Etait-ce juste après être revenu à lui ou bien plus tard ? Au détour d'une ruine macabre défiant les voyageurs d'oser s'en approcher ? Aux portes du donjon qu'il n'aurait jamais dû visiter ? Sombre ne savait plus vraiment situer. Dans tout les cas, le temps était à l'orage, ca. Il en était certain. Ses nouvelles moustaches étaient trempées et sa nouvelle fourrure empestait le chat mouillé. Le chat avait froid, l'homme s'habituait difficilement à sa nouvelle forme. Et dans ce pays désertique et morbide, il n'y avait que très peu d'arbres. Mais pourtant, furetant à travers la nuit, slalomant entre les énormes gouttes d'eau qui s'écrasaient sur son dos, Sombre secoua vivement le museau chatouillé par une énième goutte taquine. Il ne sait pas vraiment si c'est parce qu'il avait secoué la tête ou juste parce qu'il n'avait pas fait attention. Mais son regard perçant de chat, chose la plus remarquable des nouveautés auquel il était confronté lui permit de voir un abri à travers le rideau drue et noir de la pluie glaciale.
Un arbre torturé s'élevait de manière lugubre au milieu de pierres usées par le temps. L'herbe était haute et le chat n'avait pas vraiment envie de se frayer un chemin dedans. C'était comme recevoir dix douches d'affilées ou d'être noyé dans un bain sans se noyer. Aussi, il fureta encore, plus avant sur le chemin, heureux de le savoir caillouteux, ca lui évitait d'avoir les pattes trop boueuses. Puis, il le vit. Les pierres ouvrant un chemin par-dessus les hautes herbes. Son esprit de chat ne mis pas longtemps à calculer une trajectoire sortant de l'ordinaire et il bondit sur la première pierre. Puis, la seconde et ainsi de suite jusqu'à s'élever avec agilité au dessus des hautes herbes. Herbes qui, à cette hauteur, donnait l'air d'un sol pavé de pics pour un chat peureux. Après un chemin tortueux digne des plus belles montagnes russes, le chat arriva enfin à cet arbre. Un peu las de s'amuser à bondir, il rejoint le sol caillouteux pour aller se réfugier en dessous. Mais, à peine eut-il baissé les yeux qu'un éclair aveuglant l'air fit apparaître une ombre de bipède.
Sursautant un peu, plus à cause de l'éclair, qu'à cause de la forme humaine. Le chat utilisa sa vue perçante pour l'observer. C'était un homme, plutôt vieux, portant une longue robe à capuche violacée qui cachait ses autres vêtements. Il avait une barbe noire et des yeux terreux. Sans oublier un bâton qui rivalisait sans mal en courbe bizarres et hasardeuse avec l'arbre auquel il semblait venir. Mais le chat pensait que comme lui, l'homme cherchait un abris, donc, il ne lui porta pas trop d'attention. C'est que l'heure était à la toilette en ce temps pluvieux et quand un chat faisait sa toilette, il n'en avait que faire des pas qui s'approche d'un vieux bonhomme qui tente simplement de trouver l'endroit le plus protecteur sous l'arbre. Mais tout ca, c'était dans la tête de chat, car au final, il avait complètement tord. Une voix s'éleva, Irwyn l'écouta et le chat l'ignora :
""Sombre. Je sais qui tu es. Toi, qui est maintenant maudit par tes actes. Toi qui cherche surement à racheter ton pardon. Toi, qui est sur les premières heures d'une longue quête qui te coûtera surement ta vie d'homme. Je sais que le désespoir t'habite, que la peur jaillit partout autour de toi sous formes de démons quand tu regardes le chemin qui t'attends. Que le découragement est si facile et qu'il te hantera longtemps te faisant passer des journées bien froides, le ventre affamé, le museau moue, les coussinets usés, les blessures de dents, de griffes, de becs gagnées pour trois petites arêtes sans valeur. Une aventure fade et épuisante, crois moi, Sombre. Nayris se régale à chaque instant de te voir souffrir le martyr et la supplier de te rendre ta forme humaine. Sombre, tu n'es pas obligé de souffrir."
