Histoire Tashinär Vélacen Màlpha. Telle est la manière dont on m’appelle. J’ai vu, j’ai senti le monde depuis près de quatre cents cinquante ans. Je suis née un jour d’Impétueux, Mellinià est mon moi. Je naquis sur Terre. Je grandis au milieu d’une famille large et complexe où je côtoyais des demi- et des quart-frères et sœurs avec des tantes/oncles et cousins. Nous vivions dans les Plaines, paisiblement, si ma vie fut jamais calme.
Je me souviens m’être écorchée souvent, d’être tombée et des os brisés. Je me souviens du plaisir que je procurais et dont je me nourrissais avec avidité. Il m’importait peu de savoir qui me servait de proie. Ma famille fut les premiers êtres dont je me gorgeais avec plaisir et je garde toujours un sentiment de tendresse quand je repense à leur goût.
En effet, contrairement aux autres créatures de Terra, nous ne servons jamais des animaux ou des fruits pour nous sustenter. Le sang, le plaisir, les rêves nous servent de nourritures. La mienne est le plaisir sexuel. Je ne sais pas ce que veut dire « sucré » ou « acide » ou « salé », si ce n’est au figuré. Je sais par contre ressentir des nuances de plaisir que je ne pourrais décrire avec les mots. C’est comme essayer de détailler le goût d’une pomme pour vous. Je ne serais vous dire que ceci : lorsque ma proie ressent du plaisir, lors d’un acte charnel, j’ai l’impression de m’emplir de vie.
Lorsque j’atteignis l’âge de soixante-dix ans, je fis la rencontre d’un elfe. J’avais faim, juste un petit creux. Et quand j’ai faim, je séduis. Je le séduisis donc et il me nourrit. C’était un goût très différent de ce dont j’avais l’habitude. Plus subtil, plus indirect. Je les préférais presque aux Incubes. De cette expérience naquit en moi le désir de connaître d’autres races et de les manger. Je partis donc et commençais ma carrière de courtisane. Je n’étais pas difficile et je mangeais tout ce que j’avais sous la main.
Je fus néanmoins rattrapée par les évènements et je sentais cette terre que je parcourais depuis presque deux quatre-vingt-dix ans s’enflammer. Les volcans éteints ou actifs souillèrent l’air, la terre et les eaux de leur coulée pourpre et de leur cendre grise. Je trouvais étrange de voir combien la Nature elle-même semblait être en guerre contre elle-même. Puis, vint le froid, le froid de l’hiver un jour où le printemps devait être roi. Ce froid intense, cette neige qui risquait de menacer la survie des races de ce monde. Alors, je vis des scènes étonnantes : des frères se partageaient de la nourriture après des années de luttes incessantes, des ennemis qui s’aident à ne plus avoir froid, deux personnes qui ne savaient rien de l’autre s’entraider. En peu de mots : la paix et la coopération s’installèrent sur Terra en ces temps de lutte pour la vie. Après un demi-siècle passait à se réchauffer comme on pouvait, le soleil daigna enfin revenir. La vie reprit son cours de manière normal. Je fus recrutée par certains établissements pour quelques temps avant de m’en lasser et de m’en aller pour continuer à parcourir le pays.
Après un siècle et demi de paix, un démon qui se prénommait Aile Ténébreuse vint et conquit tout ce qu’il put. Je décidais de rentrer à Sent’sura dès que la ville fut tombée aux mains de ce nouveau gouvernant. J’achetais un petit appartement de trois pièces où je pus recevoir ma nourriture de manière libre et ininterrompu. Je crois que les races dont je me nourris avaient besoin de sentir qu’ils étaient encore en vie et que malheureusement les autres femelles leur refusaient cela. Mais ce qui fait le malheur des uns, fit mon bonheur. Pendant trois ans, je fus occupée toute les nuits à me nourrir au point où j’en finis malade. Je n’avais plus d’appétit et ne pouvais plus rien faire. Je restais au lit et je fis savoir que ma porte était close pour quelques semaines. Il me fallut un mois de régime et je repris de manière un peu plus prudente de la nourriture.
Et au bout de quelques années, je me lassais de cette vie facile et décidais de reprendre ma vie de vagabonde. C’était l’année 113 et voici à présent deux ans que je vis ainsi.
- Citation :
- « Je fus recrutée par certains établissements pour quelques temps avant de m’en lasser et de m’en aller pour continuer à parcourir le pays. »
Il n'est parfois pas facile de s'évader des maisons closes, recluses sur leur précieux petit monde et jalousant la source de revenus incroyables que tu ne manques pas d'être. L'une d'elle, tout particulièrement, paraît tout mettre en œuvre pour te tenir prisonnière de son service : raconte comme tu parviens à t'enfuir malgré tout de ta « cellule ».