Les lueurs crépusculaires baignaient la chambre d’un voile rosé, caressant les meubles de leurs douces ondulations, comme un rêve s’évaporant pour laisser place à la réalité. Calliste contemplait ce mirage, se prélassant avant de commencer sa rude journée. Heureusement que Samuel n’était pas là, la paresse était un pêché qu’il n’aimait guère … Puis il faut dire que si ce n’était pas pour se prélasser avec lui, elle n’avait aucun besoin de rester au lit. Toujours est-il qu’en son absence, le travail abondait, Séraphine était très gentille, mais pas vraiment ponctuelle et un tantinet distraite. La nature avait eu la grandeur d’âme de la gâter, elle avait tout là où il faut, ne laissant pas l’époux de marbre. Cela ne la dérangeait pas le moins du monde, c’est même pour cela qu’elle ne la renvoyait pas, pendant qu’il s’occupait d’elle, il lui fichait la paix. Si seulement elle pouvait ouvrir les cuisses qu’il cesse d’être aussi pressant avec elle.

Elle s’étira longuement, se caressa la nuque pour se donner le courage d’affronter la fraîcheur matinale, et bondit du lit afin de emmitoufler dans sa robe de chambre chaude et douillette. Elle noua sa ceinture et se hâta au rez de chaussé, elle avait fini le ménage du premier étage dans la soirée. Séraphine était chargée de la cuisine et elle des poussières de la grande salle au petit matin, juste avant l’ouverture. Avant d’entamer la danse du plumeau il lui fallait prendre son petit déjeuner, aussi elle entra dans la cuisine et soupira passablement, portant une main à son front. Séraphine avait encore laissé la cuisine en l’état, la vaisselle sale végétait dans son eau croupie, et elle avait laissé le foyer s’éteindre. Pas le temps de faire la pleureuse ni de se lamenter, elle retroussa ses manches et commença pas s’occuper du feu, réanimant les braises pour le faire repartir. Au tour des casseroles brûlées de se faire bichonner et aux marmites de se séparer du gras, l’odeur lui donnait des hauts le cœur. Elle appréciait pas la nourriture en temps normal mais les effluves des ustensiles de cuisson la dégoûtait davantage, et l’allure des résidus de graisse et d’aliments brûlés n’aidaient en rien. Elle expédia la corvée, laissant la vaisselle étincelante sécher sur le rebord de l’évier, Samuel lui disait que ce n’était pas bien, mais Samuel n’était pas là. Elle regarda l’état du ciel, le soleil était déjà bien avancé et elle n’était ni propre ni habillée, si jamais on tombait sur elle dans cet état !

Son cœur commença à s’emballer, ses joues la brûlaient, son souffle devenait court : la panique l’envahissait. Elle expira un bon coup et inspira une grande goulée d’air avant de se précipiter dans sa chambre, il fallait agir avant d’être paralysée. Une fois derrière son rempart, rassurée mais pas calmée pour autant, il lui restait peu de temps pour se préparer et ouvrir l’auberge. Elle jeta sa robe de chambre et sa chemise de nuit en mousseline sur le lit avant de précipiter ses mains dans l’eau du bassin de toilette. Elle se débarbouilla le visage et décrassa le bord libre de ses ongles du restant de graisse, puis elle passa la brosse rapidement dans ses cheveux, fort heureusement ses boucles souples masquait le manque d’entretien. L’éternel rituel commença et elle se dépêcha d’enfiler et harnacher son carcan de cuir dans son cliquetis froid habituel. Une fois fini, elle couru, manquant de glisser dans l’escalier pour ouvrir l’entrée principale de son auberge, haletante, elle ouvrit le loquet de la porte et tourna le petit écriteau « ouvert » pour inviter les clients à entrer. Elle essuya quelques gouttes de son front du revers de la main avant de commencer les poussières, courir dans cet atroce accoutrement lui donnait des coups de chaud. Le plumeau entama son petit déhanché pour épousseter les meubles, au diable ce que les gens penseraient, ce qui comptait c'est que ce soit propre.

