes malheurs? Il se tut un instant, et sa voix enjouée se brisa. Tu as tort ...

Je ne répondit pas immediatement, et lui sourit tristement. La peine qui semblait ravager le coeur de cet elfe me touchait. Qu'il doute d'un Dieu qui avait tout donné, jusqu'à en disparaître du Pantheon, pour nos peuples ne me derangeait pas. Mais derrière cette remise en question de son Dieu, l'inconnu semblait surtout douter de lui-même, de son avenir, de sa vie. Et cela m'attristait bien plus.

- Je ne m’assieds pas car je ne sais pas prier, alors je me contente de regarder. Je suis arrivée ici par hasard. Ou peut être pas, peut être qu'Il a souhaité que je vienne ici.

Elle detacha son regard des yeux de l'elfe et regarda la statue, s'adressant autant à l'inconnu qu'au Dieu, s'il pouvait l'entendre.

- J'ai déjà beaucoup reçut de ce Dieu, je sais bien ingrate de venir lui demander encore plus. Je crois plutôt que je devrait essayer de le remercier pour tout et, sait-on jamais, peut être lui proposer mon aide. Elle reporta son attention sur l'elfe, encore troublé par son regard bleu qui n'était pas sans rappelé la couleur utilisé par le peintre sur le mur derrière l'autel. Les Dieux ont tant besoin de leur créatures...

HRP:

Contrairement à ce que j’espérais mes mots n’apaisèrent pas sa douleur et eurent même l'effet inverse. La tristesse était si grande dans le regard océan de l'elfe que je n'osait reprendre la parole pour rectifier le tir, tenter une autre approche.
A défault d'avoir les mots, je l'écoutais très attentivement et cherchais à comprendre le passé qui apparaissait en pointillé dans ses paroles.  
En rassemblant les indices éparpillés, je compris qu'il avait perdu des proches et même tout un peuple dans le passé. Un peuple visiblement très attaché à Yehadiel mais qui avait péri sans que le Dieu n'intervienne. Décimés par un autre peuple? Par une catastrophe naturelle? La maladie? Qu'importe, si le rescapé assis à mes cotés n'en parlait pas, c'est que le pourquoi du comment n'était la raison de son doute. Ce qui le touchait, ce qui le blessait, c'était d'avoir perdu les siens... et confiance en son Dieu.

Quelques autres remarques me touchèrent, mais de façons beaucoup plus personnelle.
"vous avez de la chance, vous, mortels. Votre vie est trop courte pour endurer les pires des souffrances …" Sans doute oui, huit mille ans à souffrir les tortures de Nayris, c'était peu être un peu court. En repoussant l'ironie, je choisit de voir la chose avec optimisme; sans ma miraculeuse sortie des Limbes, les huit milles ans auraient put se multiplier à l'infini.
"j'ai longtemps cru que Yehadiel nous aimais plus, nous les elfes, que vous les humains car nous étions immortels et pouvions donc l'aimer et recevoir son amour plus longtemps …" L'idée était belle, mais par fidélité à sa race devenue mortelle suite à la malédiction de Nayris, je la trouvais aussi un peu triste.
"crois-tu que Yehadiel ai tant besoin de nous que cela ?" Je n'en doutait pas une seconde, le jour où j'avais découvert cette conviction était gravé en moi et c'était sans doute le souvenir le plus tenace et le plus beau qui me restait d'une vie si lointaine.

Il posa sa main sur mon visage et ce simple contact accentua ma compassion pour lui. Comment pouvais-je lui en vouloir de douter? Comment pouvais-je lui en vouloir de croire que je n'avais encore pas connu la douleur et la tristesse? Comment pouvais-je lui reprocher sa souffrance à lui?

