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 Anna Grímsdóttir Myrkrähe

 
Anna Grímsdóttir Myrkrähe Sand-g10Lun 12 Jan - 3:17
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Anna Grímsdóttir Myrkrähe

" La Bataille est la seule grande Rédemptrice ! C'est le creuset sanglant au sein duquel les véritables Héros sont forgés ! Le seul endroit où tous, nous partageons réellement le même rang ! Il y en a parmi vous qui me jugent indigne ... qui me traitent de traînée incestueuse, de fille de putain ... Bien, alors suivez-moi au combat ! Prouvez votre valeur ! J'attends de chacun de vous qu'il fasse au moins l'équivalent de la chatte qui les emmène ! Si l'un d'entre vous tombe, la chatte le vengera ! Si il recule, elle le tuera ! Et la chatte attends la même chose de chacun d'entre vous, car il en est ainsi des véritables guerriers de Cardrak ! A Cardrak, nous combattons ! Pour Cardrak, nous mourrons ! "

- Anna la Hardie, juste avant de mener sa première charge en tant que générale de Saline.

" L'ennemi est bien entrainé, il est bien équipé, il a vu de nombreuses batailles et il croit qu'il a ses dieux de son côté ... Fort bien ! Laissez-le penser comme il veut : nous avons des canons du nôtre ! "

- Anna Myrkrähe, avant de briser le blocus..

" Depuis que les gens de Cardrak doivent combattre aux côtés des autres nations de Glace, ils semblent avoir adopté une philosophie simple : si il y a au front quelque chose d'effrayant, alors il faut mettre derrière celui-ci quelque chose de plus effrayant encore. "

- Un lettré Selian commentant les stratégies Cardrakiennes.

Vive - Extrêmement intelligente et cultivée - Ambitieuse - Calculatrice - Impitoyable - Belliciste - Acide - Farouche - Rogue - Fière - Raciste


Informations

Surnom : La Hardie, (Pour le plus respectueux, mais on la nomme aussi La Chatte des Mers ou encore La Jarl de Bois-Flotté. Elle est connue chez les pirates sous le sobriquet de "Anna la Blanche", en raison de sa chevelure.)
Age : Trente-deux ans
Nationalité : Cardrakienne, avant tout.
Profession : Générale de Saline
Camp : Glaces
Croyance : Azuria Mira, déesse des mers et des océans
Titre de noblesse : Aucun, mais n'hésite pas à se nommer Jarl des navires sous ses ordres, sarcastiquement.
Race
Humaine, atteinte d'une condition que l'on pourrait nommer "génétique" (Cf. Capacité, autres).

Caractère


Etre une femme dans un monde d'hommes est dur, et cette épineuse condition a prélevé plus que son dû sur la générale de Saline. A force d'être continuellement raillée, rabaissée et martyrisée au prétexte d'un bout de viande manquant à son entrejambe, Anna s'est fait violence pour devenir la plus parfaite des Cardrakiens : elle est aussi fière, gueularde, viandarde, querelleuse, soiffarde et queutarde que n'importe quel autre Cardrakien, et s'efforce de l'ériger en véritable doctrine de vie. En public, elle serait, selon les critères de Saline, particulièrement distinguée, une véritable Dame de la haute-noblesse.
Cela est bien évidemment ironique, car si la guerrière est férocement intelligente, ingénieuse et cultivée, même selon des critères étrangers bien plus exigeants, elle est tout ce qui peut s'opposer à la douceur, à la pondération et à la sage matrice adulée par les sagas et les contes. La Hardie doit son sobriquet à son absence totale de peur, et il n'est pas rare qu'elle s'en prenne à des mastodontes de plusieurs fois son poids pour un regard de travers. Si elle ne vainc pas à tout les coups, loin s'en faut, elle se défends comme une diablesse et s'assure que son adversaire ressorte marquée de sa confrontation, à telle point que dans les tavernes, les plus fous exhibent aux côtés de leurs blessures de guerre, une lézarde qui n'est jamais bien loin des parties génitales, et qui se révèle surtout l'apanage des sots qui auraient un jour interrogé la valeur des origines maternelles d'Anna Myrkrähe, sa vénération (très pragmatique) de la déesse des pirates, ou les relations qu'elle entretenait avec son défunt frère.

