Chapitre 1 : Terre de Glace.

L'hiver était déjà bien présent dans les contrées de Terra, et plus mon navire suivait sa longue route vers le sud ouest, plus le temps se faisait froid. Je me dirigeais vers un des ports de Saline. Celui du Duché de Svarholt.

La frontière entre Selian et Saline, un affluent. Un endroit bien calme et protégé des tempêtes. Je transportais une dizaine de réfugié, des personnes ayant eu besoin de changer rapidement d'air, la présence des démons les indisposant de manière plus que dangereuse. On remontait maintenant le fleuve, tranquillement, voile aux vent, les gréements craquant sur un rythme que tout marin apprenait plus ou moins à apprécier. Les gens étaient appuyé contre les bastingages, montrant de la main les forêts et les rochers, ainsi que les paysages désertiques que nous croisions, les glaces étaient paisible et accueillante. Malgré le froid... Bien entendu.

Nous approchions petit à petit du port, voyant déjà le point d'attache, la vigie avait indiquer depuis un moment l’apparition de notre point d'accroche. A bord, les marins étaient fébrile, ils allaient enfin pouvoir mettre pied a terre après nos deux mois de trajet. Et moi aussi, j'allais enfin pouvoir retrouver la terre ferme. Et enfin marcher sur autre chose qu'une planche tanguant au grée des courants.

On arriva finalement au port d'attache et on fit amarrer le navire, la planche fût placée et les gens en descendirent, il y eut un mouvement de chute quand les non marins mirent pied a terre, déstabilisé par la fermeté du sol, ils mettraient deux trois jours à s'en remettre, et à reprendre un rythme de vie normal... C'est à dire stable sur le sol.

Moi je n'avais plus ce problème, je mettais deux trois minutes à m'en remettre.

Le jour était clair sur Halesund, et le vent froid trouvait encore moyen de se faufiler dans les ruelles du port et sur les pontons abrités sous la haute falaise. Le matin était aussi agité que toutes les aubes de tous les jours de l’année à Halesund, et aussi glacial et pluvieux que le temps l’était à Saline en toute saison. La bise tranchait les nuages d’un souffle subtil, faisait naître des variations dans la lumière blanche et limpide tandis que les brumes se déchiraient parfois pour laisser tomber de brèves éclaircies. Les voiles, les cordages et les filets flottaient mollement dans quelques courants d’air, les clameurs s’élevaient alors que l’on s’interpelait d’un bateau à l’autre, que l’on faisait passer les casiers de poissons et les marchandises. De temps à autre, quelqu’un entonnait un chant pour se donner du cœur à l’ouvrage, repris de-ci de-là par des voix vagabondes de ouvriers affairés. Les eaux grises et vertes charriaient dans le matin tranquille leur cargaison de navires aux ventres chargés de biens ou d’hommes provenant des duchés de Saline, ou bien de beaucoup plus loin.
Beaucoup avaient interrompu leur travail pour regarder s’avancer sous les hauteurs des falaises la frégate battant pavillon de Terre, car c’était un spectacle qui était très nouveau pour la plupart des habitants. Peu d’étrangers venaient jusqu’à Halesund, la plupart des marchandises importées hors des Glaces changeaient de transporteur dès leur arrivée sur la côte où à Cardrak, si bien que les gens de Svarholt se voyaient isolés de toute influence extérieure. Le bâtiment était bien plus massif que les rapides galères à font plat utilisés ici et attira la curiosité des pêcheurs et des natifs qui se rassemblèrent sur les nombreux pontons de bois pour s’approcher le plus possible du navire. Les animations étaient rares, fût-ce la capitale du duché, et il fallait bien en profiter quand cela se produisait. Les soldats de la citadelle ne partageaient pas l’intérêt des badauds, et plusieurs hommes en arme qui devaient avoir couru des remparts et des postes de garde du port se présentèrent là où le bateau s’amarrait. Lorsque les premiers descendirent de la passerelle, les gardes les entouraient avec une vigilance dépourvue d’hostilité, et leur intimèrent avec une politesse glaciale qu’ils ne pouvaient pour le moment pas s’avancer davantage.

Pas de doute, ils étaient bien en terre étrangère... Sans doute que les visages soulignés de noir, les chevelures tressées et les étoffes sombres dont tous étaient vêtus, ainsi que les mines sévères et les accoutrements saugrenus de certains devaient paraître surprenants à des citoyens de Terre plus accoutumés à la douceur des climats et des peuples des Plaines Mystiques. Un silence relatif était tombé, et derrière la curiosité, il y avait la méfiance ; on les guettait sans un mot parfois, et l’activité avait baissé d’un cran tandis que tout restait suspendu, comme si tous attendaient quelque chose.

Soudain, quelques voix fendirent l’air et la silhouette d’une femme apparut en haut du sentier qui menait à la citadelle. D’un pas décidé, précédée de deux guerriers et d’un molosse blanc, elle se fraya un chemin parmi la foule, distribuant des ordres et des remontrances à certains qui s’égayèrent sans discuter. Elle n’était pas très haute, couverte d’un long manteau de fourrure épaisse et les cheveux tirés en arrière par de fines tresses. Ses yeux, profonds et vifs, étaient encore soulignés par de grands cernes noirs peints sur les paupières et jusque sur les pommettes.
Dès qu’elle arriva sur le ponton, à la hauteur du navire étranger, l’un des hommes qui s’étaient postés là se présenta devant la jarl pour saluer avant de s’effacer aussitôt. Elle dévisagea un à un chaque passager, et puis son regard s’arrêta sur un personnage de haute taille qui avait tous les signes distinctifs de la capitainerie. Elle n’était pas très au fait des galons et des grades outre-mer, mais elle savait reconnaître un commandant lorsqu’elle en voyait un et c’est à lui qu’elle s’adressa :

— Qui êtes-vous et qui sont tous ces gens ? Que venez-vous faire ici ?

Son ton était dépourvu de toute hostilité, mais ne souffrait aucune réplique.

Chapitre 2 : Un accueil à l'image du paysage.

Les gardes nous entourais, ils étaient à distance raisonnable et nous ne nous sentions pas confiné, tout au plus contraint auprès du navire, quand une silhouette attira mon attention, c'était une femme qui arrivait, et ça semblait être celle qui dirigeait ici.... Les silhouettes autour de moi étaient curieuse, ce ne devait pas être tous les jours qu'elles croisaient des gens venu de l'extérieur. Ni que ses personnes devaient débarquer chez elles.

Puis la femme fût là, ça tenue semblait épaisse et chaude, pratique sous ses climats ci, elle avait une attitude martiale et sa voix et sa question me renforcèrent dans mon opinion. Elle s'exprimait d'une voix de commandante, de personnes habitué à se faire obéir, se faire comprendre et a laquelle on ne peux opposer de refus.

-Amiral, Roxo Sombresang, Capitainerie de Terra. Terre. Ses gens sont des voyageurs et des commerçants, nous voyageons depuis deux mois sur mer, et nous avons remonter ce fleuve pour nous prévenir de quelques tempêtes et autres mauvaises surprises que Azuria nous envoie. Nous avons pour but ultime de faire commerce avec un Duché plus loin, mais nous souhaiterions que vous puisez nous accueillir un ou deux jours, le temps que nous puissions nous réhabituer au monde autour de nous.

