Bon sang de bon sang de bon sang ! Eh voilà, Jenaël ! Tu t'es encore perdu ! Et oui ... Mais ce n'est pas tout. Non seulement, je me suis trompé de chemin mais en plus, je n'ai pas atteri au meilleur endroit. En effet, il y avait des insectes et des moustiques de partout. Ajoutez à cela une odeur nauséabonde et vous aurez un mélange des plus morbide. De plus, j'ai failli, à plusieurs reprises, m'enfoncer dans les sables mouvant. On peut, donc, traduire ça par : quelle magnifique journée !... Avec un minimum d'enthousiasme, cela va de soi ... Je n'avais qu'une seule hâte ; sortir, enfin, de ce trou perdu ... Malheureusement, je tournai en rond, encore et encore ... J'avais également repris ma forme humaine car ma forme de chien n'était pas vraiment pratique pour se déplacer dans un lieu comme celui-ci.

La suite ? Elle se résume à la même chose ... Boue, sables mouvants, insectes, moustiques et odeur putride. Et ça aurait pu continuer ainsi encore longtemps si je n'avais pas entendu du bruit derrière moi et quelle ne fut pas ma surprise en découvrant la personne qui se tenait devant moi :

« - Az' ... »

Que devais-je faire ?...

Lorsqu'on est désespéré, on ne sait plus vraiment où donner de la tête. Eh bien pour Azaghâl, c'était exactement ça. Plus le temps passait, plus le trou béant qu'avait laissé en lui la disparation d'Artelius semblait grandir, grandir et ne jamais cesser de grandir, comme s'il se nourrissait de sa douleur. Oh, il ne niait pas qu'au début, c'est le jeune Clamerian qui lui avait "imposé" sa présence... Mais il l'avait bien vite accepté, et en était tombé amoureux.
Alors, lorsqu'il avait complètement disparu, Az' s'était senti perdu. Et c'est toujours le cas. Après avoir retourné la quasi-totalité de l'Empire des Glaces, le jeune chef de clan avait décidé de quitter les terres gelées pour se rendre sur le continent. Rien que ce voyage lui avait fait l'effet d'un véritable déchirement. Le village était entre de bonnes mains avec Khazâd, ça il n'en doutait pas, mais... Pour un Clamerian, ce n'est jamais facile de s'éloigner de son lieu de naissance. Mais il le fallait.

Toujours est-il que notre cher toutou s'était égaré en plein coeur du Marais de la Désolation. Arty ne serait jamais passé là de son plein grès... Et c'est justement ça qui l'avait motivé à venir jusqu'ici. S'il avait été enlevé, les ravisseurs avaient bien pu passer par ici.
Alors, malgré l'odeur nauséabonde qui se dégageait de ses eaux croupies, il avait flairé la moindre suspecte, cherchant la moindre piste qui pourrait le guider vers son amant disparu. Mais rien.

Las de piétiner dans la boue pour rien, Az' avait repris apparence humaine, ce qui facilita quelque peu sa progression. Néanmoins, disons ce qui est... Il en avait ma claque des moustiques et autres charmantes bestioles qui se venaient se fourrer dans ses vêtements !

C'est alors qu'il passait les doigts dans ses cheveux pour essayer d'en enlever la boue, le jeune homme se figea. Non... C'était impossible... ! Et pourtant, si. C'était bien lui. Jenaël. Celui que son maître, un vulgaire traître, avait banni pour le seul crime d'avoir défendu sa vie. Et lui qui avait tout entendu, mais n'avait pas daigné intervenir... Combien de fois s'était-il maudit d'avoir été si faible, si lâche ? Une infinité. Alors l'avoir devant lui, à cet instant... Azaghâl ne savait pas quoi faire.
Pour commencer, il s'approcha, lentement, mettant un pied devant l'autre. Quand son ancien ami se retourna, remarquant enfin sa présence, Az' sembla perdre toute sa contenance de chef, et combla la distance qui restait entre eux pour aller le prendre dans ses bras :

- Je suis désolé, Jen'. Je suppose que tu t'en fous et que tu vas m'en coller une, mais je suis désolé...

C'est tout ce qu'il était capable de dire.