Pour l'être "civilisé" venue de terres plus clémentes que Saline, il n'y aurait pas à épiloguer sur la forte impression que ferait la générale : elle parle fort, elle répondra toujours plus fort, et elle insultera plus copieusement que ne pourra le faire quiconque, n'hésitant pas à recourir à plusieurs langues si il le faut, démontrant ainsi son indéniable savoir étendu. Signe également de cela, elle est extrêmement curieuse, jusqu'au détail, jusqu'à l'obscène. Elle se fiche de la pudeur et parle sans détour, tout en s'assurant d'obtenir par tout les moyens ce qui lui est nécessaire, jusqu'aux moins avouables.

Ce comportement rentré en elle à la hache est si profondément ancré qu'il s'est fondu à la femme, et Anna, qui n'est pas la moitié d'une sotte, a réussi à s'épanouir en femme d'arts et de lettres au milieu des butors autant par sa force de caractère que par sa finesse d'esprit et sa capacité à cerner les êtres. La générale cache derrière sa façade de brute cardrakienne générique la figure d'une femme forte et épanouie se voulant l'égale des hommes, et ne présente que derrière cette deuxième devanture son jour réel, celui d'un intellect affranchi, froid et impitoyable doté d'une capacité à se projeter dans la tête de ses pairs, doublé d'un complexe de supériorité certain, surtout vis-à-vis des étrangers.

Ceux qui ont eu l'occasion d'être sous le commandement d'Anna ont pu constater, en dépit de toute les travers dont on peut l'accuser, qu'elle est une meneuse d'hommes formidable, au point de sembler être une personne complètement différente de la terrible officière que l'on croire parfois dans les rues de Cardrak : elle est de toutes les conversations, semble avoir un mot pour chacun et n'oublie jamais un visage, cherchant à tout savoir sur tout le monde, n'hésite pas à mener et s'assure personnellement des dernières volontés des hommes tombés. Diplomate, elle qui semble passer tant de temps à se quereller en dehors des campagnes s'arrangent pour que toute la rage et la haine soit dirigé dans l'accomplissement de l'objectif. Toute la haine qu'elle a des combattants terrestres et même des combattants étrangers (en dehors de leurs officiers), disparaît même pour révéler une générale que l'on pourrait soupçonner d'épancher son trop-plein d'instinct maternel sur son armée : elle traite tout les soldats du rang à la fois comme ses fils et filles, et comme ses égaux, en n'abandonnant certes pas la faroucherie dès lors que l'un d'eux se veut exploiter ce qu'il voit comme une faiblesse pour la provoquer ouvertement. Vis-à-vis des officiers, et plus particulièrement, elle reste pourtant la froide et intransigeante générale des terres inhospitalières du Sud, qui ne jure que par ses plans, et de laquelle il est très difficile d'obtenir un respect qui n'est pas feint ou grinçant. Plus encore, elle attends de chacun des soldats qu'il soit prêt à mourir plutôt que de fléchir, et sanctionne la couardise par la mort, pour peu qu'elle se manifeste au combat. A Cardrak, il n'y a pas de déserteurs, et même si il y en avait, il y aurait une générale qui s'assurerait de retrouver personnellement le félon, et de l'amener aux yeux de tous pour l'écorcher vif.







Physique
Anna, par chance, tient bien plus de son Salinéen de père que de son esclave de mère, de laquelle elle ne conserve finalement que des traits bien plus fins que ses rudes compatriotes, et une pilosité à la coloration des plus fantasques, oscillant entre le noir de jai et la blancheur de l'ivoire. Un contraste qu'illustre parfaitement une volée de mèches frontales gardant un front subtil contre les hordes noires de l'occiput méridional. C'est dans ces reliquats que reposent également l'un des principaux problèmes d'Anna. Elle dispose de cette once d'exotisme qui ne suffit pas à la différencier de n'importe quelle Cardrakienne, mais cette once seule suffit à faire d'elle l'une des plus grandes beautés des Glaces. N'importe quelle femme se féliciterait d'être louée et chantée par les scaldes comme la plus belle créature du Monde, mais la générale aurait parfaitement pu envisager de ne pas avoir à porter ce qui représente dans un monde d'hommes un fardeau. A plus de trente hivers, elle n'arrive pas à se départir du charmant faciès d'une jouvencelle qui pourrait sans fard prétendre en avoir dix de moins. Ses traits sont vifs, l'ossature fine et délicate, et rappellent les renards des neiges dans toute leur fascinante malice et leur ingéniosité, à laquelle deux émeraudes d'une clarté vibrante font écho pour matière d'yeux. Le nez, quant à lui, est retroussé, une perle fragile et précieuse au milieu des aquilins faciès de ses contemporaines. L'expression d'Anna semble perpétuellement rieuse, comme perpétuellement à la recherche du bon mot ou de la bonne bagarre, ce qui n'est jamais d'ailleurs vraiment faux, car avec ce visage, la générale a pendant très longtemps attiré les convoitises et motivée les rancœurs. Les hommes la taquinent autant qu'ils la désirent, et les femmes la jalousent. Tant d'épreuves endurées à cause de celui-ci ont bâti sa langue et sa verve, autant que son corps.