Puis je laissais mon regard se porter autour de notre petit groupe, m'attendant à une réponse plutôt laconique de la part de la femme, elle me faisait penser à certains de mes instructeurs, des gars droit et bien, mais qui n'aimaient pas parler. Et encore moins qu'on discute les ordres. J'avais 20 gars avec moi, armé et prêt à en découdre si il le fallait vraiment, mais ce serait vraiment mauvais pour le commerce futur, surtout si la femme était quelqu'un d'important.. Comme semblait l'indiquer la déférence des soldats envers elle. C'était du respect qu'ils avaient.

Je n'avais que mon sabre d'Amiral d'apparent, sur son uniforme noir, tout de noir vêtu, la garde poli par l'usage, le fourreau portant des traces de coups, il semblait avoir vécu. Et mon attitude n'était pas la plus engageante possible, mais je me tenait comme un animal maintenant acculé, la suite du voyage dépendrais de la femme, et faire face à une mutinerie ne le tentait pas vraiment, ni devenir pillard de côté ou pirate. Ce n'était pas comme ça que je souhaitais passer le reste de sa vie.

Sigrid feignit un sourire de façade.

-Sigrid Nilfdottir, jarl de Svarholt.

Elle exécuta un salut à la manière des gens de Saline et fixa un instant l’amiral d’un regard perçant.

— Nous n’aimons guère le voisinage des étrangers, ici. Ceux des duchés de l’ouest les aiment encore moins. Votre voyage ne sera pas couronné de succès, je le crains, vous devriez plutôt aller voir chez nos amis de Selian si vous avez dans vos cales des biens susceptibles de les intéresser.

On ne pouvait pas dire que le point fort de la jarl était la diplomatie, mais elle ne se montrait jamais ouvertement agressive, toujours d’un grand calme, glaciale certes, mais tout à fait neutre. En fait, elle ne faisait qu’exprimer un état de fait dont ils prendraient bien vite conscience. Peu de gens le comprenaient au premier abord, et beaucoup tiraient l’épée en réponse avant de saisir où elle voulait en venir.

— Néanmoins, si vous avez besoin de repos après votre traversée — quoique je ne comprenne guère pourquoi vous n’avez pas fait halte à Cardrak plutôt qu’ici — je ne peux vous refuser l’hospitalité, reprit-elle.

Ce devoir sacré qui incombait aux jarls salinéens lui pesait un peu, il fallait bien l’avouer, quand cela la forçait à mettre en danger sa propre ville en recevant en ses murs des inconnus, sans doute armés. Mais ils semblaient peu nombreux, et tout gradé que fût leur capitaine, ils étaient largement en infériorité numérique, ici.

Sigrid fit un geste de la main et les hommes d’armes qui avaient entouré les passagers s’écartèrent et s’en furent rejoindre leurs postes. L’officier, ainsi que l’un des deux hommes qui accompagnaient la jarl relayèrent les ordres de la jeune femme qui signèrent la fin de la récréation et renvoyèrent chacun à leurs occupations. Toutefois, tous ceux qui demeurèrent proches du navire ne cessaient d’épier les étrangers avec une curiosité mêlée de méfiance ; ils devraient sans doute s’habituer à ce regard-là, comme autant de bêtes fauves prêtes à mordre à leur approche.

— Vous comprendrez, je l’espère, qu’au vu de la situation actuelle dans votre pays d’origine, vous ne serez pas libre d’aller où vous semble et vous serez surveillés étroitement. Je ne voudrais pas qu’un espion du démon se glisse jusqu’ici grâce à vous. Je ne ferais pas fouiller votre navire, amiral, je me contenterai de vous tenir comme personnellement responsable du moindre problème qui se posera à cause de vos passagers. Sommes-nous d’accord ?

Ses yeux sombres, cernés de noir, fixèrent le capitaine avec une froideur tranchante, et la mise en garde se fit bien plus explicite dans ce regard. Elle tâchait de ne pas empiéter sur l’autorité du personnage, mais la méfiance était de mise, quand on recevait chez soi des réfugiés d’un pays en passe d’être conquis par un ennemi redoutable. Sigrid savait fort bien qu’après que l’ombre de l’Aile Ténébreuse se soit étendue sur les terres de l’autre côté de la mer, il tournerait très vite son regard vers les Glaces, et si invasion il devait y avoir, cela ne commencerait pas par ici.

Chapitre 3 : On se déteste on se déchire.

Le discours de la femme était d'une logique à toute épreuve, moi même j'aurais fais de même, si j'avais dût défendre mon Duché, c'était le Jarl que j'avais en face de moi. Elle avait une présence qui imposait le respect malgré tout, et bien que je sente son cœur battre comme celui d'une humaine, les peintures tribales qu'elle arborait lui donnait l'air d'un oiseau de mauvaise augure, un corbeau. Une figure de mort et de mystère qui me fascinait depuis de longues années. Sans doute l'attrait de plus en plus présent que j'avais envers la créatrice de ma Race. Nayris, la Déesse des morts.

Elle m'indiquait aussi que le commerce n'était pas chose aisée dans ses contrées et que j'aurais plus de chance du côté de Selian que dans ses contrées couverte d'autant de mystère qu'une escouade de mes gardes voyageur. Son timbre de voix exprimer des constatations plutôt que des menaces, et c'était agréable de croiser quelqu'un avec un franc parler aussi dépressif et froid sur la vie. C'était de cette manière que je prenais le bagou de la jeune femme. Après c'était peut être différent, mais pour moi, c'était un ton blasé, d'une personne désabusée de sa vie. Je tentais alors de désamorcé la machine, histoire qu'elle nous accorde un peu plus de liberté qu'une assignation à résidence jusqu'à la destruction totale de notre temps en ses lieux.

-Souhaitez vous que nous vous remettions nos armes ? Quand à mon navire, vous pouvez le fouillez entièrement, je n'ai rien à y cacher. Et quand à mes gens, je pense qu'au point où ils en sont ils ne pensent qu'à vider quelques chopes dans leurs gosiers et à allez passer du temps avec une femme, si vous avez ça ici. Sinon il se contenteront de boire. Je ne sais pas comment tout cela va se passer avec votre population, mais si vous le souhaitez, chaque personne sera dépouillée de toute ses armes.

Mon regard de vampire se porta à la rencontre du sien, regard passant brièvement d'un bleu grisâtre à un rouge sanglant, comme un défi lancer ouvertement à la Jarl de tenter quoi que ce soit de violent envers. Une mise au défi, un test, de quoi jauger la personne à laquelle j'avais à faire. Bien entendu je ne m'attendais pas à ce qu'elle lance tous ses soldats sur nous. On était en infériorité numérique, mais le lieux nous était propice, et sur le navire, les armes de siège étaient bien visible. Une attaque sur nous ne serait pas faite en ce lieu. Les pertes seraient trop importante des deux côtés. Non, le défi resterait entre moi et la Jarl. Sigrid.

Sigrid esquissa de nouveau l’un de ces sourires qui semblaient tracés sur ses lèvres étroites à la pointe d’un couteau et hocha la tête, faisant dégringoler sur ses épaules quelques fines tresses de ses cheveux noirs.

