Cela faisait près de deux mois qu'Aricie avait mis au monde ses deux petites filles. Elle avait refusé de les nommer, refuser de leurs attribuer la moindre existence. La pauvre nymphe ne ressentait rien pour ses fillettes, c'était pour elle un poids, deux bébés pour lui rappeler l'évènement le plus horrible de sa courte vie. Elle n'avait que dix-sept années et elle avait eu l'impression de vivre un enfer depuis le début de l'année précédente.

Elle avait déjà essayé de tuer ses petites, mais il fallait croire qu'elle ne pouvait s'y résoudre. Il finirait par le savoir et il pourrait lui faire du mal. Et même sans penser à lui, la seule idée d'avoir souhaité la mort de deux êtres innocents lui faisait mal, lui poignardait le cœur. Elle avait l'impression en plus de se rendre coupable de trahir, de ne pas tenir parole. Elle ne comprenait pas et elle restait des jours sur son lit, ne se levant que pour nourrir les deux petites.

Mais cela, c'était durant le premier mois. A présent, elle vivait avec, elle avait accepté le fardeau qui était le sien. Elle avait accepté l'idée qu'elle avait deux petites à sa charge.

Ce qui lui pesait le plus, c'était ses sœurs qui ne cessaient de la harceler, de vouloir s'occuper des bébés. S'en occuper avec leurs insouciances habituels. Aricie ne pouvait le supporter, elle finissait par haïr ses sœur et haïr sa propre race. Les nymphes, ces filles insouciantes, sans force et qui pouvait être brisée par un homme. Elle refusait que ses enfants connaissent ce sort là. Elle avait puisé dans le savoir nymphique et avait découvert que toutes les nymphes devenues mères étaient parties, parties de Flore pour d'autres lieux. Elle devait suivre leurs exemple.

Alors que le soleil se couchait et que les nymphes commençaient à s'endormir, Aricie préparait son départ. Elle mettait dans un sac des potions pour calmer ses douleurs. C'était devenue une drogue pour elle, elle ne pouvait plus s'en passer. Elle sortit de la petite maison de bois et de paille, portant sur le dos et sur le ventre, ses enfants, avec son sac à la main.

Elle marcha une petite heure avant d'entendre un bruit de pas qui l'inquiéta. Elle s'arrêta et observa avec attention les alentours. S'il venait et si il avait appris son projet et voulait l'emmener avec lui. Ce serait un vrai bonheur ! Un vrai bonheur de pouvoir avoir cet être fort à ses côtés. Mais serait-ce seulement possible ?

Flore. Un bien étrange endroit que Tiana aurait eu l'idée de visiter, si elle n'y était pas "envoyée" par son cousin, Roxo Sombresang. En effet, il lui avait raconté son dernier "exploit" avec une Nymphe - lui ne mettait pas la majuscule pour parler du peuple de sa victime, autant dire qu'il s'en souciait comme de sa première chemise - et Tiana s'était jurée de se préoccuper de la pauvre Nymphe dès qu'elle aurait du temps libre.

En Welnorr de l'an 115, elle se décida enfin à aller voir à Flore si la victime de son cousin - que Nayris en soit témoin, elle adorait Roxo, mais il y avait des moments où l'envie de lui coller une paire de claques - avait dû se réfugier après avoir croisé le seigneur de Sholat. Si celle-ci était toujours en vie, après ça...

Voyageant de nuit, évitant au maximum le soleil, la vampire finit par atteindre la forêt de Flore, après plusieurs jours de voyage avec Sémillante, sa fidèle jument. Elle arriva en même temps que le soleil passait derrière l'horizon, et descendit de sa monture pour la laisser se sustenter pendant qu'elle cherchait la jeune Nymphe pour la mettre en sûreté.