Un corps qui se veut le curieux reflet de ce caractère à la fois belliqueux et séducteur, puisqu'en préambule, il se révèle déjà plus grand que l'immense majorité de ses congénères féminines, dépassant le mètre quatre-vingt. Au pays des géants, Anna n'a à rougir de nul ou de nulle autre par sa taille, et si les bardes se fascinent pour son visage, ses yeux et ses cheveux, ils n'en oublient pas pour autant un autre attribut particulièrement impactant de la Hardie : sa gorge. Une gorge ronde, abondante à l'extrême limite de l'excessif, tantôt artificiellement camouflée avec des résultats tout relatifs, tantôt exhibée par un corsage lascif, au gré de ses pragmatiques plus que de ses réelles fantaisies, car la générale, si elle n'a pas demandé à disposer de tels arguments, n'en demeure pas moins pleinement consciente de leur puissance. Le reste de son corps n'est pas en reste, et dispose d'autres charmes propres, bien qu'il ne s'accorde pas foncièrement aux canons de la beauté gracile et délicate : Anna est en effet de ces personnages solides, auxquels un entrainement permanent a forgé une musculature apparente et pratique.

Rien d'aberrant, pour autant, et il serait pour ainsi dire foncièrement difficile de qualifier la Hardie de masculine, à moins de faire la fine bouche, mais il n'en demeure pas moins évident, mise à côté d'une autre femme de taille équivalente et de vie plus chaste, qu'elle sera indéniablement plus large, plus sèche, et qu'on pourra discerner, si l'on a l'opportunité de la voir dévêtue, les contours distincts de ses muscles sous plusieurs tatouages aux significations complexes, dont les bras et l'abdomen sont finalement les plus aisés représentants.

Du reste, la tenue et la démarche d'Anna vont de pair avec son statut et son héritage, puisqu'elle arbore plus facilement de pratiques chemises et braies de marins par-dessous la chaude cape de Huscarl accompagnée de sa broche, précieux alliés contre le temps particulièrement agressif de la seule vraie capitale des Glaces. Des gants viennent s'y accorder de tout temps, aussi sûrement qu'elle camoufle au moins une arme sur elle en permanence, que ce fut à sa ceinture ou dans ses manches. La démarche, elle, est chaloupée, évoquant là aussi le temps passée par la Dame à arpenter les ponts et à démanteler la flibuste. Le pas, enfin, est rapide, assuré et précis, témoignant de l'exceptionnelle résolution et force de caractère de la meneuse, qui n'a connu que peu de barrages.
Capacités