Sen'tsura. Capitale de l'Empire et du monde, comme elle avait été désignée à Iryo par les passants qu'elle avait rencontré sur son chemin depuis son village de Sahawi. La jeune femme avait décidé de franchir le pas et de voir le monde, après avoir vécu de belles aventures avec un Elfe du nom d'Artanis et un jeune homme du nom de Trataïr.

Iryo avait mis quelques jours à atteindre la capitale, et sitôt arrivée, elle s'était mis en tête de trouver un emploi. Normalement, ce ne devrait pas poser de problème, et puis vivre de manière illégale...

Elle s'aventura dans les rues de Sen'tsura un peu au hasard, se rendant dans les différentes tavernes qu'elle rencontrait sur sa route ; malheureusement, aucune d'elles n'embauchaient de serveuse supplémentaire... Elle continua donc avant d'arriver, fourbue d'avoir tant marché, jusqu'à l'auberge du Griffon rieur. L'établissement semblait neuf, mais encore un peu vide... Elle poussa la porte d'entrée et appela :

Youhou ? Est-ce qu'il y a quelqu'un ?

Elle fut surprise de voir une jeune femme en train de faire la poussière et le ménage dans l'établissement, mais se ressaisit et déclara avec un sourire :

Bonjour, excusez-moi de vous déranger... Je m'appelle Iryo et je cherche un travail en tant que danseuse ou serveuse, en recherchez-vous par hasard ?

Calliste sursauta et cacha machinalement le plumeau dans son dos, reprenant son sourire habituel avant de se racler la gorge « Diantre, que vous m’avez fait peur Madame ! » Son cœur se calmait un peu, mais comment diable avait-elle fait pour être aussi discrète ? Ou alors la jeune femme était dans son monde … Probablement d’ailleurs. Elle s’avança un peu pour mieux voir la jeune fille, tirant son jouet de son dos pour en froisser et défroisser les plumes un peu nerveusement. « Veuillez excuser mon comportement quelque peu … Rustre … Je ne voulais pas c’est juste que j’étais distraite » Elle s’arrêta, paralysée par la beauté de la jeune femme.

Un pâle rayon matinal venait onduler timidement sur le visage de l’étrangère, la lumière se réfléchissait dans ses magnifiques saphirs, saisissant l’interlocutrice. La damoiselle était fort belle, une splendeur pleine de caractère et toute en simplicité, tout ce que Calliste aimait. Cette peau qui respirait le soleil, cette chevelure ébène aux reflets de nuits, se pouvait-il qu’elle vienne d’une contrée des sables dont parlaient ses livres d’enfants ? Elle n’avait pas encore eu l’occasion de côtoyer pareil individu et même si elle ne le montrait pas, elle était intimidée, trépignant à l’idée de la toucher mais elle ne le pouvait pas. Trop occupée à admirer cette jolie damoiselle, elle n’écouta qu’à moitié ce qu’elle disait, oubliant de lui répondre dans un premier temps. Un soubresaut la réveilla, ses lèvres s’arrondirent de sorte que les commissures de ses lèvres étaient très rapprochées.

« Oh oui, oui, je … Pardonnez moi, mais c’est la première fois que je vois une personne comme vous … Donc euh … Oui, un emploi … » Elle s’imagina dans une barque en train de ramer à contre courant d’une énorme chute d’eau et rigola de bon cœur et porta une main sur sa poitrine.

