« Nous serrons le rempart face à l’atrocité. Nous serrons le mur qui protégera la paix. »
De la poussière. Encore de la poussière. Les Plaines de Misora étaient couvertes de poussières. Comme si le temps venait de se suspendre. Le Ciel en son cœur venait de se fendre. Des yeux bleus s’ouvrirent alors, dans un souffle originel. Un sursaut de vie qui anima un corps décharné. Un corps couvert de lumière et déchiré de sentiments. Un corps trop fragile qui avait longtemps luté. Ce même corps. Ton corps. Elemiah. Son souffle était saccadé. Un souffle trop court pour se relever. Le ciel bleu recouvrait son visage, comme un baiser vers l’eternel. Ses lèvres pâles tremblaient. Il était presque impossible d’entendre un son, le silence avait fait place. Un corps au milieu de rien. Tomber comme par hasard dans un monde en paix. Les plumes blanches autour de ce corps frêle ne laissaient aucun doute sur cette apparition. C’était un cadeau du ciel. Un cadeau de la lumière pour faire perpétuer l’harmonie. Elemiah bougea doucement les doigts. Plongeant ces derniers dans la terre humide. Il était tôt, peut-être même tard. L’air pénétra dans ses poumons, comme une eau viendrait tarir la soif. C’était le commencement, d’une vie. La naissance d’une poussière. Puisque nous naissons poussière, et que nous redeviendrons poussière. Ses ailes immaculées d’une blancheur presque irréelle étaient encore recroquevillées sur sa peau nue. La douceur de ses traits. Sa chevelure de jais. Elemiah caressa un long moment le sol, plantant ses ongles dans une terre réelle. Vivre. Son cœur frappait dans sa poitrine, tel un tambour de guerre. C’était ce jour. Le jour où la lumière donna la vie.
Le vent souffla de nouveau sur sa peau claire. Les odeurs virent enfin, c’était donc ça la vie. Les ailes de la Séraphines se mirent doucement à bouger. Son regard ne quittait pas le ciel. Sa mère lui avait donné la vie, comme on donne la vie à une œuvre. Calmement elle se souleva. Sentant chacun de ses muscles se mouvoir. Elle ouvrit lentement la bouche pour prendre une grande inspiration. Ce silence était si pur. Une larme roula doucement sur sa joue. Elemiah se sentit si bien, si libre, si vivante. Elle se sentait elle. Unie pour l’éternité à ce Ciel qui lui avait donné la vie.
« Si je dois mourir, alors se sera pour la paix. »
An -75 avant la fin de l’hiver Eternel-Allez, lève-toi.Elemiah ouvrit les yeux avec peine, les rayons du soleil venaient à peine de pénétrer dans sa rétine. Elle s’étira de tout son long avant de poser son regard sur Jarod. L’Ange qui l’avait accueilli. Un homme modeste qui vivait près des plaines de Misora. Leur rencontre avait été évidente, comme si le destin en avait voulu ainsi. Il n’avait pas eut pitié d’elle, il lui avait simplement offert un toit et une famille. De longues années s’étaient écoulées. Jarod était un Ange d’un certain âge, respecté dans ce petit village. Lorsqu’il avait recueillit la Séraphine, les habitants se sentirent en sécurité. Un cadeau du ciel que le ciel leur avait offert. Cette douce créature pleine de bonté, s’en donnait à cœur joie pour aider à la vie du village. Elemiah était une personne douce et attentive, très à l’écoute des besoins des autres individus. Respectée et admirée, elle était devenue en quelque sorte la gardienne de ces lieux. Elle avait apprit à chasser et mettait à profil son don naturel pour la traque. Douée et avide de savoir, Jarod lui enseigna alors tout ce qu’il savait. Comme un père le ferait pour son propre enfant. Il vivait seul et avait perdu sa femme, lors d’une escale sur terre. Il ne parlait pas de cet épisode de sa vie. Elemiah respectait son silence, et se contentait de lui donner le sourire. Elle était emplit d’un amour certain, elle sentait déjà cette fibre protectrice affluer dans tout son corps.