... Alors là ! Je ne me serais jamais attendu à quelque chose comme ça. Azaghâl m'avait prit dans ses bras et je n'avais pu m'empêcher de frissonner à ce contact. Mais bon sang ! Et moi je le laissai faire sans réagir ... Pourtant, il avait raison. J'avais bien envie de le frapper mais je n'arrivai pas à passer de la pensée à l'acte. Allez savoir pourquoi. J'aurai aussi pu tenter de me dégager ou autre chose mais non. Je restai planter là sans réagir ... Il était désolé ... Ça c'était la meilleur ! Ce n'est pas parce qu'il est désolé que ça va enlever le fait qu'il n'a rien fait et que suite à cela j'ai vécu un vrai calvaire. Alors que lui ... Lui, il était tranquillement au clan et surtout, il n'était pas seul. La solitude ... Lorsqu'on la côtoyé pendant un moment il est difficile de s'en défaire par la suite. Je n'y serai jamais parvenu tout seul ... Mais lui n'était pas là pour m'y aidé. Oui, aujourd'hui encore, je lui en veux ... Certes, ça peut paraître stupide mais je suis fait ainsi et je n'ai nullement l'intention de changer. Non ...

Brusquement, je me dégageai de son étreinte avant de reculer de quelques pas. Il me faisait bien rire ... Je ne me rappelai plus que les autres Clamerians avait un sens de l'humour aussi fin ... Je fis un sourire mi-figue, mi-raisin, montrant ainsi que je n'étais pas vraiment convaincu. Au fond, je doutai de pouvoir leur pardonner. En disant ça, je parle évidemment de mon ancienne patrie ... Je le considérai un moment avant de me mettre à parler sur un ton qui en disait long sur ce que je pensai :

« - Tu es désolé ?... Mais ne vois-tu pas que c'est un peu tard, à présent ? Je te le dis franchement, je me fiche de tes excuses. Elles ne feront pas disparaître ce qu'il sait passé par la suite. Et je tuerai tous ceux qui font parti des coupables. Melkor, compris ... »

... Ainsi donc, Melkor n'était plus de ce monde. Voilà une bien fâcheuse nouvelle mais c'est vrai que je préfère voir Az' en vie même si je ne veux pas l'admettre. De toute manière, il y a quelqu'un d'autre que je dois tué et j'y arriverai, il le faut !... Sinon, je ne pourrai plus jamais me regarder en face et je ne serai plus un Clamerian, je jure d'y parvenir ou je n'utiliserai plus non plus ma forme originelle. C'est un pari risqué mais plus la condition est forte plus je sens que je peux y arriver. J'aurai aimé achever Melkor mais le destin a choisi quelqu'un d'autre et je ne peux que m'y plier ... Et puis, de toute manière, je n'ai pas la force de lui en vouloir encore plus pour ça ... D'ailleurs ... J'avoue que je ne sais même plus quoi penser de lui. Est ce toujours mon ami même depui stout ce temps ?... Ou bien, est ce quelqu'un que je dois considérer comme un étranger, que je dois renier ?... Zut ! Je ne sais vraiment plus ou j'en suis ...

La cicatrice que portait Az' n'était pas super et démontrait bien la violence qu'il y avait du avoir entre lui et Melkor. Quand je pense qu'à une époque, il le considérait comme son père ... Je me dis qu'il est bien facile de changer. Mais ce n'est pas sa faute ... Je le sais. Lorsque je repense au sourire qu'affichait Melkor ce jour là, je me dis que j'avais eu le bon pressentiment ... Que c'était bien un traître mais aussi que je n'aurai pas du me laisser faire. Du moins, pas aussi facilement ... Je soupirai ... Je me torture l'esprit pour rien et le pire, c'est que j'en ai totalement conscience ! Je secouai la tête avant de me mettre à fixer Az' :

« - Ainsi donc, mon pressentiment était juste et ce sourire mal dissimulé bien réel. Melkor était un traître ... Tu as bien fait, avec moi ça aurait fini en véritable cauchemard. De toute façon, il y a quelqu'un d'autre que je dois tuer si je veux que mon coeur cesse enfin de pleurer ... »

C'est vrai, tiens ... Je n'avais pas vraiment tilté quant à la présence de Az' dans ces lieux ... Surtout aussi loin de la terre des Glaces d'où il n'était jamais sorti. Mais je compris bien vite lorsqu'il me le dit ... Arty' avait disparu ... Maintenant, je ne m'étonne plus de voir Azaghâl ici. Même dans un lieu aussi ... Putride. Il doit être vraiment désespéré pour avoir fouillé toute la Nation des Glaces avant de venir par ici. Ou comme je m'en doute il est vraiment fou amoureux d'Arty' ... Mais que voulait-il que je réponde à ça ?... J'ignore ou il peut être et si il n'est pas dans les glaces c'est probablement un enlèvement. En rependant à Ezekiel, je sentai une colère qui montait en moi. Si il avait osé touché à Arty', il le paierait encore plus cher ! Artelius, lui, est resté mon ami malgré tout et je ne permettrai pas qu'on lui fasse du mal. Surement un peu moins qu'Az' mais quand même ! Je tentai de me calmai avant de lui lancer :