« Je vais tout reprendre depuis le début, je ne suis pas folle rassurez vous » Son autre main lui porte une petite gifle pour remettre ses idées en place, elle en sourit davantage « Je me nome Calliste Mandra, je suis la tenancière de cet établissement » Elle l’invita à la suivre d’un petit roulement de main, s’asseyant à son comptoir et tapotant la chaise d’à côté pour qu’elle prenne ses aises. « Je n’ai pas eu une attitude très professionnelle, veuillez m’en excuser … » Elle se racla la gorge pour rester concentrer, son histoire de danse éveillait sa curiosité mais elle en avait assez fait. « Je recherche une serveuse, vous vous occuperiez de la salle et tiendrez le bar en mon absence. Je ne suis pas contre le fait que vous exerciez votre art quelques soirs dans la semaine, au contraire ! Les dons des clients vous reviendrez entièrement, je ne vous prélèverais rien. Je peux vous proposer d’être nourrie, logée pour une pièce d’or par semaine. » Elle allait pour lui tendre la main pour conclure le marché avant de se raviser, préférant lui servir un petit verre d’hydromel et de lui faire glisser sur le comptoir « Vous en sentez vous capable ? » Elle se releva, se caressant les cuisses « Vous avez la mine déconfite, un peu de repos vous ferais du bien »

Iryo resta immobile pendant que la jeune femme qui nettoyait son officine la contemplait sous toutes les coutures. Comme si elle n'avait jamais vu quelqu'un comme la danseuse, qui prit le parti d'en sourire pendant que la jeune femme se rappela soudainement de sa présence et lui répondit :

Oh oui, oui, je … Pardonnez moi, mais c’est la première fois que je vois une personne comme vous … Donc euh … Oui, un emploi …

Iryo hocha la tête en silence, continuant de sourire ; la jeune femme devant elle se mit à rire et se présenta enfin avant de l'inviter à la suivre :

Je me nome Calliste Mandra, je suis la tenancière de cet établissement. Je n’ai pas eu une attitude très professionnelle, veuillez m’en excuser …

Je vous en prie, ce n'est rien...

Elle s'assit à côté d'elle et l'écouta après que ladite Calliste se soit raclée la gorge :

Je recherche une serveuse, vous vous occuperiez de la salle et tiendrez le bar en mon absence. Je ne suis pas contre le fait que vous exerciez votre art quelques soirs dans la semaine, au contraire ! Les dons des clients vous reviendrez entièrement, je ne vous prélèverais rien. Je peux vous proposer d’être nourrie, logée pour une pièce d’or par semaine.

Iryo ne cacha pas sa joie ; enfin elle avait trouvé un emploi ! En plus avec une patronne au premier abord très sympathique malgré le fait qu'elle puisse paraître un peu... Bref. Calliste alla remplir un verre d'hydromel qu'elle lui envoya en le faisant glisser sur le comptoir avant de lui demander :

Vous en sentez vous capable ? Vous avez la mine déconfite, un peu de repos vous ferais du bien

La danseuse de Sahawi lui adressa un sourire radieux avant de lever son verre :

Mon passé plaide en ma faveur, j'ai déjà été serveuse avant d'être danseuse... Je m'appelle Iryo, enchantée.

Puis elle répondit à la remarque de Calliste :

Et oui, je marche sans arrêt depuis que j'ai quitté mon village de Sahawi pour voir le monde... Mais ça en valait la peine, très clairement.

Calliste était ivre de joie, elle avait enfin trouvé une personne pour l’aider, quelqu’un de très intéressant sur bien des aspects ! Elle espérait profondément qu’elle lui parle encore et encore de son pays, de ses eusses et coutumes, des gens de là bas, de ce qu’elle avait vu lors de ses voyages. Elle devait avoir vu des merveilles, connaître tellement de chose d’un peu partout dans le monde, elle aussi au fond aspirait au voyage après la mort de Samuel … Ou qu’elle ait réuni assez d’argent pour s’enfuir, ce n’était pas du joli mais elle avait tellement hâte mais elle était sure que la nature allait s’obstiner dans sa méchanceté vengeresse.