Les temps étaient paisibles à ciel et sur terre les alliances se faisaient. Les êtres du dessous avaient toujours cette fâcheuse manie de vouloir conquérir la terre de ses voisins. Elle n’avait jamais comprit le but de ses guerres de sang et était bien heureuse de ne pas y prendre part. Les démons des limbes avaient cessés de venir troubler la tranquillité de ces lieux depuis des années. La mission des Séraphins étaient pour le moment assez calme. Elemiah n’avait pas voulu rejoindre la capitale pour se joindre à l’armée de Ciel. Jugeant alors que la paix était bien ancrée et qu’elle n’avait aucune raison de quitter cette vie. Elle ne voulait pas s’entrainer à manier les armes, pensant que les armes appellent les armes. C’était un choix. Jarod était heureux de l’avoir à ses cotés.
-Pourquoi si tôt ?-Nous allons faire un long voyage.An -55 avant la fin de l’hiver EternelElemiah était revenue sur terre. Jarod l’avait amené une fois pour lui montrer ce qui se passait en bas. Pour voir l’immensité de la mer. Les différentes coutumes, qui n’étaient pas si différentes des leurs. Cependant elle avait été fascinée par cette gigantesque fourmilière. Les nombres de peuples qui s’entrechoquaient pour des parcelles de terre. Les Séraphins ne venaient pas beaucoup sur terre et l’effet qu’elle produisait dans quelque royaume était assez impressionnant. Le peuple de Ciel n’était en guerre avec aucune civilisation. Elemiah aimait cette vie. Ces personnages toujours différents les uns des autres, comme des personnages dans une pièce de théâtre. Elle voulait toujours apprendre, comprendre comment ils vivaient. Savoir comment ces hommes et femmes voyaient le monde. Elle aimait flâner dans les ruelles, écouter les conversations. Elle avait pu voyager en bateau, apprendre à nager. Une sensation différente de celle de voler. Gouter à différents plats et apprendre les méfaits de l’alcool. Ca faisait presque deux ans qu’elle voyageait. Avare de nouvelles rencontres et de nouvelles découvertes, tout l’émerveillée.
Son chemin s’était arrêté dans la ville de Sen’Tsura. Elle était entrée dans une auberge pour la nuit. Au comptoir était alors adossé un homme. Il était plus grand qu’elle et vu dans l’état qu’il était, son degré d’alcool devait être assez fort. Elemiah s’installa alors à coté de lui et commanda un verre. L’homme avait une tête renfrognée et loin d’être des plus aimable. Pourtant elle lui adressa un sourire. Il riposta en frappant avec force sur le comptoir en bois.
-Y’avait un moment que j’avais pas vu un pigeon de cette taille.Elemiah pencha alors sa tête sur le coté. Les hommes qui buvaient été des plus désagréables, elle avait pu en avoir la preuve à plusieurs reprises. Son sourire ne quitta pas son visage pour autant.
-Je suis Elemiah, Seraphin du peuple Ciel.Elle lui tendit alors la main, amicalement. L’homme posa alors sa main sur la garde de son épée. La femme fronça les sourcils, mais ne baissa pas la main pour autant. Elle ne portait qu’une dague et face à l’épée de l’homme, elle ne lui aurait été d’aucune utilité. Le barbare hoqueta avant de se détendre et de prendre sa main.
-Thereus De Vein, ancien Général.Elemiah fut alors intriguée par la présentation de ce dernier.
-Ancien ?-Oui madame. Il faut croire que l’on ne veut pas d’un homme qui ne désire pas torturer les prisonniers par pur plaisir.-Torture ? Plaisir ? Qui ferait donc ça ?Thereus éclata de rire face à la mine sérieuse de l’être de lumière.
