Vous prendriez bien un verre ? [PV : Théodore Svalt] | |
| Jeu 23 Avr - 1:06 | | | | Camille Anisum était étendu sur un divan en velours rouge depuis maintenant trente minutes se gavant de vin venant tout droit des caves du duché Von Meyer, région réputée principalement pour son vin de très grande qualité. Le breuvage possédait un goût très doux et un peu fruité, l’apanage de ce vin n’avait d’égal sa supériorité sur tous les alcools de Terre. Il possédait la grâce des liqueurs de Feu, la robustesse des bières naines et la force brutale des alcools durs de Cardrak. Le parfum qui s’échappait de la carafe en cristal embaumait toute la pièce, laissant ses occupants flottés dans un délice semi-savouré. Le récipient en cristal de l’Ungrid qui trônait sur une petite table basse reflétait les rayons du soleil dans toute la pièce, projetant des ombres colorés entre le rouge vermillon et carmin. La salle de repos qui affichait une décoration beige et jaune se voyait prit dans une valse rosé, emporté par la folie des colorations solaires.
Camille soupira, il se servait encore un verre, il se servait à boire lorsqu’il s’ennuyait, et il s’ennuyait souvent. Et pour cause, l’Arène était vide, tout bonnement vide. Il y avait une pénurie de main-d'oeuvre, trop de grands champions aveuglés par leurs gloires qu’ils croyaient éternels c’étaient fait tuer par inadvertance par de jeunes gens qui n’avaient pas résisté aux fauves. Ainsi donc plus personnes ne pouvaient combattre, c’était incroyable à dire mais il ne restait des grands champions et des légendes. Et on ne fait pas déplacer ces gens-là pour de simples combats qui ne rempliraient que les places des habitués. Il était vrai que depuis la défaite des rebelles la population s’était montrée plus ouverte aux sports guerriers importés par les démons. Principalement les combats d’arène qui étaient le sport officiel de l’Empire. Mais prendre une après-midi pour en plus acheter une place restait quelque chose de difficile que seul les bourgeois et les parieurs pouvaient se permettre.
« Il serait peut-être temps de recruter de nouveaux gars Camille. Tu as une idée ? »
C’était Fenrir, un laniste qui avait passé la nuit auprès de l’organisateur des jeux. C’était un homme très riche qui avait fait fortune avec l’esclavagisme lancé par l’Empire. Il habitait dans la région de Sylfiria mais venait souvent travailler à Sen’tsura ou il siégeait chez Camille la plupart du temps. C’était certes un homme riche et puissant mais totalement stupide que le jeune homme manipulait avec facilité. La Fée Blanche lui essaya par deux fois de se redresser, l’alcool montait facilement au cerveau avec le soleil cuisant comme toujours en pleins milieux de Telniss. Au bout du troisième essaie il se tenait enfin assis sur le beau meuble de très bonne qualité artisanale. Il tendit la main vers son verre qui se retrouvait une fois de plus vide, c’était inacceptable. Il remplit de nouveau son verre avec des gestes incertains et un regard perdu dans ses pensées et ce n’est qu’une minute après qu’il prit la peine de répondre à son riche amant.
« Je crois, il me semble à vrai dire que tu vas devoir me laisser, par rapport à cette question. J’ai demandé un … militaire afin de pouvoir m’entretenir avec lui sur ce sujet très sensible. »
Fenrir eut un petit ricanement avant de se rendre compte que l’Organisateur des jeux était totalement sérieux et qu’il commençait à se rhabiller. Il enfilait un grand pantalon en toile qui était lui-même recouvert par deux longues bottes en cuir noir. Alors que Camille remettait sa très ample chemise en lin blanc, le riche jeune homme attrapa son amant par l’épaule le retournant face à lui. Leurs regards se croisaient, le souffle chaud et fatigué par la boisson de la Fée Blanche caressait la barbe d’une nuit de l’esclavagiste. Anisum finit par rapprocher le visage de son interlocuteur du sien, ils étaient désormais en contact et la main droite du bourgeois remonta jusqu’au visage de son bien-aimé pour lui caresser la joue avec finesse. Alors que le moment était d’une grande délicatesse Camille repoussa Fenrir avec un baiser d’adieu, puis il se retourna afin de lui faire dos.
« Il va bientôt arriver et je dois le recevoir dans cette pièce. Je crois que c’est un gradé, quelque chose comme Thé... Enfin je ne sais plus. Mais je crois qu’il s’agit d’un noble déchu avec une histoire tragique comme je les aime. Il me semble qu’il est célèbre. »
Fenrir qui avait ravalé sa déception enfilait ses vêtements tout en rechignant de son côté. Le pauvre bougre n’était qu’un instrument entre les mains de la Fée Blanche qui s’avérait être un opportuniste de premier ordre. Profitant la plupart du temps de ses amants, il n’était pas réellement attiré par eux. Bien qu’il lui arrivait toujours de tomber sous les charmes de quelques beaux jeunes garçons, mais souvent ses cibles préféraient les charmes féminins ce qui avait le don pour l’énerver, il s’enfermait alors régulièrement dans des sensations fortes au détriment de sa santé et de celles des gladiateurs mais à la faveur des spectateurs avides de sentimentalisme grandiose.
La plupart des gens n’avaient pas été habitués à un tel romantisme et aux éclats si brusques de la nature humaine. L’ancien régime était basé sur une vision noble et hautaine des mœurs qui condamnait avec force la transparence des émotions et n’autorisait qu’un sens très contrôlé de l’esthétisme.
« C’est surement Thaddeus Golias, tu sais le type qui s’occupe de la ville. »
Camille ne put retenir un petit rire sarcastique. Il se retourna vers son ami en lui jetant un regard amusé. Il n’était décidément pas très fin ce garçon, pensa Camille.
« Bien sûr que non. Je ne reçois pas un patrouilleur de ruelle, je te l’ai dit c’est un militaire important. Son poste est plus honorable il me semble. Voyons Fenrir dépêches-toi ! Il va arriver ! »
Le jeune homme paraissait tout à coup énervé, comme si l’arrivée de cet officier l’importait. Comme s’il s’agissait d’un personnage important pour lui. Pendant que le richissime amant de Camille s’en allait non sans caché son énervement suite aux remarques pressentes qu'il avait subit, un employé quelconque se présenta alors au jeune homme, c’était un jeune novice qui n’avait pas encore l’âge de combattre.