La jeune femme se releva et l’invita à la suivre d’un mouvement circulaire de la main « Vous devez avoir faim, venez vous restaurer, vous verrez la cuisine ainsi » Elle l’y entraîna. La cuisine était standard, sans être excessivement grande, elle était de taille convenable. Le foyer se prélassait dans la cheminée, une marmite au dessus de la tête. La pièce embaumait le ragoût, on pouvait humer l’odeur de la viande de porc marinée dans le jus de pomme de terre, carottes, poireaux et quelques feuilles de laurier. La tenancière s’avança pour couper un énorme morceau de pain bien frais et croustillant de la miche encore un peu chaude. Elle déposa des couverts à côté, ainsi qu’une serviette rouge en coton très serrée lui offrant une certaine douceur. Puis elle déposa un gros morceau de viande dans une assiette creuse accompagnée d’une garniture imposante, prenant soin de ne pas y mettre les feuilles de laurier. Elle releva la tête en souriant « Mangez, vous irez vous reposer par la suite, vous avez votre journée de libre le temps que vous vous familiarisiez à ce lieu » Elle tira la chaise d’en face en vue de s’y installer, elle avait omis de lui préciser quelques détails, aussi elle leva l’index « Ah, si vous avez des questions ou si vous rencontrez des difficultés n’hésitez pas à m’en parler, quoi qu’il se passe je ne vous jugerez pas … Dans peu de temps vous rencontrerez mon époux, si … Comment dire … Si jamais il vous fait des avances et que cela vous importune, venez m’en parler, je lui dirais. Dans le cas contraire, vous pouvez vous faire plaisir, cela ne me dérange pas » Au contraire, si elle pouvait le séduire, qu’il se soulage ou même qu’il la laisse pour la jolie brunette, mais ça, ce n’était qu’un doux rêve.

Elle se permit de s’assoir juste en face d’elle, c’est vraiment très impoli mais elle trépignait d’impatience elle qui n’avait vu le monde que grâce aux livres « Puis-je vous demander d’où vous venez ? J’ai très peu voyagé et je le déplore … J’aimerais tant que vous m’en parliez un peu et de votre danse aussi ! Est-ce que c’est une spécialité de chez vous ? A-t-elle un nom spécifique ? » Elle se redressa droite comme un piquet « à moins que vous n’ayez pas envie de me raconter maintenant, je pourrais comprendre, je suis un peu intrusive pour une première rencontre » Elle regretta son attitude de sale enfant gâtée et égoïste mais elle garda son masque jovial, trop orgueilleuse pour le montrer.

La brunette à la peau de bronze fut cordialement invitée à se restaurer après un si long voyage, ce qu'elle ne refusa pas. Elle suivit Calliste jusque dans la cuisine, et elle lui servit une assiette de ragoût au fumet appétissant. La jeune femme aux cheveux blonds et aux yeux violets, après s'être installée à côté d'Iryo qui commençait à manger, lui déclara :

Ah, si vous avez des questions ou si vous rencontrez des difficultés n’hésitez pas à m’en parler, quoi qu’il se passe je ne vous jugerez pas … Dans peu de temps vous rencontrerez mon époux, si … Comment dire … Si jamais il vous fait des avances et que cela vous importune, venez m’en parler, je lui dirais. Dans le cas contraire, vous pouvez vous faire plaisir, cela ne me dérange pas.

La danseuse de Sahawi haussa un sourcil ; elle n'était pas du genre à prendre les hommes des autres, même si elle savait qu'elle était belle et qu'elle pouvait rendre fous les hommes sensibles aux charmes des femmes... Elle nota dans un coin de son esprit de se méfier de l'époux de Calliste, sait-on jamais.

Elle sourit lorsque sa patronne lui demanda avec excitation :

Puis-je vous demander d’où vous venez ? J’ai très peu voyagé et je le déplore … J’aimerais tant que vous m’en parliez un peu et de votre danse aussi ! Est-ce que c’est une spécialité de chez vous ? A-t-elle un nom spécifique ?

Elle se redressa sur sa chaise avant de reprendre :

à moins que vous n’ayez pas envie de me raconter maintenant, je pourrais comprendre, je suis un peu intrusive pour une première rencontre.

Iryo reposa sa fourchette et croisa les bras tout en s'installant un peu plus confortablement sur sa chaise, avant de réfléchir aux mots qu'elle allait employer :

Je vais vous répondre, après tout c'est normal d'apprendre à se connaître.