Marchant doucement pour ne pas se faire repérer, elle finit par tomber sur une jeune femme aux cheveux roux, accompagnée de deux petits êtres d'environ deux mois. Était-ce elle, la jeune femme qui avait croisé la route de Roxo ? Possible... Elle se figea lorsque, ayant fait craqué une branche à son pied, elle vit la jeune femme regarder tout autour d'elle, les sens en alerte. Bien, elle n'était pas si ingénue que ça, au final.

Prenant son courage à deux mains, Tiana se redressa et toussota pour se faire remarquer ; rabattant légèrement sa capuche en arrière pour montrer son visage et qu'elle n'était pas hostile, elle esquissa un sourire et lança d'une voix douce :

Ne crains rien, je ne te veux aucun mal, à toi et tes enfants. Puis-je te poser la question suivante : as-tu croisé, voilà onze mois, la route d'un vampire ? Parce que j'en connais un qui m'a fait part d'un "exploit" dont il aurait pu se passer.

Nulle animosité dans son ton ni dans son regard ; si cette jeune femme était bien celle qu'elle cherchait, elle allait l'aider de tout son maximum.

La nymphe sursauta et écouta avec attention la femme. Elle était belle comme lui, cette même froideur, cette même beauté hypnotisante. Si cette inconnue c'était présenté quelques mois plus tôt, Aricie aurait eu une de ses crises. A présent, la nymphe ne faisait que trembler de la tête au pied.

Elle finit par reprendre son courage à deux mains et demanda:

- Est-ce lui qui vous envoie ?

Ce lui était plein de dévotion et de respect. Elle semblait espérer que la réponse fut oui. Elle poursuivit :

- Il a donc su que je portais ses enfants, n'est-ce pas ?

Elle laissa couler quelques larmes qui pouvaient être de joie, la première fois depuis bien longtemps qu'elle éprouvait un tel sentiment. Elle finit par se ressaisir :

- J'ai rencontré un homme d'une grande beauté d'une puissante force, il y a onze mois, dans les Montagnes. Je ne sais pas qu'elle est sa race.

Elle avait finit par se calmer et à sécher ses larmes. Elle avait même eut un doux geste envers son enfant qu'elle portait devant elle, lui caressant doucement les cheveux qu'elle avait.

Tiana put voir que la Nymphe - qui ne ressemblait plus trop aux autres Nymphes, du moins pour le peu qu'elle en savait, avec son apparence de femme sûre d'elle - était un peu impressionnée par la vampire. Comme si elle n'en avait pas vu depuis longtemps. Tiana sourit pour la rassurer et continuer à la mettre en confiance, et elle y parvint un peu. La Nymphe posa des questions :

Est-ce lui qui vous envoie ? Il a donc su que je portais ses enfants, n'est-ce pas ?

La vampire acquiesça, et la prit doucement contre elle lorsqu'elle laissa couler quelques larmes de joie. Au moins, elle savait, maintenant, que Roxo s'était un peu préoccupé d'elle et de leurs enfants. La Nymphe se ressaisit et, séchant ses larmes, reprit :

J'ai rencontré un homme d'une grande beauté d'une puissante force, il y a onze mois, dans les Montagnes. Je ne sais pas qu'elle est sa race.

Hum, d'accord. Roxo n'avait pas pris la peine de prévenir sa compagne d'un soir - pour ne pas dire "victime" - sur sa véritable nature. Tant pis, Tiana lui expliquerait donc de son mieux, mais ce ne serait pas forcément évident. Elle-même avait mis un peu de temps avant de comprendre la nature complexe de son cousin...

S'asseyant en croisant ses jambes, elle planta son regard dans celui de la Nymphe, prit une inspiration et répondit :

Il est de la même race que moi, un vampire. Mais il est particulier car... il a un démon, en lui. En fait, vos enfants ne sont pas du vampire, mais du démon, car les vampires sont infertiles.