« - Le Chef qui ne sait plus ou donner de la tête, voilà qui est fort comique ! Mais plus sérieusement ... J'ognore ou est Arty' et je penche plutôt pour un enlèvement puisque je ne l'ai jamais croisé depuis ... Des lustres. Après, par qui et pourquoi je n'en sais rien. »

Comique, hein ?... Az' ne voyait pas franchement ce qu'il y avait de risible dans cette situation. Désespéré était le mot le plus adapté pour qualifier l'état d'esprit dans lequel se trouvait le Clamerian. Plus le temps passait, et plus il se persuadait qu'il ne verrait jamais plus Artelius. Et même lorsqu'il fermait les yeux, parvenant enfin à s'endormir, ses cauchemars le torturaient encore davantage, comme si son subconscient trouvait amusant de lui montrer à peu près toutes les façons possibles dont son amant avait pu trouver la mort. Azaghâl avait de plus en plus peur, et rien ne semblait pouvoir le rassurer.

Les paroles de Jenaël ne firent pas taire ses craintes, bien au contraire. Lui non plus n'avait plus eu de nouvelle d'Arty. Sûrement depuis son départ du village. La dernière personne à avoir vu Artelius n'était autre que lui. Et alors qu'il se faisait cette réflexion, une pensée lui vint. Pensée qu'il n'avait encore jamais eu, bien que cela puisse paraître surprenant.
Le jeune chef de clan se sentit pâlir d'un seul coup, et il crut pendant un instant que ses jambes allaient le lâcher. Et si... ?
Poursuivant sa réflexion à voix haute, il lâcha d'une voix éteinte, hésitante, sous le coup de l'émotion :

- ... Et si... Si j'étais parti plus tôt à sa recherche... ? ... Pourquoi est-ce que j'ai attendu si longtemps ? Mais quel abruti... !

Ce faisant, Azaghâl avait donné un coup de pied rageur dans un morceau de bois qui flottait à la surface de l'eau putride, l'envoyant valser un peu plus loin. C'est avec une certaine difficulté qu'il retenait des larmes non seulement de tristesse, mais surtout de rage. Contre lui-même. Parce qu'encore une fois, il avait fait preuve d'une sottise indécemment gigantesque.
Le Clamerian fourra ses mains au fond de ses poches et tourna les talons :

- Je te gêne, je préfère te laisser tranquille. Tu m'en veux encore, et je te comprends tout à fait. J'en ferais sûrement de même, à ta place...

Azaghâl avait vraiment l'air désespéré. Au fond, ça me faisait mal de voir dans cet état. Je ne l'avais jamais vu ainsi ... J'ignorai qu'Arty' était si important à ses yeux. Enfin ... Il compte pour moi aussi, cela va de soi. Le coup de pied qu'il infligea à un pauvre bout de bois en fut la preuve. Il l'aimait plus que tout. Pourtant, il n'attendit pas de réponse, déclarant qu'il me gênait et qu'il fallait mieux qu'il s'en aille. Je soupirai. Mais quel crétin ! Si il s'imagine que je vais le laisser partir sans rien dire, il se trompe ! Tant qu'à faire, que notre retrouvaille n'est pas servi à rien et qu'elle soit bénéfique pour nous deux. Non, je ne pouvais vraiment pas le laisser partir comme ça et surtout de cette façon. Non mais pour qui me prend-t-il ?! Je m'approchai de lui voulant lui poser la main sur l'épaule mais finalement je m'abstins, préférant juste parler :

« - Espèce de sombre crétin ! ne crois pas partir comme ça ! Artelius est aussi mon ami, tu t'en souviens ?... je n'ai pas grand chose à faire alors je vais venir à sa recherche avec toi. Si tu refuses je viendrai quand même. Surtout que je connais la région beaucoup mieux que toi puisque je suis ici depuis longtemps maintenant. »

Azaghâl s'était figé, écoutant attentivement les paroles de son congénère. La situation lui semblait perdue d'avance, il ne croyait pas qu'on puisse un jour lui ôter cette épine qui s'était profondément enfoncée dans sa patte, et ne s'en délogerait sûrement jamais. D'ailleurs, voulait-il qu'on la lui retire... ? Non, certainement pas. C'était sa punition pour ne pas avoir réagi plus tôt. Maintenant il le voyait, et sa prise de conscience ne faisait qu'empirer l'opinion déjà pas franchement bonne qu'il avait de lui-même.