— Toute preuve de votre bonne volonté sera acceptée, amiral. Je n’irai pas toutefois jusqu’à fouiller votre navire, je le répète, il est sous votre responsabilité et je ne doute pas qu’un capitaine sache tout de ce qui se trouve à son bord. Vous ne porterez donc aucune arme dans l’enceinte de ma cité, c’est entendu.

Un second rictus vint, ses yeux se durcirent un peu lorsqu’elle vit le regard de son interlocuteur changer légèrement de teinte et se voiler brièvement de rouge. Elle soutint cela sans ciller, la mâchoire serrée répondant sans un mot au défi à peine voilée qu’exprimait Sombresang.

— Vous n’aurez toutefois pas plus de liberté, en allant armé ou non. Je n’y puis grand-chose, nos gens n’aiment pas les étrangers, c’est ainsi. Vous serez logés dans le corps de garde à l’extérieur de la citadelle, et pour ce qui est des tavernes, je crois que vous aurez votre content.

Une brève contraction des dents froissa très légèrement le visage de la jarl qui s’ouvrit d’un nouveau sourire grinçant.

— Pour ce qui est des dames, je regrette, vous ne trouverez pas de ça, ici. Il faudra faire avec, ou bien vous vous exposez à sérieuses déconvenues.

Cette fois, c’était clair, elle n’était pas du tout enchantée de devoir supporter ici l’arrogance de ces étrangers de Terre. Elle connaissait peu ces gens, mais les très brefs contacts qu’elle avait eux avec eux lui laissaient toujours le même sentiment : il était clair qu’on les prenait pour des barbares et qu’un sentiment de supériorité était partagé par tous ceux-là. Et même en quêtant de l’aide et un toit, ils se permettaient de faire preuve de cette arrogance typique... De bien mauvais hôtes, ces gens de Terre.

— Les hôtes de marque seront logés à la citadelle, reprit Sigrid en adressant un regard équivoque à Roxo.

Une manière comme une autre de le garder sous surveillance plus étroite encore que le reste de l’équipage, tout en respectant sa préséance et son rang d’amiral. Sigrid savait toutefois quelles règles elle devait respecter en recevant ces réfugiés, et bien que cela ne soit pas de gaieté de cœur, elle entendait les appliquer à la lettre.

D’un signe de main, elle fit venir à elle quelques soldats, ainsi que les deux hommes restés près d’elle et leur intima de prélever toutes les armes portées par l’équipage et les passagers. Ceci étant fait, et les équipements chargés à part et emportés à la citadelle, Sigrid fit une petite courbette raide et s’adressa de nouveau à Roxo.

— Si vous le voulez bien, je crois que nous avons à converser. Vos hommes sont libres d’aller se reposer, mes gardes leur indiqueront où ils ont à se rendre.

D’un ton sec, elle héla le géant roux qui avait tenu la population à l’écart et leur avait ordonné de se disperser.

— Ingvar, dit-elle, tu seras chargé de veiller sur nos hôtes.

Elle fit demi-tour et lui assena une tape sur l’épaule devant son air déconfit.

— Je te fais confiance là-dessus, tiens-les à l’œil.

Sigrid jeta un regard par-dessus son épaule, marquant une pause.

— Suivez-moi, amiral. Vous devez être las, le repas vous sera servi dans ma demeure.

Chapitre 4 : Séparation.

Nos armes nous furent retiré et on opposa un refus glacial au fait que les hommes aillent dans des maisons closes. Bon, certains allaient être mécontent, mais il savait à quoi s'attendre si ils rompaient les règles instaurées à bord du navire. Si Sigrid ne les faisaient pas exécuté. Nous nous en chargerions, nager dans une eau glaciale n'étais pas très difficile, mais avec un poids aux pieds, ça en devenait une épreuve mortelle. Surtout si il fallait nager plus d'un kilomètres pour espérer un pardon.

-Au moins c'est clair. Messieurs, vous avez entendu, le moindre écart de conduite, et vous êtes mort. Je ne tolérerais pas la moindre faute de comportement, pas de bagarre, pas de viol, pas de pillage, pas de rapine, vous n'êtes pas des pirates, mais d'honorable marin. Alors agissez en temps que tel.

Je reprenais une position un peu moins droite et officielle que j'avais avant, j'étais las de ce voyage et je n'avais qu'une envie, sentir enfin un siège immobile sous moi, pour pouvoir fermer les yeux et dormir quelques minutes, pour remettre mes pendules à l'heure, mais je devais d'abord discuter avec la Jarl. Et ça promettais de formidable barre de rire et d'amusement, elle semblait aussi ouverte et perméable a l'humour que le paysage qui nous entourait. Mais j'avais déjà vu bien pire, il me suffisait de trouver un sujet de discutions sur lequel nous pourrions trouver tous les deux un arrangement. Et quelque chose me soufflait que ca allait être un sujet martial, et non poétique. Ça tombait bien, j'excellais plus dans ce premier que dans le second.

-Je vous suis Jarl Sigrid, mais sachez que ma race ne me permet pas de m'alimenter comme tous les autres.

Je laissais ses gardes encadrer mes marins et je lui emboîtait le pas, tranquillement, regardant le paysage architectural que m'offrez la ville autour de moi. J'étais tranquille, mais tout de même sur mes gardes. J'étais seul au milieu de personne que je ne connaissais pas, sans armes autres que mes capacités.

Sigrid ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel dans un sourire acerbe quand l’amiral fit preuve d’un sens de l’humour tout à fait personnel en détaillant par le menu les évidentes exactions qu’il leur était interdit de commettre à Halesund. En voilà un qui savait être un invité surprise du meilleur aloi, pas de doute. Elle était peut-être la seule à saisir la drôlerie dans la situation, comme souvent. Autour d’elle l’ambiance ne prêtait guère à rire et Ingvar, malgré toute la fidélité et la loyauté, toute l’obéissance sage dont il savait faire preuve envers elle, tirait une tête de trois pieds de long, à peu près aussi enchanté que si on lui avait confié la garde d’une meute de dragons incontinents. Les réfugiés semblaient plus las que pressés d’en découdre, et avec un peu de chance, tout se passerait à merveille. Au moindre problème, Sigrid savait que son peuple serait apte à réagir : dans une patrie de soldats, chacun l’est à sa manière, et le caractère des gens de Svarholt était vanté par-delà tous les duchés de Saline pour sa force et son irascibilité.

Bien vite, ramenant sur elle les longs pans de son manteau, Sigrid fit demi-tour pour raccompagner Roxo jusqu’à la citadelle. Ingvar partit amener le reste de l’équipage à leurs quartiers, sous bonne garde, et c’est en remontant la pente escarpée qui reliait le port au reste de la ville qu’elle entendit la petite indication de l’amiral sur sa nature.

La jeune femme marqua une pause, se retournant à demi, et lui jeta un regard teinté d’un amusement acerbe.

— Il me semblait bien que vous n’étiez pas humain. Je ne vous cache pas que c’est pour cette raison que je souhaite vous garder à l’œil.

Sigrid partait du principe qu’il était un peu malpoli de demander d’entrée de jeu à quelle race appartenaient ses interlocuteurs. Mais le simple fait d’avoir pu constater de visu, par quelques détails subtils — à commencer par le fait que, contrairement à beaucoup de gens, Roxo ne respirait pas — que l’amiral n’avait vraiment que l’apparence de commune avec le genre humain était en soi suffisant pour appliquer une surveillance étroite.