« Le commandant Théodore Svalt vous fait dire qu’il a bien reçu votre invitation et qu’il est arrivé. Je lui ai proposé d’attendre dans la salle des trophées. »
Un éclair lumineux traversa les yeux alcoolisés de l’organisateur, il reprenait ses esprits qui jusqu’alors étaient embrouillés par le grand cru. Théodore Svalt, bien entendu. Il était celui qu’on surnommait l’Immortel pour une raison qui était totalement inconnue au jeune homme, mais c’était un militaire réputé. Tandis qu’Anisum fit signe à l’enfant de partir il se mit en quête d’aller chercher lui-même ce fameux commandant. Ils auraient beaucoup de choses à dire, de plus ce serait une conquête prestigieuse. Ce n’était plus seulement dans l’idée de profiter des geôles de l’armée pour remplir l’Arène que Camille comptait rencontrer cet étrange inconnu, il devait avoir tant à dire. En principe les officiers étaient de vieux nobles hirsutes ou des démons incontrôlables. Mais là il s’agissait un d’un ancien noble encore frais. Ce qui faisait déjà de ce personnage quelqu’un de différent de la moyenne, raison pour laquelle la Fée Blanche souhaitait aussi ardemment le rencontré personnellement. Et c’est en arrivant à quelques pas de la salle des trophées où était censé l’attendre son invité qu’il ralentit le pas, adoptant une posture plus noble et plus féminine sans pour autant être ridicule et évitant l’exagération. Ainsi il passerait pour quelqu’un de haute naissance ou possèdants des habitudes quelque peu étonnantes. Les deux cas se valaient. Il finit par pénétrer dans la pièce avec un grand sourire étincelant comme Camille savait en sortir à volonté, sans trop se forcer.
« Commandant, je suis enchanté ! »
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| | Camille Anisum
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| | Mar 5 Mai - 16:38 | | | | La fin du printemps, du moins le début de la fin puisque l'automne commencerait d'ici un mois. Sen'tsura se faisait de plus en plus à la domination des démons et, lorsqu'on se contentait de garder le regard sur les quartiers les plus riches, il était difficile d'imaginer qu'une guerre faisait rage à l'extérieur de ces murs, même si elle se situait à des milliers de kilomètres. La menace des résistants avait plus tendance à faire sourire de manière moqueuse les élites que de susciter de l'inquiétude. Théodore, parfait reconverti des victimes de cette nouvelle ère, avançait avec toujours la même abnégation pour l'Empereur, ce qui revenait à satisfaire ses plaisirs et punir ceux qu'il pouvait punir. En dehors des impératifs militaires et de quelques opérations mineures à l'étranger, le commandant jouissait de la capitale, et de la plus rentable des manières ; il se faisait bien voir des hautes sphères et engrangeait des profits à la faveur d'affaires uniques, comme celle qu'allait surement lui proposer Camille Anisum, le jeune et nouveau riche en charge des affaires de l'arène. Théodore avait essayé de glaner quelques informations le concernant suite à sa lettre, et la mystérieuse personne qu'était ce gérant n'avait rien eu à lui offrir si ce n'était quelques rumeurs mettant toutes en avant son libertinage. Il ne pouvait pas dire qu'il était pressé de le rencontrer, mais il ne pouvait pas nier qu'il était intrigué.
Il avait donc convenu d'accepter et s'était dirigé vers l'arène, après avoir participé à la prière pour Zelphos dans l'ancien temple de Yehadiel, au centre de la cité. Un jour de repos comme il y en avait de nombreux ces derniers temps, il n'avait pas sur lui l'armure qui l'accompagnait d'ordinaire partout, mais un surcot long et bleu, recouvrant un pantalon clair rentrant dans de solides bottes. Il n'avait pas attendu longtemps après avoir toqué à la porte, un garçon l'avait fait rentrer et mené dans ce qui était, de toute évidence, la salle des trophées. Curieux, le commandant avait jeté un œil sur ces derniers pour patienter, et il fut amusé de retrouver sur les plus prestigieux d'entre eux le nom de son général, aussi jeune que meurtrier. Qui pouvait se mesurer à un homme aussi familier avec le feu qu'avec son propre sang ? Les Féral terrorisaient par leur maîtrise du feu, et Théodore se fit la réflexion, encore, qu'il n'avait pas eu tort de les rejoindre. Il préférait mille fois plus les flèches sélianaises ou les revenants de Nayris aux murs d'une plus ou moins lente agonie, la chair dévorée par les langues de feu d'une magie surement plus ancienne qu'aucune autre connue par les hommes. Qu'importait la rage de ses ennemis, elle ne serait jamais comparable à celle qui animait chaque démon ; il y avait peu d'hommes, en fait, qui se battaient par plaisir de donner la mort, mais c'était le cas de tous les démons, et ces derniers étaient bien plus fait pour tuer que les humains.
Il fut coupé dans ses songes par l'accueil enjoué de la fée blanche. Camille Anisum était d'apparence fragile, pâle et fin, il glissait d'une démarche légère et plus commune aux femmes qu'aux hommes. Habillé simplement, il était notable que les deux hommes ne partageaient pas les mêmes quotidiens ; Théodore était grand et on devinait la musculature sèche d'un militaire entretenu, tandis que Camille trahissait son rythme de vie sans efforts par sa finesse. Il était également jeune, dans le milieu de sa vingtaine, surement, et sa mâchoire rasée, s'il y avait à raser, était loin de participer à le rendre plus vieux, tandis que Théodore entretenait une barbe courte qui dissimulait sa presque quarantaine. Le commandant n'aurait su dire d'où il venait, son physique était plutôt atypique et il soupçonnait le gérant d'être le sang-mêlée d'une quelconque race qui expliquerait cette pâleur.
« - Moi de même, répondit-il d'un léger sourire. »
Non, il n'était pas enchanté, mais il fallait sans cesse prétendre l'être, qu'on ait face à soi un bourgeois efféminé ou un démon millénaire. La seule différence résidait dans le fait qu'il n'avait pas à jouer plus que de raison pour satisfaire l'égo de son interlocuteur ; c'était Camille qui lui demandait un service, et le commandant lui en avait déjà rendu un par le simple fait d'accepter son invitation.
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| | Théodore Svalt
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| | Ven 8 Mai - 3:53 | | | | Camille Anisum arriva finalement en face du militaire. Il s’agissait d’un homme plutôt vieux pour l’organisateur, mais qui savait faire preuve d’une droiture exaltant une beauté martiale peu commune. Théodore Svalt, il y avait dans ce nom une promesse de l’inconnu qui venait d’être satisfaite pour le plus grand plaisir de Camille qui regarda son invité des pieds à la tête. Si celui-ci avait eu la tenue de pas venir en uniforme, ses vêtements de ville trahissaient une rigueur que seuls les militaires et autres habitués des champs de bataille ont l’habitude d’avoir. Il avait une pose droite, c’était un homme apparemment sérieux.