-Par tout les Dieux, le peuple de Ciel est parfois d’une naïveté… Ma petite dame, ici, comme partout, les hommes sont avides de pouvoirs. Vous ne devez pas être là depuis bien longtemps pour voir qui nous sommes vraiment. Nous vivons de sang et de richesses, c’est ça notre créneau.-Je trouve ça vil et cruel.-Vous êtes pas la seule. Mais dites moi, qu’est-ce qu’une belle colombe comme vous fait dans notre capitale ?-Je m’instruis et je voyage.-Oh… Et vous croyez apprendre beaucoup de choses dans une taverne pleine d’ivrognes ? Ecoutez, les lieux ne sont pas surs, et je suis même convaincu que n’importe quel bandit serait prêt à vous couper les ailes pour les vendre au marché noir. -Je… -Ne rajoutez rien. Je n’habite pas loin, si vous me permettez, j’aimerai vous offrir un verre. Chez moi, loin de tout ce brouhaha. An -50 début de l’hiver EternelLa terre se mit à trembler. Aussi fort qu’aucun des peuples ne s’en souviennent. Les éléments se déchainèrent sur l’ensemble des territoires. Les volcans s’embrasèrent. Les cendres recouvrirent même les océans. Le Ciel s’enflamma à son tour, causant la fin de l’harmonie au sein de ce royaume. La panique envahit rapidement l’ensemble de Terra Mystica, obligeant toutes les nations à se venir en aide. Les pleurs et les cris raisonnèrent pendant un long moment. La peur était bien là. Personne n’aurait cru en un tel déluge. Certain pensait même que la fin du monde était proche. Des vagues de vandalisme sur les provisions furent rapidement le problème de plusieurs royaumes. La plupart des souverains furent renversés. Les alliances se brisèrent et les pactes de guerres aussi, créant alors une unité unique et une entraide entre tous. La clarté du soleil disparu peu à peu devant l’impuissance des êtres. Le froid s’installa alors très vite. Causa la mort de nombreuses végétations, le bétail suivit de près cette acharnement de la nature. Les peuples tentaient de survivre, s’apportant à chacun une aide précieuse. La folie et le désespoir était le maitre mot de cette période. Beaucoup moururent de faim et de froid. Les nouveaux nés et les personnes d’un certain âge, furent les premiers à être poignardé par ce fléau. Les survivants étaient au fil des jours de plus en plus faibles. Les souverains n’avaient pas de solutions, il fallait attendre la fin de cet hiver interminable. Les fosses se remplirent à vu d’œil et le cannibalisme fut rapidement de mise. Les êtres recouvrent leur état sauvage. Primitif et l’instinct de survie devenait le maitre mot.
Elemiah était retournée sur Ciel après la mort de Thereus, qui n’avait pas tenu plus d’un an dans le grand froid. Une pneumonie l’avait emporté et il avait aussi prit le cœur de la séraphine dans sa mort. Elle était revenue auprès de Jarod et après avoir longuement réfléchit, c’était engagée dans la garde de Ciel. Approvisionnant au mieux les plus démunis, faisant passer ses besoins après ceux des autres. Presque tout le peuple de Ciel était venu à la capitale. Elemiah ne savait pas combien de temps l’hiver allait durer, mais le nombre de corps qu’elle ramassait chaque jour semblait sans fin. Le cri des femmes qui perdent leur enfant, les pleurs, la souffrance, le mal était bien ici. Pourtant chaque jour elle priait, espérant que la fin soit proche. Que les Dieux les entendent pour les gracier de leurs péchés. L’hiver Eternel plongea tout Terra dans une profonde agonie. Les espoirs semblaient tous réduis à néant. Les Séraphins s’efforçaient de purifier l’air, cependant plusieurs y laissèrent la vie. L’existence de chacun était précieuse. Ils se battaient tous contre une force invisible qui les dépassaient tous. Pourtant il fallait y croire, Elemiah y croyait. Malgré la peine qu’elle avait après la mort de Thereus. Il fallait qu’elle garde la tête haute. La fin arriverait…
An 0-Fin de l’hiver EternelJamais on n’avait vu autant de joie lorsque le soleil refit surface. La température augmenta alors presque instantanément. L’hiver avait duré cinquante longues années. Les pertes étaient considérables, mais les sourires revinrent. La chaleur du soleil réchauffa tous les cœurs. De grandes fêtes se préparèrent alors pour cette fin si attendue. Tous les peuples se réunirent dans un soulèvement de bonheur. Ils avaient souffert ensemble et ils se retrouvaient enfin. L’harmonie était bien présente entre tous les cœurs. Les différences avaient été effacées par cette vague de grand froid. Chacun pansait avec difficulté les êtres perdus. Les fêtes pour célébrer la fin de cet hiver furent gigantesques, jamais on avait vu de pareilles fêtes sur Terra.