Elle avisa les deux petits et, souriante, leur caressa doucement la joue avant de reporter son regard sur la jeune femme pour reprendre :

Au fait, je m'appelle Tiana. Je vous propose de nous poser pour ce soir, et demain nous repartirons pour un endroit où vous serez plus en sécurité avec vos petits.

Ceci dit, elle se redressa et entreprit de monter un camp pour la nuit, laissant toujours Sémillante se restaurer tranquillement avec l'herbe présente tout autour d'elle. La soirée promettait d'être longue...

Aricie l'écouta et fut très touchée de son attention. Mais quand la jeune femme lui parla de se poser, la nymphe ne tint plus en place.

Il me faut partir maintenant. Les autres nymphes me retrouveront. Il fera jour dans pas longtemps, il vaut mieux partir. Une fois qui fera jour, elles me retrouveront. Il faut partir.

Elle était dans un état très proche de l'hystérie et cela réveilla les deux petites qui se mirent à pleurer très fort. Leur mère, incapable de se calmer, continuer d'exhorter Tiana à partir au plus vite.

Aricie sortit de son sac une fiole de jaugeuse et s’humecta les lèvres avant d'en prendre une petite gorgée, elle referma la fiole et en la reposant doucement, on l'entendait se cogner avec les autres fioles. Elle ferma les yeux et se sentit bien, sentit la douleur et la peur partir. Elle regarda Tiana, plus calme mais sans avoir abandonné sa résolution.

Dans deux jours, on sera hors de Flore. Là, on se reposera mais pas avant. Mes sœurs connaissent la Nature aussi bien que moi et elles sauront me repérer. Je veux partir d'ici, avec ou sans vous.

Rien n'aurait pu la convaincre sauf lui.

La Nymphe, entendant les paroles de Tiana, la stoppa net dans son entreprise de construction du camp en déclarant, proche de l'hystérie :

Il me faut partir maintenant. Les autres nymphes me retrouveront. Il fera jour dans pas longtemps, il vaut mieux partir. Une fois qui fera jour, elles me retrouveront. Il faut partir.

Son excitation réveilla les deux enfants, qui se mirent à pleurer ; leur mère, incapable de se calmer et de les calmer, continuait d'exhorter Tiana à partir rapidement, ce à quoi la vampire, poussant un soupir, acquiesça. Portant deux doigts à sa bouche, elle émit un sifflement, rappelant Sémillante qui était en train de brouter tranquillement l'herbe. Intriguée, la jument à la robe alezane revint vers sa maîtresse au pas et lui donna un petit coup de museau, comme pour lui demander ce qu'il se passait. La vampire, esquissant un sourire, lui flatta l'encolure avant de souffler :

Finalement, nous ne nous reposerons pas ce soir, ma belle.

Elle entendit la Nymphe, quelques instants plus tard, lui lancer, un peu plus calme :

Dans deux jours, on sera hors de Flore. Là, on se reposera mais pas avant. Mes sœurs connaissent la Nature aussi bien que moi et elles sauront me repérer. Je veux partir d'ici, avec ou sans vous.

Très bien. Montez, Sémillante vous conduira hors de ces lieux. Je vous suivrai à mon rythme, faute de pouvoir monter à quatre sur elle...

Sémillante souffla par ses naseaux, appréciant peu l'initiative de sa maîtresse. Celle-ci lui flatta encore l'encolure avant de lui souffler :

Nous n'avons pas le choix, Sémillante. Conduis-les à l'extérieur de la forêt le plus rapidement possible, et attendez-moi. Je ne peux vous suivre que de nuit, mais ne t'inquiète pas pour moi.

Elle déposa un baiser sur le nez du cheval puis se tourna vers la Nymphe et ses deux enfants :

Montez, et une fois hors de la forêt, attendez-moi, j'essaierai de ne pas trop traîner.

Elle l'aida ensuite à monter avant de l'attacher à Sémillante, qui s'empressa d'obéir aux ordres de sa maîtresse et amie. Mais dès qu'elle aurait posé son précieux fardeau, elle reviendrait la chercher, non mais oh !