Le jeune homme croisait rarement ce genre de personnage, il s’agissait ici d’une rencontre entre deux mondes qui s’ignoraient jusqu’alors totalement. Pour la Fée Blanche, pseudonyme qu’il commençait à trouver ridicule, il y avait une honte naissante. Un tel art de vivre et un tel acharnement à l’atteinte d’une perfection qui lui était totalement inconnue le frappa. Il se sentait petit. Lui, l'amuseur public qui dilapidait son argent dans toutes sortes de plaisirs passagers, un bonheur nihiliste face à un mode de vie bien plus concret. Il baissa alors les yeux vers le sol, comme un enfant fautif. Il sentait le poids du regard inquisiteur du commandant, ces yeux, si profond, qui semblaient avoir vécu autant que Camille, voire plus, et qui scrutaient l’abime de son âme.
Tétanisé face à cette légende resplendissante de respect qui se trouvait à quelques mètres de lui, l’organisateur des jeux avança avec une difficulté qui pouvait facilement passer pour une marche lente et précise. Il ne pouvait plus se permettre de jouer à la folle qui danse entre quelques draps de soies pour amuser ses amants. Du moins, pas ici, pas avec cet homme. Théodore était bien plus que cela, c’était un véritable humain, un fruit des passions de la vie. Une barque perdue dans le grand océan qu’était ce terrible monde, et que les vagues du destin n’avaient jamais manqués de frapper. Certes, il ne connaissait pas l’histoire de cet homme, même si quelques brides de rumeurs trainaient çà et là. Comme si l’homme n’avait voulu laisser que des miettes sur son passage. Mais ce qui frappait particulièrement Camille ce fut la voix du guerrier, elle ne trahissait pas la noblesse, l’or ou l’avidité. C’était une noblesse d’âme. L’admiration qui surgit au plus profond du jeune homme n’était pas rationnel, il ne comprenait pas réellement ce qui venait ainsi perturbé son quotidien si simple jusqu’à maintenant.
Mais il ne pouvait plus se permettre de se conduire d’une façon aussi enfantine que son arrivée. Son inconscience l’énervait, comment avait il fait pour être si stupide ? La Fée Blanche, s’il l’était devait briller aux yeux de ce monde, et ce n’était pas en tombant dans la décadence de la bourgeoisie que cela pourrait arriver. Il n’y a pas de héros sans preux chevalier, sans épée brandie vers la cruelle face de la mort. Qu’avait il fait de la délicatesse qui jusqu’à présent l’avait parfaitement caractérisé ? Il n’y avait plus aucune finesse. Le sentiment qui envahissait le corps fin et svelte de Camille était une honte empruntée d’un besoin de simplicité, non pas au sens commun de termes bien entendu, mais de retour aux bases raffinées auxquelles il avait été habitué.
Se redressant le dos, il regarda finalement son invité dans les yeux, osant croiser ses pupilles qui le faisait frémir, les muscles de son visage se contractèrent prenant une expression plus masculine. Adoptant une pause plus conventionnelle, s’inclina vers son hôte en signe de respect et pour mieux le saluer.
« Votre réputation vous précède Commandant. C’est un honneur que de recevoir un grand combattant comme vous. Sachez que vous êtes chez vous ici, je ne suis qu’un simple roturier accablé par de nombreuses charges administratives. »
La modestie. Cela faisait quelques mois qu’il avait oublié le sens de ce mot. Et si la tournure de la phrase pouvait paraître hypocrite, elle était presque sincère. Les sensations qu’éprouvaient Camille à la vue de ce célèbre combattant, aguerri par une vie grandiose rendaient un ton très solennel dans la voie habituellement charmante du jeune homme. Qui malgré un changement total de comportement gardait une beauté angélique. La blancheur de la peau de l’organisateur donnait une impression de sculpture de nue en marbre blanc du nord de Terre.
Le jeune homme fit alors quelques pas de plus afin d’être plus proche de son interlocuteur pour le toucher. Un rayon de soleil qui passait par les fenêtres grandes ouvertes frappa le visage céleste de la Fée Blanche, quelques mèches rebelles se retrouvèrent devant ses yeux, sa simple respiration était sensuelle sans qu’il le cherche, et sans que cela paraisse féminin ou superflu. Simplement une esthétique naturelle pour la sensualité et un érotisme enivrant d’une douceur printanière. Et c’est d’un simple mouvement de bras qui révélait toute la beauté confuse de son personnage que Camille invita, d'une main généreusement tournée vers le couloir, Théodore à le suivre.
« Si vous le désirez nous allons nous entretenir dans mon bureau, nous y serons plus confortablement installés. »
Tout en tournant les talons, il se dirigea vers le couloir qui s’enfonçait dans l’édifice, le tout décoré selon des gouts très impériaux, avec d’importantes nuances de rouges et des dorures parfois assommantes. Lors de la petite promenade, qui se finit en arrivant devant une porte joliment décorée de boiseries anciennes, Camille interpella le militaire sur des questions assez banales.
« Vous avez fait bon voyage ? La vie citadine vous convient-elle ? Les âpres de la mondanité ne vous ennuient pas trop ? Vous êtes déjà allé à l’arène voir un combat ? »
Puis après avoir énoncé toutes les banalités les plus affligeantes, le jeune homme ouvrit la porte du bureau…
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| | Camille Anisum
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| | Mar 12 Mai - 5:13 | | | | « - Si vous n'étiez qu'un simple roturier, Anisum, je ne serais pas ici. »
Il ne faisait aucun doute que le franc-parler de Théodore contrasterait drastiquement avec l'habituelle hypocrisie qu'on développait au sein des cours mondaines. La noblesse aimait se flatter pour mieux se poignarder dans le dos, et le commandant s'amusait à casser les usages de ce monde qui reposait entièrement sur des gens comme lui.
Il répondit d'un signe de tête et suivit Anisum jusqu'à son bureau, portant sur la décoration un regard intrigué. Ce n'était pas laid, mais c'était surement trop. Si Théodore se laissait aller à la cupidité depuis qu'il côtoyait les démons, il n'avait jamais aimé exposer sa richesse d'une telle manière. Il avait certainement un esprit très pragmatique, mais il portait son œil sur le faste comme sur une plaie qui nuisait à ses bénéficiaires. Étrange venant d'un noble, certainement, mais il fallait être né à Sen'tsura et entouré de ses merveilles pour tenir un raisonnement différent. Ceux des terres éloignées et en charge de travaux factuels connaissaient l'importance d'un rythme de vie mesuré. De plus, Théodore aimait penser, par un raccourci facile, qu'à trop vouloir être beau, on cachait surement sa laideur.
« - J'ai rarement l'occasion de rester aussi longtemps à Sen'tsura, et je n'y suis établi que depuis peu. Cela fait du bien de souffler mais aucun des plus clairvoyants d'entre nous ne se laisse berner, le plus dur reste à faire. »
Si les sujets de l'Empire profitaient d'une période de calme et des retombées positives de la guerre remportée contre les anciens royaumes de Terre, les menaces se profilant à l'horizon avaient de quoi inquiéter n'importe qui. Mais on ne pouvait retirer au peuple son insouciance et la majorité des Sen'tsurien avaient de nouveau, probablement, sombré dans la monotonie de leurs occupations. Et le sujet de l'arène en était un bon lorsqu'on abordait ce caractère commun à presque tous les peuples humains de ce monde.