Sur ce, la jarl se détourna, talonnée par celui qui l’avait accompagnée jusque là et n’avait pas ouvert la bouche. Au contraire d’Ingvar, ce géant roux qui semblait être une force de la nature, l’autre était aussi noir de cheveux et sombre d’allure que Sigrid. Il n’était pas très grand, ni très large d’épaules, mais avait cette puissance dissimulée qui laissait présager qu’il savait se montrer aussi retors que brutal. Alors que la jeune femme s’éloignait quelque peu, marchant d’un pas leste vers les hauteurs de la ville sur son éperon rocheux, il s’arrêta un instant pour rester à la hauteur de Roxo. Floki n’était peut-être pas aussi diplomate et aussi conciliant que Sigrid et il pouvait se permettre, lui, d’exprimer à voix haute quelques pensées moins aimables. Après tout, il était le beau-frère de la jarl, et il n’aimait pas l’idée qu’un amiral étranger, qui plus était non-humain, soit logé à proximité de sa famille.

— Je ne sais pas ce que tu es, dit-il à voix basse. Mais ne t’avise pas de faire du mal à quiconque dans cette maison, et dans cette ville. J’ai toujours eu envie de découvrir de quels viscères sont emplies les autres races.

Il avait parlé d’une voix profonde et grave comme un frisson de roche au creux d’une caverne ; ses yeux sombres, cernés de noir, l’avaient fixé un instant avant qu’il ne se détourne pour rattraper Sigrid. Celle-ci ralentit le pas à son tour pour rester proche de l’amiral, comme si de rien n’était.

— Mais dites-moi, ces fameux « appétits » dont vous parlez, ai-je un moyen de faire en sorte qu’ils soient satisfaits ? Il est de mon devoir de veiller au confort de mes hôtes, dans la mesure de mes moyens bien évidemment. J’ose espérer qu’il ne vous faudra ni sacrifice sanglant ni excès de cette sorte, car je me verrais alors dans l’obligation de vous forcer à repartir.

Elle s’exprimait toujours sur ce ton tranquille, très posé, pas aimable pour un sou, mais dépourvu de toute trace de menace. Elle parlait sans détour, comme toujours, et ne respectait que le minimum de convenances nécessaires.
Il leur fallut un moment avant de rejoindre la ville haute, puis la citadelle frileusement nichée en haut du rocher, derrière ses hauts murs. On s’écartait avec déférence sur le passage de la jarl, qui semblait connaître tous ceux qu’elle croisait et saluait la plupart des gens avec cette politesse glaciale qui était toujours la sienne. En arrivant dans la cour de la forteresse, les gardes étaient déjà en alerte et bien plus nombreux qu’ailleurs. Les ordres devaient déjà être remontés et la surveillance avait déjà été renforcée, même si pour l’heure on ne se doutait pas encore de la nature de leur invité surprise.

Chapitre 5 : Je marche seul.

Il me semblerait que la personne en face de moi, la Jarl, avait un sens de l'humour un peu décalé de celui des autre personne autour d'elle, il suffisait de voir la tête de certains pour avoir envie de rejoindre les jupes de Nayris... Je savais aussi que mes marins se tiendraient tranquille, ils avaient été brièvement briefer sur les dangers des peuples des glaces, et je sentais qu'ils n'auraient pas envie d'encourir un châtiment par ses barbares... Ni par moi même d’ailleurs. Puis la Jarl avoua enfin qu'elle souhaitait me garder à l’œil. Ça ne m'étonnais pas, je n'étais pas forcément quelqu'un à qui on aurait tendu un enfant en demandant une bénédiction...

Je ne devais pas avoir une tête d'enfant de cœur alors... Je ne me sentais pas particulièrement dangereux moi pourtant, enfin, tout seul au milieu d'un duché, avec un navire sans équipage, si j'avais été en guerre contre Saline, voilà que je serais devenu un prisonnier de très haute importance. A la bonne heure. Mais heureusement, on n'était pas en guerre contre les Glaces, et c'était tout ce qui importait... Tchh.

-Je suis un vampire, je me nourris de sang, et de rien d'autre.

Je continuais après d'avancer, tranquillement, deux pas derrière Sigrid, je n'avais toujours pas peur, je me sentais capable de me débarrasser d'elle, c'était une humaine, mais ce qui me poserait problème c'était la ville, les habitants semblait aussi rude que le paysage en lui même, et ça pourrais me porter préjudice si je venais à faire une connerie.

Puis on vint me menacer, et je dois avouer que je passais prêt de l'explosion, j'avais beau être affaiblis par le soleil, plongé mes crocs dans la jugulaire de cet homme m'aurait rendu assez d'énergie pour que je puisse en faire de la chair à pâté. Mais non, je restais insensible a sa menace, j'aurais pût lui faire ravaler ses mots, mais je n'en éprouvais pas le besoin, je me sentais en cet instant totalement détaché de lui, de moi, de mon corps, de tout.

J'avançais donc tranquillement, fixant mon regard rouge sang sur le dos de l'homme qui m'avait ainsi menacer, peut être qu'un jour, si je le recroisait, ma lame irait se nourrir de son sang, peut être que je lui ferais ravaler sa fierté et son crétinisme, ou peut être pas. Seul l'avenir m'offriras la réponse.

-Ne vous en faite pas pour mes appétits, je n'exige ni sacrifice sanglant, ni quoi que ce soit d'autre, je souhaiterais juste voir un de mes marins pour pouvoir boire son sang, ce sera court et en aucun cas dérangeant. Je repartirais de toute les façons très bientôt, je vous avoue avoir fais une halte en ses lieux pour du commerce et des rencontres, mais si nous sommes gênants, nous disparaîtrons bien vite pour vous laissez à vos habitudes.

Je continuais alors de la suivre, profitant du paysage autour de nous.

-Un bien bel endroit...

Sigrid leva les yeux au ciel à la réponse de son hôte. Un vampire ? Bien sa chance. Alors qu’ils franchissaient les portes de la citadelle, elle congédia Floki d’un geste de la main, non sans montrer un léger agacement méfiant à l’égard de celui-ci. Sa petite apparté au vampire ne lui avait pas échappé et elle savait combien il était prêt à défendre sa famille coûte que coûte, et que quiconque s’approchait d’eux s’exposait à de sévères représailles. Mais l’heure n’était pas à cela, et si Sigrid n’était pas apte à faire en sorte que l’invité se tienne tranquille, alors autant rendre tout de suite son titre de jarl. Depuis qu’il était le père de l’héritier présomptif du duché, il avait de plus en plus tendance à empiéter sur son autorité...

— Nous ferons à votre convenance, répondit-elle calmement en adressant un hochement de tête à Roxo. J’ai toutefois entendu que ceux de votre race n’aimaient guère la lumière du soleil, serait-ce une légende ? Non pas que celui-ci soit particulièrement vif, dans nos contrées, je le concède.

L’esquisse d’un sourire amusé déforma un instant la ligne dure de ses lèvres fines et elle glissa un regard en biais à son hôte avant de le faire entrer dans la grande salle du château. L’endroit était bruyant, obscur et enfumé, sous son haut toit de bois aux poutres apparentes. On venait manifestement d’achever le repas du jour, car les domestiques étaient occupés à défaire les tréteaux et les tables, circulaient les bras chargés de plats vides tandis que plusieurs molosses se disputaient des restes. Plusieurs groupes de personnes, vêtues plus ou moins richement selon leur rang, discutaient entre eux, certains se hâtaient de rejoindre leur poste, et d’autres musardaient sur quelques sièges disposés autour d’un grand foyer central. L’automne finissant avait ramené sur les épaules des habitants les lourdes pelisses et les fourrures, mais ce froid humide et rampant ne semblait gêner personne.