Aricie monta sur la jument et assez vite réussi à établir un climat plus ou moins de confiance entre elle et l'équidé. Après tout, elle était une nymphe et elle savait établir une connexion entre l'animal et elle-même.

Une fois arrivées au bord de la forêt, elle laissa l'animal repartir. Elle reprit quelques gouttes de jaugeuse et commença à établir un semblant de camp : petit feu, un bol de soupe et de quoi dormir. Dans tous ce qu'elle faisait, on notait néanmoins une nette différence : elle se préoccupait pour ses petites filles. Elle les nourrissait, les traitait comme des petites princesses et retrouva même le sourire quand elle les vit s'endormir, les recouvrant.

Premiers gestes fait avec un amour maternel naissant, venant de la certitude qu'il l'avait fait chercher et qu'ils formeraient une famille. Elle ne se fait aucune illusion quant à l'amour. Tout ce qu'elle voulait, tout ce qu'elle pouvait attendre, c'était d'élever ses, leurs enfants dans une sorte de foyer.


Elle était assise près des petites, les caressant et les observant. Elle alimentait le petit feu. Elle n'aimait plus les grands feux visibles à des kilomètres à la ronde. Un petit feu qui chauffe et qui éclaire très peu. finit néanmoins par s'endormir.

Tiana attendit que sa jument disparaisse de son champ de vision pour défaire le début de campement qu'elle avait installé quelques instants plus tôt, quand la Nymphe lui avait dit qu'il valait mieux partir de suite avant que ses sœurs ne la retrouvent. Une fois ceci fait, elle se remit en route, suivant la direction qu'avait empruntée Sémillante pour sortir ses précieux fardeaux de la forêt de Flore.

Attentive à ce qui l'entourait, la vampire marchait avec précaution, appréciant les rayons de la lune qui se levait doucement sur sa peau d'albâtre. Autant en profiter au maximum, de cette nuit de pleine lune, avant qu'elle ne laisse la place à un soleil brûlant...

Tout en continuant à marcher, Tiana entendit le galop de Sémillante, qui se dépêchait de revenir après avoir déposée la Nymphe et ses deux enfants à l'extérieur de la frontière. La fidèle jument n'avait pas traîné, elle tenait absolument à avoir tout le monde sous ses yeux, même si elle avait suffisamment confiance en sa maîtresse pour savoir que Tiana serait toujours prudente.

La jument alezane se mit de façon à ce que Tiana puisse monter rapidement sur son dos, et une fois assurée que sa maîtresse était bien installée, se remit à galoper. Direction la frontière de Flore. Il était temps...

Quelques instants plus tard, Tiana put découvrir que la Nymphe avait monté un campement, et, souriant en voyant que tout le monde allait bien, alla s'asseoir avec elle, voyant qu'elle dormait :

Reposez-vous, vous en avez bien besoin.

Sémillante se rapprocha, permettant à Tiana d'attraper la couverture qu'elle avait sur elle avant de la poser délicatement sur la Nymphe. Une bonne nuit de sommeil, et dès l'aube, elles repartiraient toutes, direction le duché des de Nyrianës. En attendant, peut-être, de conduire la Nymphe chez Roxo...

Contrairement à son habitude, elle se réveilla alors que le soleil commençait à descendre. Le voyage et les émotions l'avaient éreintés mais à présent, ses forces étaient revenus. Le feu était éteint et Tiana était près d'elle. Elle observa autour d'elle et se rappela qu'à présent, elle était hors de danger. Les nymphes ne retrouveraient pas ses traces, c'était un point positif.

Elle nourrit ses deux petites filles qui allaient se mettre à pleurer. Aricie les traita avec la même douceur que la veille, assurée qu'elle était de revoir le père. C'était un homme de bien, elle n'en doutait plus. Il lui avait montrée la réalité du monde et à présent, il avait envoyé Tiana pour la récupérer.