« - Je ne me suis jamais rendu à l'arène. Tuer des hommes ou les voir mourir est mon quotidien. Lorsque je peux profiter de mon temps comme je l'entend, je me rend au nouveau temple, là où se tenait le culte de Yehadiel. C'est un endroit reposant, et magnifique. »
Théodore n'avait jamais été porté par la religion jusqu'à peu, mais par le devoir. Dans sa jeunesse, il avait toujours désiré honorer son père et, lorsque ce dernier était mort dans l'indifférence des rois de Terre, sa mémoire. Puis, il avait fait face à la mort, et une peur sans nom, une terreur qui avait réveillé en lui ce qu'il était vraiment. Il avait trahi ses serments et rejoint Aile Ténébreuse et, depuis, il trahissait tout ce qu'avait voulu faire de lui son père, un véritable noble qu'il n'aurait jamais la prétention d'égaler. Dans le déni de son crime qui le rongeait plus qu'il ne voulait en souffrir, il se tournait vers Zelphos et trouvait une paix dans toutes les excuses fallacieuses de ce monde et de ces créatures qui le séduisaient de plus en plus.
« - Mais peut-être devrais-je m'intéresser un peu plus aux affaires de la capitale. Discutons d'abord de ce que vous me proposez, puis je suis certain que vous saurez me faire part de bonnes adresses. »
C'était très flou comme proposition, volontairement. Théodore verrait bien ce qu'en dirait Camille.
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| | Théodore Svalt
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| | Mar 2 Juin - 19:55 | | | | Camille écarta les mains en se retournant vers son invité, comme pour le pressé à rentrer dans la pièce. Le bureau était d’un luxe étouffant, démontrant ainsi l’ascension sociale fulgurante de l’organisateur des jeux. Un lustre en verre laissait quelques longues bougies blanches frôler dangereusement le plafond. Les peintures murales étaient composées de représentation d’hommes et de femmes nues ou couverts de quelques draps larges aux couleurs criardes. Des boiseries imposantes dévoilant des formes gargantuesques s’étalaient sur l’ensemble des murs et faisaient les contours de larges fenêtres permettant d’éclairer la pièce de la lumière d’un soleil doux qui embaumait le bureau sous un angle intéressant. Le jeune homme désigna un gros fauteuil rembourré au militaire qui faisait face à un second du même type et de même facture. A porté de main se trouvait une petite table où trônaient toutes sortes d’alcools tous aussi colorés les uns que les autres. Du rouge vin au brun clair du rhum tout en passant par le vert de l’absinthe.
« Détrompez-vous franchement, Monseigneur. Je ne suis qu’un simple orphelin. Un simple orphelin comme un autre, bon certes je me suis plutôt bien débrouillé. Mais vous savez nous ne sommes pas totalement du même monde. »
Tout en prenant place dans l’un des sièges Camille plissa des yeux pour dévoiler un sourire presque surnaturel. Non pas par sa beauté quelconque, mais par l’absence de sentiments qu’il reflétait, il était impossible de savoir ce que La Fée Blanche pouvait penser derrière le masque qu’il venait de se créer. Intérieurement, il était bien plus déboussolé. Que faire ? Que penser ? Voilà qu’il se trouvait minuscule face à un noble. Et même s’il n’était pas tout à fait noble, ce Svalt en avait bien trop l’air. Comment lui, celui qui avait tant subi d’eux, pouvait-il se trouver dans cette position ?
Il n’avait jamais eu ce problème avec les démons, la plupart ne connaissaient rien à l’aristocratie, ils vivaient dans une sorte de méritocratie de la force. Un monde loin de tout pouvoir lié au sang, où seule la force imposait ses lois. En arrivant sur Terra, ils avaient importé ce système au sein même de leur Empire jusqu’à l’élargir. On donnait une charge à quelqu’un pour ses capacités et non pour la couleur de l’animal sur un drapeau usé d’ancêtres lointains. Mais Camille n’avait que très rarement eut affaire à un noble qui se comportait comme tel. Leurs existences en tant qu’être répugnait l’organisateur au plus haut point. La nausée. Voilà un mot qui décrivait parfaitement le sentiment du jeune homme. Sa réaction fut alors primaire, il déboucha une bouteille de vin sans même prendre le temps de répondre à son interlocuteur. Ses gestes des mains étaient d’une finesse incomparable, et ça n’avait rien de vulgaire ou de surfait. Il y avait un naturel enchanteur et aliénant dans ce simple fait que de remplir deux verres à vin.
« Vous savez, l’arène ce n’est pas un simple endroit où de simples combattants s’enfoncent des lames dans le corps. C’est bien plus que cela. C’est de l’Art. Mais je ne sais pas si l’art est votre préoccupation principale. Je ne voudrais pas embêter avec des histoires de saltimbanques, n’est-ce pas ? »
Le petit air moqueur de Camille restait figé sur son visage. Il démontrait ici à Théodore qu’il pouvait lui aussi se passer des paroles d’usages et même oser avoir de l’audace. L’organisateur n’était pas réellement connu pour être le genre de personnes qui se pliait gentiment aux conventions non plus. Décidément les deux hommes avaient peut-être plus en commun que prévu. C’est vrai que « pour un noble il n'est pas mal ». Le vin que sirotait Camille était un vin rouge d’excellente qualité originaire des meilleures régions viticoles. Un breuvage de qualité, il fallait savoir recevoir.
« Si vous voulez je pourrais vous présenter des personnes de toutes qualités. Mon carnet d’adresses est bien rempli, et je choisis avec rigueur mes partenaires. »
Le sous-entendu ne passait pas inaperçu et ce n’était aucunement le but de Camille qui désormais regardait la liqueur rouge qui remplissait son verre avec intérêt, faisant tournoyer mélancoliquement la boisson, lui donnant ainsi de nombreux reflets colorés. Il souleva enfin les yeux vers le Commandant. Il n’était pas spécialement beau, c’était un homme simple dans la fin de la trentaine, voire plus. C’était difficile à dire avec la barbe qu’il abordait. Son air si rude devait repousser la plupart des gens. Ce n’était pas uniquement une mine de combattant il y avait aussi les marques d’une vie riche en émotions. Le jeune homme attrapa une planche en bois sur laquelle résidait un paquet de feuilles. Attrapant un encrier par la même occasion, il commença à noter quelques petites inscriptions avant de reprendre sa coupe de vin.