Je suis née à Dahalia, mais je vis depuis peu à Sahawi, au pays de Feu. Quant à ma danse... disons que je m'adapte à l'environnement qui m'entoure. Un jour, un couple des Glaces m'a appris une de leurs danses traditionnelles, et je pense être en mesure de la restituer. Vous voulez que je vous montre ?

Elle avait fini en souriant ; elle se sentait en confiance avec Calliste, et elle comptait bien faire de même. C'était dans sa nature...

Calliste exultait, bien sur que non la jolie femme aux cheveux de nuit n’était pas obligée de lui raconter quoi que ce soit, cela relevait de l’intimité et n’importe quel patron n’avait aucun droit là-dessus. Elle aurait été déçue mais ne lui en aurait pas voulu pour autant, elle pouvait comprendre plus que quiconque la difficulté de se dévoiler. Aussi, elle accueilli la réponse positive de la dame un peu excessivement, applaudissant et souriant « Formidable ! »

Elle l’écouta attentivement, sa tête soutenue par la paume de sa main, ses yeux brillaient tant elle était heureuse. Elle avait entendu parler de la contrée de Feu, vaguement, il faut dire qu’elle n’avait effectivement jamais rencontré quelqu’un ressortissant de là bas, elle ne s’était pas trompée *Merci les livres !* La jeune femme avait malheureusement déjà fini son récit fort vague, il n’y avait pas là les descriptions attendue par l’excitée. Dommage, ce serait pour une prochaine fois, Iryo devait surement être fatiguée. Elle tenta quelques questions supplémentaires pour éclaircir certains points « Dahalia est à combien de jour de marche de Sahawi ? Se ressemblent-elles ? Commencez vous tout jute votre voyage ? »

Elle pencha la tête de biais, intriguée « Vraiment ? Vous auriez la bonté de me montrer une de vos danses ? Vous n’êtes pas trop fatiguée ? Le contre coup d’un bon repas est souvent rude vous savez … Mais j’en serais plus qu’enchantée, je … N’ai jamais rien vu de tel, on ne voit pas ça dans les livres … » C’était un amer constat, il y avait certaines choses que l’on n’apprenait pas dans les livres, beaucoup même … Subitement, elle prit conscience d’être passée à côté de tellement de chose, toutes ces années qu’elle avait passée à s’inventer une vie, passant à côté de la sienne. Elle senti poindre en elle un flot de peine, ne laissant rien paraître, ça ne regardait personne d’autre qu’elle.

Elle secoua la tête pour sortir de ses rêveries « Mangez, mangez donc, reprenez-en si vous le souhaitez, il vous faut prendre des forces pour le reste de la journée. Je vous ferais une visite avant de vous laisser prendre congé » Elle se le va pour aller remuer la tambouille encore sur le feu afin qu’elle ne brûle pas, elle s’arrêta brusquement, une idée lui trottant dans la tête « Avez-vous le même dialecte qu’ici ? Peut-être avait vous ramener un ou plusieurs livres de vos voyages, dans ce cas accepteriez vous de me les prêter ? » Si elle n’était pas bavarde, peut être allait-elle lui permettre d’en savoir plus d’une autre manière.

Calliste était enchantée de voir qu'Iryo, malgré sa fatigue, ait accepté de répondre à ses questions de curiosité. Apparemment, la jeune femme aux yeux violets n'avait pas vu le monde, et Iryo pouvait la comprendre. Elle lui demanda :

Dahalia est à combien de jour de marche de Sahawi ? Se ressemblent-elles ? Commencez vous tout jute votre voyage ?

Iryo lui répondit après avoir avalé deux bouchées du délicieux ragoût :

A vrai dire, je l'ignore, ayant passé pas mal de temps dans une caravane d'esclaves enfermée dans un sac... Et non, je l'ai commencé il y a quelques temps, faisant une incursion dans les plaines de Terre avec un Elfe du nom d'Artanis. Et croyez-moi, ce ne fut pas qu'une partie de plaisir.

