[HRP : Finalement je ne cherche pas d'herboriste, je te vois juste en train de baragouiner quelque chose et de cueillir des fleurs, comme ça je suis d'humeur plus joyeuse :]

- C'est celle-là ?
Confortablement installée à une table, dans un petit cabaret des Plaines, Nashley faisait un peu de close-up devant une dizaine de badauds. Il s'agissait en fait d'effectuer des tours de carte avec un public assez près, ce qui ne signifiait pas pour autant que celui-ci y comprenait quelque chose à ses tours. Et même bien au contraire ! C'est ce qu'on a sous le nez qu'on voit le moins bien !
Elle avait mélangé son jeu et avait étalé les cartes bien en face d'elle puis avait demandé à quelqu'un d'en choisir une. Il ne lui avait pas montré. Il l'avait reposée dans le jeu à sa demande et l'illusionniste avait entreprit de mélanger le jeu à nouveau. Elle avait arrêté son choix sur la carte qu'elle lui tendait.
L'homme se tourna vers ses compères et secoua négativement la tête.
Elle afficha une mine surprise puis en piocha une autre :
- Celle-là peut être ?, d'une voix pleine d'espoir.
A nouveau, il répondit par la négative. Nashley se leva de sa chaise en ramassant ses cartes et poussa un soupir.
- Bon, eh bien je ne sais pas, je ne dois plus être au meilleur de ma forme, dit-elle en s'éloignant vers la sortie.
Juste avant de passer la porte d'entrée, elle s'arrêta et leva un doigt en l'air. Sans se retourner, elle leur dit d'une voix pétillante de malice :
- Regardez dans la bouteille de vin, pour voir.
Sans un mot de plus (y avait-il besoin de vérifier que la carte choisie était bel et bien dans le vin ?) elle partit flâner dans le village. Elle était d'humeur particulièrement joyeuse aujourd'hui, sans même se l'expliquer. Elle n'avait même pas volé. Ah si, un tout petit quelque chose, mais ça ne comptait pas vraiment. Elle s'arrêta soudainement en voyant un être minuscule en train de ramasser des fleurs ou de l'herbe. Mais qu'est-ce que c'est que ça ?, pensa-t-elle. Elle inclina la tête sur le côté en affichant un regard sceptique devant ce qui ressemblait à un "lapin". Un pelage clair et doux, des grandes oreilles... mais ce qui l'intriguait le plus c'était que ce petit être baragouinait sans cesse. Une vraie boule d'énergie. Nashley sortit une carte distraitement et entreprit de jouer avec. On ne sait jamais, songea-t-elle. Mais elle dut reconnaitre que cette peluche était adorable, elle ne semblait pas dégager la moindre dangerosité. L'illusionniste se maudit intérieurement de flancher devant la boule de poils.

C’est probablement une légende stupide et une rumeur absurde pour mieux faire croire au ce mythe existe réellement, avait ronchonné Léandre lorsqu’elle avait dû l’abandonner à une après-midi de solitude lorsqu’ils auraient dus ensembles organiser une future sortie de groupe de la Confrérie. Clydwen avait rigolé – évidemment – et lui avait soutenu que ce n’était pas que des racontars et qu’il était de son devoir d’aller soigner cette pauvre bête si elle était blessée, ou tout du moins de vérifier qu’elle était réellement mal en point. Même si bon, il était vrai que, comme ça, se sentir rempli d’un devoir médical envers un coucou parleur sonnait comme une absurdité. Ou un conte de fées pour enfants, au choix.

