Le commandant s'attendait à une variété assez impressionnante de réactions. Il s'imaginait que sa douce ne supporterait pas d'être aussi proche d'un ami des démons et s'en irait en sanglotant. Elle aurait aussi bien pu le gifler en lui rappelant que lui cacher de telles choses était totalement ignoble dans un couple. La jeune femme aurait aussi pu ne pas réagir, et se contenter de regarder d'un air vide le messager tourner l'angle de la rue. Et bien non. A la plus grande surprise du lycan, la belle Iryo ne réagit que par un long et tendre baiser qui dura si longtemps que Trataïr se cru mort durant quelques instants. Il caressa avec des doigts timides la longue chevelure d'ébène de sa moitié, ne sachant quoi faire d'autre et savourant la douceur de ces derniers. Il ferma les yeux alors qu'ils profitaient tous deux de ce moment pour se retrouver plus amoureux que jamais.

Lorsque finalement ce voluptueux moment passa, Trataïr ne savait plus parler. Ce baiser lui avait plus réchauffé le cœur que si il avait été brûlé sur un bûcher. Les mots qui le suivirent furent si rassurants que l'archer semblait sentir son corps devenir bien plus léger. Comme si on lui avait retiré un poids des épaules, qu'il n'avait plus aucun problème, qu'il pouvait faire ce qu'il voulait. Armé de cette permission illimitée mais chimérique, il fit la première chose qui lui passa par la tête. Lorsque sa compagne se retourna vers lui, il mit doucement sa main derrières sa tête et l'attira contre lui pour l'embrasser passionnément. Il ne souhaitait plus qu'une chose désormais : être avec elle. Ne plus la quitter. Ne plus même songer à s'en éloigner. Il voulait sentir son parfum de groseille jusqu'à ne plus être capable de sentir autre chose. Il voulait se rendre aveugle en ne faisant qu'admirer sa peau hâlée à la douceur incomparable. Il ne voulait rien faire d'autre de sa bouche que de lui déclamer combien il l'aimait.

Leur étreinte charnelle dura longtemps, très longtemps. Un temps que le jeune homme ne comptait plus tant la beauté de l'instant faisait chavirer ses sens. Enivré et étourdit, il se détacha cependant d'elle pour pouvoir l'admirer d'un œil passionné. Il contempla la malice de ses yeux alors que son esprit reprenait peu à peu consistance normale, alors que ses pensées revenaient peu à peu en place. C'est alors qu'une vérité perfide le frappa en un bond de jaguar. Le messager n'annonçait pas qu'une invitation, la rigueur des dates imposées le prévenait aussi de son départ imminent. La route jusqu'à la capitale était longue et une fois sur place, il devrait se préparer pour ne pas décevoir le noble face à son apparence d'ordinaire... légèrement négligée. Cet événement importun le rendait presque malade. Une migraine lancinante frappa les parois de sa tête, causant une douleur manifeste. Son estomac semblait se tordre sous la pression d'une force inconnue, ses yeux se plissèrent, comme si on avait soudainement placé une flamme très brillante devant eux. Cet afflux de maux aussi rude que rapide était-il dû à l’approche de quelques passants chargés de produits tous plus embaumés les uns que les autres ? Non. Cela était simplement l’œuvre de cette vérité inéluctable dans l’esprit de l’archer, lui et Iryo allaient devoir se séparer.

En effet, outre son habitude récurrente de l’imaginer plus haineuse envers l’Empire qu’elle ne l’était réellement, Trataïr avait aussi peur que, une fois arrivé à la somptueuse capitale Terrienne, on attente à la vie de sa bienaimée. Non pas pour lui faire du mal à elle, mais bien pour l’atteindre lui. Plus d’une fois, des gens peu fréquentables certainement avaient essayés d’attenter à la vie du commandant. Lui pouvait se défendre contre tous ces ennemis sans soucis. Mais sa douce… Iryo n’allaient pas pouvoir résister à toutes ces personnes qui verraient en elle un moyen de détruire Trataïr. Et même avec la plus grande volonté du monde, le jeune homme ne parviendrait pas à la défendre finalement si il y avait surnombre de dangers… La seule solution était qu’elle reste ici, dans sa patrie, et que lui reparte vers le sud en essayant de la revoir aussi souvent que possible. Il regarda la demoiselle tandis que ses yeux lui murmuraient mille tendresses sans faire aucun bruit.