Il prit une pause sur ces mots, comme pour donner du poids à ce qu'il allait dire. Comme pour faire digérer au chat qui avait finalement tourné le regard vers l'homme après s'être allongé pour se reposer. L'homme essaya de sonder le regard du chat persuadé qu'Irwyn l'écoutait parler. Qu'il était accroché à ses paroles de fanatique. Mais c'était compliqué d'en être si certain, car le chat fixait parfois le regard de l'adepte et d'autres fois, semblait regarder à gauche de lui, voir à droite. Des fois, sa longue robe, d'autres ses sandales.. parfois même son bâton. Si bien, qu'il reprit, ouvrant une main vers le chat.
""Viens à moi, Sombre. Tu n'es pas obligé de souffrir. Il existe un autre chemin, un chemin beaucoup plus facile. Tu n'auras jamais faim. Tu n'auras jamais froid. L'ordre te logera, toujours près d'un âtre. Jamais loin d'une source d'eau potable. Sans maladie, sans puces, sans concurrent sur le marché de la viande. Montre fidélité aux Adeptes de Nayris et peut être que tu regagneras ta forme humaine. Je plaiderais, moi même en prières, ton cas à la déesse. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour racheter tes fautes, te ramener ta forme originelle. Je retrouverais et sacrifierais la vierge innocente que tu n'as pas su laisser mourir s'il le faut ! Et crois moi, c'est à la portée de mes pouvoirs."
Puis, il s'accroupit finalement, reprenant une pause pour regarder le chat droit dans les yeux. Se retenant à son bâton pour que ses vieux os ne soient pas bloqués dans cette position. Il essayait de sonder l'âme du chat, cherchant l'humain à l'intérieur, dans le silence seulement perturbé par le bruit de l'averse qui diminuait, par le grondement du tonnerre et le fracas des éclairs au loin. Plissant les yeux pour pouvoir aller plus loin, plus profondément, percer quelques secrets. Serrant les lèvres en jouant sur ses appuies pour sinueusement chercher à entrer en contact avec le regard du chat. Il finit par lui poser sa question, à ce chat qui ne voulait pas le fixer dans les yeux maintenant :
"Le choix t'appartient Sombre. La voie périlleuse, longue et difficile ou la voie courte et simple. Que choisis tu ? Dis moi tout. Je serais vraiment enjoué de te savoir parmi nous."
La question chuta sourdement dans l'oreille du chat qui soudainement fixa le vieil homme de ses yeux dorés et ovales. D'une manière si surprenante que l'adepte tomba en arrière sur son arrière train. Comme si le chat venait de lui sonder l'âme, profondément. Il secoua le crâne pour ne plus croiser ce regard si perçant. Le regard d'un félin était toujours à croiser avec précaution. Mais même stupéfait, il voulait entendre la réponse et la réponse, il l'eut. Le chat ouvrit sa mâchoire et fit un long :
"Miaouuuu."
Pensant faire un Graoouu. Puis se détourna de l'adepte, quittant l'abris protecteur de l'arbre alors que la pluie s'estompait peu à peu afin de reprendre son chemin. Il rebondissait de pierres en pierres avec agilité, vraiment effrayé par la possibilité de prendre un bain dans les hautes herbes. S'amusant à sautiller ici et là pour retrouver la route principale en pensant au fond de lui que les bipèdes étaient bien bête de perdre leur temps à converser avec un chat. Comme si un chat pouvait leur répondre. Avez vous déjà vu un chat qui parle ? Moi, jamais. Et c'est sur cette note un peu comique que l'adepte regarda l'animal disparaître dans la nuit en lui disant ces quelques mots, alors qu'il se reposait sur son bâton après s'être redressé :
"Ainsi est la voie que tu as choisit, Irwyn Cadhran."