Elemiah n’avait pas prit part à ces nombreuses fêtes. Elle retourna sur la tombe de Thereus. Son chagrin était si grand, qu’on raconte qu’elle venait tous les jours se recueillir près de lui. Il était mort dans ses bras. D’une maladie qu’elle aurait voulu soigner, d’une maladie qui avait brisé son cœur. Il lui avait apprit tant de choses. Toutes les souffrances qu’elle avait vu pendant ces dernières années l’avaient endurcit au point de ne plus vouloir sourire. Son cœur s’était recroquevillé au fond d’elle-même, elle s’était alors jurée de ne plus laisser mourir un seul être qu’elle pourrait sauver. Elemiah semblait perdue, entre ses obligations et ses émotions. Le peuple de Ciel devint son unique raison de vivre. Pourtant elle passait le plus clair de son temps à voguer dans les tavernes et autres lieux, cherchant à retrouver cet homme au comptoir. Cherchant je ne sais quelle raison pour se sentir de nouveau vivante. Ses nuits étaient pleines de rêves étranges. Les cris raisonnaient encore dans son âme. Les corps semblaient la recouvrir de toutes parts. Son esprit se détraqua au fur et à mesure des jours. L’air qu’elle respirait semblait soudain l’asphyxier. Les peuples recouvrirent peu à peu leur dynamise, oubliant parfois la dure épreuve qu’ils venaient de traverser. Les rires remplacèrent les pleurs, pourtant l’essence même de la vie avait changé. Elemiah le sentait, dans ces rues qu’elle avait traversées. Se n’est que quelques années plus tard qu’elle rencontra une femme, soit disant médecin, qui apaisa sa souffrance.
Elemiah entra alors dans une petite boutique, elle était tombée dans la ville de Volcania par hasard. Elle cherchait quelque chose pour ses rêves, quelque chose qui lui permette de dormir. Elle regarda alors les différentes fioles posées sur les étagères.
-Je peux vous aider ?Une petite femme à la peau terne avait surgit de l’arrière boutique et s’avança vers la Séraphine.
-Bonjour, j’ai depuis la fin de l’Hiver Eternel du mal à dormir et…-N’en dites pas plus, j’ai beaucoup de personne qui viennent pour la même chose que vous.La femme se retourna et attrapa un sachet marron.
-Vous avez déjà de quoi vous en servir ?Elemiah sembla vouloir dire quelque chose mais la femme continua.
- Votre première fois pas vraie ? Je vous offre la pipe, mais le pavot blanc est très demandé. -Si ça peut m’aider à dormir, je vous les prends.-Bien, mais si c’est la première fois, je vous conseille d’y aller doucement et ne vous étonnez pas si vous avez des vomissements lors de la première prise.An 10-Après l’Hiver EternelElemiah se réveilla en sueur, sa gorge était sèche. La nuit encore bien présente. Ses cheveux noirs lui collaient la peau. Ses membres semblaient comme paralysés. Encore un rêve, un cauchemar plutôt. La Séraphine tremblait de tout son corps. Elle avait froid. Elle avait chaud. Son souffle était court, elle haletait comme un animal à l’agonie. Pour dormir les fleurs de pavots l’apaisaient, mais ces derniers temps elles lui causaient des terreurs nocturnes. Le choc post traumatique ne disparaissait pas. Il était toujours en elle, comme un monstre grandissant. Il la dévorait de l’intérieur, la consumait de jour en jour. D’heure en heure. Ses draps étaient humides. Elle les laissa tomber au sol.
Depuis qu’elle était revenue à Ciel, elle avait élu domicile dans une auberge à Sylfiria. Elle ne voulait pas retourner chez Jarod, elle ne souhaitait pas qu’il la trouve dans cet état. Dépendante et dépravée par une drogue qui la dépassait à chaque instant. Son apprentissage pour faire partit de la Garde de Ciel lui prenait tout son temps. Elle n’était pas la meilleure, mais elle n’était pas la plus à plaindre. Elemiah ne s’appliquait pas, ne souhaitant pas exceller. La seule chose qui la maintenait en vie se trouvait dans le creux d’une pipe en bois. Elle se leva, le corps toujours dans une transe qui n’était pas la sienne. Qui était maintenant la sienne. Elle attrapa lentement la pipe. La bougie sur la table était toujours allumée. Elle ne pouvait pas dormir sans. Le noir la terrifiait. Le noir était sa crainte. Elle porta la pipe à sa bouche. Comment on peut tomber aussi bas ? Comment pouvait-elle tomber aussi bas ? Puis avant qu’elle ait le temps de l’allumer, la porte s’ouvrit. Laissant entrer une petite fille. La fille de l’aubergiste, Kyra. Elemiah l’observa pénétrer dans la pièce. Elle avait à peine trois ans. La Séraphine l’avait vu grandir, elle faisait presque partit de cette auberge. Payant pourtant chaque nuit qu’elle passait ici. Kyra avait souvent l’habitude de venir la journée dans la chambre de cette dernière, jamais la nuit. Elemiah la laissa s’avancer jusqu’à elle. Sans rien dire. La petite fille bailla, les yeux encore gonflés par le sommeil.
