L'envol de la liberté :

Silencia observait un grand champ face à elle. Ses yeux sombres de corbeau se posaient sur les cultures qui s'étendaient à perte de vue. Elle fit glisser son lourd bec blanc le long de ses plumes d'ébènes. Les lissant grâce à son puissant bec. L'animorphe rêvait, cette petite pause lui offrait un petit moment afin de pouvoir laisser la liberté à son esprit de vagabonder de-ci de-là. Elle pensait à ce qu'elle pourrait bien faire de sa journée. Récolter quelques plantes médicinales, sans doutes, ses ressources commençaient à rapidement tomber à des niveaux très inquiétant pour la jeune femme.

Mais une douce brise vint caresser la somptueuse robe de plumes de notre corbeau. Arrachant, par là, un faible frémissement d'aise à la créature volante. Se retrouvant, suite à ça, sous la forme d'une grosse boule difforme de plumes ébouriffées en tout sens, elle se dit qu'il était agréable, de sentir le vent de cette façon contre son corps. Souvent, ces instants lui faisaient remonter les souvenirs de ses premiers instant sous sa forme de vol.

Silencia se trouvait, à l'époque, au beau milieu des vignes de son Père. En compagnie de sa Mère. Elle était présente afin de superviser ce qui était le dernier entraînement de la jeune femme. Aujourd'hui, la rousse devait montrer qu'elle était amplement capable de maîtriser sa forme de Corbeau afin de pouvoir l'utiliser en cas de besoin. Et, afin de le prouver, elle devrait effectuer une démonstration. Mais pas n'importe laquelle. Elle devrait le montrer, par son premier envol. Et, anxieuse devait être le plus faible des mots afin de présenter l'état dans lequel la jeune femme s'était mise toute seule. Ce n'était pas réellement le fait que sa Mère soit à ses côtés, épiant chacun de ses faits et gestes, ni aux risques liés au changeforme, qui faisait trembler la rousse. Mais le fait de devoir prendre cet envol. Quitter le nid, quitter la terre ferme. Elle qui avait toujours eu au moins un pieds sur terre, un pieds lié au sol, devait faire un saut vers l'inconnu. Cet inconnu qui faisait trembler les êtres Humains.

Une main vint se poser sur la tête de la jeune femme. Les doigts se glissant le longs des cheveux ardents qui tombaient jusqu'aux épaules de leur porteuse. Silencia ferma les yeux. Bien que ce geste soit très doux, l'animorphe comprenait que sa Mère lui donnait le signal de début de ''son examen final''. Prenant une grande bouffée d'air, les yeux toujours clos, la jeune femme se concentra sur les Freux qu'elle avait longtemps rencontré, bien avant. Elle visualisait chaque changement que devrait adopter son corps afin de devenir l'un d'eux.

Et, progressivement, chaque changement se fit sous les yeux de sa Mère. Sa peau se recouvrant de longues plumes aussi sombre qu'une nuit sans étoiles. Ses bras se recourbant afin de laisser la place à deux grandes ailes . Sa bouche et son visage débutaient une transformation. Ses yeux tournant au noir profond, dans qu'un bec venait remplacer ses lèvres écarlates. Perdant en taille rapidement, ses jambes cédèrent leur domination au détriment de deux pattes. Et, en un soupir plus tard, la jeune femme avait laissé place à un gros Freux. Un sombre corbeau qui agitait ses ailes et son cou, comme sortant d'une torpeur si longue que chaque muscles de son corps s'était ankylosé. Malgré quelques douleurs. Silencia adoptait à présent sa forme de corbeau. Mais le pire était à venir. Il lui restait à voler, maintenant …

Sa mère était derrière, elle le savait. A la regarder, à observer toujours chaque infime mouvement qu'elle pourrait bien faire. Le corbeau leva lentement la tête vers le ciel, ses yeux sombres lorgnant les nuages blancs dansant sur ce fond de ciel azuré. On lui avait souvent dit, du moins sa Mère, qu'en changeant de forme, les envies de l'animal pouvaient frôler, voir s'imposer, au changeforme en lui-même. Et, tandis qu'elle fixait le ciel, sa peur s'estompa. Sans qu'elle ne pu l'expliquer. Ce ciel l'attirait, à présent. Il le harcelait dans son esprit, elle pouvait quasi entendre le murmure de personnes invisibles. Une voix dans le chant du vent lui demandant de l'y rejoindre. Tout là haut, dans le ciel. Etendant ses ailes, la jeune femme sentit son cœur se serrer un instant, puis battre à toute allure, comme s'il cherchait à prendre la fuite de sa poitrine. L'heure était venue, l'envie omniprésente qui vivait dans son esprit, son corps et son âme, allait être récompenser, trouver satisfaction.

Donnant de puissantes impulsions, elle fit décoller ce corps qu'elle pensait trop lourd pour lui permettre cette prouesse. Et pourtant, sa nouvelle forme le lui permit sans grandes difficultés. Elle volait. Bien au dessus des vignes de son Père. Le corbeau avait le cœur et l'esprit fou. Folle d'excitation, de joie et d'envie de pouvoir découvrir à présent ce monde qui s'ouvrait à elle sous ce nouvel angle. Plus rien, à présent, ne serai jamais comme avant. Une nouvelle sensation venait de se graver dans sa peau, dans sa chair, dans ses os et dans son cœur. La liberté !

Une liberté d'un autre genre. Elle n'était plus prisonnière de ce sol. Ce sol, qui gardait jalousement de si nombreuses personnes contre lui. Un sentiment de supériorité, d'extase, gonflait en elle. A présent, la jeune femme était différente du commun des mortels. L'animorphe comprit, que ce don héréditaire, était un moyen de pouvoir arriver bien plus facilement à ses fins. Et qu'une autre personne plus lambda qu'elle, mettrait bien plus de temps à y arriver.

Se posant sur une branche, elle fixait l'horizon. Des rêves plein le crâne. Pleine d'une ambition nouvelle. Ce premier vol avait peut-être été court et épuisant. Mais, grâce à lui, elle avait découvert la véritable liberté de la vie. Le plaisir le voler, l'ivresse des hauteurs, la toute puissance qu'offrait sa position comparé à celle des autres, des mètres et des mètres sous elle.

Son test était réussit. Bientôt elle pourrait voler librement de ses ailes. Sans plus personne pour l'aider. Elle serait seule. Cet événement venait de faire naître une envie, au plus profond de l'âme de la rousse.

Celle d'être libre.

A tout jamais.