Puis Iryo lui proposa de lui faire une petite démonstration de danse, ce à quoi Calliste répondit, presque aux anges :

Vraiment ? Vous auriez la bonté de me montrer une de vos danses ? Vous n’êtes pas trop fatiguée ? Le contre coup d’un bon repas est souvent rude vous savez … Mais j’en serais plus qu’enchantée, je … N’ai jamais rien vu de tel, on ne voit pas ça dans les livres …

Puis Calliste revint sur terre et invita Iryo à finir de se restaurer, avant de lui proposer une visite de la cité une fois qu'elle aurait fini, ce à quoi la danseuse acquiesça en finissant son assiette. Puis, alors qu'elle remuait sa tambouille, elle demanda :

Avez-vous le même dialecte qu’ici ? Peut-être avait vous ramener un ou plusieurs livres de vos voyages, dans ce cas accepteriez vous de me les prêter ?

Iryo regarda dans son sac et lui tendit les deux, trois livres qu'elle avait pris pour le voyage, essentiellement des livres de guérisseur pour reconnaître les différentes plantes qui sauvent et celles qui tuent, avant de s'excuser :

Je suis désolée, c'est tout ce que j'ai pu apporter comme lecture... Voulez-vous que je vous montre maintenant une danse, ou préférez-vous attendre de m'avoir fait visiter la ville ?

Calliste fronça les sourcils, son sourire se fit plus discret, les hommes étaient ignobles au point de considérer leurs semblables comme des objets. Parfois elle l’oubliait et c’est dans des moments pareils que la vérité lui sautait au visage pour lui arracher son optimisme, tel un chien fou s’attaquant à une proie, lui déchiquetant la face. C’était incompréhensible de traiter les autres de la sorte, quand allaient-ils tous comprendre que peu importe l’origine, la nature en leur donnant la vie les avaient bâtis sur le même châssis. Elle soupira légèrement, tout de même satisfaite qu’Iryo s’en soit sortie, pour les cicatrices, elle préférait ne pas les connaître, ça ne la regardait pas. C’était une employée, aucun lien d’amitié n’était envisageable alors tout ce qui relevait du personnel au fond lui importait peu. Elle protégeait ainsi ses oreilles chastes, les horreurs du monde pouvaient la laisser en paix encore un peu, elle se délectait déjà assez de sa propre infortune. Elle opina, reprenant un air plus jovial « Je vous crois … Profitez de la vie puisque vous le pouvez … Ne stagnez pas trop ici, il y a tellement de choses à voir milles fois plus belles. »

Elle la regarda finir son assiette avant de débarrasser la vaisselle sale, la laissant agoniser dans l’évier, cela pouvait bien attendre. Calliste ouvrit de grands yeux lorsque les livres vinrent titiller sa curiosité avec leurs belles couvertures moirées. Au diable la politesse ! Un immense cri aigu perfora le calme ambiant, le même cri qu’une pucelle rencontrant un homme qu’elle idolâtre. Elle attrapa les livres brusquement, faisant fi des règles de politesses, les serrant fort contre elle en sautillant. Il fallait la comprendre aussi, les livres étaient les seules choses orgasmiques de sa vie rythmée par le dégout, la peine et la peur. Son masque était tombé, elle exprimait du vrai bonheur, elle riait de bonheur, les yeux plissés. Elle ne retint pas un petit gémissement d’exaltation lorsqu’Iryo lui expliqua que ces ouvrages traitaient de la médication, c’était ses préférés. Sa voix était tremblante, elle tentait de contrôler la vague de joie qui la submergeait « Oh vraiment ?! Mais c’est … Formidable, je m’intéresse grandement aux plantes et aux effets qu’elles ont sur les êtres … C’est prodigieux … J’en perds mon latin … Merci, merci ! Mais pourquoi vous excusez vous, il y a-t-il plus merveilleux qu’un ouvrage dans ce monde dégénéré rongé par la gangrène humaine ?»