« Très bien. Ce que je vous propose est simple. Cela vous plairait-il de vider vos geôles ? Je veux dire, les prisonniers c’est toujours embêtant et puis il y a toujours deux ou trois malabares qui veulent faire la loi. On se comprend, héhé. Moi ce qui m’intéresse en tant que Laniste mais aussi dans le cadre de ma profession d’organisateur des jeux ce serait de vous prélever quelques bons gaillards qui encombrent vos hommes. Et je sais parfaitement que vous en êtes capable. Moi ce que je peux vous proposer en échange c’est vous présenter des personnes influentes, aussi bien au sein même de l’armée que dans la vie civile. Ensuite peut-être que vous avez des envies particulières en échange que je serais ravi de satisfaire. Je suis ici pour faire affaire, principalement, n’est-ce pas ? Je n’en reste pas moins un gentleman et je sais parfaitement me faire sympathique. Bien entendu.
Et j’espère que ma demande ne vous aura aucunement choqué. Je ne cherche pas des esclaves, je veux simplement des hommes qui sachent se battre, ainsi je leur donne la chance de combattre bien que nous leur apportions l’élément théâtral don ils ont besoin. Comme je vous l’ai dit ce que je fais relève plus de l’art que de la guerre. Bien que je ne sois pas non plus gauche au combat pur et simple. »
Une fois la tirade finie, La Fée Blanche prit quelques notes, laissant la plume faire un bruit rustre sur le papier. Il reprit son verre et remarqua avec étonnement qu’il était déjà fini. Encore ? Décidément la porte de l’alcoolisme s’ouvrait à lui.
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| | Camille Anisum
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| | Ven 5 Juin - 23:07 | | | | Un orphelin comme les autres ? Non plus. Camille avait beau faire semblant de ne pas avoir compris le sous-entendu de Théodore, le message était passé. Chacun avait son influence et ils avaient tous les deux à gagner d'une entente. Cependant, s'ils voulaient s'entendre, donc, le laniste aurait intérêt à jouer beaucoup plus franc-jeu qu'avec l'habituel fatras des hypocrites et beaux parleurs de la cour.
« Les hommes aiment parler de la guerre comme d'un art, mais pour le pauvre couillon qui meurt sur le champ de bataille, il n'en est rien. Gardez vos belles formules, Anisum. Donner la mort, qu'importe le moyen, ce n'est jamais de l'art, mais ça ne nous empêche pas de pouvoir en profiter. Les hommes qui viennent assister à vos mises à mort, ils jouissent de voir ce qu'ils ne peuvent accomplir, et vous gagneriez bien plus en leur proposant quelque chose d'inédit.
Vider les geôles, le commandant avait assez d'influence pour proposer à tout condamné de mettre en jeu sa vie pour échapper à l'échafaud , ce n'était pas un problème. Mais, maintenant que son hôte avait mis en avant la raison de son invitation, Théodore pouvait y mêler ses connaissances et son pouvoir.
- Comme je vous l'ai dit, je n'ai jamais assisté à l'un de vos spectacles, j'ignore donc ce que vous proposez hormis des combats entre hommes. Vous échanger quelques prisonniers vous permettrait de continuer vos "œuvres" indéfiniment, mais, maintenant que nous en parlons, pourquoi ne pas rajouter d'autres créatures à votre arène ? Je suis certain qu'en plus de n'avoir jamais vu la moindre harpie ou loup de lave, ils paieraient le double pour le faire. Rajoutez donc de l'exotisme à votre art. »
En tant que commandant d'infanterie d'Ailes Ténébreuses, Théodore avait en charge le maintien de l'ordre de toutes les régions de l'Empire, et il allait sans dire que chacune abritait des monstres qui attiseraient la curiosité malsaine des nobles les plus riches de Sen'tsura. Camille Anisum ne désirait que la matière première la plus prolifique de ce monde, à savoir l'homme, mais le commandant lui proposait des raretés qui lui rapporteraient beaucoup plus. Il allait sans dire de toutes les ethnies différentes d'hommes et de races humanoïdes.
« Tout le nord-ouest de Terra est rodé à l'esclavage. Je pourrais vous faire parvenir des sauvages par dizaines, ce n'est pas ça qui manque. Il y a cinquante ans, même Cardrak achetait ou vendait des hommes. Imaginez donc les représentations que vous pourrez donner lorsqu'on vous dégotera un berzerker ou deux. Ne vous bridez pas aux désirs de vos clients, ils ignorent ce dont ils ont envie. Si l'idée vous plaît, et le sujet est intarissable, les quelques hommes que vous m'aviez demandés vous sembleront des fadaises comparés à toutes les forces que la nature a mis à portée de main. »
Théodore accepta un verre de vin et le porta à ses lèvres avec les manies resurgissantes du noble qu'il était malgré tout. Son duché, avant qu'il ne disparaisse sous le cataclysme de la guerre, concentrait un grand nombre de vignobles. Il était donc loin d'être ignorant quant à la qualité d'un vin et celui que lui présenta Camille Anisum était de très bonne facture, surement l'un des meilleurs qu'on pouvait se procurer à Sen'tsura.
« Voilà donc une multitude de choix qui s'offrent à vous. Je ne vous demande qu'une chose, en premier lieu ; un rendez-vous. Si vous pouvez me l'arranger, nous discuterons du financement et des parts de chacun, à l'avantage de tous, j'en suis sûr, dit-il avec une pointe de malice dans le regard et un léger sourire sur ses lèvres encore humectées de vin. Il s'agit d'Anthithée Féral, notre prêtresse, rajouta Théodore. »
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| | Théodore Svalt
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| | Sam 13 Juin - 1:16 | | | | Camille remplit son verre sens oublier d'en proposer à Théodore. Voilà que ce personnage commençait à devenir intéressant, ce n’était pas simplement un petit noble comme un autre, pas un de ces militaires à l’esprit borné et docile. Il s’agissait d’un homme qui savait convaincre et commercer. Ce qui étonna le jeune homme qui ne pouvait empêcher de soulever ses sourcils d’un air malin à chacune de ses interventions. Décidément il était plein de surprise, en plus d’être étrangement attirant, ce commandant était intelligent. Il avait tout pour plaire à l’organisateur qui s’étendit plus sereinement dans son fauteuil, délaissant une pose rigide et conventionnelle pour une position bien plus confortable.
« Je ne vous imaginais pas comme ça, Commandant. En fait pour tout vous dire je m’attendais à recevoir un militaire de plus, avec un esprit réduit et simpliste qui n’a d’idéal que de servir bêtement et aboyer quand on le demande. C’est le cas de trop de vos collègues et je m’excuse de l’amalgame. Et bien entendu, votre réelle capacité de commerce et de réflexion me surprend, je suis ravi d’avoir quelqu’un de mon niveau et j’espère pouvoir être totalement franc avec vous. Nous avons une affaire fleurissante qui s’offre devant nous. »
La flatterie n’était pas vile, elle n’était pas même pas voulue. Elle était sincère, Camille voyait en face de lui un homme avec des capacités mentales et physiques suffisantes pour continuer un accord voir même devenir un associer de taille. Être organisateur des jeux n’avait jamais spécialement plus au laniste, il y avait dans ce métier un côté esclavagiste et paresseux qui l’ennuyait fortement, mais il y avait toujours, comme en ce moment, des points positifs, des rencontres, des actions, des spectacles. Il y avait toujours un peu de magie dans ce travail, puis il permettait à la Fée Blanche de laisser cours à ses joies démonstratrices, d’être sur le devant de la scène. C’est qu’il préférait par-dessus tout, se mettre en scène comme un acteur. Être le roi des saltimbanques.