On salua la jarl avec déférence sur son passage, et beaucoup fixèrent le vampire à ses côtés en murmurant, quelques remarques fusèrent, des regards le dévisagèrent longuement alors qu’elle allait s’installer sur son siège disposé tout au fond de la salle, face à la porte, à proximité d’une immense cheminée creusée dans le mur. Les domestiques venaient à peine de débarrasser la grande table de bois massif qui trônait à côté, sans doute le lieu où les invités de marque et les proches de la duchesse prenaient leurs repas. L’endroit semblait toutefois autant un lieu de vie qu’un lieu où se restaurer, car très vite l’on vit certains s’installer pour converser, quelques femmes à leur fuseau qui surveillaient d’un œil les enfants jouant avec les chiens, et d’autres encore qui réparaient des armes ou reprisaient des filets près du foyer.

— Alors, lança Sigrid en ôtant son lourd manteau pour s’installer confortablement sur son siège. Dites-moi, quelle est la situation, là-bas ?

Le visage de la jarl montra enfin un peu d’animation. Elle était curieuse, c’était visible, presque avide d’en apprendre plus sur les raisons qui avaient pu pousser ces gens à fuir Terre, parce qu’elle savait fort bien qu’on ne s’exile pas sans raison et que cette raison était toujours la même : la guerre. Et comme une épidémie, celle-ci avait toujours une fâcheuse tendance à se répandre, quoique l’on puisse se sentir bien isolé du reste du monde, dans ce duché de montagnes et de bois impénétrables, si loin du continent.

— Si j’ai bien saisi, les vôtres sont des réfugiés venus de Terre, mais je doute qu’ils aient quoi que ce soit à commercer. Nous échangeons peu avec les étrangers, les marchands de Cardrak se chargent de vendre nos biens à l’extérieur.

Le coude posé sur le bord de la table, elle avait appuyé sa joue contre ses doigts minces. Elle n’était pas détendue, cela se voyait, en alerte, comme un chat qui feint la tranquillité mais ne cesse d’épier son adversaire. Sans la lourde cape fourrée qui élargissait sa carrure, elle paraissait étrangement fine, presque maigre sous sa tunique de cuir et ses lourds vêtements brodés. Vêtue de noir, comme tout le monde ou presque dans son duché, elle portait le blason immaculé de sa maison, un oiseau aux ailes déployées, et à son poing brillait une grosse chevalière de pierre noire et d'argent.

Ses cheveux sombres étaient tressés sur les tempes pour ramener en arrière la masse informe du reste des ses mèches emmêlées, et c'était là bien la seule concession qu'elle fît à la coquetterie que l'on dit féminine. Tout était sobre, et, quoique usé et un peu passé, net et prévu pour l'efficacité. En voilà une qui ne se souciait aucunement d'être agréable à l’œil : si elle prêtait une quelconque importance au paraître, c'était simplement pour affirmer son autorité et marquer son statut supérieur à tous les autres.

Chapitre 6 : Quand les convenances s'en mêlent.

Je ne fus pas fâcher de voir l'homme prendre congés de nous, je devais avoué qu'il me tapait sérieusement sur les nerfs et que je n'aurais sans doute pas tarder à lui bondir dessus tellement il m'énervait. Mais passons, j'étais enfin dans les bâtiments, la lourdeur du soleil, bien que distant, ne me fatiguant plus autant qu’auparavant. Je souriais en voyant les lieux, c'était beau, c'était chaleureux et ça donnait envie de prendre le temps de s'asseoir et de tisser des liens avec les gens, c'était peut être l’intérêt de la pièce.

La Jarl s’assit sur son siège et entra immédiatement dans le vif du sujet, ce qui l’intéressait, des nouvelles de Terre,et de l'avancée de l'Aile. Et bien j'allais la servir.

-Il a fait tomber eau et feu en plus de ciel. Il est puissant le bougre, et les peureux qui se rangent à ses côtés sont nombreux, il semblerait que certains le vois comme le renouveau de Terra. D'autre comme un envahisseur. J'ai bien peur qu'il ne soit les deux à la fois. Il tient la plupart des gens, et je pense que sa prochaine cible sera Terre.

La situation était catastrophique pour de nombreuses personnes, l'Aile était bien puissante et les peuples pas réellement préparer à la brutalité des démons accompagnant le monstre. Pour l'instant se dernier semblait panser ses blessures, prêt à repartir à l'assaut pour cette fois ne s'arrêter qu'avant l'invasion finale de Terra.

J'haussais finalement les épaules et me permettait de me défaire de mon manteau, révélant dessous ma tenue de cuir bien huilée et graissée, qui me permettait de resté un minimum sec à bord de mon navire, je déposais mon manteau sur la table derrière moi, prenant le temps de regarder autour de nous.

-Je ne peux décider pour eux, nous avons quelques armes, des ressources, et du tissus. Rien de bien plus, je suis plus un vaisseau de guerre que de transport, mais j'étais le seul disponible pour ça.

Elle semblait bien maigre, sans sa lourde cape, et je ne pouvais m’empêcher de lui trouver une certaines grâce que seule les guerrières savaient trouvé à mes yeux. La mort qui marche sur les talons, l'amour du sang et de l'adrénaline, ses femmes là, étaient largement plus dangereuses que des montagnes de muscles sur les champs de bataille. On pouvait leurs faire confiance. Sa tenue le prouvait, elle sentait la maîtrise martiale à plein nez.

Sigrid ne quitta pas son interlocuteur des yeux, le laissant répondre à ses questions. Ses yeux noirs s’étaient fixés sur lui, le menton posé au creux de sa main, avec cette attention silencieuse et presque oppressante qui semblait parfois pousser ses interlocuteurs à meubler ce mutisme envahissant par de longs discours.

Elle était curieuse, autant de ce qu’il avait à dire que de lui-même : rares étaient les étrangers à s’aventurer si loin dans les terres et plus rares encore étaient les peuples qui n’étaient pas de la race des hommes. Ni les uns ni les autres n’étaient très bien vus, et ce que Sigrid cherchait avant tout à savoir, c’était quel genre de créature, avant de savoir quel genre de personnage, les lois de l’hospitalité l’avaient poussée à recevoir sous son toit.

Un léger sourire lui vint quand il parla de la situation sur le continent.

— La guerre viendra jusqu’à nos portes, c’est ce que l’on prétend, par ici. Les rumeurs qui nous parviennent ne diffèrent guère de vos discours, et tous font état de la même chose : le démon s’empare de tous les royaumes qui demeurent à sa portée. Nous savons qu’il ne se passera guère de temps avant qu’il ne tourne ses armées vers nous, mais nous avons l’orgueil de croire que nous saurons y résister.

Son sourire s’accentua encore, un sillon creusé dans ses joues livides.

— S’il s’agit bien du « renouveau de Terra », comme vous dites, eh bien, nous nous passerons de sa... bénédiction.