Elle fit une pile des trois livres qu’elle tenait posée sur un de ses avant bras, sa main libre vint ouvrir celui du dessus, tremblante, l’émotion était palpable, ses lèvres pincées retenaient ses soupirs de joie. Ses doigts glissaient sur le papier lisse qui libérait des embruns amers et robustes, elle dessinait le contour des gravures pour en apprécier la finesse, ses gestes étaient saccadés, incertains, comme si elle ne pouvait croire qu’on lui laisse l’opportunité de lire telles merveilles Elle n’avait qu’une envie, partir s’isoler pour les savourer, s’en imprégner sans que personnes ne viennent perturber ce petit moment rien qu’à elle. Elle se racla la gorge pour éclaircir sa voix embrumée par l’excitation, bafouillant faiblement « P… Pour combien de T…Temps mes les prêtez v… Vous ? »

Elle referma le livre à regret, serrant la pile tout contre son cœur, les berçant comme une mère avec son enfant. Elle se calmait petit à petit, savourant l’odeur douceâtre des vieux livres, son visage respirait la paix intérieure et un petit rire vint lui chatouiller le palais. « Veuillez m’excuser, je ne me contrôle pas vraiment lorsqu’il s’agit de livres … Vous me parliez d’une danse ? Suivez moi » Elle se hâta dans la salle principale, lui présentant un espace dégagé d’une rotation du poignet pour l’inviter à exercer son art « Je vous en prie … En revanche, je parlais plutôt d’une visite du premier étage et de votre chambre, je ne peux pas vraiment quitter mon auberge maintenant, les clients ont besoin de moi … Vous avez votre journée de libre, vous pourrez en profiter seule plus tard »

Iryo vit avec plaisir la joie qui illuminait le visage de Calliste lorsqu'elle lui tendit les livres, d'autant plus qu'elle était exaltée lorsque la danseuse lui déclara qu'il s'agissait de livres de médication :

Oh vraiment ?! Mais c’est … Formidable, je m’intéresse grandement aux plantes et aux effets qu’elles ont sur les êtres … C’est prodigieux … J’en perds mon latin … Merci, merci ! Mais pourquoi vous excusez vous, il y a-t-il plus merveilleux qu’un ouvrage dans ce monde dégénéré rongé par la gangrène humaine ?

Elle les empila avant de lire, excitée, le premier de la pile, faisant sourire Iryo. Elle rassura sa patronne lorsqu'elle lui demanda combien de temps les prêtait-elle :

Gardez-les, je vous en fait cadeau. Ma mémoire me permet de me souvenir de leurs contenus, je devrais pouvoir me débrouiller sans les livres.

Vint ensuite le moment où Calliste entraîna Iryo dans la grande salle pour qu'elle puisse exercer son art :

Je vous en prie … En revanche, je parlais plutôt d’une visite du premier étage et de votre chambre, je ne peux pas vraiment quitter mon auberge maintenant, les clients ont besoin de moi … Vous avez votre journée de libre, vous pourrez en profiter seule plus tard.

La danseuse avisa la salle et acquiesça ; elle visiterait la ville plus tard, là elle se devait de danser comme promis. Elle se plaça au centre de la pièce et commença à entamer des mouvements lents, qui rappelleraient des flammes naissantes, avant de gagner en vitesse et en souplesse, comme le feu qui prenait forme d'incendie dans son foyer.

Elle resta ainsi pendant dix bonnes minutes, avant d'imiter avec ses gestes le feu qui se meurt doucement avant de s'éteindre, et finit par s'asseoir, essoufflée, sur une chaise avant de lancer à Calliste :

Evidemment, rien ne vaut une danse avec de la musique derrière... Cela vous a plu ?

Calliste sautilla frénétiquement sur place lorsqu'elle déclara lui donner les ouvrages, ses cheveux dorés volaient et retombaient en un bruissement mousseux. Elle s'arrêta lorsque son cerveau ne supporta plus de se cogner contre les paroies de son crâne, papillonant des yeux comme pour reconnecter les liaisons nerveuses. Elle rigola gentiment avant de la remercier pour son geste d'une petite inclinaison de la tête, tentant de reprendre un air sérieux.