-Tu dors pas ?Elemiah posa alors la pipe sur la table. Presque dix ans qu’elle se droguait. Presque dix ans qu’elle tenait encore debout, par la volonté de protéger les siens. La Séraphine posa alors un regard doux sur l’enfant, comme si le manque venait de s’envoler dans les yeux de l’innocence.
-Je n’y arrive pas.-Pourquoi ?Elemiah prit une grande inspiration en tendant les mains à Kyra qui vint se blottir contre elle.
-Parce que je fais de mauvais rêves.Kyra posa sa tête contre le torse humide d’Elemiah.
-T’es peut-être malade, maman quand je suis malade elle me chante une chanson, pour que je dorme.Kyra leva alors ses yeux vers Elemiah.
-Tu veux que je te la chante ?Elemiah la porta alors dans son lit et s’installa près d’elle. De légers parcouraient son corps, mais elle serra les poings. Son front était en sueur. Il fallait qu’elle résiste. Qu’elle soit plus forte. Qu’elle redevienne cette femme fière. Pour l’avenir de Ciel, pour que les enfants continuent à chanter.
-Je t’écoute…An 35-Après l’Hiver Eternel-Espèce de…Elemiah n’eut pas le temps de répliquer que Nargueil lui envoya un nouveau coup de poing. Le coup fut si fort qu’elle tomba face contre terre. Elle cracha un filet de sang à terre. La douleur lui monta rapidement à la tête. Cet homme n’avait pas la lumière à tous les étages. En tout cas c’est ce qu’elle pensait. Le petit groupe d’entrainement formait un cercle autour des deux individus. Personne n’osa réagir au coup du Maitre d’Arme. Elemiah poussa un petit gémissement pour se mettre sur le dos. Alors que Nargueil lui envoya un autre coup de pied dans les côtes. La Séraphine serra les dents. Elle le détestait. A cet instant précis, elle le détestait. Nargueil tournait autour d’elle, tel un vautour désirant déchiqueter sa carcasse.
-Lève-toi.Elemiah suffoquait presque. Il aurait pu avoir pitié de son soldat, mais il ne fit rien. Il devait les entrainer, les Séraphins étaient des êtres faits pour la guerre. Ils devaient être forts, assez forts pour repousser les ténèbres. Nargueil cria de plus belle.
-Lève-toi, soldat !Elemiah se redressa aussi bien que possible sur ses coudes. Il fallait qu’elle se mette sur ses deux jambes. Le combat durait depuis une éternité pour elle. Nargueil était un guerrier redoutable et quand il avait décidé de donner une leçon à quelqu’un, il s’en donnait à cœur joie. Avant qu’elle n’ait pu se lever, il lui envoya un nouveau coup dans le ventre. Il allait trop loin, pourtant il savait ce qu’il faisait.
-Trop lente. Lève-toi.Elemiah cracha de nouveau un filet de sang au pied de Nargueil. Elle ne pouvait pas riposter. Le Général se pencha alors vers elle et l’attrapa par les cheveux pour planter le bleu de ses yeux dans les siens. Sa voix était claire et cassante.
- Ecoute-moi attentivement. Tu es lente, trop lente. Tu n’arrives pas à prévoir un seul de mes coups, pourtant je t’ai laissé de nombreuses occasions de m’atteindre. Les démons que tu rencontreras ne t’en laisseront pas. Il tira un peu plus sur ses cheveux de jais.
-Tu crois peut-être que tu as besoin de quelque chose pour te maintenir en vie. Je le vois dans tes yeux, ils ont une teinte que je connais. Je ne veux pas qu’un soldat soit sous l’emprise de quoi que se soit dans mes rangs. Nargueil serra les dents.