Si elle avait affaire à une simple coupure, Clydwen avait tout ce qu’il lui fallait ; pour une contention aussi, une fièvre, une fatigue chronique et même de quoi soigner des rhumatismes. Si ce pauvre oiseau était empoissonné, cependant.. Hm, il lui fallait refaire le plein de baie de genêt, songea-t-elle en sortant du QG de la Confrérie. Et elle savait exactement où en trouver.. ! Ah, elle ne remercierait jamais assez Luz d’avoir choisi un tel endroit pour leur quartier général. Certes l’Ilwynog aurait sûrement eu plus de choix en Flore, mais elle y retournait assez régulièrement voir sa famille pour faire à chaque fois le plein de flore médicinale – ou aux effets moins revigorants, d’ailleurs, mais ça c’était une autre paire de manche et Clydwen n’aimait pas tellement en parler. Enfin, les baies de genêt.. !

Clydwen s’affairait à ramasser ses baies depuis une bonne demi-heure désormais, discutant avec le buisson duquel elle les prenait pour faire preuve d’éducation – et aussi parce qu’elle était bien incapable de ne pas parler à qui que ce soit, même si c’était le vent bien qu’il était plus compliqué pour elle de le comprendre – lorsqu’elle sentit un regard sur elle. Relevant les yeux avec curiosité, elle croisa le regard d’une jeune femme un peu plus loin qui semblait l’observer, une carte à la main. Oh, oh, une diseuse de bonne aventure ? Une devin ?! Si elle pouvait lire l’avenir dans les cartes elle pouvait sûrement lui indiquer la position actuelle et l’état du coucou parleur, aussi Clydwen se redressa-t-elle prestement et arborant son éternel sourire joyeux tout en faisant signe à l’humaine.
« - Oh, bonjour ! Vous tombez bien j’aurais sûrement besoin de vos services ! s’enthousiasma-t-elle de sa petite voix fluette tout en refermant sa sacoche désormais également remplie de baies. Oh pardonnez mon excitation c’est la première fois que je fais appel à ce genre de.. Je suis sûre que c’est la dame de carreau ! Vous savez qu’elle s’appelle Rachel en hommage à l’ancienne Reine de Sent’sura morte en couche ? Oh, bien sûr que vous le savez, suis-je bête, j’en perds ma politesse ! Je suis Clydwen, enchantée ! »

Nashley regardait la créature s'afférer depuis quelques minutes quand celle-ci remarqua sa présence. En effet, elle (c'était une femelle apparemment) la salua d'un signe de la main et l'interpela d'une voix fluette. L'illusionniste leva un sourcil quand le petit être lui annonça qu'il avait justement besoin de ses services. Quoi, lui donner les baies hors d'atteinte ?, railla-t-elle intérieurement. Puis elle comprit. La dénommée Clydwen croyait qu'elle était voyante, sûrement à cause de la carte qu'elle tenait à la main. Il était d'ailleurs question d'une histoire à propos de la Dame de carreau ; si elle n'avait pas eu vent de cette anecdote, elle n'en montra rien. Nashley jeta un coup d'œil à la carte qu'elle tenait et haussa le sourcil, vaguement étonnée : un 7 de trèfle, deux symboles de chance. Un heureux hasard, songea-t-elle d'un air pensif. S'approchant de Clydwen, elle changea discrètement sa carte en Dame de carreau. La bonne humeur contagieuse de la boule de poils donnait envie de lui faire plaisir. Cela lui coutait de l'admettre.
- Mais tu as entièrement raison : c'est bien Rachel, chantonna-t-elle, son éternel sourire en coin.
Pas la peine de prendre les formes, avec la politesse, le vouvoiement et tout le blabla conventionnel. Une toute autre ambiance s'installait : saine, naturelle, conviviale. Elle s'agenouilla pour se mettre à sa hauteur et lui tendit la carte. Plus près maintenant, elle en profita pour observer un peu mieux  la créature. Une sacoche bien remplie, sûrement avec les petites baies qu'elle vit sur les buissons qui les entouraient, pas d'arme si ce n'était peut être ce petit bout de brindille. Elle semblait provenir d'un curieux croisement entre le lapin et le chat, avec ses petites vibrisses qui remuaient légèrement. Elle leva ensuite le regard jusqu'au traits du petit personnage : ils étaient incroyablement expressifs, un véritable livre ouvert. Nashley en jetterait ses cartes au feu que Clydwen était inoffensive, son visage ne montrait aucun signe de mensonges.
- Enchantée également, entonna-t-elle en exécutant une petite révérence, avant de repositionner son haut-de-forme. Je suis Nashley.
Elle reprit, quelque peu intriguée par le service qu'elle pourrait rendre à Clydwen :
- Alors, en quoi puis-je t'aider ?
Un appel à l'aventure, peut être ?  Paradoxalement, l'illusionniste ne croyait en rien au présage des cartes mais disons que son intuition féminine la poussait à envisager que cette rencontre serait riche en péripéties.