Ce disant, quelque chose de presque moqueur glissa dans ses traits rudes et elle siffla ce dernier mot comme un poison.

C’est non sans un léger amusement que Sigrid dévisagea longuement son interlocuteur alors qu’il en faisait de même, tout en conversant comme si de rien n’était. Nul n’était dupe et sous les dehors d’une discussion courtoise, c’était évidemment deux adversaires potentiels qui se jaugeaient l’un l’autre et soupesaient les forces en présence. Il n’y avait pas de tension, pas d’hostilités, juste deux prédateurs face à face qui s’examinaient mutuellement tout en respectant le statu quo.

C’était un marin, c’était indéniable. Bien que ses vêtements soient fort différents de ceux que l’on portait à Saline, Sigrid savait les reconnaître à coup sûr. Pour un amiral, il semblait allègrement se passer des décorations et des ornements superflus dont certains militaires aimaient à s’encombrer, et la sobriété efficace de son allure avait quelque chose d’aussi plaisant, appelant la confiance, que cela pouvait dénoter le danger que représenterait peut-être son invité. Elle releva lentement ses yeux noirs vers le visage du vampire tout en réfléchissant à ses paroles.

— Quelques armes pourront peut-être intéresser certains de mes gens, les tissus également.

Elle étouffa un rire narquois. Adelheid ne manquerait pas de s’intéresser à cela, pas de doute.

— Je connais quelques personnes qui trouveront une utilité à vos quelques marchandises de cette sorte.

Ce disant, elle avait fixé Roxo dans les yeux, avant de détailler attentivement les expressions fugaces de son visage blême, sa bouche légèrement gonflée par ses crocs, ses traits fins et déliés, presque tranchants, le profil comme taillé dans les angles aigus et froids d’un albâtre pur et légèrement translucide.

Le voyant, elle avait l’impression de dévisager une lame faite à forme humaine, mais dont elle n’aurait pris que l’apparence : partout où elle regardait, elle ne voyait que froideur tranchante, angles saillants et formes dessinées comme autant de fils coupants. Il n’y avait rien de chaleureux, là, pas même de vivant. Le bleu de ces iris insondables n’avait rien de l’azur clair d’un ciel aimable, c’était cette couleur vertigineuse que prenait la lumière d’un jour morne quand elle jouait dans les aspérités d’un glacier. Quelque chose de terrible, là, quelque chose d'inhumain.

Elle se prit à éprouver presque un semblant de fascination horrifiée en voyant ce corps qui ne vivait pas, ne respirait pas, ne cillait même pas de ses longues paupières blanches, immobile comme un cadavre, sans le plus infime tremblement, implacable et infaillible. C'était comme contempler un reflet déformé d'elle-même, sa propre froideur minérale rendue à l'absolu, distillée à l'extrême. Un observateur extérieur leur aurait sans doute trouvé beaucoup plus en commun qu'eux-mêmes ne l'auraient jamais imaginé : face à face, figés dans une conversation dont les enjeux les plus importants demeuraient muets, deux figures de marbre et d'ombre, des yeux de pierres brillantes à l'éclat gelé, des visages que l'on aurait dit non pas modelés par les hasards de la vie et de la chair vivante mais par le ciseau d'un sculpteur maniaque.

— Mais il est vrai que vous ne tirerez guère des quelques biens que vous avez pu emporter. Comme je le disais tantôt, il vaudrait mieux pour vous de tenter votre chance vers les duchés de Selian, de l’autre côté du fleuve. Le flot est calme à cette saison, vous traversez sans encombre et nos voisins n’ont pas la méfiance que nous éprouvons pour les étrangers. Sans doute que vos réfugiés trouveront là une terre plus accueillante que la nôtre, quoique le climat n’en soit guère plus clément.

Elle acheva ses paroles dans un sourire sans joie qui fit se relever les coins de sa bouche et montrer les dents.

— Néanmoins, mon devoir m’oblige à vous préciser à nouveau que vous pourrez demeurer à Halesund tout le temps qu’il vous sera nécessaire, reprit-elle avec la même fausse amabilité.

Chapitre 7 : Miroir.

La femme comme moi sembla s'égarer dans une contemplation fascinante de son interlocuteur, nous avions des points commun, et une sorte de vision désintéresser de la vie, comme si nous étions blasé, ses paroles durant tout le temps que dura notre entrevue avaient glisser sur moi, je pensais avoir trouver un penchant féminin à ce que j'étais, quelqu'un qui était mon miroir, quelqu'un qui était presque mon exact opposé.

J'hochais la tête en rythme avec ses paroles, presque captivé par l'aura qu'elle avait développé sur moi, j'écoutais bien entendu, mais je n'avais rien à répondre, elle exposait juste des fait, des faits avec lesquels j'étais d'accord, qu'aurais je pût faire d'autre ? C'était son duché après tout, je n'allais pas contrer ce qu'elle me disait pour le simple plaisir de la mettre en rogne, je me contentais donc d'une attitude passive, m'adossant à la table pour soulager un peu mon dos. Non que je n'y avais mal, mais c'était un tic que j'avais garder d'avant ma transformation, quelque chose que j'aimais bien, avoir un solide appuis pouvant permettre une propulsion assez rapide. Il me suffisait de rester sur mes gardes, mais ce n'était pas très évident dans cette atmosphère.

Je prenais finalement la parole, simple rempart auditif contre la chaleur de la pièce qui semblait me mettre dans une sorte de cocon. Je me sentais comme un nouveau né dans les bras de sa mère... Combien de temps est ce que ça faisait que je n'étais pas rentrer dans un endroit aussi accueillant que Sholat... Mais chambre en venait à me manquer... Pas celle des auberges ou des lupanars que je fréquentais, non. Ma vrai chambre, celle de Sholat.

-Je vous remercie encore une fois de votre hospitalités, mais nous n'en abuserons pas, je pense que demain au matin nous repartirons en direction de Selian, sauf si vous souhaitez voir l'équipement que je transporte. Ce sont des lames de qualité moyenne, faite par des apprentis forgeron, mais qui sont promis à des avenirs prometteurs. Les lames ne sont pas des chef d’œuvre de beauté, mais la beauté réside dans la mise à mort donné par cette lame. Elles sont honnête, et font leur travail.

Je me redressais tranquillement, me tournant de manière offrir juste une vue de mon profil à mon interlocutrice, je réfléchissais à l'endroit où j'allais dormir, l'endroit où on allait m'assigner. Je me tournais finalement vers elle, tranquillement.

-Puis je retourner à mon navire chercher quelques affaires et les faire sécher quelque part ? J'ai bien peur que les embruns n'aient détrempé toute ma garde robe, et vous devez savoir à quel point porter des habits humide et un calvaire, surtout en ses lieux aussi... Peu chaleureux.

Et une petite pique discrète à l'encontre de la Jarl, était elle sensible à l'humour, ou pas ?

Sigrid se fendit d’un sourire un peu sec en réponse aux dernières paroles de Roxo.

— Je ne pensais pas que les attraits du climat de Saline pourraient déranger un vampire, répliqua-t-elle avec une lueur d’amusement au fond des yeux. Votre race aurait-elle des points faibles insoupçonnés ?