-Alors je te laisse le choix, de te battre pour Ciel ou de mener ton propre combat. Mais je ne te laisserai pas faire les deux, si c’est pour mettre en péril la vie des nôtres. Il attendait une réponse. Elemiah savait qu’il avait apprit pour sa prise de drogue et il était intransigeant. D’où cette correction exemplaire. Elle devait se battre pour Ciel, elle le savait depuis toujours. La Séraphine serra alors les dents pour réciter la devise de Ciel. Son unique voix.
-Ciel est fort, Ciel est puissant, Ciel est libre.An 75-Après l’Hiver Eternel-Tu as fait beaucoup de progrès, je suis fier de toi.Nargueil posa sa lance. Elemiah souffla une dernière fois avant de poser à son tour la longue épée. Elle secoua rapidement son bras légèrement endoloris. Depuis ces dernières années elle c’était entrainée. Elle passait des journées entières à se perfectionner, la garde du Ciel était devenue sa nouvelle famille. Il faisait bon vivre dans la capitale, chacun avait son rôle à jouer. Elle n’allait plus voir Thereus, et ne donnait que très peu de nouvelle à Jarod. Elle se concentrait dès lors à sa future nomination en tant que Générale. Nargueil avait fait son temps et c’était elle qu’il avait désigné pour lui succéder. Il voyait en elle un cœur brave, un cœur fort et certain. Elemiah était, selon lui, la plus apte à prendre le commandement des troupes. Même s’il la trouvait solitaire et parfois même abrupt, elle ne doutait pas de ses capacités morales et intellectuelles. La droiture était devenue le maitre mot de sa vie et Elemiah voyait devant elle un avenir glorieux. Elle se sentait à sa place. Les Séraphins n’avaient pas vraiment besoin de quelqu’un pour les diriger, mais plutôt d’un meneur qui puisse prendre les décisions justes. Elle était devenue très forte dans le maniement des armes, Nargueil savait qu’il pouvait se reposer en paix. Les Séraphins ne prennent pas vraiment de retraite, mais s’ils le souhaitent ils peuvent laisser la place à de nouveaux venus. Elemiah posa alors sa main sur l’épaule de Nargueil.
-Et toi tu te ramollis, vieux chêne.L’homme éclata de rire.
-Le vieux chêne n’a pas encore prit racine jeune femme.-Si ça arrive, je viendrai t’arroser.Nargueil et Elemiah se regardèrent. Une complicité sans faille. Il avait été son maitre d’arme et son général pendant près d’un siècle. Il avait vécu les mêmes atrocités et il en était ressortit plus fort. Sa renommée était connue dans tout Ciel. Il était un homme des plus respectés. Lorsqu’il avait connu Elemiah, le courant était passé. Ils se sentaient plus proche que n’importe quel Séraphin. Elle avait eut deux pères spirituels. Narguiel et Jarod. Deux pères qu’elle avait aimés. C’était Nargueil qui lui avait permit de se relever. Il lui avait fait lever la tête, aujourd’hui c’était une Séraphine fière, prête à combattre n’importe quelle menace. Elle avait surpassé ses camarades de combats et semblait enfin prête à endosser plus de responsabilités. C’était son unique voie et sa seule mission. Nargueil l’a prit dans ses bras et lui murmura doucement à l’oreille.
-Ciel est fort, ciel est puissant, ciel est libre. Tu es venue au monde grâce à notre mère pour jouer un rôle. Ton rôle sera à jamais graver dans l’histoire.An 80-Après l’Hiver EternelLe soleil était à son zénith. Le temps était doux. C’était une matinée qui pouvait semblait des plus ordinaire. Un matin comme on en voit plus de nos jours. Les habitants de Ciel voguaient à leurs occupations. Le chant des oiseaux avaient depuis longtemps effacé l’éternité d’un hiver passé. Les enfants riaient. La paix était revenue. Les peuples se relevaient de cette tragédie, ils recommençaient leur course pour le pouvoir.