Clydwen ne put s’empêcher de se balancer d’avant en arrières sur ses pattes tandis que l’humaine s’approchait d’elle, ayant du mal à contenir son excitation ; tant, d’ailleurs, que ses yeux brillaient de milles étoiles, espoirs presque candides que cette nouvelle rencontre lui apporte découvertes et épanouissement personnel. Clydwen était souvent comme ça : toujours à espérer le meilleur de ce qui devenait bien trop vite ses nouveaux amis et soucieuse de le rendre au quintuple. Un grand sourire arqua d’ailleurs ses lèvres lorsque la bipède lui montra la carte de la Dame de carreaux, et elle pouffa de rire, amusée, en échangeant un regard complice avec la prénommée Nashley.
« - Je suis certaine que vous l’aviez prévu ! reprit-elle d’une voix légère, s’inclinant ensuite en une petite courbette théâtrale pour répondre à la révérence de l’humaine. »

Clydwen n’avait pas réellement remarqué l’emploi du tutoiement de la prestidigitatrice et, de toute façon, ne s’en souciait guère : au contraire, même, plus l’on s’adressait chaudement à elle plus elle s’attachait inévitablement à cette personne quand bien même celle-ci finissait par se révéler être de la pire espèce. Il était difficile néanmoins de s’attirer les foudres ou même la méfiance de Clydwen tant elle aimait jusqu’aux comportements les plus odieux, toutes ces aspérités et fluctuations d’un caractère. En revanche l’Ilwynog utilisait toujours le vouvoiement jusqu’à ressentir un réel attachement plus personnel : elle faisait partie d’une fière tribu de bestioles au savoir ancestral et au respect inaltérable envers tout et toute chose, après tout.
« - Bonjour, Nashley. Vous êtes une des plus jolies humaines que j’ai jamais vues. chantonna Clydwen en s’armant d’un sourire entendu, avant de paraître plus soucieuse tout en regardant autour d’eux. Je cherche un oiseau ; il vit dans les plaines de Terre mais serait toujours en déplacement, ce qui le rendrait difficile à trouver.. La rumeur dit qu’il est blessé, ces derniers temps, et j’aimerais le trouver pour prendre soin de lui. Avez-vous déjà entendu parler du coucou parleur ? »
Malgré la question pour le moins incongrue le sourire et l’intérêt innocent de Clydwen ne disparurent en rien de son visage et elle observait Nashley avec une candeur qui rendait ses paroles dignes de confiance, aussi improbable cela pouvait-il paraître.