Lorsqu'elles arrivèrent dans la grande salle, Calliste laissa à la jeune femme le loisir de s'installer comme il lui plaisait, cachant les livres derrière son comptoir de peur qu'on ne lui subtilise. Visiblement elle était tellement experte qu'elle n'avait pas besoin de préparation, sa tête tomba de biais lorsqu'elle commença à se mouvoir. Le rythme plutôt lent du début lui suggéra un échauffement, curieusement sensuel mais après tout qu'est-ce qu'elle y connaissait en danse ou en art ? Pour elle cela consistait à se dandiner n'importe comment pour exprimer sa joie, ce n'était pas courant en somme. Puis ses mouvements accélérèrent de manière impressionnante, sa musculature roulant sous sa peau mate, c'était gracieux, envoûtant et ... Un peu trop court à son goût. En effet, les gestes se faisaient plus discrets, annonçant la fin de la prestation.

Elle la suivait encore du regard lorsqu'elle vint s’asseoir épuisée, espérant qu'elle n'allait pas rendre, ce n'était finalement pas une si bonne idée de pratiquer juste après manger. Elle opina gentiment au sujet de la musique, bien qu'avec un peu d'imagination on associait aisément une symphonie aux gestes. Peut-être était-ce nécessaire pour la créativité de l'auteur cela dit, mais Calliste n'avait pas la prétention de comprendre ce processus.

"C'était très beau, j'aimerais pouvoir faire de même, vous êtes gracieuse et je vous laisserais danser ici de temps à autre"

Elle alla chercher une petite clef en bronze avant de l'inviter à la suivre en roulant du poignet, commençant sa petite visite en empruntant les escaliers, accompagnée d'une petite tirade. "Cet escalier mène aux chambres des clients" elle s'arrêta devant la première porte s'ouvrant sur le couloir "Voici la votre" elle se tourna pour toiser le couloir dans toute sa longueur "La pièce du fond c'est le cabinet de toilettes, on peut s'y laver. La chambre juste à côté c'est la mienne et avant celle-ci, les appartements de mon époux" Puis elle ouvrit la porte donnant sur une chambre toute simple, dominée par les tons crème et rouge ainsi que des motifs baroques. Les meubles sont en acacia, il y a un bureau, une armoire et un lit douillet. La tenancière se tourna alors vers la brunette, déposant la clef sur le lit "Ces appartements sont vôtre pour la durée de votre séjour, je vous laisse les investir à vôtre convenance, reposez vous bien" Elle lui fit un salut de la tête avant de prendre congés.

Iryo poussa un léger soupir de satisfaction : elle s'était bien restaurée, venait d'exécuter un petit bout de danse - pour éviter de rendre ce qu'elle venait d'avaler - et Calliste lui confirma :

C'était très beau, j'aimerais pouvoir faire de même, vous êtes gracieuse et je vous laisserais danser ici de temps à autre.

Puis la jeune femme aux cheveux blonds lui fit signe de la suivre dans un escalier qui menait aux chambres des clients dans un premier temps. Puis elle s'arrêta devant une porte qui ouvrait sur un couloir, avec les pièces privées :

La pièce du fond c'est le cabinet de toilettes, on peut s'y laver. La chambre juste à côté c'est la mienne et avant celle-ci, les appartements de mon époux.

Elle la guida jusqu'à une chambre simple mais confortable, dans les tons crème et rouge qui plut à Iryo. Les meubles, qui se résumaient à un bureau, une armoire et un lit douillet, étaient en acacia, donc du solide. Calliste posa la clé sur le lit et lança à la danseuse :

Ces appartements sont vôtre pour la durée de votre séjour, je vous laisse les investir à vôtre convenance, reposez vous bien.

Iryo lui adressa un sourire amical et chaleureux pour la remercier, avant que la porte ne se referme sur la jeune femme aux cheveux blonds. La danseuse se laissa tomber sur le lit et ferma les yeux, s'abandonnant au sommeil réparateur après un voyage aussi long. Qu'est-ce qui l'attendait, à présent ?