- Yehadiel ne peut pas toujours protéger ceux qu'il aime. Regardes-toi, tu aurais voulut aider les tiens, mais tu n'as pas put. Ce n'est pas pour autant que tu ne les aimes pas! Le malheur dont tu parles s'est abattu sur ton peuple "en l'espace d'une journée". Qui sais ce qui retenait alors votre Dieu? Tout être divin qu'il est, il n'est pas tout puissant! Nayris n'a t-elle pas réussir à l'affaiblir à l'issu de leur combat, au point qu'il n'est plus jamais réapparut ouvertement, officiellement depuis cette défaite? Je posait a mon tour ma main sur l'avant bras de l'elfe, tentant de mon mieux de faire passer cette conviction que je portais en moi. "Etre un Dieu ne signifie pas être infaillible. Crois moi, si Yehadiel avait put empêcher ce qui est arrivé aux tiens, il l'aurait fait. Et il a dut terriblement souffrir de ne pas pouvoir vous venir en aide." Je fit une petite pause, laissant les mots faire leur trajet dans l'esprit de l'elfe. "Et il ne t'as pas abandonné, je suis sure que notre rencontre n'est pas le fruit du hasard, mais de Sa volonté".

Je lui sourit gentiment. J'était prête à affronter toutes les remises en question sur Yehadiel, jamais personne ne me ferais douter. Et je me faisait un devoir d'aider de tout mon possible ceux qui doutaient, car le doute est une souffrance qu'on l'on sous-estime trop souvent.

Cette fois-ci, Artanis se montra plus sensible, plus réceptif. Dans son regard si expressif, on pouvait voir se refléter les questions, les convictions, les doutes, et les souffrances qui se succédaient dans son esprit. Sans vraiment savoir comment, j'avais réussit à briser la carapace mentale créée par ce qu'il pensait être l'abandon de son Dieu, et derrière laquelle s'étaient multipliées rancunes et déceptions.

En détachant mes yeux de son visage, pour regarder dans le vide, un étrange phénomène se produisit. Parce que je les avaient longuement observés, les yeux bleus de l'elfe restèrent gravé quelques secondes dans mon esprit avec précision puis, après un léger vacillement et une infime déformation, devinrent les yeux du Dieu, tels que je le conservaient précieusement dans mes souvenirs. Appuyant cette douce vision, je sentit la présence d'Yehadiel, presque palpable. Etait-ce dans mon esprit? Dans mon cœur? Dans ce lieu qui lui était dédié? Impossible de le situer, mais une chose était sure: je n'était pas seule et tant que ma foi, mon amour brûleraient en moi, je ne serais jamais seule.

Cette présence prit tout son sens quand Artanis me questionna.

- (…) mais plus important ...toi ... toi qui n'es qu'une humaine, qu'une simple mortelle, d'où te vient tant de foi ? D’où te vient cette force a croire, toi qui t'en remet tant a sa providence, toi qui t'en remet tant a lui, pourquoi le fais-tu si aveuglément ? Et que crois-tu que nous puissions faire pour "l'aider" ?

Je lui souris, mélancolique. Le témoignage dont je devais lui faire part était simple et je ne pouvais pas me tromper sur mon passé, mon histoire. Mais ses questions en engendraient d'autres,plus personnelles et vertigineuses. Comment, comment un amour pouvait-il traverser des millénaires de séparation? Huit mille ans à souffrir, être dépouillée de mes certitudes, de mes souvenirs, de mes rêves, ... Mais jamais cet amour n'avait vacillé. Rien n'avais put me faire douter ni regretter ce sentiment. Était-ce lié à la nature divine de ce céleste amant? Sans doute, mais la causalité unique était trop simple et certaines vérités sont trop puissante, trop absolue pour accepter de se plier à un raisonnement logique.

Mon regard se posa sur nos mains rassemblées. Le symbole de la transmission était si fort que les mots me virent naturellement.
3]- Je suis née il y a bien longtemps, quand aucun homme, aucun elfe n'avaient encore foulé le sol de Terra. Pendant plus d'une dizaine d'année, mon frère et moi n'avons pas rencontré un seul autre être capable de penser, de s'exprimer comme nous. Puis, nous L'avons rencontré. Quand un Dieu descend ainsi, volontairement et librement, s'occuper de ses créatures, avec toute la tendresse et l'amour qu'il incarne, comment pourrait-on douter un jour qu'il nous tourne le dos?