Un Coucou parleur ? Nashley ne put contenir un petit rire moqueur. Décidément, cette Clydwen était atypique. Mais en voyant son adorable regard plein de détermination et empli d'inquiétude pour ce pauvre petit oiseau blessé, l'illusionniste regretta un peu son geste. Ce petit personnage était si innocent, si bienveillant, tellement persuadé que ce n'était pas qu'une légende. Elle se mordilla la lèvre inférieure cherchant comment se dépatouiller de cette histoire. Donc, à en croire la boule de poils, il fallait dénicher un oiseau dont la localisation était impossible à déterminer précisément, il était blessé depuis on ne sait combien de temps, et plus important encore, il parlait ! Peut être construirai-je un spectacle de magie autour de cette petite histoire, ironisa-t-elle.
Néanmoins, elle n'avait rien de bien spécial à faire aujourd'hui et en regardant sa montre à clapet, elle se fit la réflexion que cette petite expédition occuperait gaiment son après-midi. Par "expédition", elle entendait jouer la voyante, marcher quelques mètres et ô miracle, créer l'illusion d'un oiseau blessé pour apaiser l'esprit soucieux de Clydwen. Nul doute quant au fait qu'elle ne croyait en rien à ces absurdités, sottises sorties tout droit d'un conte pour enfants. Et ces petites histoires dont la fin heureuse promettait une vie bien remplie et riche à la princesse et au prince l'avaient toujours laissée amère. Ma foi, c'est à ça aussi que sert la magie, faire rêver les gens, non ? Une petite partie d'elle-même, celle qui réussissait à ne pas devenir complètement gaga à la vue de la peluche vivante, se rassura en invoquant une raison purement égoïste :  l'occasion de se donner en spectacle, et elle adorait cela.
Affichant une mine concentrée - ses yeux rieurs bien cachés sous son masque - l'illusionniste faisait les cent pas, mélangeant un paquet de cartes. De temps en temps, elle en sortait une puis remuait ses lèvres, pour faire croire à Clydwen qu'elle s'interrogeait réellement sur ce que montrait la carte, puis elle la jetait par dessus son épaule avec un "Non, pas celle-là". Alors que la créature était suspendu à ses lèvres, sa petite bouille tendue vers Nashley, celle-ci arrêta soudain sa marche, un doigt en l'air.
- Je vois effectivement un oiseau (elle lui montra un valet de pique). Hum...
Elle piocha une autre carte, et ce fut une rouge qui en sortit :
- Il est blessé !, s'exclama-t-elle d'une voix emplie de tristesse. Maintenant, ô carte ! dis moi où il est !
La troisième carte, qu'elle venait de lâcher, suivit le courant du vent et s'envola en direction d'une forêt, au loin. Nashley tendit le doigt dans la même voie. Satisfaite de sa petite représentation, elle se retourna vers Clydwen et leva la tête, attendant sa réponse :
- Ca te va ?
Qu'elle soit maudite si elle commençait à s'attacher à ce vulgaire lapin. Était-ce un sentiment amical envers Clydwen qui venait de naitre ? Oui, il semblait bien. Elle leva les yeux au ciel : Faible...

Clydwen ouvrit la bouche grand comme ça en voyant Nashley réagir à la positive et commencer à manipuler ses cartes. Frétillante d’excitation, l’Ilwynog se pencha légèrement en avant, les oreilles relevées par curiosité comme pour y voir de plus près ; bien entendu elle n’y comprenait rien – et c’était une frustration immense pour une personne de son acabit qui passait sa vie à rassembler savoir et connaissance absolue – mais cela ne l’empêchait pas de réagir aux expressions de l’humaine, fronçant les sourcils ou baissant les moustaches lorsqu’elle paraissait tirer de mauvaises cartes. Très vite cependant celle-ci reprit la parole et Clydwen sentit l’excitation envahir lorsqu’elle parla finalement d’un oiseau. ‘Ah ?’ ne put-elle s’empêcher de glisser en se retenant de trop sautiller sur place ; quelle chance elle avait eu de tomber sur une sorte d’Oracle ! songea-t-elle en souriant, même si elle fronça légèrement les sourcils lorsque Nashley lui confirma ses blessures. Hm.. Eh bien, c’était regrettable, mais tata Clydwen allait reprendre les choses en main maintenant !