Arme : Anna est avant tout une femme de la mer, et en femme de la mer, elle affectionne les armes propres à ce milieu, et en particulier les haches et sabres d'abordages, bien que ses armes de prédilection soient un paire d'épais "couteaux" d'acier, plus proches en réalité d'épées courtes, dérivés de lames d'appontage, grandement ouvragés et modifiés avec notamment une garde recourbée. Ceux-ci sont les anciennes possessions d'un chef pirate particulièrement redouté, qui trouva la mort au bout de la lame d'Anna. Celle-ci les manient avec une dextérité proprement effrayante, les faisant tournoyer avec une maîtrise et une grâce telle qu'on a donné à ces lames le sobriquet de "Couteaux Papillons". Il est à noter cependant que, comme tout bon soldat originaire de Cardrak, elle pourrait surprendre plus d'un étranger par sa maîtrise des haches et épées à deux mains, malgré le fait qu'elle les regardent comme des "armes de piétons" trop peu pratiques en mer.
Pouvoirs : Aucun.
Familier : Une corneille domestiquée, nommée "Chitika Hrathrbaldr", qui ne trône jamais bien loin de sa maîtresse, et qui est en mesure de jurer et d'insulter avec un répertoire fascinant.
Artefact magique : Aucun.
Autre : Peut-on vraiment parler de capacité ? Anna est la victime d'un mal étrange, un mal qui réside au plus profond de ses gènes et qui lui vaut sans ambages d'être parfois traitée à demi-mot de sorcière : la pigmentation de sa pilosité est à vrai dire, anarchique. Celle-ci se révèle être parfaitement blanches sur quelques mèches frontales, mais d'un noir d'encre sur tout le reste de son occiput, avec pourtant une propension étonnante à la variance, selon un bon vouloir qui semble leur être propre mais qu'elle s'acharne à tenter de maîtriser. Cette condition vaut aussi à Anna un certain degré de surdité qui, si il n'est pas dommageable, la font inconsciemment parler fort, et font qu'elle arrive à ne pas se faire importuner par les lieux extrêmement bruyants comme les tavernes, ou les ponts de navires au moment des canonnades. Il est à noter par ailleurs qu'Anna, en dépit du fait qu'elle soit une femme, est étonnamment physique. Sans s'approcher des plus grands Berserkers, elle est parfaitement capable de manier sans peine des armes à deux mains conçues pour des combattants aguerris ou d'aider les hommes d'équipage à la manœuvre en soulevant les mêmes charges qu'eux. C'est cependant sa dextérité et son agilité qui fascine, puisqu'elle ressemble sur un pont de navire à un chat sur un toit (d'où son surnom le plus sûrement tendancieux, qu'elle s'acharne à sanctionner avec force violence) : elle vole plus sûrement qu'elle marche, se révélant capable d'escalader en quelques secondes des gréements qui en prendraient bien plusieurs dizaines à une personne se contentant des échelles de cordages. Cela se ressent finalement dans tout le reste de son être, puisque c'est une farouche varappeuse incapable de chevaucher la moindre bête, et une combattante se reposant avant tout sur un style vicieux et félin que sur la noble force et sauvagerie normalement attendue des Cardrakiens.


Histoire



L'Histoire d'Anna Myrkrähe est avant tout l'Histoire d'une famille. Une famille aux racines, quoiqu'on en pourrait en dire, étendues.

Tout commence plus de trois décennies avant notre ère, avant que la marine de Cardrak ne se retire dans ses eaux pour protéger ses terres des invasions étrangères, et avant encore que l'on ne se prenne de la fantaisie de massacrer toute opposition, se privant ainsi de précieux esclaves, une main d'œuvre abondante et bon marché, quoique les règles de la bienséance aient pu prétexter pour l'interdire, il y eût parmi ces bêtes de somme la génitrice, et celle, par la même, de son frère.

Ses origines, sa mère ne prie jamais réellement la peine de les expliquer, et les rumeurs fusent donc avec une vigueur certaine, l'imaginant tour à tour amazone des archipels lointains ou courtisane de Sen'Tsura en maraude. Tout ce que le père d'Anna n'osera jamais admettre, c'est qu'elle était une beauté, une beauté exotique comme il n'en avait jamais vu, et une farouche sauvageonne que l'on attrapa alors qu'elle tentait de s'enfuir à la nage après avoir fomenté une mutinerie contre son capitaine en plein abordage des guerriers de Cardrak. En capitaine pragmatique, Grim Myrkrähe ne manqua pas de saisir l'occasion de réclamer son dû en la personne trop rare de l'esclave fraîchement capturée, par le charme de laquelle il semblait déjà avoir été envoûté. Il ne fallut pas plus d'une année pour que la femme des mers ne réussisse à passer du rôle de simple chaufferette à celui de femme mariée et affranchie, usant conjointement avec ce féroce intellect dont ses enfants hériteront, tout les talents à sa disposition pour préparer une nouvelle évasion hors des terres désolées d'une Cardrak bien plus froide et humide que ses terres d'origines.