- J’étais en train de me réjouir de quelque chose mais… Ce n’est qu’une chimère désormais… Je dois repartir à Sen’Tsura. Crois-moi, j’aimerai de tout mon cœur que tu m’accompagnes, mais entends ces gens qui ont écoutés le messager… Ils savent que je suis de l’Empire, que je suis haut placé même. Hors celui-ci a de nombreux ennemis, moi de même donc. Je ne veux pas prendre le risque de t’exposer à des dangers tout ça pour t’avoir auprès de moi… Tu dois rester ici ma Douce, sinon je ne pourrais garantir ta sécurité…

Sa voix altérée semblait sur le point de se briser. Son esprit chuchotant quantité d’inquiétudes sournoises dans un flux continu et inarrêtable. Il était inquiet pour la vie d’Iryo… Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait responsable de la vie de quelqu’un de cher. Oh, il avait souvent eu des soldats sous ses ordres, leurs vies dépendaient de lui. Mais… ce n’était pratiquement que des chiffres au final, des silhouettes anonymes qui se battaient, mourraient, puis étaient remplacées tout aussi rapidement. Aujourd’hui… Ce n’était pas un soldat plébéien lambda qui était auprès de lui, c’était Iryo. Et cette seule définition suffisait à qualifier sa protection comme priorité numéro 1 et sa perte comme signant la fin de ce qui restait de joie dans l’esprit de Trataïr. Elle ne devait pas mourir, car cela signifierait tout perdre pour le jeune homme. Et cette idée lui était insupportable. Avant qu’elle ne puisse répondre, il l’embrassa à nouveau avec toute la fougue que ses sentiments tempétueux lui accordaient.

Iryo sourit lorsqu'elle se détacha de Trataïr : le pauvre avait perdu la parole, sous le choc de la réaction de la jeune femme et du baiser qu'elle venait de lui offrir. En même temps, tout le monde fait des erreurs, l'homme ou la femme parfait(e) n'existent pas.

L'instant qui suivit fut magique pour l'herboriste : dès qu'elle se fût retournée vers Trataïr pour lui demander ce qu'il avait dit avant d'être coupé par le messager, il l'attrapa derrière la nuque pour la rapprocher de lui et l'embrasser avec passion. Iryo pouvait sentir son corps fiévreux sous ses mains, et elle l'enlaça pour se blottir davantage contre son compagnon. Quelque chose lui disait que, derrière cet élan sincère, il cachait une nouvelle qui ne ferait plaisir ni à lui, ni à elle. Et elle savait que ça lui en coûtait de le lui dire.

Il finit par planter son regard dans celui d'Iryo avant de lui dire, après un petit effort pour trouver ses mots :

J’étais en train de me réjouir de quelque chose mais… Ce n’est qu’une chimère désormais… Je dois repartir à Sen’Tsura. Crois-moi, j’aimerai de tout mon cœur que tu m’accompagnes, mais entends ces gens qui ont écoutés le messager… Ils savent que je suis de l’Empire, que je suis haut placé même. Hors celui-ci a de nombreux ennemis, moi de même donc. Je ne veux pas prendre le risque de t’exposer à des dangers tout ça pour t’avoir auprès de moi… Tu dois rester ici ma Douce, sinon je ne pourrais garantir ta sécurité…

Puis il l'embrassa à nouveau, et Iryo sentit comme une déchirure dans son cœur. Rester ici, pendant que Trataïr rentrait à Sen'tsura ? Certainement pas ! La jeune femme posa ses mains sur la poitrine de son compagnon et planta son regard dans celui de Trataïr avant de rétorquer :

Il est hors de question que je reste ici toute seule à t'attendre, Trataïr Erubon. Je t'aime et je te suivrai partout où tu iras. Ne t'inquiète pas pour moi, je saurai me défendre en cas de besoin...

Et comme pour le mettre devant le fait accompli, elle se dirigea vers le port et lui lança en souriant avec malice :

Viens me chercher si tu peux !

Et elle se mit à courir en riant : elle partirait avec lui, qu'il le veuille ou le non.

Tourmenté, le cœur de Trataïr était pourtant toujours aussi heureux lorsque celui-ci retrouvait les lèvres de la jeune femme. C’était une sensation si grisante, si pleinement satisfaisante qu’il pourrait s’en repaître des jours entiers et ne plus rien consommer d’autre que leur amour récemment mis au jour. Alors qu’il savourait avec un peu d’amertume cet énième échange, il fut surpris de voir Iryo poser doucement, mais fermement, ses petites mains sur son torse. Visiblement, elle avait déjà eu droit à la force prodigieuse de leurs confrères loups. Son regard topaze se planta dans celui de Trataïr avec une détermination insoupçonnée. Elle était si pleine de surprises…

- Il est hors de question que je reste ici toute seule à t'attendre, Trataïr Erubon. Je t'aime et je te suivrai partout où tu iras. Ne t'inquiète pas pour moi, je saurai me défendre en cas de besoin...

A ces mots, le jeune homme ne répondit rien, se contentant de regarder en souriant, un peu bêtement, la demoiselle se diriger vers le port, un peu plus loin. Son sourire désarmant avait le don de retirer toutes mauvaises pensées de l’esprit de Trataïr qui s’empressa de répondre à sa provocation par un clin d’œil malicieux.

- Compte sur moi pour y parvenir !