Un bref sursaut de surprise la prit lorsque la carte s’envola en direction d’une proche forêt et l’Ilwynog la suivit des yeux avant d’hocher frénétiquement la tête, se mettant à gambader à sa suite avec passion. Elle ne fit que quelques pas cependant avant de se retourner vers la magicienne, presque étonnée de ne pas déjà la voir courir à ses côtés.
« - Eh bien, vous venez ? Il ne doit pas être bien loin, et il a besoin de nous ! Dépêchez-vous ! la pressa-t-elle, non sans se départir de son expression aimable : après tout, elle ne commandait Nashley en rien et l’embarquait innocemment dans son aventure. »
C’était sûrement un peu égoïste, aussi, mais Clydwen ne pensait pas à mal et s’attachait très vite aux gens qui savaient être aimables avec elle – même si cela pouvait être feint, même si cela était intéressé.

Nashley accorda un petit sourire à Clydwen, qui s'étonnait de ne pas la voir détaler en direction du bosquet pour sauver l'oiseau malade - Je veux bien te laisser dans ton conte de fées mais n'abuse pas trop, lapin - et se mit en marche à sa suite. La créature, déjà bien loin.
Aucun doute : elle n'avait pas moyen de repartir en arrière. Non qu'elle le regrette. Ce serait un tour de magie comme un autre après tout. Y avait-il du mal à faire rêver les autres ? La sentimentalité n'était pas son fort, trop d'attache aux autres pour si peu de bénéfices : c'était se rendre esclave pour pas grand chose. Pourquoi s'en encombrer ? Et en même temps, ce n'était pas si désagréable. L'image du lapin gambadant après la carte volante s'imprima dans son esprit.

Tandis que ses grandes jambes foulaient l'herbe des plaines, et que ses oreilles n'écoutaient que distraitement le babillage incessant de la créature, elle réfléchissait. A quoi ça peut bien ressembler un Coucou parleur, hum ? Parce qu'une fois arrivées dans la forêt, l'illusionniste devrait faire apparaitre ce fichu oiseau ! Un vulgaire coucou, monotone dans ses plumes gris-fade ? Non. C'était clair dans les yeux de la lapine : il devait être extraordinaire, une légende vivante ! Nashley n'avait donc pour seule limite que son imagination. Quoi demander de plus ? Peut être une coiffe multicolore ou bien un bec en or ? Elle sourit en coin.

Juste à l'orée du bois la prestidigitatrice fit signe à Clydwen de ralentir et de ne faire aucun bruit, les yeux grands ouverts comme à l'affut. Il fallait jouer le rôle jusqu'au bout, apporter la mise en scène et les mimiques adaptées à une telle situation insolite. Il faut vivre une illusion pour y croire véritablement. Nashley s'engagea la première dans la forêt et entreprit de marcher doucement, évitant précautionneusement de faire craquer les brindilles. Un sourire amusé étirait ses lèvres : elle se revoyait enfant, jouant dans les bois et inventant (si ce n'était même créant !) des monstres et créatures imaginaires. Elle avait aussitôt pensé à une clairière. Un lieu dégagé mais protégé par les arbres, propice à quelque chose de magique. Alors que les deux protagonistes avançaient à pas de loup, s'enfonçant de plus en plus dans la forêt, un grognement se fit entendre. Alertée, Nashley s'arrêta immédiatement. Les oiseaux ne seraient-ils pas censés faire "pioupiou" ? A l'évidence, ce n'en était pas un.

Les oreilles légèrement pliées, trahissant une intense concentration chez l’Ilwynog, Clydwen marchait aux côtés de Nashley, précautionneuse – bien que bondissait était certainement le meilleur verbe pour décrire sa démarche consciencieuse mais toujours empreinte d’une excitation impatiente. L’intérêt que portait la prestidigatrice à sa quête ne faisait que conforter la bestiole dans son raisonnement : elles étaient en mission, une mission excessivement importante qui plus est, et le moindre écart de concentration pouvait alors totalement les dépasser et causer la mort d’une créature extraordinaire qu’elle s’empresserait de regretter pour le restant de ses jours. Et si le coucou parleur – qu’elle n’avait jamais personnellement rencontré mais à propos duquel elle avait lu des tonnes de choses ! – possédait des secrets seulement connus de Dame Nature elle-même ? S’il était capable de répéter les recettes entendues de la bouche de quelques elfes insouciants pensant n’être espionnés de personne dans les nombreuses forêts désertes de Terre ? Oh, et si son bec était empli d'une magie ancienne qui.. non, non, c'était une pensée bien trop cruelle pour cette pauvre bête. Dommage, songea Clydwen en penchant très légèrement sa tête sur le côté, qu'une découverte scientifique allant à l'encontre de la biodiversité de Terra Mystica soit rédhibitoire pour une peluche de son espèce. Enfin, se dit-elle ensuite en se permettant un sourire, si la légende était vraie, elle aurait déjà de quoi faire, n'est-ce pas ?