A Sylfiria prônait une beauté majestueuse, un édifice gigantesque qui venait braver les étoiles. Un joyau du ciel, une prouesse sortant de nulle part. Tel un rêve, inaccessible. Un monument qui rappelait à tous la grandeur de Ciel, un monument que tout grand architecte jalouserait. Il était le cœur de la ville, sa plus grande fierté. Plus pur que le soleil et plus voluptueux que les nuages. Il était le lieu des grands de ce peuple, le souffle de vie, le Palais Etoilé. Ce jour n’était pas un jour comme les autres. Surtout pour l’avenir de Ciel. Il était question de sa protection. De sa préservation. Chaque membre vivant à Ciel était enflammé de cet amour, celui de vivre libre et en paix. Le Palais Etoilé semblait sortir de nulle part, certain même s’attardait à dire qu’il était le cadeau d’un Dieu.
Elemiah inspira grandement avant de pousser la porte. Derrière, il était question de son destin. Pour cette occasion elle avait revêtu son habit militaire. Une fine armure en acier. Pas trop lourde, mais assez solide pour braver de nombreux coups. Lorsqu’elle pénétra dans la salle du conseil, tous les regards se tournèrent vers elle. La Séraphine s’arrêta alors pour observer cette poignée d’hommes en face. Ils étaient assis autour d’une table ronde. Une dizaine d’homme puissant, qui faisaient les règles à Ciel. Ils étaient les souverains. Elemiah s’inclina sobrement. Son visage était fermé, mais son cœur battait à un rythme effréné. Il était rare qu’une femme soit convoqué en ce lieu, simplement parce que la guerre appartenait aux hommes ? Cette question était loin d’être résolue, mais les choses pouvaient changer. Elle espérait que ça change. Nargueil n’avait pas eut l’honneur d’être convié à cette passation, et la Séraphine se sentait un peu perdue. Elle ne savait pas si elle devait dire quelque chose. L’ensemble des Séraphins s’était réunit avec cette oligarchie avant son entretient, l’avis des autres membres de la Garde de Ciel était primordiale. A Ciel chacun avait le droit à la parole. Elemiah avala de nouveau sa salive, tout se jouer maintenant. L’homme le plus au centre se leva alors, en prenant la parole pour tous.
-Elemiah, Séraphine de la Garde de Ciel, je te prie de mettre un genou à terre.Cette dernière ne se fit pas prier et posa un genou à terre, tout en levant la tête pour observer l’homme qui venait de lui adresser la parole. Ce dernier s’approcha d’elle et posa sa main contre son front, le contact était un symbole. Elle ferma les yeux pour sentir la chaleur de cette paume.
-Elemiah. Voilà bien des années que tu sers le peuple de Ciel. Tu as fait preuve de bravoure durant l’Hiver Eternel. Tes frères d’armes ont confiance en toi…
L’homme ferma à son tour les yeux. Le silence. La Séraphine eut un frisson.
-Elemiah, le peuple de Ciel à désormais confiance en toi. C’est pourquoi au nom de Lauviah, au nom de la liberté, au nom de notre sécurité, au nom de Ciel, nous te nommons Officier dans la Garde de Ciel. Puisse tes décisions être justes, et ton cœur aussi clément que le sera ton âme.Elemiah ouvrit alors les yeux, l’homme l’aida à se lever. Ils levèrent alors tous le poing vers le ciel. Leurs voix s’élevèrent en cœur.
-Ciel est fort, Ciel est puissant, Ciel est libre ! An 103-23 de Raël-Qu’avons nous constaté?-Une puissance semblant venir des ténèbres se rapproche des plaines de Misora.Elemiah observa la carte placée au centre de la table. Son air été des plus sérieux. Voilà bien des années qu’une telle puissance ne s’était pas manifestée.
-Combien de temps ?-Deux jours dans le meilleur des cas.Elle passa alors ses mains sur le parchemin. Elle connaissait bien ces plaines. Elle y avait vécu pendant tant d’années. Son cœur était paisible. Il fallait qu’ils exterminent ce nouveau mal. Aucune peur n’envahit son âme, juste des calculs. Une stratégie à mettre en place.
-Je veux une évacuation de la population civile à cet endroit. Il nous faut un maximum de troupes sur le coté Est de la zone en question, postez cinquante unité sur le coté Ouest. Il faut le prendre en tenaille. Les troupes l’encercleront rapidement s’il tente de prendre le Nord ou le Sud. Elemiah observa alors les commandants autour de la table.