Elle soutint un moment le regard de son interlocuteur, comme si elle le testait également. Il semblait plutôt courtois, pour un cadavre ambulant, et la curiosité disputait à la méfiance dans son esprit. Connais ton ennemi, dit-on, et si elle devait un jour se trouver face à de telles créatures au combat, en apprendre un peu plus sur eux ne serait pas un luxe.

— Faites comme bon vous semble, reprit-elle avec un geste de la main. Ne vous étonnez pas d’être suivis, toutefois.

Alors qu’ils allaient de toute évidence prendre congé, Sigrid remarqua du coin de l’œil deux petites silhouettes silencieuses qui se tenaient à quelques pas d’eux et qui avaient sans doute eu l’oreille assez fine pour entendre ce qui avait été dit. C’étaient deux fillettes, assez richement vêtues pour appartenir sans doute à la noblesse du cru et dont les traits fins et les cheveux noirs trahissaient une parenté étroite avec Sigrid elle-même. La plus jeune ne devait pas avoir plus de quatre ou cinq ans, et se cachait à demi derrière son aînée de quelques années, lui tenant fermement la main. Elle ne cessait de fixer le vampire de ses grands yeux d’un bleu étonnant, et il y avait, sur ce qu’on voyait de son visage enfoui entre ses cheveux longs et les jupes de sa sœur, une fascination juvénile qui la rendait presque inquiétante.

Sigrid fronça les sourcils en les remarquant enfin et eut un petit claquement de langue agacé.

— Qu’est-ce ? Nous sommes occupés.

— Je sais, ma tante, répondit l’aînée avant d’être poussée en avant par sa sœur qui lui donna un coup derrière les genoux pour la faire avancer et ainsi se rapprocher de Roxo en utilisant la jeune fille comme un bouclier humain. Mais Isolde voulait voir l’étranger de près.

Elle acheva ses paroles en serrant un peu les dents, et fusilla du regard sa petite sœur qui ne lui prêtait aucune attention et semblait totalement absorbée par la présence de l’amiral. Il y avait dans ses gestes et dans son attitude une obstination renfrognée tout à fait propre aux plus caractériels des petits enfants et elle semblait être de ces marmots que rien ne peut arrêter. Sigrid poussa un soupir las et les désigna d’un revers de main.

— Deux de mes nièces, Brunehilde — l’aînée des deux fit une révérence un peu raide en fixant Roxo d’un regard peu amène — et Isolde. Il semble que vous soyez déjà une célébrité à Halesund, amiral.

Sigrid acheva ses paroles avec un sourire un brin moqueur tandis qu’Isolde, peut-être rassurée par la présence de sa tante, relâchait les jupes de sa sœur pour s’approcher encore, à tout petits pas mesurés. Ses longs cheveux noirs glissaient sur ses joues pâles, et ses grands yeux azur lui donnaient l’apparence d’une poupée, mais de ces inquiétants objets que l’on croirait animés d’une volonté propre ; quelque chose de proprement sinistre se dégageait de cette enfant, la même aura glaciale et obscure que celle qui auréolait sans cesse Sigrid, mais de manière plus flagrante encore. Il y avait quelque chose, chez Isolde, qui avait le don de mettre mal à l’aise, peut-être parce que l’on ne s’attendait pas à rencontrer cela chez une fillette aussi jeune.

Enfin, poussant la hardiesse jusqu’à être à portée de Roxo, elle tendit une main timide pour l’effleurer avant de battre en retraite près de sa tante.

— Il suffit, maintenant ! trancha Sigrid sans élever la voix. Votre père sera furieux.

Et juste au moment où elle prononçait ses mots, elle entendit distinctement la voix de Floki résonner dans la salle. À n’en pas douter, s’il voyait ses filles près du vampire qu’il semblait avoir pris en grippe à l’instant même où il avait posé le pied sur le quai, l’ambiance allait s’en trouver considérablement dégradée.

Chapitre 8 : Je saigne encore.

Alors que j'allais m'en aller de la pièce, je sentis deux nouvelles présence à peu de distance de nous, nous étions observer, et ceux par de jeune fille. Le Jarl allait m'apprendre leurs noms et l'une d'elle viendrait même me toucher, timidement, du bout des doigts, comme si elle n'avait jamais vu quelqu'un comme moi. Était ce le fait que je sois un étranger ? Oui, on me le confirma un peu plus tard... Une célébrité ? Rien que ça. Un léger sourire étira mes lèvres, dévoilant ma première rangées de crocs. Quelque chose de pas très agréable. Mais j'étais fais comme ça.

Les enfants étaient intéressante. Elles avaient un petit quelque chose autour d'elles. Ou en elle, la même chose qu'on trouvait chez la Jarl, et quelques personnes de mon entourage, une sorte d'aura de mort.. Ou quelque chose du même genre, c'était dur de mettre le doigt dessus. Mais cette famille me plaisait, ils avaient ce petit quelque chose... C'était bien. Peut être la proximité de la Frontière, est ce que ça avait un effet sur les populations ? Je n'en avais pas la moindre idée, je me pencherais peut être plus tard sur la question, pour l'instant, je sentais que quelque chose allait de travers. Comme si la situation était en train de m’échapper... Des éclats de voix, je reconnaissais celle de l'autre. Leur père ? Ce truc là était père ?

Comment est ce qu'un type pareil pouvait être père ? Remarque si tout le duché était a l'image de la Jarl, le croisement génétique entre eux tous ne devrais pas être très joyeux. Des vrai guerrier, au moins ils avaient ça dans le sang, et la famille dirigeante avait cet éclat, autour d'eux, cet aura. Je regrettais presque pour l'instant de n'avoir conserver aucune arme sur moi. Je me sentais nu, finalement, au milieu de tous ses humains, bien qu'ils soient plus lent que moi, moins réactif... Je ne pourrais jamais détruire un château à moi tout seul, et mes marins étaient trop loin... Donc j'avais intérêt à me la fermer et à pas le bousculer si il venait directement me voir pour me … Comment avait il dit déjà ? Ah, oui. Voir de quelles couleurs étaient mes viscères... Quelle menace pitoyable. On n'éviscère pas quelqu'un, c'est très douloureux pour la personne, et si il n'est pas attaché, il peut encore se battre. Le mieux est l'égorgement, ou planter directement la lame dans le cœur. Mais bon.

Je sourirais une nouvelle fois à la petite, lui faisait un clin d’œil et me tournait d'un demi tour droit militaire parfaitement exécuté, mon talon claquant sur le sol comme à la parade. J'attrapais le manteau et l'enfilait dans un grand bruit de tissus, je relevais le col et refermait tranquillement l'habit.

-Souhaitez vous me faire escorter ? Ou juste suivre par vos hommes ?

Je me tournais vers la Jarl tout en finissant de lié mon manteau, et attendait sa réponse, presque au garde à vous.

Isolde eut un petit sursaut ravi quand elle vit le vampire lui sourire, lentement, longuement laissant ses crocs à nu entre ses lèvres fines, et l’épia avec une fascination émerveillée tandis que sa sœur la forçait à revenir derrière elle. Les réactions autour d’eux furent moins positives, car en voyant le vampire montrer les dents, fut-ce dans un sourire, Sigrid se raidit et sa main se posa, comme un automatisme, sur le manche ouvragé de la hache qu’elle portait en permanence à la ceinture. Elle plissa les yeux, tandis que Brunehilde affectait la même méfiance presque agressive, chose qui aurait pu paraître drôle venant d’une petite jouvencelle d’à peine dix ans, mais qui, avec ces yeux-là, cette mine-là, la rendait aussi adorable qu’une chatte protégeant ses petits.