Elle prit un bol de soupe puis regardant Tiana puis les petites. Elle finit par déclarer :

Je m'appelle Aricie, je sais qu'il ignore mon nom. D'après ce que vous m'avez dit, ces petites seront donc des démons.

Elle sourit doucement et pousuivit :

Les nymphes ne donnent jamais naissance à une autre nymphe. Nous avons un autre moyen pour perdurer. Et il est généralement admis qu'une nymphe donne naissance à la race du père avec juste la beauté et une sensibilité plus grande pour la nature. Donc ces petites sont des démons.

La vampire vit la Nymphe se réveiller quelques instants plus tard, en même temps que ses deux petites, qu'elle s'empressa de nourrir avant qu'elles ne se mettent à pleurer, avec toute la tendresse dont une mère pouvait être capable. Un vague souvenir revint à la mémoire de Tiana : un souvenir du temps où elle était encore une humaine, entourée de l'amour de ses parents. Elle était petite fille, à ce moment-là, et elle se revit blottie contre sa mère, qui la berçait doucement.

Le souvenir s'effaça pour laisser Tiana écouter la Nymphe, qui déclarait, un bol de soupe à la main :

Je m'appelle Aricie, je sais qu'il ignore mon nom. D'après ce que vous m'avez dit, ces petites seront donc des démons. Les nymphes ne donnent jamais naissance à une autre nymphe. Nous avons un autre moyen pour perdurer. Et il est généralement admis qu'une nymphe donne naissance à la race du père avec juste la beauté et une sensibilité plus grande pour la nature. Donc ces petites sont des démons.

J'ose espérer qu'elles ne seront pas totalement comme leur paternel, répondit Tiana en souriant.

Elle fut surprise de voir un paquet de viande relativement fraîche pendouiller devant ses yeux : c'était Sémillante, se doutant que sa maîtresse allait avoir rapidement faim, qui avait pris les devants en lui attrapant sa nourriture conservée au frais dans sa besace. La vampire déposa un tendre baiser sur le nez de sa jument, qui s'ébroua de satisfaction, et entreprit de commencer à manger ; juste à temps, la faim se faisait doucement sentir...

La surprise vint rapidement sur le visage d'Aricie.

Comment peut-elle dire cela de lui ? Il est l'être le plus parfait que je n'ai jamais connu ! Peut-être, un peu rustre, mais je n'en reviens pas ! Comment peut-on oser dire cela ? Et puis, nos enfants...et lui. Peut-être est-elle blessé de cette préférence ? Ou alors, de me voir avoir des enfants alors qu'elle n'en a pas ? Ou alors à cause de lui. Je serais prête à tout...non, ça n'a aucune logique. Aucune logique du tout.

Et très vite, ce questionnement, franchie les lèvres d'Aricie :

Comment pouvait-vous dire cela ? Il n'est pas méchant, ce qu'il a fait, c'est normal. Je le méritais. J'ai été stupide, j'ai été naïve et il m'a ouvert les yeux. Nos filles doivent prendre tout cela, car ce n'est pas de moi que ça viendra.

Elle détourna le regard de Tiana car la voir manger de la viande lui était insupportable. Elle retournait encore et encore la question, cherchant à comprendre ce que la vampire avait voulu dire. Tout cela n'avait aucune logique pour elle, elle qui l'admirer pour sa bonté.

Tiana fut quelque peu surprise de la réaction d'Aricie, après qu'elle eût parlé de Roxo en espérant que ses filles ne lui ressembleraient pas trop :

Comment pouvait-vous dire cela ? Il n'est pas méchant, ce qu'il a fait, c'est normal. Je le méritais. J'ai été stupide, j'ai été naïve et il m'a ouvert les yeux. Nos filles doivent prendre tout cela, car ce n'est pas de moi que ça viendra.