D’ailleurs, si la discussion commençait à être plaisante, Camille s’y sentait encore réduit. Il était temps de laisser le véritable maître de scène, la bête de foule, l’enjôleur entrait en jeu. Il était temps que Camille soit Camille. Il se leva donc de son fauteuil dans lequel il s’était enfoncé comme dans de la vase. Tout en se levant, il fit pris la place, utilisant tout l’espace dans cette démarche son visage passa très près de celui du Commandant, si cela n’était rien de spécialement gênant on pouvait se douter que le geste avait été fait expert, restait le doute de l’intention.
Une fois debout Anisum alla chercher une bouteille verte magnifiquement décoré, certainement de fabrication naine. Le liquide était d’un vert éclatant et les rayons du soleil qui passaient à travers donnaient un reflet plus clairvoyant à la boisson. Au côté de cet étrange récipient trônaient deux verres aux formes spécifiques, gonflés en deux parties. Tandis qu’un tas de sucre une cruche d’eau finissaient de remplir le petit plateau d’argent sur lequel l’ensemble était posé. Il y avait aussi deux cuillères, apparemment elles aussi en argent, elles avaient la particularité d’être plates et trouées.
« Un petit verre d’absinthe, cher Commandant ? Je vous la conseille, elle est excellente et très bonne pour la santé. C’est même un médecin qui me l’a apportée, bien entendu il s’agit là d’une liqueur de qualité, ce n’est pas un simple docteur qui me l’a apporté mais un scientifique originaire de Feu il me semble. Du moins il en avait les caractéristiques physiques. »
Le laniste laissait patienter avec amusement son invité sans lui répondre directement. Bien sûr de telles propositions ainsi qu’une telle vigueur dans le ton laissaient penser qu’un accord venait d’être trouvé mais Camille préférait laisser mijoter Théodore. Il ne voulait pas brusquer les choses par une recherche hâtive de l’utilité. Il fallait laisser son temps à la beauté et aux bons moments, en profiter calmement.
Le jeune ouvrit le bouchon de la bouteille d’absinthe, le cristal qui contenait l’alcool était d’une pureté extraordinaire. Il remplit un simple fond d’un pouce, laissant la boisson verdâtre atteindre le second gondolement. Posant la cuillère sur l’un des verres, il rajouta un morceau de sucre sur la partie couverte de petits trous et fit couler l’eau de la cruche sur ce sucre. Ainsi le savant mélange des trois ingrédients comblait le verre d’une liqueur oscillant entre un vert pâle et un blanc opaque.
« Tout ce que vous m’avez dit me plaît. Nous sommes sur la même longueur et ce que vous me proposez est au-dessus de mes attentes. Si vos capacités sont de remplir mes arènes avec toutes les bestioles qui sont à votre portée, c’est avec plaisir que j’accepte. Je trouve d’ailleurs que c’est un accord mémorable. Il faudrait le fêter avec quelques verres, tout en restant légèrement raisonnable. Vous savez, je pense que vous allez aller très loin. Que nous irons très loin. Et si pour cela vous avez besoin de rencontrer l’archevêque Anthithée Féral, c’est avec plaisir que je vous la présenterai. C’est une cliente régulière de l’arène. Vous ne pouviez pas mieux tomber, je suppose que vous êtes libre après-demain ? Vous êtes ici pour quelques jours comme vous me l’avez dit, donc disons après-demain, si mademoiselle Féral est libre. Je ne vous propose pas un temple, je pense que nous devrions nous retrouver ici même serait plus simple pour tout le monde, je réglerai quelques détails avec ma dame avant ou après votre arrivée. Rien de grave, juste des affaires liées aux gladiateurs. Le boulot, pour résumer. Si vous le désirez je vous présenterai d’autres personnalités. Et si votre choix se porte principalement sur les Féral je vous conseille avec vigueur de rencontrer Chioné, une jeune fille prometteuse. »
Un petit sourire se dessinait sur les lèvres roses de Camille, son regard bleu clair, rappelant les reflets de quelques pierres précieuses, bien qu’ils aient plus la substance d’une voie céleste que d’un roc, n’avaient pas quittés le trentenaire depuis le début de la discussion. Seules quelques ravissantes mèches blondes passaient devant de temps à autre. Depuis le début de cet entretien il était comme hypnotisé par ce militaire, cela ne se voyait pas forcément comme une réaction béate, plus comme un certain attrait mystérieux, quelque chose d’envoutant et de langoureux. « Comme une sorte de sentiment » se disait la Fée Blanche en avalant la première gorgée d’absinthe tandis qu’il apportait un verre à Théodore.
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| | Camille Anisum
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| | Sam 27 Juin - 6:37 | | | | Théodore sourit de nouveau lorsque Camille exprima sa surprise. Feinte ou pas, il était toujours agréable de provoquer de l'admiration, et elle était palpable. Le commandant ne pouvait pas être trompé, néanmoins. Si le laniste avait réellement pensé avoir à faire avec un esprit aussi obtus que celui de ses "collègues", il ne l'aurait pas invité.
« - Je suis le seul humain de l'Empire qui puisse se targuer d'être monté aussi haut dans sa hiérarchie. Il fallait bien vous attendre à quelqu'un d'original. Si j'avais été comme le commun des militaires de notre ancien empire, je ne serais pas ici mais six pieds sous terre, à plus d'un millier de kilomètres de votre beau bureau, Anisum. »
Tant que le jeune homme comprenait à qui il avait affaire, cela suffisait à Théodore. Tout allait bien, pour le moment, mais il savait qu'à trop se montrer bon, on finissait toujours par le regretter. Les prunelles admiratives de Camille auraient tôt fait de se charger des ombres de desseins que se réservaient ceux qui péchaient d'un égo trop grand.
« - Je dois avouer que c'est tentant, répondit-il à Camille lorsque ce dernier lui présenta le verre d’absinthe. Allons-y. »
Théodore se fit servir et goûta au liquide opaque, son sourcil froncé témoignant sans gêne de sa méfiance mais, finalement, il s'abaissa et un nouveau sourire satisfait vint se dessiner sur le visage du commandant.