-Notre but final n’est pas de gagner, mais d’exterminer cette puissance. Nous ne devons pas le laisser fuir.-Devons-nous demander de l’aide aux autres peuples ?-Ce sera trop long. Nous partons dès ce soir.La suite de la bataille, tout le monde la connait. La victoire était écrasante. Très peu de pertes pour Ciel, qui se battit comme jamais. Protégeant son royaume avec férocité et détermination. La puissance avait grandement sous estimé l’unité des membres de Ciel. Cependant les troupes de Ciel ne purent anéantir ce nouveau mal. Elemiah sentait alors que cette bataille n’était que la première d’une longue série. Elle missionna plusieurs Anges pour querir de l’aide des autres peuples. Ils auraient besoin d’aide rapidement. Il fallait envoyer le plus de troupes possible en un temps record, la mission paraissait impossible, mais il fallait essayer. Elemiah priait pour que cette puissance se contente de cette défaite et ne revienne pas. Mais les ténèbres ont autant d’acharnement que la lumière, ils apprennent de leurs erreurs et reviennent toujours.
Fin de l’An 103-Nargueil!Le corps frappa le sol, les plumes volèrent autour de son armure. Elemiah avait crié aussi fort que son corps le pouvait. Il n’aurait pas du être là. Ses yeux bleus observèrent un long moment le ciel. Un sourire. Celui de la délivrance. La lame du démon s’enfonça alors dans la gorge de Narguiel dans un craquement macabre. Elemiah donna un dernier coup d’épée avant de courir. Il était trop tard. Elle était trop loin. De rage elle empala de toutes ses forces le démon qui ne pu riposter. La Séraphine tomba à genoux en soulevant la tête de son mentor. Des larmes salées coulèrent sur son visage. Un nouveau coup de poing dans son âme. Ciel était en train de perdre. Ils ne pouvaient plu se battre. Le mal était dans la cité. Cette force prenait le cœur même de la paix. Les corps jonchaient le sol, comme des pierres prêtes à trouver le repos. Elle serra le visage de Nargueil en serrant les dents. Le temps venait de s’arrêter. Elemiah lui ferma les yeux en tremblant, puis posa son front contre son front et murmura en sanglotant.
-Ciel est fort, ciel est puissant, ciel est libre…Elemiah leva alors les yeux au ciel.
-Ne nous abandonne pas ! Ne nous abandonne pas !Son cri raisonna sur le champ de bataille, avant qu’on ne lui assène un coup sur le crâne qui la fit tomber, inconsciente.
An 113-De nos joursElemiah se recroquevilla sur elle-même. Il faisait froid. Tellement froid. Ses yeux étaient encore clos. Son corps presque entièrement décharné. C’était la fin. La fin de Ciel. Personne n’était venu les aider. Elle revoyait encore les images de cette unique bataille. Les corps qui venaient encore s’écraser contre le sol. Ses âmes qu’elle avait juré de protéger. C’était un supplice. Ses ailes avaient une couleur noirâtre. Ca faisait des années qu’elle haïssait le monde dans cette cellule. Sans contact avec l’extérieur, elle avait refusé de se soumettre à l’autorité d’Aile Ténébreuse. Elle ne savait pas vraiment pourquoi il la gardait captive, mais le temps semblait interminable. Elemiah ne voyait pas la lumière du jour et son corps squelettique était nourrit juste pour qu’elle puisse survivre. Ses nuits étaient faites de cauchemars, elle appelait sa mère, comme une louve cherche ses petits. Qu’était devenu le reste des Séraphins, elle était bien trop faible pour communiquer avec eux. Condamnée à se souvenir sans pouvoir se débattre. Elle était prisonnière de ses propres peurs. Lorsqu’on l’avait amené ici, elle pensait mourir, elle pensait abandonner. Mais un espoir était encore là. Elle ne savait pas vraiment où, mais dans son cœurs subsistait encore un espoir.
La porte s’ouvrit enfin dans un bruit fracassant. Un démon s’avança alors vers elle et l’attrapa par le bras. Elemiah se laissa faire. Ne sachant pas vraiment ce qui se passait. Elle ne pouvait pas lutter vu son état physique mais osa poser une question.
-Qu’est-ce que vous allez faire de moi ?Le démon l’entraina alors dehors dans le long couloir.
-Nous avons besoin des cellules. -Vous allez me tuer ?-Tu as plus de valeur vivante, malheureusement. Elemiah marchait avec peine et poussa un soupir.
-Alors, vous allez faire quoi ?-On va te vendre. ****