Je serais doucement les doigts de l'elfe, regrettant que les mots soient si faibles et redressait mon regard vers le visage de mon interlocuteur.

- En réalité, tout le monde pourrait douter et le doute est la preuve que votre foi est intelligente, et non pas aveugle ou fanatique. Mais je ne peux simplement pas douter de Celui que j'aime, qui m'a donné la Vie et l'Amour. Rougissant un petit peu, ferma les yeux quelques secondes. Parler ainsi remuait bien des sentiments en moi et, même si je les acceptait comme faisant parti de mon identité, je ne pouvais pas me laisser submergée. Je ne sais pas ce que dise vos histoires, vos contes mais je peux témoigner, en tant que Eve, première humaine, de la bonté de ce Dieu qui a tout donné pour protéger ses créatures.

Il me revint en tête le souvenir d'Yehadiel me contant des récits fantastiques, des légendes et histoires merveilleuses ou la vérité historique se mêlait avec la force de l'imagination. Et je réalisais que, sans jamais l'avoir souhaité, celle que j'était dans ma jeunesse était devenu, à moindre échelle, un personnage de ces anciens récits. On s'était approprié de mon histoire, de cette jeune humaine que j'étais pour en faire une image, "Eve la première humaine", "Eve l’originelle". Et après toutes ces années, la Eve qui vivait dans les contes des populations tait peut être devenue bien différente de celle que j'étais reelement... Et même si j'avais été "bien conservée" dans leur mémoires, j'étais aujourd'hui bien différente de celle que j'était huit mille ans plus tôt... Cette réflexion ajouta un poids bien lourd sur mes épaules. Serais-je à la hauteur? Ne risquais-je pas de nuire à l'image de Yehadiel?

- Vous n'avez rien de sot ou d'idiot, et encore moins d'un égoïste. Chacun suit sa route, chacun vit une histoire particulière et je serais bien aveugle d'estimer que votre parcours est plus petit et votre souffrance moins dure que la mienne.

Les mots venaient plus facilement, je m'en remettais complètement à ce Dieu qui emplissait la pièce de sa présence, de son aura invisible pour les yeux mais si criante pour mon coeur.

- Ingwë? Je souris, amusée par tous les souvenirs de nos jeux d'enfants qui surgirent soudainement. Il était... très bon, très doux, animé par la conviction que les choses ont un ordre naturel qui se doit d'être respecté. Il aimait beaucoup ce qu'il considérait comme "son peuple", sans la moindre notion de propriété, c'était plutot une vision paternelle ou plus précisément un positionnement de grand frère. Il fallait voir sa fierté quand les communautés elfiques découvraient certaines choses avant celles humaines... Et mieux encore, quand les elfes allaient vers les hommes pour partager leur savoir, proposer leur aide et leur pouvoirs. Dans ces moments là, Ingwë avait les yeux brillants, comblé de bonheur.

Les yeux dans le vagues, je revivais avec émotion tous ces instants.

Ingwë s'était aussi un elfe posé, réfléchit, rarement en colère mais qui s’élevait contre tout ce qu'il estimait profondément injuste. Il se battait pour ce qu'il aimait, sans se mettre en avant mais en allant jusqu'au bout de ses rêves. Comme les arbres les plus solides, il mettait du temps à se construire, à faire ses choix, mais la personnalité qui en est ressortie était belle et forte.

D'un geste rapide, je repoussait les larmes qui brillaient dans mes yeux.

Je pouvais lui faire confiance, toujours.

Finalement, je relevais la tête vers l'elfe et conclu en forçant un peu un sourire pour ne pas laisser la tristesse s'installer.

Vous appartenez à une belle race. Noble et courageuse, intelligente et attentionnée. Avec Ingwë, nous disions que les elfes ont un cœur intelligent alors que les humains ont une intelligence affective, sentimentale.