— Isolde !

Floki avait presque hurlé quand il avait vu sa fille si proche de l’étranger et se rua près d’eux, lame au clair, avant d’être stoppé net par Sigrid qui connaissait plus que par cœur les réactions de son beau-frère.

— Paix, Floki ! gronda-t-elle entre ses dents, le repoussant d’un coup sec. Il n’a rien fait.

Pendant que sa tante était occupée à retenir son père, Isolde sortit la tête des jupes de sa sœur pour répondre par un signe de la main timide et un joli sourire à celui que lui décocha le vampire. Elle semblait parfaitement inconsciente de ce qui se passait autour d’eux, et même quand Brunehilde la tira en arrière pour se placer derrière Floki, elle semblait ailleurs, et n’émit pas le moindre son, se contentant de garder son regard fixé sur Roxo.

— Le moment est mal choisi pour l’humour, amiral, lança sèchement Sigrid en relâchant Floki lorsqu’elle fut assurée qu’il ne sauterait pas à la gorge du vampire. Des gardes resteront avec vous jusqu’à votre départ, que je souhaite aussi imminent que vous me l’avez promis, étant donné la situation.

Toute la froide amabilité dont elle avait pu faire preuve auparavant avait disparu et rien d’autre qu’une sourde colère ne se lisait dans ses yeux étroits, alors qu’elle tâchait de surveiller Roxo et Floki. Ce dernier avait ramené ses filles auprès de lui, et tout laissait présager une correction homérique une fois que le vampire aurait tourné les talons. Le fragile équilibre qui avait pu s’établir un instant plus tôt avait volé en éclats, prouvant si besoin était qu’il n’avait rien à faire ici, à part amener le trouble et la dissension par sa simple présence.

Tout s’était hérissé, soudain, plus de paix, plus de calme tranquille dans la grande salle autour du feu, et un bref coup d’œil aux alentours permettait soudain de constater que tous s’étaient figés sur place en assistant à la scène, que tous ceux qui avaient armes ou couteaux en leur possession y avaient porté la main, et qu’une armée de regards méfiants transperçait Roxo avec vigilance. Que l’on touche à un cheveu de l’un d’entre eux et tous se ligueraient contre l’agresseur. Qu’il s’agisse de la famille de la jarl ou du plus humble, il était manifeste que le peuple de Svarholt ne souffrait pas que l’on s’attaque à l’un d’entre eux...

On laissa cependant Roxo s’en aller, mais l’ambiance ne se détendit pas tant qu’il fut encore entre les murs de la salle. Des hommes en arme se rangèrent en ordre autour de l’amiral, alors que Floki reprochait amèrement, mais à mots couverts, l’imprudence de Sigrid.

Chapitre 9 : Well, that escalated quickly.

L’atmosphère autour de moi chuta en un instant, et mon sourire auparavant doux envers la jeune fille se transforma en un rictus de défi adresser à tout le monde. Ils étaient peut être nombreux, mais si ils se mettaient à m'attaquer, je ferais un véritable massacre avant de rejoindre Nayris. Mais j'avais encore assez de respect pour le Jarl... Pour éviter de causer un bain de sang dans la salle de sa longère, je m'inclinais tranquillement devant elle.

-Dame Jarl, prenez soin de vous et des vôtres, je vois que votre réputation de solides guerrier n'est pas entamé et que les Glaces et ses habitants sont à l'image l'un de l'autre. Je vous souhaite donc que la chance et la bonne fortune vous accompagnes. Et que Nayris se tienne éloigné de vous et de vos familles.

Puis je tournais tranquillement les talons, reprenant au vol mon manteau et l'enfilant je plantais mon regard dans celui de Floki, un sourire moqueur aux lèvres et lui tirait puérilement la langue tout en agitant mes doigts, le pouce posé sur le nez. Puis, suivant mon escorte militaire, je regagnais tranquillement la ville base, le nez en l'air, une musique entraînante dans la tête. Je savais que plusieurs personnes en cet endroit allaient se rappeler de moi bien longtemps. Et ce n'était pas pour me déplaire, j'étais peut être en train de me bâtir une légende en cet endroit même... Mais je n'avais que peu d'espoir. Je regroupais finalement les marins, ainsi que les civils et regagnait mon navire. On n'avait pas trop eu le temps de se reposer, mais l'autre côté du fleuve, et les terres de nos autres alliées, n'était pas aussi loin que l'on voulait bien le croire, nous serions bientôt dans un endroit des plus accueillant.

Sigrid ferma les yeux et se permit un soupir tendu. Elle ne doutait pas un instant qu’ils étaient passés tout proche de la catastrophe... Isolde ne semblait toujours se rendre compte de rien, et lorsque l’amiral se permet un geste étonnamment peu courtois envers Floki, on l’entendit soudain rire joyeusement et l’imiter en reproduisant son geste tout en se cachant à demi derrière les jupes de sa sœur. Un étonnement soudain put enfin distraire le père de son ire envers l’étranger, tant il était inhabituel de voir la petite fille faire montre d’une telle hilarité. Elle était si silencieuse que l’on se demandait parfois si elle n’était pas muette, mais il était manifeste en tels moments qu’elle était simplement beaucoup plus silencieuse que le reste de sa famille, si toutefois cela était possible. Finalement, l’amusement procuré par Roxo à l’enfant sembla suffire à apaiser Floki qui abandonna sur le champ toute velléité de punition, au grand soulagement de Brunehilde qui redoutait cela depuis l’instant où Isolde avait échappé à sa surveillance.

Sigrid répondit par quelques formules convenues aux adieux du vampire, lui souhaitant bonne route, bon vent, et tout ce qu’il voulait de plus. La tension baissa d’un cran lorsqu’il sortit, et elle demeura longuement songeuse, l’observant de loin tandis qu’ils s’éloignaient sous bonne escorte.

Enfin, lorsqu’il fut hors de vue, elle se permit un rare sourire amusé. On se souviendrait longtemps du bref passage de Roxo Sombresang à Halesund, à n’en pas douter. Pour beaucoup des personnes présentes ici, il serait le seul étranger qu’ils verraient pendant des années, et il était plutôt distrayant de songer que le peuple de Terre serait longtemps représenté, dans leurs esprits, par cet étrange vampire qui marchait librement sous le soleil sans souffrir de sa morsure et offrait des sourires tranchants aux petites filles.

Et en parlant de cela, Sigrid jeta un regard interrogateur à sa nièce qui ne cessait de fixer la porte vide, comme si l’étrange eût pu la franchir de nouveau à tout instant. Loin d’être effrayée par lui, elle avait au contraire semblé ravie de découvrir cela et de tout la sinistre aura qu’il traînait dans son sillage. Un indice de plus qu’elle était bien la fille de son père, au grand désespoir d’Adelheid qui ne voyait pas d’un très bon œil les goûts de sa benjamine. Son oncle Volsung rirait beaucoup de cette mésaventure, sans doute, quoiqu’il jugerait probablement l’attitude de Floki encore trop aimable envers le vampire...

Mais baste, l’affaire était close et sans tarder le navire reprendrait sa route vers des rives plus accueillantes.