« - Original, et pas désagréable. »
Il n'osait pas l'avouer mais il n'était pas un habitué des alcools forts. Son palais nordique appréciait bien plus la subtilité des vins des duchés viticoles qui longeaient la mer d'Abyssaï et il sentit rapidement les effluves lui monter à la tête. Posant son verre de côté, il se renfonça dans son siège, encaissant l'étrange effet qui émoussait ses sens. Il regrettait déjà d'avoir accepté une gorgée de cette bizarrerie.
« - Je serai libre, oui, acquiesça Théodore. On ne refuse pas un rendez-vous avec une féral, d'autant plus lorsqu'il s'agît de la prêtresse. Et pour les autres, ce n'est pas la peine. J'ai mes raisons. »
Instantanément, il se laissa aller contre le siège, se sentant subitement lourd. Ce n'était qu'une gorgée, mais quelle raclée elle lui mettait. Comme accablé par des heures de marche sous un soleil cuisant, il se mit à se rappeler la fois où il avait aperçu la prêtresse au Temple de Zelphos, sa mine frappée d'un soudain sérieux. Il se rappelait de cette silhouette, jeune, avec des cornes qui dépassaient de ses cheveux bruns, et des pupilles brûlantes, deux perles enrobées de flammes qui transpiraient une dévotion telle qu'elle s'était emparée de lui. Quelle passion inexplicable l'avait motivé à cette rencontre ? Il était bien incapable de le dire, mais il lui avait suffit de ce seul regard qu'il lui avait jeté pour désirer embrasser sa foi. On avait beau dire, les démons brûlaient d'une essence qui échappait à l'humain mais n'avait aucun mal à le séduire.
« - Vous êtes déjà allé au temple, Anisum ? demanda Théodore en se laissant aller dans le siège, sa tête posée sur le haut du dossier. C'est un lieu d'une telle beauté, on en oublierait toute la noirceur de ce monde, lança-t-il, murmurant sur la fin alors qu'il saisissait de nouveau le verre pour avaler une gorgée et laisser la liqueur l'emporter. J'aurais aimé le voir à l'époque où s'y réunissaient les prêtres de Yehadiel, ce devait être grandiose. »
Plus Théodore se laissait aller à ses remarques évasives, plus son verre se vidait et vint le moment où il n'eut plus une goutte pour alimenter son discours, qui n'était plus très clair de toute façon.
« - Vous ne m'avez pas l'air très pratiquant, Camille, souffla Théodore en pinçant ses lèvres, son visage alourdi et son regard flou. »
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| | Théodore Svalt
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| | Lun 6 Juil - 19:58 | | | | Camille Anisum regardait son invité s’enfoncer confortablement dans son fauteuil comme un fruit dans un gros gâteau à la crème. Le jeune regardait avec amusant et contentement le militaire s’effondrer dans les méandres de l’alcool. En effet l’absinthe était l’un des plus forts alcools qu’est jamais porté Terra et ceux qui en buvaient la première fois devenaient soit dépendant soit rejetaient à jamais la présence d’une seule goutte de boisson fermentée à leurs côtés. C’était comme le test ultime de l’alcoolisme. Et ce bon Théodore semblait bien apprécier les effets de ce breuvage, quelques lumières flottaient dans ses yeux embués. Camille ne subissait pas autant le poids de l’absinthe qu’il avait appris à supporter au fil du temps, et même à la fin de son deuxième verre il risquait de rejoindre le Commandant dans son état soporifique, il préférait profiter de l’état actuel de cet hôte qui l’avait dès son arrivée subjuguée par sa présence et son charisme très droit et qui soulignait une noblesse d’esprit. L’organisateur était presque tombé sous le charme, mais il gardait toujours une distance vis-à-vis de la condition de ce personnage en face de lui qui malgré l’aura irrésistible qu’il dégageait restait un noble de naissance, soit ce que le laniste avait toujours détesté, combien de fois, après sa libération avait fait couler dans la boue le précieux sang de ligné plusieurs fois centenaire ?
Anisum trempa le bout de sa langue dans l’alcool. Ses yeux brillaient d’une lueur d’envies, voilà une proie pour la Fée Blanche, un petit mulot endormi ayant cru que l’aigle n’était qu’un pigeon. L’image apparut dans l’esprit de Camille qui imagina Théodore dans la peau d’un petit mulot s’endormant confiant aux pieds d’un grand aigle majestueux et prédateur. Ce qui plaisait par-dessus à la Fée Blanche c’était cette étrange manie que les gens avaient de le sous-estimer, de ne voir qu’une sorte de simple palefrenier sourd et muet qui écoutait simplement sans pour autant de jamais agir. C’est en profitant du surplus de confiance en soi de toute cette cour de rats qu’était composé l’Empire que lui, simple orphelin vagabond avait finis là où il est aujourd’hui, c’est-à-dire un poste important et riche.
Le jeune homme approcha son fauteuil de celui du militaire, ce geste n’avait rien de suspect, simplement quelqu’un qui aurait voulu s’approcher pour mieux entendre afin de parler plus sereinement, plus directement. Il se pencha doucement vers son interlocuteur et l’organisateur passa une main sur la barbe de Théodore.
« Excusez-moi, vous aviez quelque chose. »
Il n’avait rien, mais Camille avait pu enfin toucher cet homme, ressentir le contact de sa peau sur lui, ses yeux bleus que quelques mèches de cheveux blancs recouvraient très légèrement se posèrent sur l’officier, il le regarda de haut en bas avant de fixer son visage et d’un geste fluide de la main il rabattit quelques mèches rebelles sur le côté. Puis finalement s’enfonça à son tour dans son fauteuil.
« C’est vrai que le Temple est magnifique. »
Camille porta son verre à ses lèvres.
« J’ai été élevé par des prêtres de Von Luar, j’en ai gardé un souvenir fortement pénible. Aujourd’hui je suis un disciple de Leineichte, enfin, un piètre croyant et cela malgré mon éducation, mais je connais parfaitement tous les dogmes et me soumets bien sagement au culte de Zelphos lors des évènements importants. Mais je vous l’accorde, le Temple de Sen’tsura est une merveille. Il est d’ailleurs dans mes intentions d’y laisser ma marque, ne serait-ce qu’en offrant une statue ou en participant à sa rénovation. »
Les intentions du jeune homme étaient tout autres pour ce bâtiment et même s’il admirait l’édifice architectural il ne pouvait pas laisser debout ce qu’il représentait actuellement. Avec les jours qui passaient, un plan se construisait peu à peu dans la tête de l’organisateur.
Le laniste reporta de nouveau son regard vers sa proie, et d’un mouvement innocent laissa paraître une épaule nue. Une épaule pâle, d’un blanc doux et gracieux comme le reste de son corps, cela laissait simplement un avant-gout de la beauté de la Fée Blanche qui avait appris à profiter de son remarquable physique.