Lança-t-il à son intention avant de courir derrière elle pour parvenir à la rattraper. Il la laissa prendre un peu d’avance en ralentissant la cadence, mais bien vite les regards circonspects des passants le motivèrent à finalement la rejoindre pour lui attraper la taille en riant de concert. Il appuya nonchalamment sa tête sur l’épaule de la jeune femme tout en la dévisageant en faisant les yeux doux.

- Tu as failli me semer.

Puis il déposa un baiser rapide sur sa joue avant de se redresser. Il avait toujours cet homme à aller voir, et si sa douce était déterminée à l’accompagner, il fallait bien être cent, voir mille, pour lui faire changer d’avis. Et puis de toute façon, il n’avait pas vraiment envie de se séparer d’elle. Il s’inquiétait simplement pour sa sécurité. Et il y avait de quoi. Finalement, il décida qu’il se chargerait de sa protection plus tard. Pour le moment, ils seraient ensembles jusqu’à Sen’Tsura. La protéger n’allait donc pas être un souci. Sachant le problème réglé, il lui fit un large sourire.


- Si tu veux m’accompagner, il faudra que nous allions récupérer nos affaires à l’auberge. J’aimerais partir ce soir, parcourir la partie la plus chaude du voyage de nuit me semble une bonne idée. Pour ce qui est de la nourriture et de l’eau… nous sommes des loups, ce n’est pas un problème.

Puis il tapota se dirigea à pas lents vers le centre-ville, qui se trouvait alors dans le dos d’Iryo, et en profita pour lui caresser doucement la joue en souriant.

- Me suivre ne sera pas toujours aussi calme, tu sais ? J’espère que tu es prête à ne pas t’ennuyer une seule seconde.

Puis il se dirigea vers le quartier de l’auberge en attendant tranquillement sa compagne qui le rejoignit bientôt. Ensembles, ils arpentèrent les rues animées du port en reconstruction. Au bout d’un certain temps, l’œil de Trataïr fut attiré par l’étal d’un forgeron. Celui-ci y présentait son œuvre phare, une longue épée à deux mains de type claymore. Sa lame était découpée pour être plus large à la base pour finalement s’affiner à la même largeur qu’une lame normale. Cette « base » était décorée de motifs cabalistiques magnifiques, tout comme la garde, ornée de deux têtes de dragon. Le commandant impérial craqua complètement pour cette magnifique lame et l’acheta sans hésiter. Iryo risquerait peut-être de voir cet achat d’un mauvais œil, mais combattre avec pareille lame était, pour Trataïr, un plaisir qu’il s’octroyait.

Epée:

Base de l'épée:

Après avoir fait ses petites emplettes, lui et Iryo continuèrent leur chemin vers l’auberge. Bientôt, ils partiraient de ce port pour ne plus le revoir avant longtemps. Ils partiraient tous les deux, sans se retourner, vers Sen’Tsura la grande. Ils partiraient heureux et feraient tout pour l’être le plus longtemps possible.

La course-poursuite jusqu'au port ne dura pas longtemps, même si, beau joueur, Trataïr laissa Iryo prendre un peu d'avance avant de la rattraper et de l'enlacer au niveau de la taille, en riant de concert avec elle. Le duo était vraiment bien accordé, et l'herboriste se surprit à penser que, si elle n'avait pas été à Aeb, elle n'aurait peut-être pas trouvé chaussure à son pied.

Posant sa tête sur son épaule, Trataïr lui souffla tout en la gardant contre lui :

Tu as failli me semer.

Failli seulement ?, rétorqua-t-elle en souriant pendant qu'il déposait un baiser rapide sur sa joue avant de se redresser et de regarder le port avant de lui adresser un sourire.

Si tu veux m’accompagner, il faudra que nous allions récupérer nos affaires à l’auberge. J’aimerais partir ce soir, parcourir la partie la plus chaude du voyage de nuit me semble une bonne idée. Pour ce qui est de la nourriture et de l’eau… nous sommes des loups, ce n’est pas un problème.

Puis il fit demi-tour pour faire face au centre-ville, caressant la joue d'Iryo au passage avant de lui dire au passage :

Me suivre ne sera pas toujours aussi calme, tu sais ? J’espère que tu es prête à ne pas t’ennuyer une seule seconde.

La jeune femme lui sourit, pour lui assurer une réponse positive, avant de le suivre vers l'auberge où se trouvaient leurs affaires. En chemin, Trataïr ne put résister à l'envie de s'acheter une lame, faisant soupirer Iryo qui trouvait que c'était un peu futile d'acheter une arme, aussi belle soit-elle, puis ils arrivèrent à l'auberge.

Ils montèrent tous deux à l'étage, à la chambre, et rassemblèrent leurs affaires respectives. Tout ce qu'Iryo espérait, c'était que ses plantes allaient pouvoir sécher tranquillement et que le voyage se passe sans encombre. En même temps, elle ne craignait pas grand-chose avec Trataïr...

Une fois l'un et l'autre parés à partir, ils se rendirent tous deux au port, et Iryo se retourna une dernière fois vers le centre-ville avant de faire face à son nouvel avenir : un avenir radieux, à deux.