Cela fut avant qu'elle ne pose les yeux sur sa progéniture. Elle, femme sauvage et indépendante, qui s'était promise de ne jamais tomber dans les travers d'une vie trop sage de femme au foyer, ne put se résoudre à abandonner l'apparent rustre qu'elle avait épousé en sautant sur la première galère marchande qu'elle aurait trouvé au port. Pas en voyant la joie qui l'emplissait à la vue des jumeaux qu'il avait engendré, et pas en réfléchissant aux êtres qu'ils pourraient devenir, et à la douleur d'être des fils et filles de sots et, plus encore, de traîtres, à Cardrak. Ce n'est qu'après la genèse de ses premiers-nés que la fraîchement renommée Tilda Myrkrähe émit le souhait véritable et réfléchi de s'intégrer à sa contrée en véritable Cardrakienne, devenant un solide exemple pour une Anna pouponne et déjà garçonne, qui ne quittait jamais son frère d'une semelle. Ce fut elle qui, dès le plus jeune âge, inculqua à ses enfants la curieuse notion d'égalité qui vaudra très tôt au Père de Sven Myrkrähe d'être opposé au souhait ferme et décidé de voir sa sœur embrasser elle aussi la carrière des armes, comme il était demandé de lui. Un désir ardent qu'il put voir brûler dans les yeux de sa fille, et sur le visage serein mais dur de sa femme, qui se contenta d'acquiescer, le regard plein de fermeté, quand ses propres yeux, hagards, vinrent à la consulter. Lui, le Guerrier, flanchait face à l'éloquence tacite du regard de sa Poétesse de femme et à celle, déjà bien établie, de la rhétorique de ses enfants.

C'est par ce geste fort et symbolique que la légende d'Anna la Hardie et de Sven le Calme débuta, et c'est par leur voyage rituel et initiatique vers l'Île qu'ils acquirent leurs sobriquets, des lèvres même de leurs camarades : toute la population de la ville était réunie sur les quais, attendant le départ avec une patience toute solennelle. Depuis sa barque, Anna n'eût pas de mal à apercevoir sa mère les toiser de ce même regard dur qu'elle avait offert par le passé à son père, mais à travers le fer, c'est bien également de la fierté que la future générale put discerner dans les prunelles de la poétesse étrangère. Souquant ferme, faisant fi du froid, des bourrasques salines, de la grêle et d'une mer démontée se perdant aussi loin que l'œil pouvait percer l'obscure brume du large, Anna sentait déjà la cruelle alchimie de l'épreuve opérer sur elle, sur son frère et sur tout leurs compagnons d'infortune, la transformation qui rendait exceptionnels tout les fiers défenseurs de la terrible Cardrak. Elle sentit s'exprimer au grand jour cette curieuse complétude avec son frère lorsque, en fils de marin chevronné, Sven prit le commandement de la bande chétive de gamins pour coordonner leurs efforts, tandis qu'Anna, au mi-course, se leva pour répondre aux suppliques d'un fils de boulanger probablement un peu trop porcin pour son âge, et confronta sa plainte de la fatigue et son incitation à s'abandonner aux vagues pour en finir avec ses poings, lui brisant le groin et l'invitant à continuer de ramer, et en cadence, avant qu'elle ne la jette elle-même par-dessus bord. Ainsi débuta réellement la carrière d'Anna, psalmodiant entre deux lames, un chapelet de coquillages enfilé à sa rame, des cantiques à une mystérieuse déesse dont peu de personne à bord, hormis son frère, ne pouvait réellement saisir la teneur. Sa mère avait un jour formulé l'idée qu'il n'y avait "Pas de courage sans peur.", et c'était précisément ce qui arrivait en ce moment-là : la jeune Anna était terriblement apeurée, plus encore qu'aucun des autres garçons embarqué à bord. Elle avait peur de mourir, et elle avait peur car elle savait que toutes les autres filles, que toutes ses (rares) amies n'avaient pas eu l'obligation de participer à cela : elles laissaient avec joie aux garçons la folie d'une telle traversée et raillait la tendance garçonne de leur amie métisse. Elles ne mourraient pas stupidement, elles. Elles pourraient survivre, fonder une famille, elles ne seraient jamais véritablement oubliées, certainement pas comme elle, si elle périssait dans les eaux sombres et glaciales du littoral. Par réflexe tout autant que par peur, elle s'était rattaché à sa mère, mais ne pouvant se risquer à invoquer son nom sans passer pour une dégonflée, elle se replia sur ce qui la caractérisait le mieux : la vénération d'une déesse que l'on disait attachée aux forbans des mers. Gueuler et prier, voilà les deux choses que firent Anna, ramenant à l'ordre les autres, et n'hésitant pas à forcer le trait sur le fait qu'elle était une fille, et que si il devait bien y avoir une personne qui voulait abandonner l'embarcation, c'aurait dû être elle. Le contraste avec son frère, bien plus calme et réfléchi, causa finalement une émulation assez saine, qui permit de bâtir une cohésion assez étonnante entre les barques : Anna se mit à beugler également sur les "concurrents" à portée, les provoquant par des gestes obscènes et des paroles vexantes, à tel point qu'ils finirent, une heure après leur départ, à aborder les côtes de l'île Sven dans un peloton quatre barques. Trop fière pour ne pas sortir de cette épreuve en tête de gondole, la fillette se fit remarquer en sautant à la mer pour rejoindre la terre à la nage et à se moquer en faisant de grands signes à ses congénères encore en mer. Ce fut le moment malheureux que choisit une vague traître pour frapper les vagues et les précipiter avec violence sur le rivage. Les quatre barques s'échouèrent, peu endommagées, mais les passagers avaient été éparpillés en tout sens, certains perdus dans les flots, d'autres inconscients sur les rochers, et alors que tous rigolaient à la vue du gros trouillard en train de se noyer car ayant passé plus de temps à apprendre comment pétrir le pain plutôt que de nager, la future générale se démarqua à nouveau en retournant à la mer, bravant la folie des éléments, pour retourner le chercher : elle revint sous les yeux médusés des survivants. L'un d'eux l'accueillit en lui crachant à la figure, la traitant de déchet, et de pirate, pour avoir sauvé une inutile poule mouillée et pour avoir manqué de les tuer en conjurant Azuria.

