Très chère Calliste,



J’espère que cette lettre est arrivée jusqu’entre tes mains sans encombre. La première et dernière fois que nous nous sommes vus, ce fut sans plaisir — aucun — que j’avais quitté la capitale. Lors des rares instants de calme et de tranquillité dont je profite, je gardais quelques pensées pour toi. Le continent n’est pas un lieu où il fait bon vivre et c’est malgré moi que je m’inquiète à ton sujet. Bien des menaces se profilent à l’horizon et j’ai peur que les prochaines années soient les plus sombres que nous ayons connues.

J’aimerais porter avec moi des paroles rassurantes, te dire que tout ira bien dans le meilleur des mondes, mais j’ai horreur du mensonge, aussi je t’en conjure, fais très attention à toi. La mort rôde — pour les chanceux —, les autres connaissent quelques sorts pires encore. Les corbeaux volent bas et si l’empire était autrefois la menace pour les habitants de Sen'tsura, bien d’autres maux sont à craindre à présent. La guerre arrive.

C’est aussi pour cela que je me permets cette missive. Sache avant que j’énonce quoi que ce soit, que tu te dois de refuser cette demande si elle t’incommode de quelques manières. Tu ne me dois rien et aucune obligation ne pèse sur tes épaules. Relis ces lignes et réfléchis-y. M’aider d’une quelconque manière te rendra toi aussi coupable de piraterie ; c’est un métier dangereux. Si tu refuses, ne va pas plus loin. Brûle cette lettre et sors cette histoire de ton esprit. Il n’y a aucun mal à cela.

Si tu es arrivé jusqu’ici, c’est que tu as fait un choix. Je ne peux te dire que tu as fait le « bon » choix, mais sache que pour cela, je t’en serais infiniment redevable. J’ai besoin d’information. J’ai eu l’occasion par le passé de me balader entre les rayons de la bibliothèque de la capitale impériale. Une source de savoir incroyable se trouve entre chaque couverture et j’ai besoin de celles-ci pour ce qui se prépare. Nous avions eu l’occasion d’échanger à ce propos et je me souviens d’une certaine passion pour la lecture chez toi. J’ai besoin de tout ce que l’on peut trouver sur les technologies militaire, maritime entre autres.

Encore une fois, il est encore temps de refuser. Tu n’as pas la moindre raison d’accéder à cette requête et je comprendrais parfaitement que tu refuses. Dans le cas contraire, fais très attention à toi, ta vie m’importe plus que ces informations.

Que ces tendres pensées te parviennent,

Feygor Statch.

Mon cher ami,

C'est avec une immense surprise mais une joie que je peine à dissimuler que j’accueille votre missive inespérée, depuis tout ce temps je ne l'attendais plus à dire vrai. Même si c'est par nécessité ces quelques écrits me laissent à penser que vous vous portez bien et c'est ce qui m'importe à cet instant. Quel soulagement après tout ce temps à m'inquiéter pour vous, à attendre de vos nouvelles, dire que je gardais espoir serait mentir, non pas que je vous pensez en difficulté mais plutôt que je vous indifférez au plus haut point.

Les murmures qui arrivent jusqu’à mes oreilles ne sont pas de bon augures, ce bourdonnement intempestif que je m'efforce d'ignorer, cette ambiance électrique ne sont donc pas dues au hasard. Ce n'est pas que je ne vois rien , mais je ne veux pas y croire parce que je jouis de cette liberté depuis trop peu de temps et que je ne peux me résoudre à tout perdre si rapidement. La vie, cette ironie qui te donne avant de faire se craqueler et s'effriter le sol sous ton poids. Mais cette lettre empreinte d'angoisse est là pour me mettre face aux réalités que je rangeais soigneusement dans un coin de ma tête.

Je pense que si la gravité de la situation vous a obligé à revenir vers la petite aubergiste que je suis c'est qu'il y a un réel besoin et je ne suis pas âme à repousser une main tendue. Surtout pas lorsqu'il s'agit de mon seul et unique ami. Il y a ces gens qui laissent une emprunte indélébile dans votre esprit et qu'il serait mal venu d'abandonner à leurs propres sort. Je choisis de vous apporter mon aide de mon plein gré, malgré tout ce que cela implique, parce que c'est vous.

J'ai vaguement entendu parler de cette bibliothèque et ce n'est pas l'envie qui m'a manqué d'aller y faire un petit tour, mais je n'avais jamais pris le temps de m'y intéresser plus que cela, un comble me direz vous pour une dévoreuse de livre. Plusieurs questions m’assaillent l'esprit mais je vais tenter de rester concise. Croyez vous que des écrits d'une telles importances soient laissés à la portée de tous ? Lorsque vous me parlez de technologies militaires, vous cantonnez vous à la mécanique de base ou faudrait-il que je me renseigne sur quelques procédés magiques ? Si vous avez quelques idées plus précises n'hésitez pas à me le faire savoir, pour ma part je commence mes recherches dès aujourd'hui et vous enverrez une missive dès que j'ai plus d'informations.

Bien à vous,

Calliste Mandra.

Ma tendre amie,


C’est avec un soulagement que j’ai bien du mal à dissimuler que j’ai reçu ta réponse. Je me suis longtemps soucié pour toi, mais je savais aussi que t’envoyer une lettre ne pouvait améliorer ta situation, quelle qu’elle soit. Tu le savais autant que moi, j’aurais préféré ne jamais avoir à te rappeler mon existence, mais à quoi bon après tout. Je me demande même si tu ne serais pas plus en sécurité de l’autre côté d’Abyssaï en t’affichant au préalable comme ennemi de l’empire. Ce n’est cependant pas le sujet.

Je vais tâcher d’être précis et concis. Je n’ai malheureusement pas la moindre idée du fonctionnement de la bibliothèque, je sais toutefois que si il y a des informations viables et fiables, c’est en ces lieux qu’ils se trouvent. C’est en effet vers des principes magiques et alchimiques auxquels je pensais. Sans doute est-ce par là que se trouve l’avenir et c’est donc dans cette direction qu’il faut aller.