A travers les vallées du royaume des montagnes, un sentier serpentait et filait droit vers les terres.
C'est sur ce sentier qu'une créature au moins aussi poilue qu'un Mammouth marchant à une cadence très modérée. Elle était chargée de nombreuses caisses. Le poids aurait été écrasant pour un cheval, mais pour cette bête, ça ne semblait rien lui faire. En plus de sa cargaison, deux nains étaient assit sur son dos. L'un tenait les reines, l'autre sifflotait en observant le ciel.
Enfin, au détour d'un ultime virage, ils virent leur destination. C'était un petit village au pied des montagnes. Un hameau chaleureux qui ne comprenait au maximum qu'une dizaine de bâtisses. Il n'était pas gardé et aucune muraille n'entourait les lieux.
Ils accrochèrent leur bête à un arbre et entrèrent sans même en parler dans l'auberge. La seule auberge disponible. Alors que les deux nains étaient assit et passait commande, Ulrïk s'exclama et bondit de sa banquette.
" Nom d'une barbe ! La marchandise ! Je l'ai laissée sur Rhinox ! "
Il fila à toute vitesse récupérer sa cargaison. Tant pour soulager l'animal que pour éviter de se la faire voler. A son retour, Rydël était visiblement furieux, et accompagné.
" Bélinär ! Regarde qui j'ai surprit en train de nous suivre ! Ulrïk ! Dit-il en tendant une main ouverte vers lui pour le désigner. Il se tourna vers lui pour continuer. Mais enfin ! Tu te rends comptes du temps que ça va prendre de te ramener jusqu'à Karak Varn ? On a mis deux jours pour venir jusqu'ici. Avec la cargaison, la fatigue du bestiau et toi en plus, ça va prendre une semaine ! "
Rydël exagérait un peu, mais au moins quatre jours aurait été nécessaires pour revenir sur leur pas. Bélinär était hésitant. Ils devait aller dans les contrées humaines pour revendre des armes de dernière facture. Mais Ulrïk ? Que faire de lui ? et d'ailleurs, pourquoi était-il venu ? Bélinär commanda une troisième pinte et invita ses deux frères à s'installer.
" Sans parler des pillages ! Continua Rydël, ils ont lieu sans arrêt dans les montagnes ! Les nains ont la réputation d'être riches ! Tu es une véritable cible pour les brigands ! Penses-tu pouvoir te défendre ?
- Bien sûr ! Rétorqua le jeune frère. Je me suis entraîné avec Ericksën et Jansën ces dernières semaines. Je peux couper un peuplier centenaire aussi vite que je peux faire disparaitre cette pinte ! Je vais te montrer !
Et il leur montra. La pinte ne fit pas long feu.
- Reste vrai que tu es en danger seul dans les montagnes, continua Rydël. Enfin Bélinär dis quelque chose ! Qu'est-ce que tu en penses de tout ça ?
L'ainé qui était resté silencieux jusqu'ici regarda son plus jeune frère avec hésitation puis le questionna.
" Pourquoi tu nous as suivi ?
- Pour voyager ! Pour l'aventure ! Je ne veux pas vivre dans la routine de la forge ! Bélïn passe son temps à nous hurler dessus moi et Gunär. La vie des plus jeunes à l'ombre du courage des aînés est vraiment difficiles. On est traités comme des incapables ! Et puis tu as été élevé par les comptes de Mère Marthe comme moi. Elle t'as raconté qu'une vie sans voyage, c'était comme de lire toujours la même page d'un livre. Tu sais bien qu'être sédentaire, ça n'a pas de sens n'est-ce pas ?
- Mais pourquoi tu es pas simplement venu avec nous dés le départ ?
- Parce que j'étais sûr que vous auriez refusé ! Vous étiez tellement occupé avec les préparatifs du départ, vous avez l'air tellement sérieux, tellement autoritaires que j'ai même pas osé poser la question. J'ai fait mon baluchon et j'ai tenté de vous suivre. Heureusement que votre bête ne court pas bien vite, je serai rentré si je vous avais perdu...
- Et maintenant on t'as sur les bras ! Aboya Rydël. Tout ça pour quoi ? Parce que tu veux vivre l'aventure ? Sais-tu ce que c'est l'aventure ? C'est passer des semaines épuisantes à marcher, ne voir personne et ramener presque rien. Le pus difficile est de le raconter et faire croire que ça a quelque chose d'exceptionnel. Voilà à quoi ça ressemble. Combien de temps ça va t'amuser ?
Ne trouvant aucune réponse à donner, Ulrïk resta silencieux et se tourna vers Bélinär, espérant trouver du soutien chez l'aîné.
- Tu sais Rydël, la curiosité d'un nain ne peut être réprimée par des mots. Soyons fraternels et bienveillants avec notre famille. Apportons-lui l'aide qu'il recherche. Il nous accompagnera jusqu'à notre prochain retour à Karak Varn. Là-bas il décidera ce qu'il veut faire. Demain matin nous enverrons un messager aux jumeaux pour qu'ils ne s'inquiètent pas et nous reprendrons notre route. Nous devrions arriver dans le royaume de la terre d'ici deux jours. Là bas on pourra vendre notre matériel et laisser la bête se reposer un peu. "
La conversation s'était arrêtée là dessus et après quelques brèfs souhaits de bonne nuit, deux nains ronflaient. Rydël car il était épuisé, Ulrïk car il avait du soleil plein la tête, mais Bélinär était en proie à quelques interrogations.
Était-il devenu trop autoritaire au point de dissuader son jeune frère de venir lui faire une requête ? Commençait-il à ressembler à Bélïn ? Il ne voulait pas ça. Il voulait souder la fraterie. Smöll et Astrïd étaient mort depuis assez longtemps pour faire le deuil, mais la peine était toujours vive. Pour Ulrïk, il était content de l'avoir invité à les accompagner. La famille était la chose la plus précieuse qu'il avait et ça devait passer avant tout. Après un léger sourire dissimulé dans sa barbe vraiment broussailleuse, il se mit à ronfler à son tour.