Il fallut qu'ils s'y mettent à quatre pour la séparer, laissant le garçon avec une vilaine balafre, qui lui vaudra plus tard le surnom de "Gueule-en-Deux". Ce fut l'intervention de Sven qui calma finalement le jeu, alors qu'il entreprit de souligner ce qui devait être un esprit de corps, en voyant au loin les infortunés qui n'avaient pas rejoint l'île, et étaient emportés par une mer démontée.
**
*

" Nom de ... " s'exclama Breht dit "L'Opiniâtre", qui avait abandonné son père à ses fournils pour suivre la carrière des armes, que sa nature le mena vers l'ingénierie de bord, s'occupant des machines et de l'artillerie plutôt que du gros des combats, " ... Vous avez vu la taille de ce truc ? "

Pour faire écho à sa crainte, les cloches du navire se mirent à résonner. A côté de lui, Grim Myrkrähe fronça les sourcils. Un navire pirate. Un bâtiment long de plusieurs dizaines de mètres de long, toutes torches éteintes. Une attaque en traître, en pleine nuit. Anna et Sven furent les premiers à sauter sur le pont, quittant la réserve, ensemble et oubliant les rires de quelques minutes auparavant, les cheveux ébouriffés et la tenue encore débraillée, n'ayant pas réussi probablement à trouver ce sommeil que les autres matelots avaient du mal à quitter. Le temps que les postes de combat soient tous opérationnels, il était trop tard : éperonné, le Cormoran, navire historique du père des jumeaux, se retrouvait maintenant à la merci d'un abordage parfaitement inattendu, les canons parfaitement inutiles. D'une proue ornée d'une lascive femme nue, des hordes de furieux forbans se mirent à envahir le pont, tranchant ceux qui n'avaient encore pu se munir d'une arme et se précipitant dans les entrailles du navire pour exécuter un véritable massacre en règle.

Le paternel se pencha au bastingage du château arrière, une hache à la main, avant de lâcher à ses hommes un pragmatique :

" Vous êtes des hommes de Cardrak, il serait temps d'agir comme tel ! "

Et c'est toute la fureur d'un chef de guerre salinéen qui bondit dans la mêlée, accueillit par les cris de guerre de ses hommes et le moral battant des flibustiers qui ne s'attendaient certainement pas à tomber sur un diable à la chevelure et à la barbe d'encre percluse de sel que rien ne semblait atteindre. La lourde hache et le bouclier rond taillait et culbutait, renversant l'hétéroclite groupe de canailles qui avaient pu croire s'en prendre impunément à la flotte de Saline à la faveur de la nuit.