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| | Camille Anisum
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| | Jeu 23 Juil - 15:07 | | | | Théodore avait froncé des sourcils lorsque Camille avait effleuré sa barbe pour dégager "quelque chose". Dans son étourdissement, il avait laissé passer ce geste qui, malgré tout, avait suscité en lui un certain agacement. Son espace personnel avait été brisé et il détestait ça. Son visage délaissa la satisfaction béate qu'il avait eu en se rappelant le temple et tout ce qu'il pouvait lui inspirer pour adopter des traits beaucoup durs. Il grommela quelque chose lorsque le laniste revint dans son siège puis se redressa en prenant appui sur un accoudoir. Ce fut au milieu de l'explication d'Anisum que les pupilles du commandant s'embrasèrent, comme si l'agacement que la main du jeune homme avait suscité avait engendré un feu qui se répandait en Théodore dangereusement.
« - Vous vous soumettez bien sagement, répéta lentement le militaire, suspicieux. C'est que vous n'avez rien vu, Anisum. »
Théodore se rappela les déferlements de puissance auxquels il avait assistés. Les gerbes de flammes, les corps démembrés sous la puissance des coups des démons, leur insatiable soif de violence et de sang. Les être de Zelphos écrasaient toutes les races et civilisations qu'ils rencontraient, ils les dominaient. On ne se soumettait pas bien sagement à eux, on se prosternait et on se débattait de tous ses efforts pour sa propre survie.
« - J'ai vu les miens être déchirés en morceaux, engloutis par des geysers de flammes, Anisum. On ne se soumet pas sagement à l'Empire. On se plie à sa volonté, cracha le commandant dans un murmure. »
Si l'alcool l'avait rendu hébété, il lui faisait désormais tourner la tête dans le mauvais sens, et la peine qu'il avait tant essayé de taire ressurgissait spontanément sous les effets de l'alcool.
« -Vous savez que nous y étions aussi sur Zelphos ? Nous, les humains ! Ce qu'il reste d'eux n'est plus que quelques lignes dans des livres pour témoigner de la poussière de leurs os. Il en sera de même sur Terra pour tous ceux qui s'opposent à l'Aile Ténébreuse. »
Dans sa montée en colère, le commandant ne nota pas l'épaule soudainement nue de Camille. Son regard enhardi par ses souvenirs brûlants se posa surement sur cette belle peau, mais rien dans l'étrangeté de la situation ne le détourna de son chemin. Il fonçait comme un animal piqué au vif, tout son sang-froid et sa réserve balayés par les effets de l'alcool. Pris d'un bouffée de chaleur, le commandant se leva de son siège, légèrement chancelant, puis fit quelques pas sans réelle direction.
« - Nous avons un avenir aux côtés des démons, uniquement à leurs côtés, dit-il, son regard auparavant furieux perdant de sa vigueur. Il faut tuer la moindre résistance et... et profiter des... »
Il fit encore quelques pas, hésitants, posa sa main sur la table pour se maintenir debout bien qu'il penchait inexorablement puis, après que ses lèvres aient tenté de former un ultime mot, il s'écroula contre cette dernière, emportant dans sa chute les alcools. Plus déboussolé qu'inconscient, il resta au sol à flotter dans les liquides répandus et mélangés, apparemment incapable de comprendre ce qui lui arrivait.
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| | Théodore Svalt
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| | Mer 5 Aoû - 19:35 | | | | Camille Anisum eut un fou rire lorsque Théodore s’écroula, il ne se moquait pas. Il riait de la bêtise des gens, de ce militaire mais aussi de sa puissance. Qu’il est bon d’être sans limites aucunes. Qu’il est magnifique que de jouir de cet instant, où ce gardien de pacotille se révélait réellement, une sombre merde. Le rire jouissif, envahissant de la Fée Blanche remplissait la pièce d’un élan nouveau.
Qu’est-ce que ce soldat pouvait s’imaginer, qu’on pouvait lui donner des conseils, le regarder de haut, s’en moquer d’un simple regard rigide et totalement vide de sens. Ce qui avait tout d’abord impressionné le jeune homme dans ce guerrier était son attitude brave et fière, sa grandeur, il y avait dans ce numéro clownesque quelque chose de dramatique, une sorte de jeu avec la dureté de la martialité. Le fer, dressé droit vers le ciel pointait une lumière semi-divine qui remplissait de sa seule présence l’esthétique d’une place vide et blanche sous un ciel unicolore. Mais la magnificence fondait sous l’assaut de ces rayons lumineux trop violents pour elle. Finalement, ce Commandant ne cachait rien d’intéressant, ce n’était qu’un tigre de papier. Et c’est de ça que riait le laniste, de cette bassesse, et aussi de lui-même qui avait espéré trouver la lourdeur et le poids d’un regard glacé de Cardrak, il avait espéré trouver cette étincelle bleutée et rugueuse qui rendait une certaine prestance à la rigidité. Il espérait bien que ce ne soit pas un mythe.
Les couleurs joyeuses de l’appartement bourgeois et l’alcool donnaient une mine ravie à la Fée Blanche, qui tout en continuant à sourire s’approcha du déchet qui lui servait d’invité. La farce, la promesse rompue d’un grand chevalier, d’un sauveur en cape noir. Finalement, le jeune homme était debout, devant l’inexorable déchéance d’une de ces espèces d'anciennes familles nobles réduites par elles-mêmes à néant. Servantes de leurs propres destructions, un tableau homérique. Camille n’avait aucun attrait pour ce genre de reste humanoïde, de chiens ridicules, d’esclaves bien grossi de leur vanité.
« Servir ? Voilà un mot très étrange, moi je suis libre, entièrement libre. Je fais uniquement ce que je veux, je n’ai pas de maîtres. A vrai dire, je n’ai ni dieux, ni maîtres. Et je ne vous rejoindrais pas dans votre chute, ce puits, cette tombe, est la vôtre. Moi, je suis de ceux qui virevoltent selon leurs grés, ô Commandant. Je suis la Fée Blanche. »
Théodore était certainement beaucoup trop emporté par les méandres douteux de l’alcool, déjà bien reposé dans un rêve éveillé pour comprendre quoi que ce soit aux aveux d’Anisum, peut-être s’en souviendrait-il quelque peu, mais faire dissocier cela du reste de la cinématographie imaginaire qui le prenait serait une tâche beaucoup trop ardue. Comme toujours, les risques minimums. L’organisateur des jeux fit venir quelques servants qui déshabillèrent le bonhomme avant de la placer dans « une chambre d’amis » avec des nouveaux vêtements sur une chaise près de son lit. Aussi trônait sur une petite table une coupe remplie de fruits variés accompagnés d’une carafe d’eau. C’était la meilleure formule pour se remettre d’un mal de tête causé par l’alcool. Sucres et hydratation.
Pendant ce temps, Camille Anisum pouvait aller librement à ses occupations aussi variées les unes que les autres. Et ce, jusqu’au réveil de son invité, et cela risquait de prendre du temps.
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| | Camille Anisum
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