Le grognement n'échappa pas à la boule de poils verte qui s'arrêta d'un même mouvement que Nashley, relevant ses oreilles toute droite pour mieux observer autour d'eux d'un œil attentif.
« - Je crois qu'il s'agit d'un renard. Oh, quelle étourdie je peux être, c'est vrai que nous sommes en pleine période de reproduction ! psalmodia Clydwen, visiblement embêtée, en allant se percher sur une branche d'arbre proche en quelques bonds agiles. »
Là, elle sembla sonder les alentours en s'exprimant à voix basse, ou tout du moins de manière assez audible pour que seule sa compagne puisse entendre ; l'Ilwynog était bien placée pour savoir ce qu'un mot plus haut que l'autre pouvait leur causer à l'heure actuelle.
« - Je ne donne pas cher des pauvres proies qui tombent sous leurs griffes. rajouta-t-elle avec soucis, avant de se permettre un petit rire amusé. Mais je ne m'inquiète pas pour les oiseaux et encore moins pour le coucou, qui doit être particulièrement malin ! Nous allons juste les contourner par.. »
Tandis qu'elle commençait à lever la patte pour indiquer une direction - elle ne souhaitait pas réellement tomber sur une orgie de fennec, qu'elle soit festin ou sexuelle - une lignée de buisson à quelques pas devant eux se mit à remuer, faisant s'immobiliser Clydwen en plein mouvement. Un autre prédateur ? Une bestiole inoffensive ? Ou un renard solitaire n'ayant pas trouvée partenaire et de ce fait particulièrement agressif en cette période de l'année ?

Mais qui peut bien s'intéresser à la période de reproduction des renards ?
C'est sur cette pensée incrédule, moqueuse et un brin trop terre à terre que la chose bondit hors des buissons.

Babines retroussées, regard réprobateur et griffes nacrées sorties. C'est ainsi qu'atterrit majestueusement, à une dizaine de mètres seulement des deux protagonistes un lynx au pelage immaculé. La bouche ouverte en un son muet, Nashley posait sur la bête des yeux écarquillés de stupeur. Sa première pensée ne fut pas : Mais qu'est-ce qu'un fauve polaire peut bien faire dans une forêt ? Non. Ce fut plutôt un Si ce fichu lapin ne babillait pas sans cesse, peut être ne l'aurait-on pas dérangé ! sarcastique. D'ailleurs, où était Clydwen ? Un rapide coup d'œil en hauteur l'informa que la boule de poils était tout autant concentrée sur l'animal et pour une fois, sans voix ! A la bonne heure, pensa-t-elle méchamment. Elle se maudit de s'être laissée embarquer dans cette aventure et surtout embarquée par cet être si décalé de la réalité ! Elle avait bon dos maintenant, avec un lapin contre ce lynx qui, faut-il le préciser, semblait plus grand que la normale. La prestidigitatrice reporta bien vite toute son attention sur lui et de façon inquiétante, il semblait en faire de même.