La vision d'une telle férocité trouva pourtant sa fin au bout d'un carreau d'arbalète, arme traître décochée depuis le pont adverse, avec une précision redoutable. Le Loup, comme on l'appelait parmi ses hommes, avait perdu la vie stupidement, traîtreusement, et ses enfants furent, comme tous sur le pont du Cormoran, témoins de la chute de leur père braillard, dans une effusion de sang. Son second, à ce moment, n'était autre que son propre fils, le Calme. Un chef de guerre né, il semblait. Il rallia à lui ses hommes, et combattit avec une férocité tout aussi stupéfiante que son géniteur les pirates, taillant et tranchant à l'épée longue les vagues informes, et Anna, en toute nouvelle seconde fraîchement appointée, reçut l'ordre de tenir la ligne, de ne pas écouter ses sentiments, de ne pas laisser la haine et la rage aveugler son jugement. La simple vision d'une nymphe taciturne tranchant à tour de bras en provoquant ses adversaires terrifia à nouveau la bande indénombrable, qui se clairsemait pourtant.

Ce fut sûrement pour cela que le franc-tireur la visa elle, plutôt que son frère.

Et ce dernier, en capitaine et en frère, poussa vivement sa jumelle en dehors de la trajectoire, pour se voir recevoir le carreau en pleine poitrine.

Le visage figé dans un ultime sourire satisfait et rieur, sur le corps sans vie de son frère, fut ce qui acheva véritablement sa transformation. La jeune femme rieuse qui s'était ébattue quelques dizaines de minutes auparavant tout au plus sur les réserves du navire venait de mourir, et ce carreau, si il n'avait pu vaincre le corps d'Anna, avait eu raison de son esprit. Elle n'était plus que rage, plus que fureur, consumée aux feux de la guerre et de la violence. Deux des membres de sa famille abattus par la même traîtrise, de la même manière, en quelques minutes à peine, c'en était absurde ... C'en était trop.

Quand le Cormoran revint, à peine capable de tenir son cap, penchant dangereusement, en sous-effectif évident, les récits abondèrent et inondèrent littéralement les auberges du port et les baraquements de soldats. On avait vu Anna Myrkrähe, la fille du Loup, celle que l'on appelait sans rire la chatte, celle dont les langues les plus renseignées disaient qu'elle se livrait aux pratiques les plus déviantes avec son frère par défiance des conventions et en pleine mer, descendre du bord d'un pas décidé, sinistre. Elle portait le manteau brodé de fils d'or du seigneur pirate qui avait commandé l'attaque, et à sa ceinture les deux lames finement ouvragées qu'il portait à la bataille, encore poisseuses de sang. Si la nouvelle capitaine tint son deuil, se rendant à son domicile pour annoncer à sa mère la nouvelle avec la seule compagnie de Breht, le trouillard colossal qu'elle avait sauvé quelques dix années auparavant des flots, qui était devenu son second par la force des choses et qui portait avec lui les cadavres de Grim et de Sven Myrkrähe, la poignée de survivants y allèrent chacun de leur version : on disait qu'elle était entré dans une rage folle, et qu'elle avait à elle seule massacré l'intégralité des forces pirates, les tuant rien qu'en les touchant. Pour d'autres, elle avait bondit avec une agilité démoniaque au grappin le plus proche et s'était rué sur le pont ennemi pour y semer le chaos au fil de l'épée. Les plus fantasques, enfin, s'accordèrent après plusieurs chopes à mettre sur le dos d'Azuria cette victoire, car les pirates avaient été fous de s'en prendre à sa protégée, et que la déesse avait envoyé un colossal kraken de feu la sauver en massacrant tout les bandits des mers en les faisant exploser.

Anna et son second, eux, conserve encore, plus d'une décennie plus tard, le silence sur ce jour funeste. Lorsqu'on la convoqua à la cour pour relater l'incident, La Hardie ne répondit pas sur la marche réelle des évènements, prétextant que tout avait trop flou. Rien ne lui revenait, sinon les cris d'agonie d'un arbalétrier se vidant de ses intestins, et d'un capitaine pirate criant grâce alors qu'elle enfonçait ses pouces dans ses globes oculaires.