Aaaaah.. Elle croyait que Tiana avait critiqué son cousin ! D'une certaine manière, elle l'avait fait, c'est vrai... La vampire reposa son morceau de viande sur le pseudo-torchon qu'elle avait mis sur ses genoux pour ne pas se salir, et, s'essuyant doucement la bouche, posa son regard noir sur la Nymphe et rétorqua, avec un léger sourire en coin :

J'ose, parce qu'il est mon cousin. Après, je ne parle pas forcément du fait qu'il soit méchant, loin de là. Il est juste... intempestif. Parfois incontrôlable. Croyez-moi, je ne vis pas avec lui - fort heureusement ! - mais pour les quelques fois que j'ai pu passer avec lui... Il peut en être fatiguant.

Toujours souriante, elle se détourna pour finir son morceau de viande, voyant que cela dérangeait Aricie, puis reprit une fois celui-ci terminé :

Après, il ne tient qu'à vous deux de les élever correctement, vos enfants. Par contre, je préfère vous prévenir : il est déjà marié et a déjà une famille. Pour votre sécurité, à vous et aux deux petites, il vaudrait peut-être mieux que je ne vous amène pas directement à lui. Autrement dit, soit je vous emmène toutes les trois chez moi, soit je vous emmène là où les gens comme nous se retrouvent... Que décidez-vous ?

Aricie l'écouta avec attention et fut attristée d'apprendre qu'il avait déjà une famille. Mais après tout, à quoi pensait-elle ? Elle ne pouvait penser que lui n'eut pas de famille. La suite des propos n'était pas clair pour notre nymphe. Il jetait le doute sur les intentions du père. Était-il ou non au courant pour les petites ? Si oui, il aurait donné des instructions ? Si non...

Aricie regarda dans le vide pendant que la lumière ce fit sur ce que la vampire avait déclaré. Elle la regarda, neutrement, pleine de désillusion. Elle n'était pas surprise, elle comprenait pourquoi la vampire avait tenu à lui faire croire à cela. C'était normal. Les faits étaient là et ils justifiaient à eux seuls la conduite de son interlocutrice.

Il n'est pas au courant, n'est-ce pas ? Sinon, vous seriez où m'emmener. Il vous l'aurait dit.

C'était la première fois que ce il, n'était pas prononcé avec respect et admiration. En perdant l'illusion de son grand pouvoir, de son omniscience, elle ne le considérait plus qu'en tant que père de deux petites filles et elle pouvait parler de lui, avec une certaine neutralité.

Qu'entendez-vous, poursuivit-elle, par des gens comme vous ? Si vous voulez dire que je vais être au milieu d'autres vampires, autre que votre cousin, je vais donc devoir refuser et préférer la première solution.

Il n'est pas au courant, n'est-ce pas ? Sinon, vous seriez où m'emmener. Il vous l'aurait dit.

Tiana était désolée de la voir emplie de désillusion, lorsqu'elle lui apprit qu'elle ne savait pas trop où l'emmener et que Roxo avait déjà une famille. Ça pouvait se comprendre, après tout, mais jamais la vampire n'aurait voulu faire de mal intentionnellement, bien au contraire. Désacraliser l'aura que son cousin avait pu exercer sur Aricie était prévu, mais Tiana aurait préféré ne pas le lui annoncer de but en blanc. Son éducation en avait décidé autrement.

La Nymphe reprit, après un bref instant de silence :

Qu'entendez-vous par des gens comme vous ? Si vous voulez dire que je vais être au milieu d'autres vampires, autre que votre cousin, je vais donc devoir refuser et préférer la première solution.

Ce serait criminel de ma part que de vous mettre au beau milieu d'une assemblée de vampires ! Non, par "gens comme nous", j'entendais... comment dire... des gens qui vénèrent la déesse de la Mort. Mais ce serait tout aussi dangereux, aussi, je préférerais vous savoir en sécurité chez moi, au milieu d'humains tout à fait normaux. Ma domesticité, en effet, est essentiellement composée d'humains et d'humaines dévoués qui n'ont pas peur de leurs maîtres, à savoir mes parents et moi, qui sommes vampires. Nous saurons nous occuper de vous le temps qu'il faudra.