Pas un son ne venait troubler cette étrange rencontre et elle ne fit pas non plus le moindre geste de peur que l'animal, ses oreilles effilées en petites touffes de poils noirs pointées en avant dans l'attente d'un quelconque mouvement de sa part, ne le considère comme une menace. Nashley fit tout de même apparaitre deux éventails de cartes, un dans chaque main, prête à les lancer au moindre signe d'attaque imminente. L'animal feula dans sa direction et lui jeta un regard menaçant que l'illusionniste n'hésita pas à lui rendre.

Alors seulement il sembla remarquer la boule de poils perchée sur une des branches. Et chose qui étonna la jeune femme, son attitude sembla changer du tout au tout. Ses longues oreilles se courbèrent délicatement vers l'arrière en une posture décontractée et son regard s'adoucit. Il huma l'air en se penchant légèrement vers Clydwen et cessa son grognement menaçant. Celle-ci l'examina de ses grands yeux, sa petite bouille allant elle aussi à sa rencontre. Totalement occultée de la scène qui se jouait entre les deux créatures, Nashley ne put que les regarder communiquer dans la langue que seuls les êtres de la nature savent parler, allez savoir ! Mais elle n'était en aucun cas venue pour assister à ces niaiseries et sans attendre plus longtemps, elle lança prestement une série de cartes au pied du lynx pour le faire décamper. Celui-ci, qui se rappelait maintenant sa présence, se tourna brusquement dans sa direction et montra les crocs. L'illusionniste modula à son tour l'illusion d'un fauve aussi grand que lui et lui fit adopter une expression encore plus hargneuse. Sans demander son reste, le lynx blanc fila à travers les bois et repartit comme il était arrivé.

A la réflexion, la présence d'un lynx polaire dans une forêt des plaines n'était pas chose anodine et aurait dû faire tiquer son esprit pourtant vif. Il ne peut pas faire réellement partie de cette histoire inventée de coucou parleur tout de même ! Qui sait ?


HRP : Juste pour changer du trop "obvious" combat de créatures bizarres ! Voici donc un "allié", une sorte de guide dans notre quête ;)j'ai imaginé qu'il avait un lien particulier avec toi, petit lapin à la frimousse bienveillante ! alors qu'une magicienne moqueuse dans mon genre... ça ne lui inspire pas confiance

Un sourcil légèrement haussé en guise de surprise, Clydwen observa le lynx bondir hors du buisson dans une position pour le moins offensive. Visiblement seulement, néanmoins, car l’Ilwynog était bien placée pour comprendre les comportements animaliers et les interpréter, sans compter, bien entendu, sa faculté à discuter avec eux, mais c’était là une autre histoire. Elle qui avait dégainé son bâton, prête à protéger l’humaine (qui de toute façon s’en serait probablement mieux sortie sans elle) le rangea alors posément, presque tranquillement, tout en observant Nashley du coin de l’œil. Celle-ci était aussi prête à affronter le pire et, presque maternelle, Clydwen lui adressa un doux sourire alors que l’animal remarquait sa présence. Sautant de son perchoir, la bestiole s’approcha de la bête, précautionneusement, tout en penchant légèrement la tête sur le côté, visiblement soucieuse. Il y avait des dialogues qu’elle préférait silencieux, elle qui pourtant ne pouvait s’empêcher d’ouvrir la bouche pour tout et toute chose à la montre occasion ; la situation était grave, cependant, et elle l’avait bien vite compris, assez pour ne pas se laisser aller à la légèreté.