Un an plus tard, Anna la Hardie, de vingt-et-un ans, au tempérament rogue, a réussi à vivre à la hauteur de sa légende. Des capitaines des vaisseaux, elle est assurément l'une des plus efficaces, l'une des plus intransigeantes, et une véritable mangeuse de pirates. Ce ne sont pour elle qu'une bande de racailles indisciplinées : nulle affaire de Dieux ici, nulle affaire d'honneur ... Juste une affaire de famille, une affaire de sang. Elle devient une des terreurs des mers de Glace, et s'illustre à de nombreuses reprises par ses méthodes aussi diablement efficaces qu'elles sont peu orthodoxes : elle catapulterait des cadavres cloqués pour laisser les gaz les faire exploser sur les ponts adverses, brisant le moral des combattants ennemis avant même qu'elle ne soit entrée en combat. C'est à cette période également qu'elle accepte à son bord le prince Alrik, sortant à peine de son épreuve.
Cela a-t-il conditionné sa nomination à la fonction de Générale ? Rien n'est moins sûr, puisqu'il se dit également qu'elle aurait fait forte impression : alors que tout les autres capitaines refusaient d'encourir un courroux royal en accueillant à leur bord le prince héritier (et les risques de le voir périr en mer), elle aurait répondu à l'un de ces couards en le prenant sur son navire un magistral :

" Vous appelez ça un héritier ? Je ne vois qu'un gamin qui porte aussi bien l'épée que n'importe quel autre, mais il a le mental d'un ours. Appelez cela un héritier si ça vous chante, moi, j'appelle ça un guerrier ! "

A bord, l'héritier fut traité comme n'importe quel autre mousse, avec cette même attention qu'Anna portait à tout ses hommes, et certainement pas à un prince héritier. Conformément à ses mots, il ne fut même jamais fait mention de cela, pas une raillerie, pas un traitement de faveur, rien de plus que ce à quoi un autre matelot pouvait s'attendre, en tout points : une capitaine compréhensive, attentionnée, mais exigeante et intransigeante.
A son bord, l'héritier apprend petit à petit la vie de marin, faisant la transition du survivant vers l'homme fait, à bord d'un bâtiment au fonctionnement particulier. La capitaine ressemble plus à une commandeur de baleinier lancée sur la trace d'une créature exotique, tant il semble que les pirates ne sont plus pour elle que du gibier. La haine l'a tellement consumé qu'elle semble avoir tout appris d'eux dans l'espoir de penser comme eux, pour savoir où les trouver et comment les briser. Une chasseresse patiente particulièrement rompue à son art, qui semble avoir voué sa vie à une cause.

En 113, dix années de chasse et de combats plus tard, la gueularde et vindicative Anna Myrkrähe, apprenant à peine l'envoi en exil de l'ancienne Générale, prend connaissance avec une certaine stupeur du fait qu'elle est elle-même nommée Générale de Saline : une fonction qu'elle se voyait briguer éventuellement, mais certainement pas ainsi, pas aussi subitement.

Subitement, elle est admise à la table des grands, et doit surtout montrer à une foule bigarrée que cette maraude des mers, cette "pirate", est parfaitement en mesure de gérer au combat les hordes folles de Berserkers Cardrakiens, et si les premiers mois sont indéniablement durs, tout semble changer lorsqu'elle contribue à la victoire en brisant le blocus qui isole Glace à la tête de la flotte Salinéenne, lâchant à cette occasion, une main dans les cordages et l'autre brandissant une épée bâtarde, montant sur sa proue avant d'éperonner un navire ennemi, un trait d'esprit qui sera repris plus tard par son équipage comme un cri de guerre :

" Plus proche ! Je veux pouvoir les frapper de mon épée !"

Aujourd'hui, sa situation quelque peu consolidée au sein de sa patrie natale, elle est devenue dans le concert des nations une extension de son Roi, semblant compenser le tempérament plus raisonné de celui avec un bellicisme descendant en droite ligne du défunt roi, exprimant de manière encore plus affirmée que son souverain son scepticisme vis-à-vis de la place qu'a à jouer Saline dans le triumvirat : maintenant qu'elle est générale et auréolée de succès militaire, il ne semble pas faire grand doute chez les initiés pour dire que son ambition est réveillée et qu'elle se verrait bien à la place de Maréchale, car après tout, les seuls véritables guerriers ne sont-ils pas issus des âpres steppes de Cardrak ?




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Anna Myrkrähe

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