Elle essayait de se faire pardonner le fait qu'elle avait, plus ou moins involontairement, désacralisé son cousin. Même si elle l'adorait, il avait, comme tout un chacun, ses défauts...

Ce serait criminel de ma part que de vous mettre au beau milieu d'une assemblée de vampires ! Non, par "gens comme nous", j'entendais... comment dire... des gens qui vénèrent la déesse de la Mort. Mais ce serait tout aussi dangereux, aussi, je préférerais vous savoir en sécurité chez moi, au milieu d'humains tout à fait normaux. Ma domesticité, en effet, est essentiellement composée d'humains et d'humaines dévoués qui n'ont pas peur de leurs maîtres, à savoir mes parents et moi, qui sommes vampires. Nous saurons nous occuper de vous le temps qu'il faudra.

Aricie l'écouta sans l'interrompre. Elle lui sourit et hocha la tête. Elle s'avança un peu et prit la main de Tiana, sans la regarder, sans dire un mot. Elle comprenait et elle était d'accord quand bien mille questions lui traverser l'esprit tellement elle voulait savoir, elle voulait comprendre et en apprendre davantage sur ces gens qui vénéraient la Mort. Car elle était fascinée par la Mort, cette déesse, cette Nayris. Elle ne comprenait pas d'où cela venait, car les nymphes étaient plutôt proche de Yehadiel que de Nayris, mais elle se sentait assez attirée par Elle et le peu qu'elle savait de son histoire. Mais les questions seraient pour plus tard, beaucoup plus tard.

Il devra être au courant. Ce sont ses enfants aussi, qu'au moins ils sache qu'elles existent. Le reste viendra plus tard. Nous partons quand vous le désirez.

Elle se leva et commença à remettre en position les deux petites. Il était temps de prendre un nouveau départ et de voir ce que cela donnerait.

Aricie sourit, hocha la tête et prit la main de la vampire, qui se laissa faire en souriant également. Tiana avait la ferme intention de conduire la jeune Nymphe et ses deux filles en sécurité, avant de prévenir Roxo. Aricie eut une parole de sagesse :

Il devra être au courant. Ce sont ses enfants aussi, qu'au moins ils sache qu'elles existent. Le reste viendra plus tard. Nous partons quand vous le désirez.

Tiana lança un regard à Sémillante ; la jument semblait prête à subir un dernier voyage, mais après, il lui faudrait plusieurs jours pour se remettre de ces courses trop rapprochées au goût de sa maîtresse. Celle-ci, caressant doucement l'animal, déclara :

Vous partirez avec Sémillante demain matin, la pauvre a besoin de se reposer un peu. Quant à moi, je vous rattraperai quand la nuit sera tombée, je ne peux pas me promener en plein jour...

Sémillante poussa un petit hennissement de mauvaise humeur : pourquoi fallait-il que sa maîtresse prenne autant de risques pour sa vie... Mais Tiana n'en démordrait pas. Elle lança à Aricie :

Dormez, je vous réveillerai à l'aube. Vous aussi, vous aurez besoin de repos.

Elle vit la Nymphe sombrer doucement dans le sommeil, et passa la nuit à veiller. Comme prévu, à l'aube, elle réveilla Aricie et ses deux petites, et les aida à s'installer sur Sémillante avant que la jument ne se mette à galoper pour le duché de Tiana. La vampire profita du fait qu'il ne fasse pas encore totalement jour pour avancer un peu, avant de se réfugier au premier coin d'ombre en attendant Sémillante. Celle-ci ne revint que lorsque la nuit commençait à tomber, et ne repartit avec Tiana que lorsque l'obscurité avait pris la place du jour.