La discussion fut brève, brutalement interrompue par une flopée de cartes impromptues, mais Clydwen ne retint pas la bête. L’observant décamper en lui lançant une dernière excuse mentale pour s’excuser du comportement de Nashley, l’Ilwynog se tourna vers cette dernière, la mine sérieuse et indubitablement soucieuse.
« - Cette pauvre bête.. La situation est peut-être pire que je ne l’imaginais. confia-t-elle à l’humaine en lui faisant un petit signe de la main, l’invitant à la suivre tandis qu’elle commençait déjà à reprendre la route, suivant la direction dans laquelle le lynx s’était enfui. Ou alors, se peut-il que l’hasard fasse bien les choses.. ? Hm. Ce lynx n’a rien à faire dans les forêts terrestres, mais tu dois déjà probablement le savoir. Je me demande si tu peux faire en sorte de voir comment il a terminé par se retrouver ici.. ? Oh, peu importe, je lui demanderais lorsque nous croiserons de nouveau sa route. »
Difficile de contenir l’énergie intarissable de Clydwen qui, bien que sérieuse et concentrée, retournait déjà se percher sur une branche pour mieux continuer la marche en hauteur sans cesser de faire croiser son regard à celui de Nashley, d’une part pour être sûre de ne pas l’égarer et d’autre part pour rester aimable.
« - Il semblerait que nous ne soyons pas les seuls à avoir entendu parler de la blessure du coucou, à ceci près que les velléités de notre rival ne soit pas aussi innocente.. Quoiqu’il en soit, il faut sauver ce pauvre oiseau ! Toute la biodiversité accourt à son secours, c’est de notre devoir que de prêter main forte ! rajouta-t-elle l’air déterminé. »

Spoiler:

Nashley resta là à surveiller encore quelques instants la petite clairière, siège de leur étrange rencontre avec le lynx. Cartes frémissantes en main, elle sondait attentivement les environs à l'affut du moindre bruit. Cela ne lui avait pas échappé qu'une prochaine rencontre puisse se produire et Clydwen avait parlé de "rival" à l'encontre du fauve. Rien de très engageant, donc. Même la forêt lui apparaissait plus étrange qu'à l'accoutumée, emplie de secrets bien gardés que même les buissons n'osent chuchoter. Les oiseaux se faisaient discrets et même si la trouée des arbres laissaient filtrer les rayons de soleil qu'elle affectionnait tant, elle aurait juré que le bois avait pris une teinte surnaturelle. Un léger souffle d'air souleva quelques unes de ses mèches de cheveux et elle raffermit la prise de son chapeau sur sa tête En lissant son veston d'un prune élégant, elle remarqua une carte qui s'y était accrochée. Celle-là même qu'elle avait lancée un peu plus tôt. Ses commissures se relevèrent en un petit sourire et elle s'élança à la suite de Clydwen.

Le vent en poupe, la boule de poils bondissait de branche en branche, sans doute plus que jamais déterminée à trouver le Coucou parleur et à lui prodiguer les soins appropriés. Nashley n'avait aucune idée de ce dont ils avaient bien pu parlé - à supposer qu'un lynx puisse tenir des conversations dignes de ce nom ! - mais cela avait remué la petite créature. J'imagine qu'avec Clydwen, il faut éviter de parler cuisine... railla-t-elle intérieurement. Il y avait des années de cela, quand elle était petite, elle aurait donné n'importe quoi pour pouvoir parler aux animaux ou du moins, écouter ce qu'ils avaient à dire. Combien d'heures avait-elle passé devant les cages aux colombes, à les regarder manger leurs grains sans se soucier de ce qui pouvait bien leur arriver ? Stupides bestioles. Ce genre de futilités lui étaient à présent passées bien au-dessus de la tête. Remarquez, n'était-ce pas elle qui courait après un lapin ?

Arrivée à son niveau, Nashley demanda, en écartant une branche basse :
- Comment ça, toute la biodiversité accourt à son secours ? Puis, anticipant la réaction de sa comparse : Les cartes ne me révèlent rien.
Une ribambelle d'amis de la forêt. Ô joie.
- Et comment va notre pauvre oiseau ? s'enquit-elle d'un ton mélodramatique parfait.
L'illusionniste leva les yeux au ciel d'amusement. Mais, sans se l'avouer très franchement, l'arrivée inopinée du lynx blanc avait comme qui dirait "brassé les cartes" et il se pourrait que la donne de toute cette histoire invraisemblable - même pour une illusionniste - en soit totalement changée.