Un chef de clan ? Mon oeil, oui ! Un chiot apeuré qui n'était même pas capable de protéger l'homme qu'il aimait, voilà tout ce qu'il était. Guère plus. Un sourire lui avait échappé quand Jenaël l'avait traité de sombre crétin. Formule bien adaptée à son cas, dis donc. Joliment trouvé.

Az' soupira profondément, puis se tourna à nouveau vers l'autre Clamerian, le visage à nouveau neutre, sans la moindre expression. Sa capacité à faire l'autruche l'aidait pas mal, parfois...

- Venir à sa recherche avec moi... C'est fort aimable de ta part, mais je doute que tu veuilles rester sur les routes pendant des mois, voire des années. Parce que je ne compte pas m'arrêter avant de l'avoir retrouvé, ou... D'avoir vu de mes propres yeux son cadavre.

Un peu plus, et les derniers mots n'allaient jamais quitter le seuil de ses lèvres. C'était une dure réalité qu'il lui fallait affronter. Peut-être ne reverrait-il jamais Artelius en vie, et mieux valait s'y préparer...

Ah lala ... Pourquoi je me doutais qu'il allait réagir comme ça ?... Il est tellement sur qu'Arty' a disparu à cause de lui ... Et si je lui dis que ce n'est surement pas sa faute, je suis quasiment sur qu'il s'énervera. Mais peu importe. Artelius est aussi mon ami alors je ne vois pas pourquoi Az' devrait porter seul ce fardeau. Je pense qu'il est temps d'enterrer la hache de guerre. Rien ne sera plus comme avant avec lui mais malgré tout, je veux l'aider. Galaad comprendra et puis, il sait qu'il peut compter sur moi si le besoin s'en fait sentir. Donc non, je ne l'abandonne pas. Je ne pourrai jamais faire ça. Je vais juste aider un ami. Un ami ... Depuis combien de temps n'avais-je pas parler d'Az' ainsi ? Depuis ... Bien longtemps. Enfin bref. Je m'approchai d'Azaghâl avant de lui poser la main sur l'épaule :

« - Az' ... Je veux enterrer la hache de guerre. Je t'en veux encore mais ... Pour Arty', je vais faire un effort. Oui, je veux venir avec toi. Galaad comprendra. »

Az' enleva ma main de son épaule. Allons bon, qu'est ce que j'avais encore dit. Cette phrase ... C'était les préceptes du clan. Moi ?... Un traître ?... J'avais presque envie d'en rire mais je me retins. Je ne voulais pas tout gâcher. Heureusement, il me comprenait. Je connais les principes de mon clan et je sais très bien ce que l'on fait aux traîtres. Mais dans le cas présent, je n'avais pas du tout envie de me battre contre lui. Ce serait inutile ... Je n'aurai surement pas eu cette pensée là il y a peu. Mais comme on dit ; il n'y a que les abrutis qui ne changent jamais d'avis. Et puis, je suis resté seul pendant des années. Cette situation ne pouvait plus durer. Maintenant, c'est beaucoup mieux. Az' rouvirt les yeux et se mit à me regarder. Je fis de même, sans aucune crainte :

« - Merci. Je suis content que tu ne me vois pas comme un traître. Il fallait bien que je fasse quelque chose pour contrer cette solitude et c'est le moyen que j'ai trouvé ... Ne le prends pas mal mais ... Je suis la Main Gauche de la Magie et Galaad est mon ami ... S'il te plaît, j'espère que tu ne m'en voudra pas. »

Non mais ... Il se foutait de moi là ! Je me demandais bien pourquoi il était là entrain de rire comme un idiot.Je ne voyais vraient pas ce qu'il y avait de si drôle. Enfin ... Il ne m'en voulait pas non plus pour Galaad. Tant mieux. Je fus encore plus rassuré lorsqu'il dit n'avoir aucune autorité sur moi. Finalement, être banni ça peut avoir un bon côté. Non ? Oui, non. Je déraille. Je tiltais quand même au mot mère. Etrangement, des souvenirs désagréable refirent surface. Ce jour là ... Le jour où Abigaëlle Venceslas et Nathanaël Venceslas perdirent la vie. Et Az' qui n'est toujours pas au courant ... Je secouai la tête comme pour chasser cette pensée. Depuis tout ce temps, je regrette encore de n'avoir rien pu faire. Je me remis à regarder Az'. Autant être franc dès le départ :

« - Heureusement que tu n'es pas ma mère. Puis, de toute façon, cette dernière est morte il y a dix ans de cela. Enfin ... Le clan a dû changer depuis toutes ces années. Mais assez parler ! Je viens toujours avec toi. »